Serge Leroy (1937-1993)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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El Dadal
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Serge Leroy (1937-1993)

Message par El Dadal »

Le mataf (1973)

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Un peu vite évoqué comme le petit film de casse avec Michel Constantin, et régulièrement passé à la trappe des listes de ce que l'hexagone à su produire dans le genre viril, ce Mataf propose pourtant un spectacle à la croisée de plusieurs mondes qui ne se sont que très rarement rencontrés. Les filiations melvilienne et hawksienne sont évidentes, auxquelles il faut ajouter la sanguinité et le romantisme latins apportés par la magnifique partition de Stelvio Cipriani. Mais là où le film est très fort - et je ne crois pas avoir lu quoi que ce soit à ce sujet - c'est qu'il annonce avec presque dix ans d'avance tout Le Solitaire de Michael Mann! Qu'on en veuille pour preuve une patine similaire faite de surfaces métalliques et lisses, de grisaille, de nuits bleues et de rêveries aquatiques. On trouve une structure scénaristique assez similaire (le casseur solitaire forcé de travailler pour une organisation, un 2e acte quasi autonome puis une débandade/vengeance bien tenace), un personnage principal annonçant le Frank de James Caan (dégaine, accoutrement, franc-parler et mutisme de situation) assorti de deux acolytes du même moule. On y trouve aussi une romance qui ne dira jamais son nom et deux scènes de dinner nocturnes au dessus d'une autoroute! Le morceau est trop gros pour que ce soit une simple coïncidence!
Leroy a pourtant l'intelligence d'amener le film hors des sentiers battus du polar, et d'offrir des portraits en creux parfois dignes du cinéma de Sautet. Au milieu de tout ça, on a aussi droit à une scène d'intrusion tout droit sortie d'un giallo, suivi d'un meurtre d'une grande brutalité qui fait froid dans le dos. Puis, le film se termine sans crier gare en queue de poisson et n'apporte aucun réconfort, aucune catharsis. Très joli début de carrière.
novarina
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par novarina »

bonjour et merci !
je suis tout à fait d'accord sur le fait que ce film est très sous-estimé
que les gens qui déplorent le jeu très minimaliste de Michel Constantin
et une certaine lenteur, un côté plat ..n'ont rien compris au fait que c'est totalement volontaire !

Et oui LE MATAF est le père du (le ) SOLITAIRE !

romain
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par Jeremy Fox »

novarina a écrit : que les gens qui déplorent le jeu très minimaliste de Michel Constantin
et une certaine lenteur, un côté plat ..n'ont rien compris au fait que c'est totalement volontaire !
Tu commences bien.
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Flol
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par Flol »

El Dadal a écrit :Le mataf (1973)

Image
Ça existe en dvd, ça ?
(oui tu me vois sûrement venir...)
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Kevin95
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par Kevin95 »

Oui chez René Chateau...

et chez le cousin d'Amérique.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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El Dadal
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par El Dadal »

René Château yep, en 4/3... ce qui fait l'affaire puisqu'il n'existe si je m'abuse pas d'alternative :|
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par Flol »

Soit les conditions parfaites pour découvrir un film pareil, j'imagine.
Hâte de voir ça !
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El Dadal
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par El Dadal »

Qu'est-ce qu'on ferait pas pour se mettre du Serge Leroy sous la dent... (on me murmure La traque dans l'oreillette) :fiou:
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par Flol »

Très bon celui-là, bien poisseux et déviant.
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par El Dadal »

Avec La traque, on peut dire que Serge Leroy a offert son Chiens de paille à la française. Les parallèles avec le Peckinpah abondent, mais pour une fois le jeu des comparaisons ne tournera pas à sa défaveur. Le Chabrol de la grande époque est également convoqué, pour un résultat qui donne la nausée. Leroy était-il un tant soit peu au fait des tendances plus souterraines du cinéma outre-Atlantique ? Car on pourrait aussi se surprendre à y déceler un peu du Craven de La dernière maison sur la gauche...
Le miracle de La traque est de tenir fièrement sur ses deux jambes, totalement dégraissées de quelque excès. Pas de psychologie de bazar, pas de discours lénifiant, pas de fausseté dans les rapports humains. C'est du cinéma au scalpel, suffisamment singulier et honnête pour conserver toute sa force près de 50 ans plus tard. Nerveux, contemplatif, à la fois film de groupe et trip isolé, terriblement mélancolique et dépressif, le film existe dans son propre monde et ne semble pas avoir eu de descendance en nos contrées. Son statut culte aurait pu n'être dû qu'à son extrême rareté. En vérité, il s'agit bien d'un joyau noir.
Merci au Chat qui fume pour le salutaire coup de projecteur.
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G.T.O
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par G.T.O »

Merci El Dadal, ton avis donne envie. :wink: Je me l’attrape très vite.
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El Dadal
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par El Dadal »

Parce qu'il n'y a pas que La traque dans la vie, on va picorer à droite à gauche pour garnir le topic du monsieur (bigup à Fluoglacial qui a solidement alimenté un des meilleurs topics de Classik au passage) :
Fluoglacial a écrit : 27 janv. 15, 01:15 Image

CONTRAINTE PAR CORPS (1988, Serge Leroy)
Aaah, le Women In Prison du Polar80 ! Ah Marianne Basler sans soutif pendant 1h30 ! Ah cette trogne de Vittorio Mezzogiorno, impassible, vicieux, faquin ! Ah, le Portugal et ses Portugais ! Sans oublier Catherine Wilkening, Lisette Malidor (souvenez-vous de la grande noire rasée de 'Ronde de Nuit') et toutes les autres détenues en petite tenue. Claire Vignon est envoyée en prison. Pourquoi ? Parce que le flic fasciste de l'île (: se réclamant du vrai fascisme) l'a surprise à moitié à poil, se rouler sur une plage avec son mec. On ne rigole pas avec la pudeur sur cette île méditerranéenne. N'ayant pas réuni assez de preuves pour la faire coffrer, et après avoir usé de quelques violences accompagné de ses flics musclés, Kasta lui flanque de la côke dans son sâke, bam, 7 ans minimum. Tout ça pour l'user, l'user, l'user et finir par la baiser. Sauf qu'il est tombé sur la mauvaise jument. Claire va décaper toute la prison, fini les tox' qui fument des morceaux de ceintures en cuir et se shootent avec le gaz de la cuisine, fini les suicides, fini les attouchements lourdingues des lesbos. Ouais, et dommage pour le film j'en conviens. En avant la bronzette, le footing, et la positivité ! On se croirait dans un camping80 par moment vu le cadre idyllique et les mœurs légères. Pas tellement de surprise à ce stade là de l'affaire mais Serge 'LaTraque' Leroy s'en sort plutôt pas mal malgré une fin honteuse. PS : Devinez qui meurt.
Fluoglacial a écrit : 19 mai 14, 03:14 Image

DOUBLE FACE (1985, Serge Leroy)
Serge Leroy + téléfilm = non. Donnadieu à double emploi, perdu dans une histoire de sosie, l'un est le mec le plus sympa du monde (un banquier qui sort avec une pute?), et l'autre diabolique. Puis la maman, la fille (jouée par Maiwenn Le Besco), l'accident, tout se bouscule dans sa tête. Et dans la notre aussi.
Major Tom a écrit : 26 août 12, 16:52
Demi-Lune a écrit :L'Indic (Serge Leroy, 1983)
Film moyen, pas désagréable ceci dit, valant essentiellement pour ses comédiens et le temps que le scénario prend pour poser ses bases. Rien de mémorable, simplement un modeste polar qui fonctionne pas trop mal dans les limites de son exercice (et les mauvaises langues rajouteront : de son époque). Auteuil sautille et a une déco intérieure de chiotte, Lhermitte gominé a les Ray-Ban faciles et le pantalon cuir seyant, Donnadieu refroidit l'ambiance et la mimi Pascale Rocard parle d'une voix toute douce. Pendant ce temps-là, Paris est toujours aussi triste sous les mélodies mélancoliques d'un Michel Magne qu'on a connu plus inspiré. Sympatoche.
Oui, c'est sympatoche, je ne l'avais pas trouvé honteux du tout comme film. On s'adapte vite à Lhermitte et à sa tenue de cuir.
Joshua Baskin a écrit : 11 oct. 13, 17:19 Cette semaine je me suis fait Légitime Violence (Serge Leroy avec Claude Brasseur, Thierry Lerhmitte, Michel Aumont et un tout jeune Christophe Lambert) et La Baston (Jean Claude Missiaen avec Robin Renucci, Veronique Genest et Michel Constantin).
Et bien je dois dire que j'y ai pris un plaisir certain. Ce n'est pas très bon (voire pas bon du tout pour le Missaien) mais ces 2 films ont exercé sur moi une certaine fascination. Voir le Paris glauque des années 80, voir Plastic Bertrand chanter une chanson insupportable, des arrêts de bus jaune et rouge, des jeux outrés, une morale borderline...y a quelque chose que je ne m'explique pas.
Je viens de revoir ce Légitime violence (dans son beau blouré qui propose en supplément une interview de sa productrice qui balance tranquillou que, oui, l'auto-justice est justifiée et justifiable parce qu'on va pas venir nous casser les noix, comme ça c'est fait) et ça passe finalement plutôt bien, en grande partie grâce à Brasseur qui traverse le film dans un état second et une charmante Véronique Genest, très libérée à cette époque. Tous les autres sont un peu en roue libre et, en passant juste après La traque, on se rend compte que le rythme et la tension sont aux fraises. Mais pour les raisons invoquées par Joshua, ça continue à se regarder comme un petit Magnum Force camembert pas déplaisant.
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G.T.O
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par G.T.O »

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Enthousiasme un peu réservé face à la Traque de Serge Leroy : quelque chose vient à manquer, ou appuie trop, qui empêche ma totale adhésion.
La force, le film en dispose. Trop, peut-être. Le cadre poisseux, les notables puants, l'ambiance décrépie d'une France repliée sur elle-même qui chasse dans la campagne brumeuse et marécageuse, qui viole et qui tue, celle d'une impunité coupable du pire par réputation, tout cela le film nous le sert avec poigne. La démonstration de Leroy, où les petites lâchetés et autres arrangements font le lit des crimes, et pourquoi pas de la guerre elle-même, pour reprendre la définition de Michael Herr, cette institutionnalisation des petites lâchetés, sonnent comme un véritable coup de poing à l'adresse de cette France giscardienne, complice, congénitalement meurtrière. Sans fioriture, âpre, révoltant, à dessein. Doté de beaux morceaux de chasse, et d'un casting incroyable, reconnaissons-le, la Traque est une course quasiment ininterrompue, à travers bois, colline, bosquets, tunnel, départementale isolée, étang. Mais aussi plus curieusement, un film de siège, à ciel ouvert. Un "home-invader" en sous bois (El dadal très juste sur Chiens de paille) qui se termine en un tableau de chasse : l'agonie du "cerf" dans l'étang, face aux bourreaux devenus spectateurs. C'est donc à une scène dans la scène, une image devenue peinture, mise en abime, comme le tableau d'Ophélie de Millais dans la Dernière maison sur la gauche, que vient se conclure la démonstration. Le couvercle de l'impunité refermé où vient se sceller un secret abominable. Là encore, c'est très fort. Mais ce volontarisme à tout craindre, tarit quelque peu l'espace entre les différentes étapes de ce récit-piège. Et conforte le film indûment dans son idée de sacrifier toutes veilleités des personnages, la moindre hésitation susceptible de nous écarter des rails de la thèse ou du discours, d'où aussi le sentiment plus que d'une traque mais d'une marche forcée vers une destination connue. Les ambiguïtés disparaissant, le film ne fait que rabattre une à une toutes les cartes dont il dispose. Dommage que cette puissance là se fasse au prix d'une exclusion, d'un réel qui aurait pu être plus nuancé encore, (sur le sujet Outrages de De Palma, cet autre film d'horreur, consacré au sujet de la complicité et impunité du spectateur entres autres, est plus perturbant) qui loin, de la complaisance d'une idée que l'on sait forte, le "tous coupable", aurait gagné à être moins déterministe et réductrice.
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par primus »

G.T.O a écrit : 26 févr. 21, 11:21Et conforte le film indûment dans son idée de sacrifier toutes veilleités des personnages, la moindre hésitation susceptible de nous écarter des rails de la thèse ou du discours, d'où aussi le sentiment plus que d'une traque mais d'une marche forcée vers une destination connue. Les ambiguïtés disparaissant, le film ne fait que rabattre une à une toutes les cartes dont il dispose.
Oui. Voilà pourquoi l'avoir vu une fois me suffit. J'en garde exactement ce souvenir là.
Demi-Lune a écrit : 14 oct. 21, 15:27Ah par contre je suis affirmatif, monfilm = primus.
Je suis également Julien, Soleilvert, Nicolas Brulebois, Riqueunee, Boris le hachoir, Francis Moury, Yap, Bob Harris, Sergius Karamzin ... et tous les "invités" pas assez bien pour vous 8)
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G.T.O
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Re: Serge Leroy (1937-1993)

Message par G.T.O »

primus a écrit : 26 févr. 21, 12:13
G.T.O a écrit : 26 févr. 21, 11:21Et conforte le film indûment dans son idée de sacrifier toutes veilleités des personnages, la moindre hésitation susceptible de nous écarter des rails de la thèse ou du discours, d'où aussi le sentiment plus que d'une traque mais d'une marche forcée vers une destination connue. Les ambiguïtés disparaissant, le film ne fait que rabattre une à une toutes les cartes dont il dispose.
Oui. Voilà pourquoi l'avoir vu une fois me suffit. J'en garde exactement ce souvenir là.
Oui, et bien à y réfléchir, ça met le doigt sur l'aspect assez déplaisant du film, imputé à tord à sa dimension critique, dénonciatrice. Or, c'est plutôt un acharnement auquel on assiste, pas seulement du point de vue de la victime, de son calvaire, mais de la pression exercée par le film à aligner toutes les circonstances pour aboutir au démontré. C 'est un ralliement de tous les personnages de manière unilatérale à la bêtise d'une cause, fut-elle motivée par de faibles explications de réputation. On comprend trop vite et trop bien le message du film, tandis qu'on ne comprend guère les motivations des personnages qui, acculés, les conduit au crime; sinon pour les nécessités de l'exposé.
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