Pulsions - Brian de Palma - 1984 : Plus qu'un hommage ou une simple relecture, Pulsions est un fantasme, le Psychose que voulait voir Brian de Palma. Thriller sensuel, au parfum érotique, exagérant à travers - dans un premier temps - les caresses d'Angie Dickinson l'intimité qu'Hitchcock voulait que l'on ressente lors de la douche de Janet Leigh dans son film, et puis lors de la scène de douche finale (ou presque), la terreur, à travers Nancy Allen.
Ce qui intéressait De Palma dans Psychose, c'est sa forme, car Pulsions est une analyse des plans du film du maître du suspense, les déstructurant et les mettant à la sauce du cinéaste virtuose. Et jamais sa mise en scène n'a été aussi cohérente, le kitsch (utilisé maintes fois dans son oeuvre totale) n'est plus que jamais à sa place dans cette enquête sulfureuse -où la femme n'a rarement été aussi désirable -, angoissante, à l'atmosphère qui peut être qualifiée tout simplement de nymphomane.
L'intrigue, bien qu'intéressante et non dénuée de surprises (remarquable Michael Caine), passe au second plan, car ce qui intéresse le réalisateur et le spectateur, se prenant au jeu voyeur du cinéaste, c'est la chaleur des corps, la passion féminine (passionnelle Nancy Allen), les craintes des femmes, c'est une partie de chasse assez perverse, avec une ambiance érotique tellement fantasmée qu'elle devient fantasmagorique, c'est une plongée dans un univers qu'on connait bien mais qui n'est pas le nôtre, comme Hitchcock l'a fait avec son Vertigo, même si c'est dans des mesures plus grandioses encore.
Mais je pense que, contrairement à son idole Sir Alfred, De Palma aime passionnément ses acteurs/actrices, leurs personnages, et c'est de cela que naît le caractère vénéneux de ses protagonistes féminins, que l'on retrouve beaucoup plus légèrement dans le cinéma du Sir. 5/6
Mr Smith au sénat - Frank Capra - 1939 : C'est dingue comme le film n'a pas pris une ride, toujours d'actualité. Entre le sourire discret du président du Sénat (chez nous, ce serait plutôt à l'Assemblé nationale...), la corruption, la manipulation, les discours inutilement longs, les concessions... Ici, un jeune sénateur naïf à l'idéologie assez enfantine et académique se retrouve face à une horde de politicards qui vont lui mener la vie difficile, qui vont le bafouer, à travers leurs services et la presse qu'ils menacent, afin de ne pas perturber leurs intérêts frauduleux.
Capra est un humaniste pur et dur, parfois un peu simpliste quand il s'enfonce dans une profusion de scènes mièvres et remplies de bons sentiments qui débordent (oui, mon visionnage de La Vie est Belle fut regrettable), mais, quand il saisit la dureté du monde économique et politique, en équilibrant alors humanisme lucide et raison, il est passionnant et bien plus touchant que dans un cas inverse. Point de personnage qui va tenter de se tuer si un miracle ne vient pas le sauver et lui amener du bonheur. Ici, le personnage se bat jusqu'à l'épuisement pour se faire respecter. Et là où le personnage de James Stewart est beau, ce n'est pas seulement dans sa victoire face à une poignée de politiciens qui n'auraient pas hésité à l'abattre en dernier recours, c'est dans sa foi. Sa foi qui lui a permis de prouver à son pays qu'il n'était pas le fraudeur que ses pseudos-collègues ont revendiqué en gardant son idéologie, en ne tombant pas dans le cynisme et dans l'absence morale qui se sont emparés depuis bien longtemps de ses adversaires, en ressortant du Sénat avec l'image d'un homme pur, cette image qu'il avait en y rentrant.
J'ai eu peur, au début, d'être lassé par les divagations politico-culturelles incessantes (et agaçantes) de Jeffrey Smith, mais dès qu'il met les pieds au sénat, le rythme, comme toujours chez le cinéaste, part à cent à l'heure. Affrontement politique, théâtral, comblant la presse, Smith participe malgré lui à la foire médiatique. La critique de Capra est simple mais juste : le panier qu'est la politique n'est pas complètement sale, mais les pommes pourries sentent plus fortes que les autres et les dominent. Frank Capra ne tombe pas dans le bête adage populiste : "Tous pourris".
Bien évidemment, il y a la remarquable interprétation de James Stewart avec son mémorable discours final, le personnage ambigu et passionnant de son "parrain" qui est partagé entre sa réussite politique et le côté paternaliste qu'il a envers Smith, et la voix de Jean Arthur.
Sans tomber dans le pathos que j'ai ressenti dans "La Vie est Belle", le réalisateur (dans une formidable neutralité politique d'ailleurs), fait un portrait amer de l'impuissante politique honnête face au réseau quasi-mafieux de politiciens qui se sont créés eux-même leur puissance. Amer mais doté d'une touche d'espérance, c'est ça le vrai humanisme. 5/6
Sherlock Jr - Buster Keaton - 1924 : J'aime Keaton, il ne fait jamais dans l'outrance émotionnelle dans la période muette du cinéma (l'un des seuls à être mesuré, il me semble), il est plus simple et naturel qu'un Chaplin, et ses films (du moins, ce que j'ai vu, à savoir celui-là et le Mécano de la "Général"...) sont tout ce qu'il y a de plus honnêtes. Ici, c'est l'histoire d'un projectionniste assez miséreux qui entreprend de devenir détective et de conserver sa dulcinée. Magique, dynamique (le rythme est parfait, le film gagne à être un moyen-métrage), Keaton excelle dans la réalisateur comme dans le jeu d'acteur, l'intrigue bien que simple tient la route - l'enquête + la légèreté de l'oeuvre peuvent faire penser aux "Bijoux de la Castafiore", hommage à Sherlock, mais aussi Tintin avant l'heure. Le film est également, dans son sujet, une belle représentation du cinéma, à savoir un lieu de rêve, où on s'échappe du quotidien, mais qui peut laisser, à la sortie, un sentiment amer (mais loin d'être tragique dans le cas présent, car le héros, bien qu'il n'est pas le détective qu'il rêve d'être, retrouve son amour) dû à une immersion merveilleuse dans un univers qu'il vient de quitter. Plus j'y pense, plus j'aime ce film, et je suis sûr qu'il montera encore davantage dans mon estime avec le temps. 5/6
Le Loup de Wall Street - Martin Scorsese - 2013 : Les premières images annoncent la couleur, le lion est lâché, après avoir fait des films "gentils" dans sa cage, il revient en grande forme, rappelant sa décennie glorieuse des nineties, avec cette orgie féroce de trois heures sur les excès plus immoraux les uns que les autres de ces courtiers de Wall Street. Le schéma narratif est absolument le même que celui des Affranchis, mais on s'en fiche : Scorsese n'a pas besoin de réinventer son cinéma pour sortir un grand film (le terme est un peu fort pour son dernier mais bon, c'est quand même du haut calibre), il doit faire et refaire des films identiques à Casino et Les Affranchis, en changeant juste le cadre et le contexte, c'est la voie cinématographique où il est le plus à l'aise, quitte à faire des films mal-aimables.
Car oui, Le Loup de Wall Street est mal-aimable. Du point de vue de ses personnages, pour lequel le cinéaste éprouve une fascination extrême, l'histoire évolue dans un décor misogyne, orgiaque, méprisant la classe moyenne, les personnages ne sont plus que des pantins sans lois ni foi désarticulés par la coke et l'alcool, se sentant surpuissants et supérieurs à toute personne n'ayant pas l'intention de produire le maximum d'argent possible.
Mal-aimable mais indispensable, car le film n'aurait pas sa force si ses personnage n'étaient pas aussi profondément antipathiques. Jouissif, se dégustant avec la formidable bande-originale sous un bain de soleil auquel les personnages se baignent dans une idylle jusqu'alors sans autorité, le film est aussi choquant, entres scènes sexuelles très crues (des films -16 sont plus soft), et propos d'un mépris absolument indépassable d'un DiCaprio au meilleur de sa forme dans le plus grand rôle de sa carrière, absolument brillantissime et qui ne se ridiculise pas dans des chutes du quatrième mur couillues mais particulièrement habiles. A côté de ces scènes de débauche, j'ai également trouvé de belles scènes, particulièrement l'avant-dernière, avec cet agent du FBI qui observe, mélancoliquement, la classe moyenne dans le métro dont il aurait pu s'échapper si il avait cédé aux corruptions de Jordan Belfort. Car au fond, c'est ça le propos majeur du film : la tentation de l'argent, source majeure et désormais unique du pouvoir, de la reconnaissance de l'autrui naïf et envieux, Di Caprio est, avec sa bande qui joue tout aussi bien que lui, le Tony Montana financier des années 90 qui est né dans une période qui ne lui correspondait pas, exactement comme le protagoniste du film de De Palma. Un qui veut construire un véritable Empire Romain, l'autre qui veut reproduire les avantages de la richesse des sixties avec un côté chic vintage, mais avec en plus une immonde perversité qui casse toute la classe dont il a cherché à s'emparer.
Cependant, et cela est sûrement dû aux conditions de production, le film aurait gagné à être un grand film si il s'attaquait davantage au système capitaliste en dépit de quelques scènes crues. Assez regrettable, mais un regret que l'on oublie presque en voyant cette grandiose chute (avec un formidable Jonah Hill effaçant, le regard vide de tout sentiment, les informations qui ont constitué sa richesse, sa réussite et sa raison de vivre, ne s'intéressant à peine à la destruction de son entreprise) dont seul Scorsese a le secret.
Et puis ça fait plaisir, un film de trois heures actuel qui ne démontre pas tout ce qu'on voit à l'écran en long et en large. 5/6 ==> FILM DU MOIS
Cadet d'eau douce - Buster Keaton - 1928 : Plus accentuée sur ce que j'appelle l'outrance émotionnelle de la période muette du genre que ses précédents films, la dernière oeuvre totalement indépendante de Keaton s'apprécie tout de même, ne tombant pas dans le pathos, comme toujours avec ce cinéaste, grâce à la pureté de son oeuvre et sa simplicité, avec un rythme très équilibré et Buster aussi talentueux devant comme derrière la caméra, entre technique assez impressionnante (la scène de la tempête) pour l'époque et pirouettes/cascades bien réussies.
J'ai eu droit à la version sonore de Bach Films, plus que correcte si on veut bien oublier les bruitages rajoutés, rares mais assez embêtants, qui ne sont pas dotés du meilleur goût... Mais je ne vais pas m'en plaindre, Keaton n'y peut rien et la musique accompagne judicieusement le film.
Gentille comédie à la Roméo et Juliette transposée dans le milieu des bateaux à vapeur, mais pas anecdotique pour autant. 4 ou 5/6
Casino - Martin Scorsese - 1995 : C'est un film totalement crescendo qui gagne en intérêt plus le film avance, même si le générique de début est très stylisé, et que je me devais de revoir pour me faire un avis "définitif" sur la trilogie de Scorsese. On a d'ailleurs connu ce cinéaste plus efficace, plus puissant avec des montages davantage aiguisés comme des rasoirs, d'où mon (presque) étonnement de voir ce film en pôle position dans la filmographie du réalisateur dans la plupart de vos tops... Mais comme je l'ai dit, le film monte en puissance - seul le physique de Sharon Stone semble régresser...- De Niro, impérial, tient là certainement son plus grand rôle (et je suis totalement fan de son look vestimentaire, qui plus est) et les seconds acteurs ne sont pas en reste même si on a connu Joe Pesci plus survolté...
A noter qu'il y a une belle utilisation (bien que moins bouleversante, naturellement) du thème "Camille" du Mépris de Delerue, assez pertinente car le film finit par traiter, tout comme l'oeuvre de Godard, des problèmes conjugaux qui ne s'expliquent pas, et cette partie est peut-être la force majeure du film.
Sinon, bien entendu, un autre atout important du film est sa narration, ce que le cinéaste sait le mieux exploiter dans son oeuvre globale avec le montage, et comme le prouve son dernier-né sur Wall Street, il n'a pas besoin de s'essayer à d'autre genre (après il fait bien ce qu'il a envie, et il a raison...), nous ne nous lasserons jamais de ce style.
Je dois également avouer que le film souffre malheureusement un peu de la comparaison avec Les Affranchis, qui est un de mes films de chevet.
Petite ironie du sort à la fin du film, où l'on aperçoit le visage de De Niro plus marqué que jamais, laissant présager que le rôle de Sam Rothstein est peut-être bien le dernier grand rôle de sa carrière.
Mais en soi, cela reste un film parfaitement maîtrisé, de A à Z, et je ne boude pas mon plaisir, même si mon enthousiasme est plus maigre que le vôtre. 5/6
Kick-Ass 2 - Jeff Wadlow - 2013 : Jeff Wadlow n'a sûrement rien compris à l'essence du premier film et du comics car sinon ce second volet aurait gardé le second degré du premier. Mais non, tout ce qui faisait le côté jubilatoire du film de Vaughn a disparu, ici :
- absence d'une bande-originale digne de ce nom, celle du premier était vraiment sympa, ici ce ne ne sont que de simples reprises du thème du premier + quelques musiques fades et insipides.
- humour de mauvais goût qui ne peut plaire qu'au dernier des ados gras pré-pubères, enchaînant des répliques et des gags de collégiens boutonneux.
- mise en scène foireuse, avec scènes d'actions complètement illisibles qui donnent le mal de crâne.
- personnages qui ont totalement perdu leur "cool attitude", et qui n'ont pas été aidés par la qualité de leur jeu qui régresse. Moretz a pris la grosse tête, Johnson n'a pas l'air de croire en ce qu'il fait, et Mintz-Plasse (que j'aime beaucoup habituellement) peine à cabotiner pour satisfaire son rôle bad-guy badass à quatre sous.
- Absence totale de références qui complémentaient le propos ironique du film premier du nom.
Après, peut-être que je n'ai plus l'âge pour ce genre de délires, et, malgré ces défauts d'amateur venant d'un cinéaste qui n'a aucun style, le film se laisse regarder sans grande peine, peut-être parce que j'ai beaucoup aimé le premier opus à sa sortie, mais, et c'est plus probable, sûrement parce que je n'en avais rien à foutre de ce qui se passait dans le second volet, qui ne démarre jamais réellement, et qui se termine exactement avec la même petite morale finale du film de Vaughn. 2/6
Wolfen - Michael Wadleigh - 1982 : La dernière tirade du film, prononcée par Albert Finney, est "Dans son arrogance, l’homme ne sait rien de ce qui existe en dehors de lui, de ce qui existe sur la terre et qui défie l’imagination. Une vie aussi certaine que notre mort. Une vie qui se nourrit de nous, comme nous nous nourrissons de la terre". Wolfen n'est pas un basique film d'horreur qui se contente de son procédé de vision infrarouge quand il s'agit de filmer à travers les yeux de la bête. Non, Wolfen est un film d'épouvante écologique, qui a le mérite de ne jamais être moralisateur, bien au contraire. Tout est ici cynique, désabusé, froid. New-York est en pleine expansion, mais c'est pourtant une ville fantôme, où ne rôdent que des milliardaires déconnectés et camés, des junkies déconnectés et camés également et des flics qui ne croient en rien. Et des loups qui ne reconnaissent plus leur territoire.Et point de fin tragique ultra-violente ou de happy-end à la fin, les hommes restent dans leur ignorance vis-à-vis de la nature tandis que les loups continueront d'attaquer pendant que leur territoire se perd définitivement. Ce qui est bien avec le film, c'est qu'il n'est jamais trop démonstratif, le propos n'est pas surenchéri, il est juste sous-entendu (premier très beau plan avec les Indiens, puis une confrontation "pacifique" finale entre Finney et le loup blanc). Malheureusement, un défaut provient de cela car le milieu du film, entre quelques divagations nihilistes de Finney (très bon), connait un problème de rythme assez conséquent. Mais le film a une jolie atmosphère, et si Wolfen n'est pas le plaisir cinématographique à propos de la lycanthropie que fut "Hurlements" de Joe Dante pour moi l'année dernière, il reste cependant une curiosité cinématographique assez intéressante et surtout honnête. Un bon 4/6
Votre film du mois de Janvier 2014
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Re: Votre film du mois de Janvier 2014
Film du mois - janvier 2014.
Vacas - Julio Medem.
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