Le critique résume parfaitement ce que je pensais de cette abération audiovisuelle. Comment une catastrophe pareille a-t-elle pu voir le jour ?
Mystère ...
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« N'est-ce point vilénie que ma tant Mahaut soit à se goberger comme une truie dans ce logis que mon grand-père a fait bâtir ? »
C’est par ces mots bravement déclamés du haut de son fier destrier que Philippe Torreton, alias Robert d’Artois, ponctue son entrée dans la cour du château perfidement occupé par sa tante Mahaut, Jeanne Moreau. Il signe par là même une entrée pour le moins fracassante dans l’univers de ces Rois maudits. Des Rois qui n’ont pas fini de se retourner dans leurs gisants respectifs de la Basilique de Saint-Denis après l’incroyable insulte que constitue cette nouvelle adaptation de la saga romanesque de Maurice Druon, qui du fond de sa retraite doit s’époumoner « N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? ».
Ce n’est pas en réunissant le gratin du cinéma français, en bombardant réalisatrice une personne qui serait de tout évidence plus à sa place sur Plus belle la vie, ou encore en confiant la direction artistique à un dessinateur qui aurait mieux fait de se cantonner à gribouiller dans Métal Hurlant que l’on réussit à faire d’une œuvre littéraire aussi imposante que Les Rois maudits une série télévisée digne de ce nom. Un rapide coup d’œil suffit parfois pour réaliser sans l’ombre d’un doute que le désastre est sur le point de nous accabler de toute sa puissance, que le cataclysme va s’abattre de toute son inéluctable force sur nos frêles épaules de téléspectateur innocent.
Oui, Les Rois maudits de Josée Dayan fait partie de cette catégorie de crimes télévisuels dont on sait immédiatement qu’ils vont nous faire passer un sale quart d’heure. Alors quand on imagine que le calvaire s’étalera sur plus de sept heures, on est en droit de se demander comment un tel ratage a pu se produire. Comment a pu survenir le pire enchaînement de décisions que la production française aura connu ces vingt dernières années, sans qu’aucun responsable ne pût être lapidé en place publique pour ses fautes ?
La torture est chose prohibée dans un pays dit « civilisé ». Comment est-il alors possible qu’au XXIe siècle, dans le pays de Diderot, Rousseau et Voltaire, on soumette le téléspectateur à un supplice à peine moins cruel que celui subi par les amants de la Tour de Nesles ? Comment et surtout pourquoi ? Fort heureusement, à l’heure des comptes, les responsables peuvent se pointer du doigt sans difficulté.
Coupable ainsi, Josée Dayan d’avoir hold-upé l’Histoire de France. D’avoir remplacé une page, certes pas forcément la plus glorieuse, mais hautement romanesque, littéralement plus grande que nature, par une logorrhée verbale et visuelle sans le moindre souffle dramatique et sans la moindre étincelle de vie. Sans la moindre notion de dramaturgie ni de mise en scène, et surtout sans la moindre considération pour son spectateur. Coupables les scénaristes d’avoir mutilé au dernier degré un texte unanimement reconnu pour sa qualité. Coupable la production d’avoir spoliée le contribuable en utilisant les fonds de la redevance audiovisuelle pour monter cet improbable projet. Coupable l’ensemble du casting de s’être vautré avec concupiscence dans une parodie d’interprétation, donnant ainsi corps à un cortège interminable de simagrées théâtrales, qui devrait à coup sûr faire baisser les inscriptions dans les conservatoires d’art dramatique.
Coupable Philippe Druillet de s’être honteusement emparé d’une imagerie médiévale en tous points innocente et de l’avoir modelée en un délire baroque, hors sujet, anachronique, et d’un mauvais goût absolu. Coupables les mauvais doublages à peines dignes d’un porno italien des années 1980, et coupables aussi les effets visuels tirés d’une mauvaise série Z d’héroic fantasy. Coupable Bruno Coulais d’avoir assommé l’auditoire avec une musique aussi subtile qu’un concert de Richard Wagner joué au quart de sa vitesse normale, et qui si elle ne donne pas envie d’envahir la Pologne dès que l’on en perçoit la première mesure donne à coup sûr l’envie de se fracasser la tête contre les murs à la deuxième.
Coupable enfin le spectateur d’avoir osé regardé sans conscience, discernement, ni respect de soi un produit honteux et scandaleux à tous égards. Car dans cette sinistre affaire, le téléspectateur est autant victime que complice. Oui, complice d’avoir cautionné au-delà des dix premières minutes un spectacle parfaitement indigne du matériau dont il est tiré. Complice de ne pas avoir zappé dès la première chevauchée à travers les blés de deux pantins sur fond de ciel enflammé par le soleil couchant. Coupable de passivité et de fainéantise d’esprit. Coupable de consciencieusement payer sa redevance tout en n’ayant aucun droit de regard sur l’usage qu’il en fut fait par les pouvoirs publics.
L’Histoire de France est-elle à ce point détestable qu’on lui fasse subir pareil affront ? Le spectateur est-il à ce point haï qu’on veuille lui infliger pareil supplice en prétendant au renouveau de la série à gros budget fédérant les énergies ? A quoi bon réunir autant de talents devant la caméra si c’est pour les livrer aux soins incompétents d’une direction, n’ayons pas peur des mots, complètement à la rue ? Et pourquoi remuer si vigoureusement, non pas le couteau, mais carrément la hallebarde dans la plaie quand chaque nouvel épisode conduit un peu plus l’auditeur aux portes de l’Enfer Télévisuel ? Veut-on la mort du spectateur ? Ou la mort de la « fiction à la française » ? Dans ce cas, à qui profite le crime ? Aux producteurs ? Probablement pas si l’on en juge par l’audience lors de la diffusion.
Qu’il se dénonce ainsi, celui qui aura supporté de son plein gré cette farce grotesque et honteuse qui bafoue tant l’Histoire que la littérature qui en est tirée, que le théâtre qui en naquit au fil des siècles ou que le cinéma qui s’en inspire encore. Qu’il se dénonce et qu’il fasse pénitence en tournant ses prières vers le salut promis par les hérauts d’outre-mer.
Les Rois maudits fait désormais partie de ces immenses cataclysmes dont on se demande comment il est possible qu’ils survinssent. Une souillure indélébile sur le cuir de notre Culture, inscrite au fer rouge dans la chair des victimes comme des bourreaux, une insulte à l’intelligence des spectateurs. Une expérience nietzschéenne, dont on sait que si elle ne nous tue pas, elle nous rend plus fort. La Dayan eût-elle vécu en ces temps reculés qu’elle insulte, qu’un tel soufflet l’aurait directement envoyée au Gibet de Montfaucon, sans procès équitable ni recours légal, et que personne n’aurait trouvé à y redire.
Concernant les bonus, le moins que l’on puisse dire, c’est qu'ils sont à la hauteur de la bérézina que constitue la mini-série. C’est une section proprement anecdotique, qui n’est pas une insulte au consommateur à proprement parler, mais qui prête tout de même à sourire de par sa vacuité intrinsèque.
On retrouve ainsi d’une part des arbres généalogiques des principaux personnages de la série, à l’indigence confondante, et d’autre part une frise chronologique des grands événements de la période couverte par Les Rois maudits d’une lisibilité douteuse. Le dernier « supplément » est constitué par une malheureuse page html sur partie Rom qui renvoie vers le site officiel de la série.
Maintenant, faut-il regretter l’absence sur cette édition d’un quelconque bonus expliquant le pourquoi du comment du drame ? Le doute reste permis car ce n’est pas tant un making-of dans la veine de Lost in la Mancha qu’il eût fallu monter, qu’un procès à charge des responsables et des coupables d’un tel massacre.
D’un point de vue sonore, la piste 5.1 n’a de 5.1 que le nom. Presque intégralement concentré sur l’avant, le mixage est d’une platitude extrême, et ne présente aucun relief de quelle sorte que ce soit. Il a donc au moins le mérite de ne pas entraver la clarté des dialogues, mais aussi d’économiser les enceintes arrières et le caisson de basse, ce qui est toujours appréciable si l’on veut ménager ses relations diplomatiques de voisinage.
Là encore l’image est extrêmement décevante. Si le master est propre (encore heureux), la compression est très aléatoire, la saturation est chancelante, les couleurs sont parfois trop saturées, parfois trop délavées, la définition est médiocre, et la photo met plus en avant le manque de moyens qu’elle ne les masque.