Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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G.T.O
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par G.T.O »

Alexandre Angel a écrit :
G.T.O a écrit : Je ne comprends pas. :oops:
Il veut dire que si l'on considère qu'une certaine primitivité irrigue Le Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau, un certain rousseauisme primitiviste ne saurait être exclu de la conception malickienne d'un contingentement de la question sociale dans sa dimension mystique. C'est du moins l'interprétation que j'en fais.
:lol: Mais ça veut dire quoi ? Le "rousseauisme primitiviste" ? Contingentement de la question sociale dans sa dimension mystique ?
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Coxwell
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Coxwell »

En quelques mots, l'idée de l'abandon de l'être primitif et de sa liberté permet la construction de l'être social qui, de part son contrat, se contingente dans un corps qui est à l'origine de l'état moderne. Cet abandon et rupture (ou tout simplement la tension latente entre les deux états dans une société déjà construite) sont analysées et étudiées de prêt par Malick. Il s’interroge sur la façon de concilier ces états à travers la foi, qui serait l'élément permettant de s'extirper du contingentement social et de réaccéder/interroger l'état initial. Ce questionnement mystique n'est pas à proprement parler malickien, car il a infusé les pré-romantiques et les politiques (Robespierre notamment). Mais il revient à se pencher sur une question essentielle : Comment concilier la liberté et la beauté primitive avec la société du contrat social ? La foi, dans sa représentation, menace, oppression, représente un élément de tension essentiel pour (re)créer un autre lien entre les états de l'être évoquées précédemment tout en même temps que de réactiver/laisser échapper une forme de beauté instinctive et furtive disparue dans la société moderne du contrat.
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Demi-Lune
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Demi-Lune »

mannhunter a écrit :Toujours pas de chroniques de Demi-Lune Boulgakov et Major sur ce topic...il faut peut-être qu'ils digèrent le film..
Me concernant, le temps, et, soyons honnête, l'envie d'écrire sur le forum, me font largement défaut désormais. Ça passera peut-être.
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Alexandre Angel
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Alexandre Angel »

G.T.O a écrit :
Alexandre Angel a écrit : :lol: Mais ça veut dire quoi ? Le "rousseauisme primitiviste" ? Contingentement de la question sociale dans sa dimension mystique ?
GTO, ça veut juste rien dire...c'était une p'tite vanne.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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G.T.O
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par G.T.O »

Coxwell a écrit :En quelques mots, l'idée de l'abandon de l'être primitif et de sa liberté permet la construction de l'être social qui, de part son contrat, se contingente dans un corps qui est à l'origine de l'état moderne. Cet abandon et rupture (ou tout simplement la tension latente entre les deux états dans une société déjà construite) sont analysées et étudiées de prêt par Malick. Il s’interroge sur la façon de concilier ces états à travers la foi, qui serait l'élément permettant de s'extirper du contingentement social et de réaccéder/interroger l'état initial.

Ce questionnement mystique n'est pas à proprement parler malickien, car il a infusé les pré-romantiques et les politiques (Robespierre notamment). Mais il revient à se pencher sur une question essentielle : Comment concilier la liberté et la beauté primitive avec la société du contrat social ? La foi, dans sa représentation, menace, oppression, représente un élément de tension essentiel pour (re)créer un autre lien entre les états de l'être évoquées précédemment tout en même temps que de réactiver/laisser échapper une forme de beauté instinctive et furtive disparue dans la société moderne du contrat.
Merci Coxwell pour toutes ces précisions sur le pacte social. Bel effort d'interprétation de la foi, lue comme produit d'une tension entre deux états. Mais aussi comme moyen d'accès à une liberté initiale perdue. Mais je ne suis pas certain que ton interprétation quasi anthropologique de la foi, aussi belle soit-elle, comme moyen d'accéder à la liberté perdue, soit la formulation malickienne d'interroger la liberté, si tant est que cet élément soit central chez Malick. Pas plus qu'il ne questionne une éventuelle conciliation entre ces états dans une société. De Badlands à Tree of Life en passant par Une Vie Cachée, je ne vois pas quel film de Malick pourrait y correspondre. Personnellement, plus que de liberté, j'y vois surtout une façon métaphysique d'interroger des dualités: par exemple, ce qui dans le monde cohabite (le bien, le mal ), se rend absent ( autrui...). C'est presque toujours depuis une figure absence que Malick interroge ou donne à ressentir une présence ("If I never meet you in this life, let me feel the lack dit à un moment donné le Sergent Welsh dans la Ligne Rouge); son interrogé révèle ou pointe une présence, comme dans Tree of Life, à partir du deuil du frère mort le film se reconstruit) Parfois, l'ordre d'un fondement. De ce point de vue, nous sommes plus proche d'une ontologie.

@Alexandre Angel: j'avais compris mon petit loup ! :D
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Coxwell
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Coxwell »

G.T.O a écrit :
Coxwell a écrit :En quelques mots, l'idée de l'abandon de l'être primitif et de sa liberté permet la construction de l'être social qui, de part son contrat, se contingente dans un corps qui est à l'origine de l'état moderne. Cet abandon et rupture (ou tout simplement la tension latente entre les deux états dans une société déjà construite) sont analysées et étudiées de prêt par Malick. Il s’interroge sur la façon de concilier ces états à travers la foi, qui serait l'élément permettant de s'extirper du contingentement social et de réaccéder/interroger l'état initial.

Ce questionnement mystique n'est pas à proprement parler malickien, car il a infusé les pré-romantiques et les politiques (Robespierre notamment). Mais il revient à se pencher sur une question essentielle : Comment concilier la liberté et la beauté primitive avec la société du contrat social ? La foi, dans sa représentation, menace, oppression, représente un élément de tension essentiel pour (re)créer un autre lien entre les états de l'être évoquées précédemment tout en même temps que de réactiver/laisser échapper une forme de beauté instinctive et furtive disparue dans la société moderne du contrat.
Merci Coxwell pour toutes ces précisions sur le pacte social. Bel effort d'interprétation de la foi, lue comme produit d'une tension entre deux états. Mais aussi comme moyen d'accès à une liberté initiale perdue. Mais je ne suis pas certain que ton interprétation quasi anthropologique de la foi, aussi belle soit-elle, comme moyen d'accéder à la liberté perdue, soit la formulation malickienne d'interroger la liberté, si tant est que cet élément soit central chez Malick. Pas plus qu'il ne questionne une éventuelle conciliation entre ces états dans une société. De Badlands à Tree of Life en passant par Une Vie Cachée, je ne vois pas quel film de Malick pourrait y correspondre. Personnellement, plus que de liberté, j'y vois surtout une façon métaphysique d'interroger des dualités: par exemple, ce qui dans le monde cohabite (le bien, le mal ), se rend absent ( autrui...). C'est presque toujours depuis une figure absence que Malick interroge ou donne à ressentir une présence ("If I never meet you in this life, let me feel the lack dit à un moment donné le Sergent Welsh dans la Ligne Rouge); son interrogé révèle ou pointe une présence, comme dans Tree of Life, à partir du deuil du frère mort le film se reconstruit) Parfois, l'ordre d'un fondement. De ce point de vue, nous sommes plus proche d'une ontologie.

@Alexandre Angel: j'avais compris mon petit loup ! :D
Je suis bien d'accord que cette lecture n'enlève rien à d'autres possibilités d'interpréter la pensée de l'auteur. Ta lecture sur la dualité est intéressante et complémentaire à mes yeux, la foi et le rapport à l'éternel (l'être primitif >< être "sachant" s'interrogeant sur sa condition à partir de "l'éternel") ne l'annulant pas, que ce soit dans Tree of Life, le Nouveau Monde et même dans la Ligne rouge, pour n'en citer que quelques uns.
Je concède au cinéaste un vrai exercice de questionnement philosophique, ce qui n'a rien d'étonnant considérant sa carrière et notamment sa proximité avec des auteurs comme Stanley Cavell par ex. Merci pour ce retour dans tous les cas.
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Jack Griffin
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Jack Griffin »

G.T.O a écrit : Et d’ailleurs, elle est où ta critique mon cher Jack ? :wink: Puisque fait exceptionnel, tu as aimé un film de Malick, ce qui n’ètait pas arrivé depuis au moins les Moissons du ciel, non ?
C'est possible. Disons que malgré l'aspect un brin répétitif et un début qui m'a fait craindre le pire, le film a réussi à m'impliquer très fortement dans les questionnements du perso principal. De la ligne droite de l'ossature du récit et de la relative simplicité du propos, Malick arrive à faire germer par de purs procédés d’immersion (le son, l'angle ouvert, le passage du temps) une réflexion sensible sur le libre arbitre. Et les deux interprètes sont pour beaucoup dans la réussite du film, on croit à leur amour, à la profondeur des sentiments qu'ils incarnent.
Sinon les avis positifs sur ce forum en ont déjà bien parlé. :)
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Supfiction
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Supfiction »

Phnom&Penh a écrit :Les motivations du personnage sont connues et historiques: sa foi catholique et son refus de prêter serment à Hitler. Quand tu en parles comme ça, on a l'impression qu'il a été faire la guerre en France en 1940, puis a été pris d'un subit refus de prêter serment - ou d'aller faire la guerre en 1943. Il n'a jamais été mobilisé avant 1943 et, à priori, il ne refusait pas d'aller se battre mais de prêter serment - c'est là-dessus que porte son objection de conscience. Ce n'est même pas dans le film, c'est le personnage historique.
Je reviens là-dessus. Ne m'étant absolument pas renseigné sur le film avant d'aller le voir et ne connaissant par conséquent rien de Franz Jägerstätter, j'ai effectivement cru en voyant le film qu'il avait participé à la campagne de 1940. Ce qui m'y a fait croire, ce sont les images de destruction (probablement de Pologne) que l'on voit juste après les séquences d'entrainement militaire. Ce n'est qu'après avoir vu ces images d'archives qu'on le voit rentrer chez lui sans être inquiété semble t-il. Par conséquent, la suite des événements n'est pas clair pour qui n'a pas fait de recherche préalable. Malick s'en moque ou surestime sa lisibilité narrative. Il s'adresse à un public précis et déjà acquis qui ne s'intéresse que peu au scénario ou qui arrive en salle déjà préparé. Je me permettrai de le comparer à Tarantino qui pour son dernier film s'est adressé à un public averti mais qui a néanmoins mis tellement de choses dans son film qu'il y a de quoi satisfaire des audiences avec différents niveaux de connaissance.
L'histoire de Franz Jägerstätter et le propos du film sont pourtant simples. Aussi, j'ai l'impression que Malick s'évertue à faire l'ellipse de tout ce qui est du registre de la narration et du langage (adieu aux dialogues) pour se complaire dans le lyrisme et le pathos. On pourrait appeler ça de l'élitisme mais je n'irai pas jusque là car ce serait considérer Flol comme une élite ( :uhuh: ).
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Jack Griffin
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Jack Griffin »

Il est clairement montré qu'il ne part pas faire la guerre. On le voit juste s'entrainer.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Flol »

Jack Griffin a écrit :Il est clairement montré qu'il ne part pas faire la guerre. On le voit juste s'entrainer.
Voilà. Ça m'a semblé pourtant assez évident dans le film, y compris pour quelqu'un comme moi qui ne connaissait rien de l'histoire de Franz Jägerstätter avant de rentrer dans la salle.
Supfiction a écrit :On pourrait appeler ça de l'élitisme mais je n'irai pas jusque là car ce serait considérer Flol comme une élite ( :uhuh: )
Ah ne me tente pas à jouer au jeu du qui est le plus con ! D'autant plus que t'as pris une sacrée avance.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par David Locke »

Coxwell a écrit :Ce n’est pas tant l’humanité qui intéresse et caractérise le cinéma et la réflexion de Malick que l’être, son état initial et la question du contrat social, qui n’est pas tout à fait la même chose que la sociabilité.
Je n'ai pas précisément en tête les écrits de Rousseau (lus il y a plus de 20 ans...), mais je ne pense pas que Malick adhère à une vision de l'être humain "avant/après" l'établissement du contrat social. De mémoire, Rousseau livre une vision intellectualisée de ce fameux "contrat" qui nous lie, et il n'est pas interdit d'interpréter l'existence de ce contrat non comme un fait historique (qui interviendrait à divers moments selon les peuples) mais comme une caractéristique intrinsèque de l'homme qui ne peut vivre qu'en société (ce qui est obligatoirement le cas pour au moins, disons, les 8 premières années de chaque être humain quels que soient le lieu ou la période considérés).
Ne pas oublier que l' "être" dont Malick fait son sujet, est l'être humain, un être réflexif par nature. Or cette réflexivité s'acquiert primitivement par le regard échangé entre la mère et l'enfant (et pas lorsque l'enfant se verrait dans une flaque d'eau ou un miroir). Reconnaître autrui et prendre confiance en lui sont les conditions de la survie de l'homme. Puis, reconnaître autrui comme un autre soi-même est l'étape suivante qui permet de passer naturellement de la sociabilité à la vie en société. L'enfant en bas âge reconnait alors les besoins de ses congénères et y pourvoit le plus naturellement du monde, tout en y trouvant de la satisfaction ! Ce n'est précisément que lorsqu'il se sent en insécurité (dépourvu de contact régulier avec sa mère) qu'il peut développer un comportement égoïste qui consiste simplement à placer ses propres besoins avant ceux des autres.

A mon avis, Malick sait tout cela et n'oppose pas d'un côté l'homme primitif qui se débrouillerait seul avec la nature et l'homme en société ("soumis" au contrat social dis-tu), tout simplement parce que le premier n'existe pas.
En revanche, il distingue d'une part les sociétés qui fonctionnent dans le respect des besoins de chacun en accord avec la nature (un village sur île du Pacifique dans La ligne rouge, un trio de fugitifs sur un radeau dans Les moissons du ciel, une tribu d'indiens d'Amérique dans Le nouveau monde, etc.) de celles qui coupent le lien avec la nature (y compris avec la nature même de l'être humain) et engendrent ainsi une insatisfaction profonde menant à une volonté de maîtrise, et au delà à l'oppression, aux conflits, etc. Il oppose donc la logique de coopération (de l'homme avec ses congénères et avec la nature) avec la logique de la lutte pour le pouvoir.
La ligne rouge donne un exemple de réflexion dialectique intéressant autour de cette opposition : les soldats sont engagés dans un conflit qui revient à s'approprier des territoires par la violence, au prix parfois de leur destruction. Ils sont en cela le produit d'une société déconnectée de la nature, qui s'appuie sur des outils de destruction qui ne font pas de détail. Toutefois, l'un d'entre eux, inspiré par sa reconnexion avec sa nature profonde lors de son séjour avec les insulaires, adopte un comportement altruiste qui inspire les autres soldats à leur tour et crée une communauté où les actes de sacrifice pour le groupe se multiplient. Le soldat qui reste concentré uniquement sur sa mission de combattant sombre quant à lui dans la folie...
Coxwell a écrit :De plus, la question du primitif ne peut pas être dissocié de la question mystique. Il y a chez Malick non pas une question de naïveté mais plutôt de postulat que la mystique native liant l’homme et la nature, brisé par le principe même du contingenté social, dans son acception rousseauiste du terme.
J'ai bien dit que Malick ne fait pas preuve de naïveté. La mystique chez Malick consiste pour moi en une forme d'unicité spirituelle que formeraient les hommes qui se reconnaissent et s'estiment entre eux. Pour reprendre l'exemple de La ligne rouge, non seulement les soldats reconnaissent leurs compagnons d'armes comme un autre soi-même (des êtres souffrants qui partagent une épreuve terrible et forment ainsi une communauté de destin), mais ils finissent par penser qu'ils ne forment qu'une seule subjectivité qui passe insensiblement des pensées de l'un à l'autre.
En revanche, je ne vois pas vraiment de mystique chez Malick liant l'homme à la nature. Celle-ci s'avère dans ses films à la fois un fabuleux réservoir de ressources, mais aussi un bestiaire mystérieux qui échappe à la compréhension de l'homme, voire même une force qui vient ruiner ses effort de vivre en symbiose avec elle (la nuée de sauterelles des Moissons du ciel qui détruit les cultures...)
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Supfiction »

Flol a écrit :
Supfiction a écrit :On pourrait appeler ça de l'élitisme mais je n'irai pas jusque là car ce serait considérer Flol comme une élite ( :uhuh: )
Ah ne me tente pas à jouer au jeu du qui est le plus con ! D'autant plus que t'as pris une sacrée avance.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Coxwell »

David Locke a écrit :
Coxwell a écrit :Ce n’est pas tant l’humanité qui intéresse et caractérise le cinéma et la réflexion de Malick que l’être, son état initial et la question du contrat social, qui n’est pas tout à fait la même chose que la sociabilité.
Je n'ai pas précisément en tête les écrits de Rousseau (lus il y a plus de 20 ans...), mais je ne pense pas que Malick adhère à une vision de l'être humain "avant/après" l'établissement du contrat social. De mémoire, Rousseau livre une vision intellectualisée de ce fameux "contrat" qui nous lie, et il n'est pas interdit d'interpréter l'existence de ce contrat non comme un fait historique (qui interviendrait à divers moments selon les peuples) mais comme une caractéristique intrinsèque de l'homme qui ne peut vivre qu'en société (ce qui est obligatoirement le cas pour au moins, disons, les 8 premières années de chaque être humain quels que soient le lieu ou la période considérés).
Ne pas oublier que l' "être" dont Malick fait son sujet, est l'être humain, un être réflexif par nature. Or cette réflexivité s'acquiert primitivement par le regard échangé entre la mère et l'enfant (et pas lorsque l'enfant se verrait dans une flaque d'eau ou un miroir). Reconnaître autrui et prendre confiance en lui sont les conditions de la survie de l'homme. Puis, reconnaître autrui comme un autre soi-même est l'étape suivante qui permet de passer naturellement de la sociabilité à la vie en société. L'enfant en bas âge reconnait alors les besoins de ses congénères et y pourvoit le plus naturellement du monde, tout en y trouvant de la satisfaction ! Ce n'est précisément que lorsqu'il se sent en insécurité (dépourvu de contact régulier avec sa mère) qu'il peut développer un comportement égoïste qui consiste simplement à placer ses propres besoins avant ceux des autres.

A mon avis, Malick sait tout cela et n'oppose pas d'un côté l'homme primitif qui se débrouillerait seul avec la nature et l'homme en société ("soumis" au contrat social dis-tu), tout simplement parce que le premier n'existe pas.
En revanche, il distingue d'une part les sociétés qui fonctionnent dans le respect des besoins de chacun en accord avec la nature (un village sur île du Pacifique dans La ligne rouge, un trio de fugitifs sur un radeau dans Les moissons du ciel, une tribu d'indiens d'Amérique dans Le nouveau monde, etc.) de celles qui coupent le lien avec la nature (y compris avec la nature même de l'être humain) et engendrent ainsi une insatisfaction profonde menant à une volonté de maîtrise, et au delà à l'oppression, aux conflits, etc. Il oppose donc la logique de coopération (de l'homme avec ses congénères et avec la nature) avec la logique de la lutte pour le pouvoir.
La ligne rouge donne un exemple de réflexion dialectique intéressant autour de cette opposition : les soldats sont engagés dans un conflit qui revient à s'approprier des territoires par la violence, au prix parfois de leur destruction. Ils sont en cela le produit d'une société déconnectée de la nature, qui s'appuie sur des outils de destruction qui ne font pas de détail. Toutefois, l'un d'entre eux, inspiré par sa reconnexion avec sa nature profonde lors de son séjour avec les insulaires, adopte un comportement altruiste qui inspire les autres soldats à leur tour et crée une communauté où les actes de sacrifice pour le groupe se multiplient. Le soldat qui reste concentré uniquement sur sa mission de combattant sombre quant à lui dans la folie...
Coxwell a écrit :De plus, la question du primitif ne peut pas être dissocié de la question mystique. Il y a chez Malick non pas une question de naïveté mais plutôt de postulat que la mystique native liant l’homme et la nature, brisé par le principe même du contingenté social, dans son acception rousseauiste du terme.
J'ai bien dit que Malick ne fait pas preuve de naïveté. La mystique chez Malick consiste pour moi en une forme d'unicité spirituelle que formeraient les hommes qui se reconnaissent et s'estiment entre eux. Pour reprendre l'exemple de La ligne rouge, non seulement les soldats reconnaissent leurs compagnons d'armes comme un autre soi-même (des êtres souffrants qui partagent une épreuve terrible et forment ainsi une communauté de destin), mais ils finissent par penser qu'ils ne forment qu'une seule subjectivité qui passe insensiblement des pensées de l'un à l'autre.
En revanche, je ne vois pas vraiment de mystique chez Malick liant l'homme à la nature. Celle-ci s'avère dans ses films à la fois un fabuleux réservoir de ressources, mais aussi un bestiaire mystérieux qui échappe à la compréhension de l'homme, voire même une force qui vient ruiner ses effort de vivre en symbiose avec elle (la nuée de sauterelles des Moissons du ciel qui détruit les cultures...)
Je n'ai pas beaucoup le temps de développer, mais je crois qu'il y a une sorte de confusion dans ce qu'on entend par le contrat social (du moins dans le sens entendu par Rousseau et qui me semble être pertinent chez Malick). Il ne s'agit pas de s'interroger sur le caractère grégaire d'un peuple quel que soit son état primitif et "social" (Amérindiens, etc.). On parle ici du contrat qui crée un être social à l'origine de l'Etat moderne, abandonnant sa nature et sa liberté pour être au fondement d'un corps social qui justifie la "disparition/désintégration" de l'être antérieur (ce qui fait dire à certains qu'il y aurait les germes du totalitarisme dans le pré-romantisme rousseauiste), posant ainsi la strate essentielle à la construction des Etats modernes tels que nous les connaissons en Occident depuis un peu plus de 200 ans. Chez Malick, il n'y a pas une opposition entre les deux états comme je l'ai évoqué précédemment mais l'idée d'un lien renoué, la recherche d'un dépassement permettant de trouver le point d'équilibre entre l'être primitif-antérieur à la société de contrat (et donc au delà de la simple définition du caractère grégaire de celui ci) et l'être du contrat social dans l'acception rousseausite (peu ou prou). La mystique 'malickienne" est moins celle du lien de l'homme à la nature (et ainsi à l'origine, ou à la conséquence de ce lien) que l'état de nature lui-même, où la foi permettrait de retrouver un élément intrinsèquement beau, instinctif (mais perdu par le contrat évoqué précédemment) et porteur d'une connaissance "antérieure" et "originelle" qu'il faudrait (ré)animer, nourrir, révéler.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Supfiction »

Est-ce que votre débat concerne également Une Vie Cachée ?
Vu que pour ma part, je ne sais toujours pas précisemment pourquoi Franz a dit Nein, ce n'est pas évident.
Vous évoquez le choix de la liberté, dans ce sens, cela peut être en rapport avec le film. En revanche, lorsque vous évoquez le contrat social, je ne pense pas.

Edit: après quelques recherches sur internet, il semblerait que c'est principalement sa foi catholique qui l'amene à refuser de combattre. Parce « qu’il ne peut servir à la fois Hitler et Jésus ».
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Jack Griffin »

Supfiction a écrit : Vu que pour ma part, je ne sais toujours pas précisemment pourquoi Franz a dit Nein, ce n'est pas évident..
Hitler=le mal=>je ne prête pas serment
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