Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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aurelien86
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2015)

Message par aurelien86 »

Chapichapo a écrit :Je n'ai jamais eu autant l'impression que si l'enfer existe, il devait ressembler à cette planète Arkana, ou les "raisonneurs" sont noyés dans des latrines, ou les pendus sont oints d'écailles de poissons pour accélérer leur désorbitation , ou les putains sont éventrés par d'énormes phallus en bois…..Malheureusement, cette fascination n' agit qu'un certain temps, et faute d'un minimum d'explicitation scénaristique, l'exercice Boschien tourne à vide. J'avoue avoir été stupidement incapable de démêler les gris des noirs, l'ordre des intellectuels, et n'avoir plus été en mesure que d'étalonner les décamètres de boyaux complaisamment exhibés.
Oui, c'est exactement ça.
On est vraiment dans la merde avec eux, au bout de 2h50 d'étouffement dans des lieux confinés, des plans sur-saturés, de la boue, saleté, poulets, porcs, que des gueules de fous, j'en passe et des meilleurs... et de ce point de vue là, c'est fort (Bosch, Brueghel l'ancien, on est en plein dedans). Mais quand à comprendre quoi que ce soit au film, il faut se lever tôt (les dialogues sont non-sensiques au possible, tous les mecs sont interchangeables, sauf le perso principal, on ne sait pas qui est qui). Et personnellement, il m'a manqué un semblant de trame, ou une évolution scénaristique (au bout 'd'une heure, il n'y a aucune progression, le perso principal a juste visité des lieux interchangeables, et écouter des dialogues absurdes :D ).
LordAsriel
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2015)

Message par LordAsriel »

Je n'ai pas eu tant l'impression que cela que les personnages étaient interchangeables et que c'était si confus, personnellement. Et je trouve par exemple le cinéma d'un Béla Tarr beaucoup plus abscons, ses dialogues beaucoup moins incarnés.

Mais il me semble que le propos ici tourne en rond, et que la méditation achoppe sur des points qui me paraissent pourtant essentiels (le rapport aux enfants, par exemple - trop expédié ou trop peu interrogé...).

C'est dommage parce que formellement, le film est très intéressant dans sa tentative de capter quelque chose du foisonnement de la vie. En outre il y a de vraies visions, certaines chargées d'ambiguïté, comme ces corps pailletés par les écailles de poissons qui les recouvrent, rendus à un pur pouvoir de fascination, alors même qu'ils constituent les stigmates les plus visibles de l'univers morbide qui les inclut.
Et puis le parti-pris des figurants interrogeant par le regard, voire s'adressant à la caméra, comme s'ils étaient conscients d'être observés, imprime à certaines séquences quelque chose. On a parfois le sentiment d'être face à un vrai-faux documentaire, une sorte d'expérience filmée ; mais je pense que Guerman aurait justement pu mettre en relief encore autrement cette donnée, dans un film qui ne parle que d'interactions refusées et de dialogues manqués.
D'un point de vue purement logistique en tout cas, le long-métrage est vraiment impressionnant.

Cependant comme dit ailleurs : j'y ai cru pendant vingt minutes, mais ai finalement trouvé que tant d'énergie dépensée, et 2h50 pour expliquer que l'humanité est un ramassis de gros dégueulasses, c'est à la fois un peu long et un peu court. En fait, je crois que le film est riche, mais souffre aussi de son grand écart esthétique : la dystopie impose une lecture par symboles et à distance, tandis que le traitement naturaliste fait passer par des motifs extrêmement prosaïques pour construire le regard. La fascination pour les fluides dont témoigne le film, par exemple, c'est tellement structurant - je veux dire : l’œuvre s'axe tellement autour d'elle pour se déployer - que les deux idées qu'elle contient ("les corps sont des amas de fluides" et "l'humanité est embourbée") me donnent le sentiment de se manger l'une l'autre, en quelque sorte, plutôt que de s'épaissir mutuellement.
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2015)

Message par cinephage »

bruce randylan a écrit :Et voilà le dernier Guerman qu'il me restait à voir !

Mon ami, Ivan Lapchine (1983)

Un adulte se remémore son enfance à la fin des années 30 quand il vivait avec son père, policier.

Plus que perplexe devant cette oeuvre de transition qui fait clairement la passation entre Vingt jours sans guerre et Khroustaliov, ma voiture !. Le cinéaste cherche à se débarrasser de la narration pour ne garder que des moments creux et des souvenirs anodins (on se remémore pas que des événements marquants après tout) avec une réalisation qui joue le flou avec sa caméra qui est épisodiquement en vue subjective (les autres protagonistes la regardent souvent directement dans les yeux ou furtivement du coin de l'oeil) mais en entretenant le mystère sur l'origine de cette focalisation tandis que le film passe de la couleur, au noir et blanc en passant par le sépia sans que ces changements correspondent à une hiérarchie temporelle ou la personnalisation d'un narrateur.
Le résultat ? Malheureusement une oeuvre imperméable qui laisse très rapidement sur le carreau. Ce qu'on ne nous raconte pas (puisqu'il n'y a pas de narration) ne nous donne aucune raison à nous intéresser au film. Un peu comme si vous trouviez l'album photo d'un inconnu, uniquement constitué de photographies ratés d'événements sans importance à première vue : au bout de quelques pages, on a envie de passer à autre chose... Il y a bien un mince fil conducteur (la vie du policier) mais c'est un fil bien mince.
Et contrairement à Khroustaliov, ma voiture , la mise en scène n'est pas encore assez aboutie et affirmée pour créer ce chaos fascinant et ce tourbillon hypnotique au cœur de ses deux films suivant

Quand on commence VRAIMENT à trouver le temps long, une enquête policière vient aérer enfin un récit qui jusque là n'était enfermé que dans des chambres minuscules et des couloirs étroits. Les plans extérieurs apporte un vrai salut d'autant qu'une "vraie" intrigue s'installe. Mais cette sous-intrigue m'a donné le sentiment d'être un film dans le film, totalement indépendant de la (très longue) première partie.

J'aurais envie de vanter les touches d'humour, les personnages simples ; j'aurais aimé saluer le courage de ce genre d'oeuvre personnelle, originale, intransigeante en marge de toute modes, conventions et formes connues ; j'aurais souhaiter trouver des choses passionnantes dans la forme (il y a en évidement)... Mais non. Ce Ivan Lapchine m'a uniquement ennuyé... Terriblement ennuyé.
Je te trouve assez sévère avec ce film, qui a effectivement pour défaut une distanciation excessive, mais comporte aussi quelques très beaux moments de cinéma, des plans superbes, et une évocation de souvenirs d'enfance avec quelque chose de proustien dans l'approche (petites touches, divers éléments).

Je crois aussi que le film se comprend par rapport à l'époque à laquelle il se rapporte, c'est-à-dire le début des purges staliniennes, notamment du fait que l'on nous montre la pauvreté partout répandue, le marché noir, et comment le bandit, par le partage de ses gains, apparait comme une figure immensément populaire, alors que le policier commence à faire peur (notamment par l'adjoint de Lapchine, qui fait menace arbitrairement sa gardienne et picole comme un trou). On est comme dans un point de basculement dans l'univers soviétique, lorsque le rapport entre le peuple et le système serait en train de basculer de l'adhésion populaire à la peur du pouvoir (ce qui, historiquement, est le cas).
En tout cas, pour moi le film est tout à fait intéressant, et ses qualités compensent largement ses défauts (mais c'est vrai qu'on gagnerait à un peu plus d'implication ou d'émotion).
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par Jack Carter »

lu sur le facebook de Capricci

En septembre il n'y a pas que la rentrée littéraire. Rayon DVD, Capricci sortira un coffret Alexeï Guerman comprenant non seulement son dernier film, IL EST DIFFICILE D'ETRE UN DIEU, mais aussi le mythique KHROUSTALIOV, MA VOITURE!, inédit en DVD jusqu'ici. Nasdrovia!
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par ballantrae »

Magnifique nouvelle car le film mal diffusé n'a pas été assez vu! il est avec le Desplechin et Mad Max fury road dans mon trio de tête de ce début d'année.
Quand j'en aurai le temps, je m'efforcerai de dire pourquoi il s'agit d'un film passionnant et fou notamment du fait qu'il donne l'impression de venir d'une autre époque.
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par Colqhoun »

Le film est désormais disponible sur Netflix US.
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par Flol »

Et je parie qu'on n'est pas prêt de le voir débarquer sur Netflix FR.
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par Jack Carter »

Jack Carter a écrit :lu sur le facebook de Capricci

En septembre il n'y a pas que la rentrée littéraire. Rayon DVD, Capricci sortira un coffret Alexeï Guerman comprenant non seulement son dernier film, IL EST DIFFICILE D'ETRE UN DIEU, mais aussi le mythique KHROUSTALIOV, MA VOITURE!, inédit en DVD jusqu'ici. Nasdrovia!
ça sera donc pour le 1er septembre :wink:
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par gnome »

Jack Carter a écrit :
Jack Carter a écrit :lu sur le facebook de Capricci

En septembre il n'y a pas que la rentrée littéraire. Rayon DVD, Capricci sortira un coffret Alexeï Guerman comprenant non seulement son dernier film, IL EST DIFFICILE D'ETRE UN DIEU, mais aussi le mythique KHROUSTALIOV, MA VOITURE!, inédit en DVD jusqu'ici. Nasdrovia!
ça sera donc pour le 1er septembre :wink:
BR pour Il est difficile d'être un dieu ?
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par Jack Carter »

gnome a écrit :
Jack Carter a écrit : ça sera donc pour le 1er septembre :wink:
BR pour Il est difficile d'être un dieu ?
je ne crois pas.
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par gnome »

Bien dommage pour un film aussi "visuel". Quand on voit les conneries qui sortent en BR...
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par Amarcord »

Sans surprise, donc... Zéro Blu-ray pour nous, alors que, dans le même temps, Arrow le sort en HD... Voilà, voilà...
(et l'ajout - au demeurant fort bienvenu - de Khroustaliov, ma voiture ! pour l'édition DVD française ne change rien au fond de l'affaire)
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par ballantrae »

Si cela change quelque chose car cet accès au film précédent était assez inespéré: bravo à Capricci dont le boulot remarquable tant pour l'édition essais que pour les DVD/BR s'affirme avec constance.
Sans parler de la distribution et de la production...
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par Colqhoun »

Tiens, j'ai essayé de regarder ce film le mois dernier, suite aux multiples louanges lues ci et là.
J'ai arrêté aux 2/3, incapable d'aller plus loin. Trop abscons, répétitif et exaspérant.
Guerman filme la crasse, la boue, la merde, le sang, la laideur absolue d'un monde perdu... mais ne fait pas grand chose d'autre.
J'ai fini par me lasser de tous ces personnages qui passent constamment devant la caméra, de cette abstraction dans le récit, des ces gueules qui crachent, vomissent ou gueulent, sans discontinuer.
Alors oui, il y a des scènes, des images, qui marquent, qui s'impriment, tant la logistique du projet est impressionnante. Et j'ai été happé dans ce cinéma différent pendant un bon moment. Mais ça n'a pas duré et j'ai dû me résoudre à l'évidence: ça ne m'intéressait plus.
Peut-être que je lui redonnerais une chance d'ici quelque temps, car je reste intrigué par ce film hors-normes, complètement différent de tout ce que j'ai pu voir jusqu'à présent. Peut-être que si je l'avais vu en salle, je serais resté jusqu'au bout.
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tenia
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Re: Il est difficile d'être un dieu (Alexei Guerman - 2013)

Message par tenia »

J'ai reçu le Blu Ray de chez Arrow, dont j'ai lu le livret hier soir et effectivement, j'ai peur d'avoir le même ressenti devant le film. Je verrai ça sous peu, j'espère pouvoir regarder le film ce soir.
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