Putain, "Twentynine Palms" n'arrête pas de me hanter depuis hier...
C'est rare, un film qui me fasse autant d'effet ! Il sera sûrement dans mon Top 5 de cette année !
6/6 !!!
ATTENTION SPOILERS
NE LISEZ PAS SI VOUS N'AVEZ PAS ENCORE VU LE FILM
Tout d'abord, "Twentynine Palms" renouvelle brillamment le genre du film d'horreur expérimental entamé dans le cinéma américain des années 70 (Délivrance, Duel, La Colline a des Yeux... ) en se servant de toute une mythologie du cinéma américain (on pense à Ford, à Lynch, à Hooper, etc...) Le travail sur le cadre est d'une grande rigueur, d'une précision froide, méticuleuse, on sent que
Dumont est un perfectionniste et ça fait plaisir à voir. Le plus impressionnant vient sans doute du travail sur le hors-champ, on ne cesse de ressentir un danger palpable, inquiétant, l'impression qu'un drame peut arriver subitement.
Mais pour aller encore plus loin, je dirais que le film est une sorte d'odyssée ultime de l'incommunicabilité. Les deux amants sont perdus dans l'immensité du désert et ont donc une relation exclusive, livrés à eux-mêmes et à leur solitude, comme si l'un ne pouvait pas exister sans l'autre (la métaphore sur Adam et Eve est assez saisissante sans jamais être pompeuse). Ils bouffent tout le film, à tel point que les simples figurants qui ne font que passer (la serveuse, les garçons de la piscine...) ont déjà une présence étrange, inquiétante, comme s'ils étaient des intrus qui n'avaient pas leur place. La grande originalité novatrice du film pour moi, c'est de raconter une histoire d'amour fou, absolu, sauvage entre deux êtres, mais dans un univers où prédomine la peur de l'autre. Il y a comme une dichotomie radicale entre deux extrêmes, un déséquilibre instable qui s'amplifie de plus en plus. La première demi-heure est sensuelle, les promenades dans le désert assez oniriques (rhaaa, ce fabuleux plan du train du passe). Mais David s'attache de plus en plus à Katia, parce qu'il n'y a rien autour, et il voudrait la pénétrer (faut voir comment il s'approche d'elle dans la piscine, comme si c'était un prédateur qui cherche sa proie). Cet amour se transforme en une dépendance absolue, les dialogues se vident peu à peu de leur sens. Les engueulades éclatent de façon naturelle. Mais les amants ne peuvent pas se quitter car ils sont prisonniers de leur solitude (ce qui renforce bien sûr l'ironie du décor). Je suis frappé par la simplicité avec laquelle
Dumont parvient à dessiner un cercle vicieux.
Mais parlons maintenant de la fameuse fin qui va sans doute faire parler d'elle. Je pense qu'il y a un certain amalgame entre David et le violeur, comme si le violeur était une sorte de David qui n'avait tout simplement pas trouvé sa Katia. C'est comme s'il était une projection mentale de son côté sombre, le miroir de sa nature profonde. Cette idée peut paraître saugrenue, mais souvenons-nous des râles orgasmiques de David dans sa dernière scène de baise avec Katia. Ils ressemblent bizarrement à ceux du violeur qui encule David. C'est le même orgasme grotesque, outrancier, animal, incongru (dans la salle, certains spectateurs ricanaient bêtement pendant ces deux orgasmes...) Du coup, je trouve la scène de meurtre finalement assez logique. David est complètement défiguré mais en même temps il a découvert son vrai visage (on imagine très bien qu'il a du se regarder dans le miroir avant de se raser le crâne, l'utilisation du hors-champ est carrément flippante à ce moment-là). Il ne peut plus s'affirmer lui-même, il ne pourra plus aimer Katia comme avant, c'était un violeur dans l'âme, et il s'est rendu compte qu'il n'existait plus qu'à travers sa relation exclusive avec Katia. Forcément, l'amour fou ne pouvait conduire qu'au meurtre, à la folie, au suicide.
C'est pour cela que je ne serai jamais d'accord avec ceux qui pensent que
Dumont s'est obligé par complaisance à donner une fin pessimiste à tout prix, juste pour le plaisir de choquer et de faire réagir les spectateurs. Cette fin me paraît totalement cohérente avec le reste du métrage... Et pourtant, pendant le débat, certains spectateurs étaient tellement choqués par sa violence et faisaient une fixation insistante la-dessus en oubliant tout le reste... C'est en gros ce que j'ai expliqué à
Dumont en aparté après le débat, il semblait content et rassuré quand je lui ai avoué que je trouvais la fin tout à fait cohérente. Parce que j'imagine qu'à sa place, il devait se demander s'il en a pas trop fait...