Claude Lelouch

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Re: Claude Lelouch

Message par Supfiction »

Spacey était déjà en Europe, il faisait de la poésie à Rome au mois d’Aout.
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odelay
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Re: Claude Lelouch

Message par odelay »

Bon ben il va devenir un acteur européen. Pour avoir revu tout House of cards pendant le premier confinement, j’avoue qu’il me manque beaucoup en tant qu’acteur.
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Flol
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Re: Claude Lelouch

Message par Flol »

D'ailleurs, pardon mais...il n'a pas été finalement innocenté, Spacey ? Parce que évidemment, tout Twitter s'était enflammé pour dire que la France était décidément la terre d'accueil pour tous les gros dégueulasses de la planète, mais il me semble que personne n'a osé lever le petit doigt pour signaler que tout n'était pas si clair que ça.
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Re: Claude Lelouch

Message par odelay »

Aucune condamnation pour le moment.
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Flol
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Re: Claude Lelouch

Message par Flol »

Mais les poursuites n'ont pas carrément été abandonnées ?
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odelay
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Re: Claude Lelouch

Message par odelay »

Je crois qu’il y en a eu des nouvelles mais ce n’est pas clair.
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Boubakar
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Re: Claude Lelouch

Message par Boubakar »

Une pour toutes (1999)
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En découvrant le film, je me rappelle d'une citation de Lelouch, très critique sur ses films de la première moitié des années 2000 (jusqu'à Roman de gare), où il reconnaissait qu'ils n'étaient pas très bons. D'où le fait qu'il ait épuré ses dialogues. Et celui-là fait partie des films boursouflés, même si je dois reconnaitre que les cinq actrices principales sont très bien filmées.
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Jeremy Fox
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Re: Claude Lelouch

Message par Jeremy Fox »

Vivre pour vivre - 1967

Robert (Yves Montand), grand reporter pour la télévision française, mène une vie aussi mouvementée sur le plan professionnel que sur le plan sentimental. Il est marié à Catherine (Annie Girardot) qu’il continue d’aimer même si leur couple bat de l’aile. Sans qu’elle n’en soit dupe, il ne lui est pas fidèle, la trompant à plusieurs reprises lors de ses nombreux voyages autour du monde durant lesquels il témoigne de l’extrême violence de certains régimes ainsi que des droits de l’homme bafoués ici et là. Sa rencontre avec Candice (Candice Bergen), un top model, va précipiter la fin de son couple marital. Il l’emmène d’abord en Afrique Noire lors d’un safari photo et un reportage sur les groupes de mercenaires puis la rejoint à Amsterdam alors même qu’il se trouvait sur place avec son épouse pour fêter l’anniversaire de leurs rencontres…

Après l’extraordinaire succès international de Un homme et une femme en 1966, Claude Lelouch avait un autre projet avec Jean-Louis Trintignant, un film qui se déroulerait au Brésil. Le comédien se rétracta, lui fit faux bon, et la superstition de Claude Lelouch fit qu’il ne voulut pas le remplacer, préférant abandonner son idée. Son cinquième long métrage sera alors conçu dans l’urgence et écrit en seulement trois semaines avec son comparse de toujours, Pierre Uytterhoeven. Disposant de moyens considérablement plus conséquents suite au triomphe mondial de son film précédent qui s’était également enorgueilli de remporter pas moins que la Palme d’or, Claude Lelouch choisissant pour protagoniste principal un grand reporter aura ainsi pour excuse de pouvoir aller filmer Vivre pour vivre non seulement en France mais aussi en Afrique Noire (séquences de poursuites d’animaux tout aussi spectaculaires que celles du génial Hatari de Hawks), à Amsterdam, à New York (plan magnifique d'une chevauchée dans Central Park) et au Vietnam. Il se sera fait plaisir en allant voyager autour du monde, nous faisant ainsi partager sa générosité de cinéaste par d’innombrables cartes postales dépaysantes bienvenues pour pallier la mélancolique tristesse de l’ensemble et toutes ces images d’archives crues, voire atroces, mises en exergue pour dénoncer les violences policières, la folie de ce monde secoué par différentes guerres et humiliant sans cesse les minorités qu’elles soient raciales, sociales ou religieuses, par la torture, l'endoctrinement ou des passages à tabac.

Le film aurait très bien pu s’intituler ‘Un homme et deux femmes’ ; en effet, à l'instar du grand classique de Lelouch, même style déconstruit sur le fond, mêmes incongruités du montage, même absence de trame dramatique, même narration expressément décousue, même soucis de réalisme dans la description des moments les plus simples de la vie des protagonistes, même amour pour les comédiens d’où découle une splendide direction d’acteurs, même immense sensualité pour les scènes d'amour, même dissociations dialogues/images parfois en décalage, même importance des regards, le film se focalisant principalement sur des instants du quotidien pour narrer cette banale mais poignante histoire d’adultère, le journaliste interprété par Yves Montand oscillant sans cesse entre son épouse et sa maitresse, inoubliable Annie Girardot et superbe Candice Bergen. Claude Lelouch vivait à peu près le même genre de situations à l’époque en menant une double vie sentimentale et s’est beaucoup inspiré de son expérience personnelle pour peindre ce triangle amoureux, pas dupe de ses défauts et pas spécialement fier de ses infidélités, du coup ne mettant pas spécialement en valeur son personnage masculin, Yves Montand n’étant pas parvenu à faire infléchir le réalisateur quand il lui demanda de rendre Robert plus aimable, plus sympathique, plus ‘brave type'. Le réalisateur a bien fait de ne pas céder, l'égoïsme et autres failles de Robert le montrant ainsi plus humain.

Robert est donc un grand reporter pour la télévision française ; il voyage de droite à gauche et pointe du doigt les dysfonctionnements politiques de ce monde, revenant avec des images chocs sur le nazisme, les régimes dictatoriaux en Chine et en Afrique, critiquant la Guerre du Vietnam ou les violences subies par les populations civiles. Ses reportages dont on peut voir des extraits dans le courant du film sont d’une grande violence, certains documents d’archives pouvant encore heurter les sensibilités d’aujourd’hui malgré le fait d’être désormais quotidiennement abreuvés d’images dérangeantes. Un grand moment est son interview plus vraie que nature et d'un étonnant cynisme du chef d’un camp d’entrainement de mercenaires en Afrique, ce dernier et son second ne tarissant pas d’éloges envers un ex-membre de la Waffen SS, en admiration devant ce camarade, glorifiant le fait qu’il soit rompu au combat comme personne et qu'il n'ait aucun scrupules à tuer. Mais si Robert est un reporter brillant, il ne l’est pas vraiment dans sa vie intime ; on peut même le qualifier de mufle lorsque l’on voit comment il prend et rejette ses maitresses pour pouvoir vite passer à la suivante, comment il peut effrontément mentir à son épouse. Comme nous l'évoquions déjà juste avant, on se félicité de ce que Claude Lelouch n'ait pas cédé aux demandes de Montand de rendre son personnage un peu plus aimable ; on ne pourra alors pas dire qu’il s’agisse d’un personnage manichéen, au contraire un Don Juan invétéré tour à tour attachant et haïssable, sincère et menteur, doutant et arrogant.

Les deux protagonistes féminins sont en revanche décrits avec amour par Claude Lelouch qui comme Joseph Mankiewicz, François Truffaut et quelques autres, pourra se targuer d’avoir été l’un des réalisateurs nous ayant offert parmi les plus beaux portraits de femmes, ou plutôt d’avoir octroyé à ses nombreuses comédiennes l’occasion de nous donner des prestations inoubliables. Candice Bergen s'en sort parfaitement bien dans la peau de la maitresse mais c'est surtout Annie Girardot qui tient la dragée haute à ses deux partenaires : rarement elle aura été aussi bien photographiée, rarement elle aura été aussi émouvante notamment lors ce long monologue où elle confie face caméra sa souffrance, ses déconvenues et sa résignation suite à sa séparation d’avec son époux. Elle est toute autant bouleversante que rayonnante. Elle disait d’ailleurs à propos de sa collaboration avec Claude Lelouch et la méthode de travail de ce dernier : "Lelouch nous laisse vivre et nous regarde. Et nous surprend. Nous ne sommes plus des jouets. Il n’y a pas toute une cour alentour et des spots qui vous traquent. Il fait des choses humaines. Dans le travail il donne du bonheur. Je ne connais pas beaucoup de metteurs en scène capables de le faire". Son personnage, Catherine, est le plus attachant des trois d’autant qu’elle n’est pas dupe des trahisons de son mari ; c’est juste que ne voulant pas le perdre, elle feint de les ignorer, de ne s’apercevoir de rien… jusqu’au jour où il ira trop loin, alors en vacances à Amsterdam tous les deux, lui mentant pour aller rejoindre sa maitresse qui s’est établi dans l’hôtel à côté en lui faisant croire qu’il rentre sur Paris pour la nuit pour raisons professionnelles. Elle veut bien subir quelques infidélités mais pas qu’on la prenne pour une idiote. La carrière de l’actrice qui piétinait depuis quelques années fut définitivement lancée grâce à Vivre pour Vivre ; et l’on comprend aisément pourquoi en le voyant !

Grand prix du cinéma français, prix Femina en Belgique, Golden Globe du meilleur film étranger, etc.., on peut dire que Claude Lelouch n’avait pas encore été ostracisé par le petit monde du cinéma comme il le sera ensuite assez rapidement. Même si pour cette chronique douce-amère au postulat tout simple décrivant un couple en crise sur le point d’imploser, l’on pourra déplorer quelques longueurs, quelques séquences trop étirées, quelques agaçants tics de mise en scène et surtout de montage, on ne peut que continuer à admirer comme l’a si bien décrit Michel Aubriant dans la revue Le Nouveau Candide, "la générosité et la profusion de Vivre pour vivre, ses élans et ses flambées, sa lucidité et sa tendresse, ce bonheur, cette ivresse de filmer, ce perpétuel jaillissement d’images." Deuxième grand succès de Lelouch, Vivre pour vivre séduit d’emblée grâce surtout à l’interprétation de son trio de comédiens, à la mise en scène immédiatement reconnaissable de Lelouch (avec notamment ses flamboyantes envolées lyriques, sa caméra à l’épaule, ses magnifiques plans très serrés sur les visages) et à la bande originale de Francis Lai, l’une de ses plus réussies avec notamment une belle chanson interprétée par Nicole Croisille, les ronds dans l’eau. Un beau film sur la complexité des rapports amoureux, la lente dissolution d’un couple, un drame sentimental d’une grande délicatesse et d’une grande justesse qui prouvait alors que Lelouch n’était pas l’homme que d’un seul film (car beaucoup avaient aussi oublié ou plutôt n’avaient pas eu l’occasion de voir son excellent L’amour avec des si en 1962).
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Re: Claude Lelouch

Message par AtCloseRange »

odelay a écrit : 4 nov. 20, 08:43 Voilà une photo prise sur le tournage du dernier Lelouch.
Rien ne vous fait dire :shock: ?

Rien?


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Apparemment c'était juste une visite.
J'avais raté ça pendant ma pause Classik :shock:
Vu de 2022 c'est encore pire :mrgreen:
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Supfiction
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Re: Claude Lelouch

Message par Supfiction »

AtCloseRange a écrit : 6 janv. 22, 13:07
Vu de 2022 c'est encore pire :mrgreen:
C’est plus un détail mais deux. :uhuh:
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Jeremy Fox
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Re: Claude Lelouch

Message par Jeremy Fox »

Un autre homme une autre chance - 1977

En 1870, pendant le siège de Paris par les prussiens, Jeanne (Geneviève Bujold), fille d'un boulanger, fait la connaissance de Francis (Francis Huster), un photographe dont elle tombe amoureuse. Ils quittent la France pour aller s'installer en Amérique en espérant y trouver une vie meilleure et un climat plus serein pour exercer la photographie. Après avoir traversé une bonne partie de la vaste étendue du pays, ils décident de s’arrêter en Arizona pour ouvrir leur studio photo. Parallèlement, David (James Caan), vétérinaire dans un bled paumé, perd sa femme, violée et assassinée par des brigands. Désormais seul pour élever Simon, le fils qu’il vient tout juste d’avoir, il préfère se rapprocher d’une ville où il pourra laisser son rejeton à garder. Quelques années se sont écoulées… C’est dans la même pension où Simon vient étudier que Jeanne fait éduquer sa fille. Par l’intermédiaire de leurs enfants, David et Jeanne sont destinés à se rencontrer…

Si en lisant le pitch ci-dessus ce rapprochement de futurs conjoints vous rappelle quelque chose, ne vous étonnez pas plus longtemps ; c’est en effet tout à fait normal puisqu’il s’agit également du point de départ dix ans plus tôt du film le plus célèbre et célébré du réalisateur, Un Homme et une femme, Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée s’étant connus grâce à leurs enfants fréquentant le même pensionnat, mais à l'époque à Deauville. D’ailleurs le titre au tournage de ce 18ème long métrage du réalisateur devait au départ s’intituler Another Man, another woman. Sauf qu’avant que David et Jeanne se rencontrent, comme souvent chez Lelouch, nous aurons auparavant suivi en parallèle une bonne heure durant leurs histoires respectives, le superbe, audacieux mais mal-aimé Toute une vie quelques années plus tôt prenant encore plus de risques en faisant s'accoster les deux futurs amoureux seulement aux toutes dernières secondes de son film. Un autre homme, une autre chance pourrait n’être qu’une variation 'westernienne' sur ce thème assez banal mais le film est bien plus ambitieux que ça, débutant en France alors qu’allait avoir lieu la Commune et se poursuivant aux USA avec conjointement l’histoire de ce vétérinaire américain ainsi que l'aventure de la conquête de l’Ouest pour ce couple de français. Et le résultat est au-delà de nos espérances ; enfin en tout cas au moins pour ceux qui voient déjà au départ en Claude Lelouch un excellent metteur en scène. Il ne reste plus qu'à essayer de convaincre les plus réfractaires qui pourraient avoir une bonne surprise malgré leurs à priori.

Et quitte à choquer les puristes du genre ou à faire écarquiller les yeux de beaucoup (surtout ceux n'ayant jamais vu le film), à mon humble avis Lelouch signe avec Un autre homme une autre chance l’un des plus beaux westerns des années 70. Cocorico ! Si seul Henri Verneuil s’y était sérieusement risqué la décennie précédente avec l'efficace La Bataille de San Sebastian, Claude Lelouch réitère l’exploit et s’en sort donc haut la main. Évidemment la forme et le fond des deux films n’ont strictement rien à voir et celui de Lelouch, fidèle aux marottes et thèmes récurrents de son réalisateur, relate avant tout une très belle histoire d’amour, voire même plusieurs simultanément et successivement. Avant de poursuivre la lecture, sachez qu’il me sera difficile pour analyser le film de passer sous silence certains éléments importants de l’intrigue ; autrement dit, pour ceux que ça dérange fortement même s’il ne s’agit pas d’un film à twist ni à suspense, des spoilers vont se trouver disséminés au sein de la suite du texte ! Pour en revenir aux histoires d’amour, il y en aura donc trois. Tout d’abord celle entre David et son épouse, couple dont les relations auraient tendance à se dégrader par le fait de ne pas être en accords sur les conditions de vie qu’ils désirent poursuivre ; alors que David souhaite continuer à exercer son métier de vétérinaire dans le trou perdu où ils ont emménagé, sa femme non seulement s’y ennuie mais est également constamment inquiète de rester seule à la maison et préfèrerait qu’ils changent de cadre de vie, à savoir aller déménager en ville. La suite des évènements va démontrer qu’elle n’avait pas tout à fait tort puisqu’après avoir accouché d’un garçon, alors que David est parti travailler, elle se fait violer et assassiner par des truands de passage. La séquence nous montrant la découverte du corps de sa femme par David est grandement émouvante sans que Lelouch n’en fasse des tonnes, bien au contraire, tout en retenue et en silence ; grâce aussi à une interprétation exceptionnelle de James Caan qui semble s’être investi avec passion dans son personnage, facilité par le fait qu'il se soit merveilleusement bien entendu avec son réalisateur. Suite à ce drame, David fera ce que son épouse lui a toujours conseillé, partir travailler plus près d'une ville où son enfant pourra être surveillé et éduqué.

Contigu à ce récit tragique, nous suivons la romance entre Jeanne et Francis qui débute en France alors que les prussiens font le blocus de Paris en 1870, juste avant la Commune. Jeanne, la fille du boulanger, devait se marier mais elle rencontre Francis, un photographe. Ils tombent immédiatement amoureux et décident de tenter la grande aventure pour échapper aux tumultes et tragédies qui déchirent la France. Les voilà embarqués pour un bateau en direction du Nouveau Monde en quête d’une vie meilleure. Après avoir participé aux convois de la conquête de l’Ouest, fatigués par l'éreintant voyage, ils s’arrêtent dans une petite ville de l’Arizona où ils ouvrent leur studio photo. Après quelques années de bonheur, d’espoirs et de désillusions, un drame va avoir lieu, Francis se fait tuer bêtement pour avoir photographié une pendaison qui l’a d’ailleurs tout comme sa femme grandement dégouté. Cette mort brutale, on ne l’apprendra que plus tard dans le film lorsque Jeanne la racontera à David. Car on l'aura bien vite compris, la romance entre Jeanne et David, il s’agira de la troisième histoire d’amour, la plus importante du scénario même si Lelouch a largement pris le temps et avec raison de développer les deux autres. Ce récit commence donc alors même que le spectateur ne sait pas encore que Jeanne est entretemps devenue veuve : du Lelouch pur jus qui joue avec malice et une certaine délectation des ellipses et des dispersions temporelles. C’est la partie qui s’inspire avec force variations de l’intrigue de sa Palme d’or ; et c’est évidemment la plus lyrique, la plus tendre et la plus émouvante, le couple formé par James Caan - charismatique à souhait - et la délicieuse Geneviève Bujold fonctionnant à merveille surtout grâce à la direction d’acteurs de Lelouch qui a comme à son habitude beaucoup laissé ses comédiens improviser. Et comme l’on sait désormais que le cinéaste n’a jamais obtenu de meilleures séquences que lors de ces moments-là, on se régale jusqu’au bout de leurs naturels et de leurs fraicheurs.

Et contrairement à ce que l’on aurait pu croire au vu de son style habituel et par le fait aussi que le cinéaste soit allé tourner un western sur le terrain de jeux des américains, le tout est filmé sans trop d’emphase, la musique mélancolique de Francis Lai reste discrète, son thème principal aussi beau que doux et l’ensemble demeure assez sobre malgré une caméra très mobile. Le cinéaste se paie même le luxe de nous offrir des images jamais ou rarement vues au sein d’un western comme cette partie de billards avec les joueurs montés sur des chevaux ou encore, beaucoup moins spectaculaires mais assez poétiques, celles de l’apparition et du croisement de cavaliers sur les chemins sillonnant le Far-West, à priori rien de plus banal mais qu’aucun cinéaste n’avait pensé filmer jusque-là. Niveau grandiloquence on regrettera néanmoins, surtout au début, le premier mouvement de la 5ème symphonie de Beethoven utilisé excessivement à tort et à travers, mais, excepté ce défaut, Un autre homme une autre chance s’avère être une des plus harmonieuses réussites de Lelouch. La photographie de Stanley Cortez et Jacques Lefrançois est exceptionnelle et pour s’en rendre compte il ne suffit pas de longtemps : les séquences parisiennes sont déjà de ce point de vue assez bluffantes, témoin ce plan séquence dans les sous-sols éclairés à la torche. Les teintes automnales/sépias de la partie américaine semblent vouloir reprendre celles de vieilles photos jaunies puisque le prologue assez ironique sur la vision biaisée qu’ont les Français du Far-West nous aura fait comprendre que le récit se fait du point de vue d’un homme du 20ème siècle qui raconte l’histoire de sa grand-mère, à savoir Jeanne. Lelouch prend pleinement possession des décors qu’il a sous les yeux et démontre une formidable maitrise de sa caméra, du cadre et de l'appréhension de l’espace.

La critique et les cinéphiles américains ont toujours porté Lelouch aux nues (il suffit encore de lire les avis dithyrambiques sur Un autre homme une autre chance sur imdb, quelques-uns n’hésitant pas à dire qu’il s’agit d’un des plus beaux westerns qu’ils ont pu voir et à comparer Lelouch à Frank Borzage) et les producteurs hollywoodiens lui ont toujours fait les yeux doux sans que jamais le réalisateur - malgré une certaine fierté de recevoir de tels appels du pied - ne cède aux sirènes des dollars et de la gloire, préférant continuer à faire les films qu’il voulait sans devoir se faire imposer quelconques contraintes. Il s’était déjà rendu en Amérique pour tourner en 1969 Un Homme qui me plait avec Annie Girardot et Jean-Paul Belmondo mais pour un film presque 100% français. Pour son western, l’United Artists a participé à la production mais sans être majoritaire, Lelouch ayant pu avoir toute liberté, montage y compris. Il put donc bénéficier d’énormes moyens et faire ce qu’il en voulait sans devoir en référer à quiconque. Cet argent se voit à l’écran notamment lors de la course spectaculaire organisée pour voir se confronter cavaliers, chariots, attelages légers et coureurs à pied, le vainqueur étant un Indien ; peut-être pour contrer ceux qui quelques séquences auparavant auraient pu croire qu’ils les décrivaient comme des sauvages (car oui, pour de bonnes ou de mauvaises raisons peu importe, il y eut des convois de pionniers attaqués par les Indiens et des morts qui en découlèrent). Une séquence d'une belle ampleur, superbement montée et filmée qui ravira les spectateurs qui se seraient sentis jusqu'à présent lésés en terme d'action ou de scènes mouvementées.

Dans Un autre homme une autre chance, par le pouvoir immersif de sa mise en scène qui utilise encore beaucoup la caméra à l’épaule, les longs plans séquences et à l’inverse de larges et lyriques mouvements de grue, avec une grande assurance Lelouch s’approprie avec talent et respect les intérieurs et extérieurs que tous les amateurs de westerns connaissent par cœur, sachant avec sa sensibilité d’européen rendre son film réaliste tout en n’hésitant pas à prendre de l’ampleur pour être en harmonie celle des paysages. Pour cadre à ces différentes histoires d’amour, la conquête de l’Ouest avec ses grands espaces, ses contrés sauvages, ses avancées aventureuses, du beau et grand romanesque. "Qui trop embrasse mal étreint" aurions pu nous craindre ?! Sauf que contrairement au pénible classique qui prend pour titre cette grande aventure, réalisé par George Marshall, Henry Hathaway et John Ford, Un autre homme une autre chance préfère s’arrêter sur des choses simples, prendre son temps pour camper ses personnages, les relations qu’ils nouent, n’ayant pas peur de perdre le spectateur par quelques digressions, jeux avec le montage et la construction du récit (voir comment nous apprendrons la mort de Francis), clins d’yeux à ses films précédents (la séquence d’apprentissage de tir au pistolet reprenant celle de Le Bon et les méchants, le télégramme de félicitation envoyé par Jeanne à David qui rappelle Un homme et une femme…), arrêt du son lors de scènes mouvementées (l’attaque des indiens), temps morts, tentation de documentariste, curieux enchainements de scènes, longues séquences sans à priori d’intérêts mais qui au contraire nous immergent encore mieux dans le quotidien de ces braves gens… C’est au contraire toutes ces idées de mise en scène qui rendent le film encore plus mémorable car elles ne sont jamais faites au détriment de l’ensemble mais nous rendent au contraire le film encore plus précieux.

Bien en a pris à Claude Lelouch de ne pas toucher à son ADN pour se frotter au genre américain par excellence : le choc de ces deux mondes à priori antinomiques nous aura permis de pouvoir bénéficier de cette pépite qui aurait pu atteindre l’excellence sans quelques abus de Beethoven et en resserrant quelques rares scènes. A signaler également un casting aussi improbable que miraculeux, James Caan et Geneviève Bujold, tous deux inoubliables, côtoyant un Francis Huster très sobre, un Jacques Villeret drôle et attachant, un Michael Berryman déjà aussi inquiétant qu’il le sera dans La Colline a des yeux de Wes Craven, mais aussi Richard Farnsworth (le vieil homme qui parcourt les USA sur son tracteur dans Une Histoire vraie de David Lynch) ou Susan Tyrell superbe dans le rôle de l’ex-prostituée devenue nourrice et maitresse d’école. Le Far-West cher aux amateurs de western ici reconstitué avec soin mais avec une sensibilité spécifiquement française. Un film fort bien mené, grandement attachant, tendre et spectaculaire à la mise en scène aérienne et virtuose, superbement documenté pour s’être inspiré de gravures d’époques. Lelouch a souhaité nous livrer une chronique de l’Ouest et de ses nouveaux pionniers la plus véridique et la plus pertinente possible : il a pleinement réussi son coup à travers cette émouvante et pudique histoire d’amour qui se termine sur un plan somptueux. A redécouvrir impérativement en espérant que Metropolitan aura la bonne idée de sortir le film à l’unitaire.
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Re: Claude Lelouch

Message par Zelda Zonk »

Jeremy Fox a écrit : 7 janv. 22, 08:00
Jeremy Fox a écrit : 6 janv. 22, 07:59 Dès demain pour compléter cette présentation, la chronique de Un Homme qui me plaît.
Chronique que voici
Belle chronique Jeremy :)
Pour avoir revu récemment La bonne année, je trouve que ces deux films ont une certaine parenté, notamment dans leur peinture de la relation amoureuse et des sentiments, et dans le naturel confondant des acteurs (Ventura-Fabian pour le premier, Belmondo-Girardot pour le second), comme si l'histoire d'amour n'était jamais jouée ou surfaite à l'écran, mais bien réelle, là, déroulée devant nos yeux de spectateurs témoins, presque gênés devant tant d'intimité, de symbiose et d'alchimie entre les deux interprètes.
Je préfère toutefois nettement Un homme qui me plaît, plus minimaliste, plus brut, plus organique, non parasité par une intrigue finalement secondaire (le casse de la bijouterie dans La bonne année).
Dernière modification par Zelda Zonk le 7 janv. 22, 10:33, modifié 1 fois.
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Re: Claude Lelouch

Message par Jeremy Fox »

Zelda Zonk a écrit : 7 janv. 22, 10:28
Jeremy Fox a écrit : 7 janv. 22, 08:00

Chronique que voici
Belle chronique Jeremy :)
Pour avoir revu récemment La bonne année, je trouve que ces deux films ont une certaine parenté, notamment dans leur peinture de la relation amoureuse et des sentiments, et dans le naturel confondant des acteurs (Ventura pour le premier, Belmondo pour le second), comme si l'histoire d'amour n'était jamais jouée ou surfaite à l'écran, mais bien réelle, là, déroulée devant nos yeux de spectateurs témoins, presque gênés devant tant d'intimité, de symbiose et d'alchimie entre les deux interprètes.
Je préfère toutefois nettement Un homme qui me plaît, plus minimaliste, plus brut, plus organique, non parasité par une intrigue finalement secondaire (le casse de la bijouterie dans La bonne année).
Merci ; et j'ai justement revu La Bonne année en début de semaine :wink:
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Re: Claude Lelouch

Message par mannhunter »

Un 50ème film au cinéma demain:

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Re: Claude Lelouch

Message par cinéfile »

Tendance qui se confirme : les termes "amour", "vie" et leurs dérivés sont omniprésents dans la carrière de Lelouch.

1962 : L'Amour avec des si
1967 : Vivre pour vivre
1968 : La Vie, l'Amour, la Mort
1974 : Toute une vie
1984 : Viva la vie
2005 : Le Courage d'aimer
2010 : Ces amours-là
2014 : Salaud, on t'aime
2017 : Chacun sa vie
2019 : Les Plus Belles Années d'une vie
2021 : L'amour c'est mieux que la vie
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