Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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mannhunter
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par mannhunter »

Supfiction a écrit : 10 déc. 21, 16:20Tu habites Caen ?
non
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tchi-tcha
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par tchi-tcha »

Revu à l'occasion de sa diffusion dans quelques salles cette semaine (rappel : s'il passe près de chez vous il vous reste deux autres chances ce lundi et ce mardi), et la révision n'a pas été à l'avantage du film :(

On passe du "beau film même si je ne comprends pas le délire des fans et des exégètes" de mon souvenir à un plus sévère :

Mulholland Drive (David Lynch)
Note globale : 7/10
...et dans le détail :
8,5/10 pour sa coda (Diane), conclusion brutale qui signe la fin d'un rêve,
5,5/10 pour la première partie (Betty), pilote pas fameux pour une série télé qui ne verra jamais le jour (et c'est pas plus mal vu le jeu de Naomi Watts)

Passé complètement à côté du phénomène à l'époque, pas mieux aujourd'hui.

Image

Mulholland Drive serait un peu le Sunset Boulevard de David Lynch, le destin tragique de Diane, une actrice qu'on devine ratée, aussi malheureuse et frustrée en amour que sur le plan professionnel. Il nous offre quelque chose de rare : partager pendant plus d'une heure et demi un rêve de Diane.
Mais puisqu'on ne sera resté dans sa tête que le temps du rêve (que Lynch filme comme une réalité à peine distordue/vrillée par une caméra instable, par son travail sonore, par des sourires trop idylliques pour sonner juste et par l'émerveillement indécrottable de la provinciale "Betty"), on ne possèdera pas toutes les clés de sa psyché.
Lorsque le cow-boy signe la fin du rêve en disant à sa blonde qu'il est temps de se réveiller, on n'est guère davantage aidé puisque Lynch filme la réalité comme un cauchemar éveillé (ou avec son barnum habituel, si je voulais employer une formule bête et méchante), dont il ne donne qu'une vision fragmentée et fragmentaire.

Si la page Wikipédia le dit, c'est forcément vrai, Lynch refuserait d'expliquer son film, le décrivant seulement comme "a love story in the city of dreams. Ce qui en fait est justement la meilleure explication : une histoire d'amour à Hollywood, une usine où beaucoup de rêves viennent se briser, ceux des aspirants comédiens, ceux des artistes aussi (le rêve de "Betty" est clair : à L.A. ce sont les mafieux et l'argent qui font la loi, pas les réalisateurs).
Mais n'écoutons pas Lynch, si les artistes étaient les mieux placés pour interpréter ou analyser leur oeuvre, ça se saurait. Donc on en arrive aux deux approches décrites par Thaddeus en page précédente, d'une part un puzzle infini de signes à repérer/décortiquer (la boîte noire, la clé, le clochard, etc), d'autre part un truc génial parce qu'on n'y comprend rien (il suffirait de renoncer à comprendre pour que l'envoutement opère).
Je ne prétendrai pas que les exégètes sont dans un pur délire de sur-interprétation, Lynch ouvre des portes, des pistes, et laisse libre qui voudra de s'y engouffrer. Mulholland Drive se prête parfaitement à l'exercice, c'est une oeuvre d'art, et c'est une oeuvre d'art stimulante, je ne vais pas m'amuser à le nier pour le plaisir de troller.

Ne pas tout comprendre, ça ne me gène pas, et après tout c'est le prétexte parfait pour revoir encore une fois un film qu'on a aimé ("bah pourtant tu l'as vu cent fois, tu devrais le connaître par coeur, LOL", vous avez déjà entendu ça j'imagine).
Ne pas partager l'admiration de ceux qui y voient le plus beau film des années 2000, voire le plus beau film de cinéma tout court, ça c'est quelque chose qui m'embête davantage. J'ai l'impression d'avoir raté un truc... oui mais quoi ? Et ça aussi, ça vous est déjà arrivé, devant Shining (coucou Flol), Ad Astra (re-coucou Flol, moi aussi je préfère Gravity), Wes Anderson, Eric Rohmer, les films iraniens qui gueulent plus fort que les japonais (si si, c'est possible, c'est halford66 qui le dit) ou d'autres...

Bref, je continue à largement préférer Lost Highway (ruban de Möbius et matrice de Mulholland Drive), revu la semaine dernière avec toujours autant de plaisir malgré son côté arty cheap et ses outrances sur fond de Rammstein.


PS (et léger HS) David Lynch avait collaboré avec la néo-zélandaise Tiny Ruins le temps d'un joli single :

Tiny Ruins Dream Wave (2016)
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Truffaut Chocolat
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Truffaut Chocolat »

tchi-tcha a écrit : 13 déc. 21, 01:38 Ne pas partager l'admiration de ceux qui y voient le plus beau film des années 2000, voire le plus beau film de cinéma tout court, ça c'est quelque chose qui m'embête davantage. J'ai l'impression d'avoir raté un truc... oui mais quoi ? Et ça aussi, ça vous est déjà arrivé, devant Shining (coucou Flol), Ad Astra (re-coucou Flol, moi aussi je préfère Gravity), Wes Anderson, Eric Rohmer, les films iraniens qui gueulent plus fort que les japonais (si si, c'est possible, c'est halford66 qui le dit) ou d'autres...

Bref, je continue à largement préférer Lost Highway (ruban de Möbius et matrice de Mulholland Drive), revu la semaine dernière avec toujours autant de plaisir malgré son côté arty cheap et ses outrances sur fond de Rammstein.
C'est quoi qui t'embête en fait ? Parce que tu lui trouves des qualités à Mulholland Drive, c'est pas comme si tu le trouvais mauvais (après tout pourquoi pas).
C'est valable pour tout, on peut aimer Citizen Kane mais pas Barry Lyndon, Rashomon mais pas 8 et demi, etc. (exemples interchangeables à l'infini).
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tchi-tcha
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par tchi-tcha »

Disons que c'est sa réputation qui me laisse perplexe, son statut qui dépasse largement le seul cercle des amateurs de David Lynch.

Même s'il a honteusement tronqué mon propos dans sa citation, le body snatcher Supfiction n'a pas eu tort de déplacer mon propos dans le topic "Les films réputés que vous n'aimez pas" (topic ouvert en 1978 et inactif depuis 1992).
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Truffaut Chocolat
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Truffaut Chocolat »

tchi-tcha a écrit : 13 déc. 21, 17:49 Disons que c'est sa réputation qui me laisse perplexe, son statut qui dépasse largement le seul cercle des amateurs de David Lynch.

Même s'il a honteusement tronqué mon propos dans sa citation, le body snatcher Supfiction n'a pas eu tort de déplacer mon propos dans le topic "Les films réputés que vous n'aimez pas" (topic ouvert en 1978 et inactif depuis 1992).
Bah dans ce cas tu l'aimes bien mais pas autant que les autres, pas au point de le défendre ou d'en faire une pierre blanche dans ton parcours tout ça.
C'est différent de "pas aimer" dans le sens "dislike" je trouve.
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par tchi-tcha »

Exactement, d'où mon signalement (indigné) pour la citation (scandaleusement) détournée par (l'infâme) Supfiction dans un autre topic (déterré).

Mais en lisant tous les messages enthousiastes sur Mulholland Drive ici, par exemple et sans aller chercher sa place dans tel ou tel classement de Télérama ou des Inrocks, je me sens déjà en porte-à-faux en n'ayant pas été plus emballé que ça.

Et le revoir hier soir (puisqu'il ressort dans quelques salles de France cette semaine) ne m'a toujours pas fait voir la lumière, je ne comprends toujours pas ce qui a bien pu se cristalliser autour de ce film.
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Truffaut Chocolat
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Truffaut Chocolat »

tchi-tcha a écrit : 13 déc. 21, 18:05 Et le revoir hier soir (puisqu'il ressort dans quelques salles de France cette semaine) ne m'a toujours pas fait voir la lumière, je ne comprends toujours pas ce qui a bien pu se cristalliser autour de ce film.
Pourquoi c'est bien ? on en parle pendant 18 pages dans ce thread. :mrgreen:
Si tu ne comprends pas pourquoi, c'est pas de la faute des pro-MD, c'est pas non plus de la tienne, c'est juste que t'as pas accroché voilà tout.
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par tchi-tcha »

Truffaut Chocolat a écrit : 13 déc. 21, 18:28 (...) c'est juste que t'as pas accroché voilà tout.
C'est exactement l'état d'esprit dans lequel j'étais hier soir. J'avais juste envie de revoir Mulholland Drive parce que ça ne fait jamais de mal de revoir un film (toujours revoir, toujours se méfier de ses souvenirs et de ses propres jugements)... et parce que j'ai la chance qu'il soit programmé dans ma ville (ça aurait été bête de ne pas en profiter pour me le refaire sur grand écran... dans une salle assez dégarnie hier à 20 heures au passage).
Regarder un film en essayant de comprendre pourquoi tout le monde dit que c'est un chef d'oeuvre, c'est la meilleure façon de rester à l'extérieur et d'en sortir déçu. "Attention, c'est un grand film, si tu n'es pas bouleversé c'est toi qui a un problème !", te dit une petite voix dans ta tête. Alors que non, tu n'as pas de problème, tu n'as pas accroché, c'est tout :D

Truffaut Chocolat a écrit : 13 déc. 21, 18:28 Pourquoi c'est bien ? on en parle pendant 18 pages dans ce thread. :mrgreen:
18 pages que j'ai relues, pour info :wink:

Et on ne m'empêchera pas de penser en lisant certains messages que ceux qui ont "accroché" ont aussi sévèrement décroché pour partir en roue libre dans leurs interprétations. Ce n'est pas de la moquerie, et ce serait même plutôt un compliment. Si les analyses partent aussi haut, c'est que le film s'y prête, qu'il y a suffisamment de matière à réflexion dans cette oeuvre.
(comparaison n'est pas raison, mais les analyses du Camping de Fabien Onteniente ne sont pas tout à fait au même niveau que celles consacrées au 2001 de Kubrick, pour jouer les extrêmes)

Une petite surprise à la révision, la première partie du film (le rêve de "Betty") est beaucoup plus longue que dans mon souvenir, et la coda (le réveil de Diane) est beaucoup plus courte (et du coup encore plus tragique et brutale dans sa façon de chambouler et d'enrichir la compréhension globale). Décidément, si Mulholland Drive obéit à une logique, c'est bien à celle d'un rêve. Tu as peut-être déjà fait des rêves qui semblaient avoir duré très longtemps pour te rendre compte au réveil qu'en fait tu n'avais fait qu'un somme de 30 minutes.
Donc plus grand film des années 2000 faut pas pousser, mais oui Mulholland Drive est un rêve.
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Ouf Je Respire »

tchi-tcha a écrit : 13 déc. 21, 20:33 mais oui Mulholland Drive est un rêve.
Comme Eraserhead, Lost Highway et d'autre encore!
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par tchi-tcha »

Oui mais non, pas tout à fait. La première partie de Mulholland Drive, c'est comme si Lynch avait plongé directement sa pellicule dans le cerveau de "Betty" pour imprimer son rêve. Il re répond pas exactement à la même logique que le road-trip mental de Lost Highway ou que le conte Eraserhead.

(Pas sûr du tout d'être bien clair, là... :? )

(bah... on dira que c'est un hommage au cinéma qu'il faut pas chercher à comprendre de Lynch...)
Dernière modification par tchi-tcha le 14 déc. 21, 21:25, modifié 1 fois.
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Ouf Je Respire »

tchi-tcha a écrit : 14 déc. 21, 16:11 Oui mais non, pas tout à fait.
OK, ça se tient. Ou pas. Tout Eraserhead est un cauchemar!
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Ouf Je Respire »

Allez, on va dire que ça se tient.
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Ouf Je Respire »

De toute façon, je préfère Eraserhead.
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par Paroju »

tchi-tcha a écrit : 13 déc. 21, 01:38 Je continue à largement préférer Lost Highway (ruban de Möbius et matrice de Mulholland Drive), revu la semaine dernière avec toujours autant de plaisir malgré son côté arty cheap et ses outrances sur fond de Rammstein.
Je crois que je préfère aussi Lost Highway (que j'ai pas revu depuis 20 tout comme Mulholand drive d'ailleurs). Mais ce fut tout autant un choc cinématographique et plastique que sensoriel : j'ai adoré la BO qui colle aux années 90 : Manson, NIN, trent Reznor, Rammstein (en effet) mais aussi Bowie, du free jazz...
Torrente a écrit : 29 mai 22, 22:08 Bon sinon, #pas_touche_à_Paroju!
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Re: Mulholland Drive (David Lynch - 2001)

Message par AtCloseRange »

tchi-tcha a écrit : 13 déc. 21, 01:38 5,5/10 pour la première partie (Betty), pilote pas fameux pour une série télé qui ne verra jamais le jour (et c'est pas plus mal vu le jeu de Naomi Watts)
Je vais rebondir là-dessus: comme tu as vu le film plusieurs fois, tu as dû constater comme tous les spectateurs la rupture avec la scène de l'audition, non?
Comme c'est le rôle qui a révélé Naomi Watts, on peut effectivement se poser des questions sur son jeu à la première vision (ce fut mon cas - et c'est ça qui rend la scène de l'audition si incroyable) mais une fois qu'on a compris que le côté "wide-eyed" est totalement voulu, c'est bizarre que tu gardes ce reproche à la révision.
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