Le Western Muet

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Le Western Muet

Message par Ann Harding »

Je voudrais créer un sujet spécifique sur le western au cinéma muet car il me semble que tous les mythes, les clichés, les personnages du Far-West et les grands récits épiques sont nés à cette époque-là. Je recopie ici quelques unes des critiques que j'avais publiées dans le passé sur le site. En attendant d'en ajouter quelques autres lorsque je vais revisiter certains films.
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The Invaders de Thomas H. Ince - 1912
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Ce western de 40 min brasse tous les thèmes classiques:

Le traité qui permet aux Sioux de vivre sur leurs terres est révoqué (sans aucune sommation) lorsque la compagnie de chemin de fer envoie des ingénieurs sur le terrain. D'ailleurs les envahisseurs du titre sont les topographes envoyés par cette Cie...(They Died with their Boots On, Fort Apache)
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La fille du colonel flirte avec un sous-officier (She Wore a Yellow Ribbon, Fort Apache)
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La fille du chef indien flirte avec un ingénieur (Indian Fighter, Across the Wide Missouri)
La fille du chef repousse un prétendant qu'elle déteste...
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Comme vous pouvez le voir, le film utilise déjà les décors naturels avec une belle imagination pour 1912! Et les indiens du film sont de vrais Sioux d'une réserve du South Dakota. Ils sont des personnages à part entière, des êtres humains. Ils ne sont pas de simples sauvages qu'il faut éliminer. Bien sûr, l'image est paternaliste, nous sommes en 1912!!! Mais, malgré tout, ce film est impressionnant! On a presque une impression de documentaire sur cette période. J'ai pensé aux sublimes photos de Edward S. Curtis, ce photographe américain qui dans les années 1900-1910 a photographié toutes les tribus indiennes.
(Film disponible dans le coffert More Treasures from the American Film Archives, Z0, US.)

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Hell's Hinges (Le vengeur, 1916) William S. Hart

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Voici un western fascinant qui annonce les futurs films de Clint Eastwood comme High Plain Drifter, Pale Rider ou Unforgiven. William S. Hart est devant et derrière la caméra (bien que son nom ne soit crédité au générique).
Nous sommes dans une petite ville champignon au nom particulièrement évocateur: Hell's Hinges (les charnières de l'enfer). Un jeune pasteur fraîchement émoulu arrive dans ce petit patelin qui n'a que faire de lui. Une réunion dans le saloon local prépare un accueil particulièrement glacial pour lui. Au milieu des gredins et autres canailles locales, se détache Blaze (W.S. Hart), un mauvais garçon au regard froid. Il décide d'accueillir le pasteur à sa façon. Mais, quand celui-ci arrive, il est accompagné par sa soeur. Blaze rennonce à ses mauvaises intentions.....

Les westerns produits par Ince à cette époque sont absolument formidables par leur construction, leur cinématographie et l'utilisation des décors naturels. Celui-ci porte la marque de son auteur: William S. Hart qui s'était fait une spécialité des good/bad men. Une gestique très lente et mesurée, un visage allongé hiératique. On ne peut s'empécher de penser à Clint eastwood. Je ne serais pas surprise si Clint n'avait pas étudié certains films de Hart. les thèmes abordés sont à peu près identiques: la ville 'infernale' où les habitants brûlent l'église avec un vengeur solitaire. Il faudra attendre 1970 pour voir à nouveau un tel anti-héros sur l'écran!
A découvrir d'urgence pour les amateurs de western!!!

(Le film est disponible dans la boîte Treasures from American Film Archives.)

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The Narrow Trail (Révélation, 1916) de William S. Hart & Lambert Hillyer

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Ice Harding (WS Hart) est un hors-la-loi qui sévit dans les montagnes où il attaque les diligences, jusqu'au jour où son regard croise celui de la belle Betty (Sylvia Breamer). Il décide de se réformer mais, la belle se révèle être une entraineuse dans un saloon mal famé de San Francisco...

William S. Hart est le prototype du mauvais garçon au regard glacial. Il semble être l'ancêtre des héros de western cool et 'taiseux' du type de Clint Eastwood. Dans ce film, il s'amende en découvrant une femme qu'il croit pure et sans tâche. De ce point de vue, il est assez intéressant de comparer les comportements de Harding lorsqu'il découvre la véritable vie de Betty et celui de la fille lorsqu'elle découvre sa vie de hors-la-loi. Il l'insulte et la quitte brusquement alors qu'elle le pardonne et le comprend. Le film montre que la société est tout aussi corrompue à la campagne qu'à la ville. Le film se termine sur un happy end avec un hymne au retour à la nature. C'est seulement le deuxième western de WS Hart que j'ai pu voir mais je suis vraiment fascinée par le personnage du 'good bad man' qu'il représente tout de noir vêtu. Il a eu certainement une influence énorme sur les réalisateurs et les acteurs des futurs classiques du western. Dommage que la copie présentée ait été issue d'un contretype.

La scéance à la cinémathèque était précédée d'un court-metrage, un western français de 1910 de Jean Durand: Pendaison à Jefferson City. Eh oui! Les français faisaient du western dans les années 10 et exportaient leurs films aux USA! :shock: Ils tournaient généralement en Camargue; mais celui-ci est encore plus exotique: tourné à Romainville dans la banlieue parisienne! :mrgreen: Le Missouri de l'Ile-de-France n'a d'ailleurs pas trop mauvaise allure car ils ont filmé dans une carrière et une usine désaffectée. Joë Hamman était la star des cowboys français de l'époque. Très amusant. :)

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The Last of the Mohicans (1920, M. Tourneur & C. Brown)
Le film a été présenté dimanche dernier à la cinémathèque dans une superbe copie 35 mm d'une netteté et d'une beauté étonnante! :shock: Cela faisait un sérieux contraste avec les contretypes granuleux habituels pour le muet.

Cora Munro (Barbara Bedford) et sa jeune soeur sont escortées à travers la forêt jusqu'au fort commandé par leur père, Le général Munro. Mais, en route leur guide -à l'air passablement inquiétant- l'indien Magua (Wallace Beery) se perd...

Cette adaptation du roman de James Fenimore Cooper est absolument superbe. La cinématographie sur grand écran est spectaculaire avec des immenses forêts de pins surplombant des cascades et des lacs et le tout, filmé avec une science de la composition difficile à imiter. Les scènes des massacres perpétés par les hurons sont particulièrement effrayantes. Wallace Beery -méconnaissable sous son maquillage- incarne le mal et la concupiscence avec brio. Les autres acteurs du film sont également dignes d'éloges: Alan Roscoe (en Uncas) offre une charactérisation incroyablement moderne et Barbara Bedford est tout simplement formidable en Cora. Elle est déterminée et farouche comme la fragile Mary Johnson dans Le Trésor d'Arne (1919, M. Stiller).
Spoiler (cliquez pour afficher)
La séquence finale avec la mort de Cora et Uncas fait vraiment froid dans le dos.
Un film à découvrir d'urgence. :)

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The Vanishing American (1925, George B. Seitz) avec Richard Dix, Lois Wilson et Noah Beery.
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L'Indien Nophaie (Richard Dix) fait l'expérience de l'injustice reservée aux Indiens dans les reserves. L'agent du gouvernement local, Booker (Noah Beery) est corrompu et veut sa perte...
Si vous pensiez que John Ford avait été le premier à utiliser Monument Valley, eh bien! regardez plus haut! :fiou: Ce western pro-Indien contient un plaidoyer remarquable sur le sort réservé aux peaux-rouges au sein des réserves. On les parque sur les terres les plus arides. On vole leurs chevaux. On les envoie au front durant la 1ère GM. Richard Dix offre une figure noble et tourmentée dans le rôle principal. Il est contrasté par l'ignoble traitre interprété par Noah Beery (le demi-frère de Wallace) pourri jusqu'à la moelle. La bande son, enregistrée en public, offre des surprises avec le public qui applaudit lors de l'éviction de Beery! :uhuh: Le film a quelques longueurs comme le tout début qui se traîne légèrement. Mais, la fin est très bien amenée. On retrouve dans ce film la plupart des thèmes de Devil's Doorway (1950). On peut d'ailleurs penser que le scénariste a du voir The Vanishing American car on y retrouve également une relation platonique entre l'Indien Dix et l'institutrice Lois Wilson. Les extérieurs sont splendides et le film vaut d'être découvert. (disponible en zone 1US, chez Image Entertainment)

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Redskin (1929, Victor Schertzinger) avec Richard Dix et Tully Marshall
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Le petit Wing Foot (R. Dix) est envoyé à l'école (contre son gré) puis au College pour faire de lui un américain bon teint. Mais, il découvre les préjudices intenses de la société et décide de retourner dans sa tribu...
Comme le film précédent également interprété par Dix, on explore le racisme anti-indien présent dans la société américaine des années 20. Le film a une cinématographie superbe en Technicolor bichrome (reproduisant le rouge et le vert) pour toutes les séquences qui se passent dans le monde des Indiens et monochrome (B&W teinté ambré) pour la société 'blanche'. La restauration est absolument remarquable: la plus belle copie Technicolor bichrome que j'ai jamais vue! :shock: Le scénario est moins acéré que celui du film précédant et se termine par un 'Happy End' peu crédible. néanmoins, c'est vraiment un film à découvrir pour se rendre compte que tous les westerns futurs se sont inspirés profondément de tous ces films muets. (disponible dans le coffret Treasures III -Social Issues in American Films, Zone 0 US)
Dernière modification par Ann Harding le 29 déc. 09, 16:05, modifié 2 fois.
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Re: Le Western Muet

Message par Ann Harding »

Ma dernière découverte en date à la cinémathèque. :)
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The Cod Deck (Grand Frère, 1917) de Wm S. Hart

Jefferson Leigh (Wm S. Hart) est joueur professionnel dans une petite ville de l'ouest. L'arrivée de sa jeune soeur Alice (Mildred Harris) qui est gravement malade va modifier le cours de son destin. Il part avec elle vers les hauts plateaux suivant les recommandations du médecin. Là Jefferson est confronté à la belle Coralie Mendoza (Alma Rubens) qui fait tout pour le séduire, en vain. Il provoque sa jalousie qui va avoir de terribles conséquences....

C'est maintenant mon cinquième film de (et avec) William S. Hart. Je suis maintenant une inconditionnelle de ce westerner qui sait comme personne créer une atmosphère et qui a une sens du récit extraordinaire. Il est rarement crédité au générique de ses films comme réalisateur, mais, c'est bien lui qui est derrière les manettes avec souvent un co-réalisateur comme L. Hillyer ou K. Baggot. (Quand le producteur T.H. Ince ne s'approprie pas indûment le crédit de réalisateur au générique! :mrgreen: ) Il travaille avec une équipe remarquable, le directeur de la photo, Joseph August et un scénariste formidable nommé C. Gardner Sullivan qui rédige aussi les intertitres avec grand talent. Dans ce film rare restauré par la cinémathèque, il est un homme déchu, un ancien gentleman Sudiste qui gagne sa vie en jouant au poker. L'arrivée de sa jeune soeur bouleverse son existence. On retrouve toujours ce thème de la rédemption dans tous ses films de cette époque, souvent par amour pour une femme. Mais, il ne sombre jamais dans le moralisme. Au contraire, il conserve une vision nette de l'Ouest sans chercher à le rendre plus sympathique. Le film a sans aucun doute été tourné dans les mêmes montagnes de Californie avec ses immenses séquoias que certains films de De Mille comme The Trail of the Lonesome Pine (1916) et A Romance of the Redwoods (1917) et il utilise habilement ces décors naturels avec ses forêts gigantesques et ses cabanes en rondins. Mais, c'est le personnage de Jefferson Leigh qui occupe l'écran. C'est un gentleman; il baise la main des dames dans les saloons les plus sordides comme si il était dans un salon d'une propriété de Virginie. Et pour sa soeur, il ira jusqu'à attaquer une diligence pour pouvoir lui payer un médecin, en vain. A ce moment-là, Leigh s'effondre en larmes près du corps d'Alice. Le film contient assez peu de chevauchées spectaculaires, mais, il y a une cascade formidable où Leigh glisse le long d'une pente sur son cheval blessé avec un réalisme typique de ces années-là. William S. Hart est un formidable comédien. A découvrir d'urgence! :D
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Re: Le Western Muet

Message par Ann Harding »

Des westerns parodiques ont été réalisés très tôt comme ce formidable film avec Douglas Fairbanks qui est disponible dans la boîte Douglas Fairbanks de Flicker Alley (Z1 US).
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Wild and Woolly (1917) de John Emerson

Jeff Hillington (D. Fairbanks ) est obsédé par l'ouest sauvage et les westerns. Sa chambre est décoré d'un tipi et de tonnes d'accessoires de cow-boy. Son père, un magnat ferroviaire l'envoie en mission en Arizona. Les habitants de la petite ville, prévenus de son obsession, se déguise en personnages de Westerns et organise de faux réglement de comptes et des attaques de train pour amuser le New-Yorkais. Il mort à l'hameçon...
Cette parodie de western, jusque dans les situtations et le vocabulaire, est totalement réussie. Une des meilleures parodies de western que j'ai jamais vue. Douglas est formidable en citadin crédule mais qui se révèle un parfais homme de l'ouest!

Trois westerns (courts-métrages de 30 min) de Frank Borzage sont inclus en supplément sur le DVD de The River du German FilmMuseum (Z0). Il sont tous trois remarquables.

The Pitch o' Chance (1915). Frank Borzage est un joueur compulsif prêt à parier sur tout et sur rien. Il gagne aux cartes la bonne amie d'un joueur professionnel. Sans qu'il le sache, les cartes ont été 'truquées'. Il emmène la fille, mais, lui laisse sa liberté. Pendant ce temps, le joueur découvre la maldonne et se lance à sa poursuite pour le tuer....
A partir d'un sujet somme toute banal, Borzage réussit à créer des charactères avec une véritable épaisseur humaine et psychologique. Borzage joue d'une façon très moderne sans aucune emphase.

The Pilgrim (1916) est encore plus intéressant. Il y joue un cowboy itinérant qui parcourt le pays en solitaire avec sa mule. Il est employé par un contremaître d'un ranch. Mais, il continue à dormir dehors avec sa mule pour oreiller! Tout va changer avec sa rencontre violente avec un mexicain armé et la fille du propriétaire, fraîchement arrivée de la ville....
J'ai immédiatement pensé à Lonely are The Braves en voyant ce film! Borzage est à nouveau excellent, ainsi que les autres acteurs. On ne croirait pas que le film a plus de 90 ans!

Nugget Jim's Pardner (1916). Borzage est un fils prodigue qui ayant été chassé par son père prend un train pour l'ouest. Il dégringrole du train en Arizona et atterrit dans la cabane d'un orpailleur, Nugget Jim (Jim la pépite). Il se sert copieusement de toutes les provisions présentes sous le regard ébahi de Jim. Ils deviennent rapidement ami...
Un superbe mélange d'humour et d'émotion dans ce petit film excellement interprété. A cette époque, Borzage avec ses cheveux bouclés et son visage enfantin, fait vraiment penser à Charles Farrell, son futur interprète.
Music Man
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Re: Le Western Muet

Message par Music Man »

Merci d'avoir regroupé sous ce topic, tes précieux commentaires sur les westerns muets, qui m'ont toujours fasciné car ils évoquaient un passé encore peu lointain, et donc paraissaient d'autant plus authentiques.
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Re: Le Western Muet

Message par someone1600 »

Intéressant ce topic ! :wink:
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Major Dundee
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Re: Le Western Muet

Message par Major Dundee »

En tout cas cela donne sacrément envie 8) Merci Ann.
Moi je viens de découvrir "The mark of Zorro" de Fred Niblo (1920) et "Don Q son of Zorro" de Donald Crisp (1925) qui sont tous les deux en bonus sur le DVD "Zorro rides again" sérial de William Witney et John English (1937) chez Bach Films. Je les ai trouvé excellents tous les deux.
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


Henri Jeanson
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Ann Harding
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Re: Le Western Muet

Message par Ann Harding »

The Lightning Rider (Le cavalier éclair, 1924) de Lloyd Ingraham avec Harry Carey, Virginia Browne-Fair et Léon Bary
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Philip Morgan (H. Carey) est l'adjoint lymphatique du shérif. Il ne semble ne rien faire du matin au soir à part jouer avec les enfants. Le pays est la proie d'un cavalier masqué qui rançonne ses habitants. Le shérif le renvoie. Mais, Philip a plus d'un tour dans son sac. Il enfile un masque et une longue cape noire...

Harry Carey était une des figures importantes du western muet. Il est apparu dans les premiers films de John Ford tel que Bucking Broadway (1917) que vous pouvez visionner ici. Ce Lightning Rider a une allure de série B par rapport aux productions de 1924. Il ressemble plus à un film de la Triangle des années 1916-1917. D'ailleurs Lloyd Ingraham y a travaillé pendant des années. Carey propose une image de westerner assez différente de celle de William S. Hart. Il est -comme lui- un 'easterner' (né à brooklyn) qui a réussi à se fondre dans le paysage du Far-West ; il porte une chemise à carreaux sur un pantalon en tissu de laine. Il m'a pas le magnétisme de Hart, mais il a suffisamment de talent pour remplir l'écran de sa présence. On pense à une version à petit budget de Zorro, à part qu'ici le cavalier masqué n'est pas un vengeur mais un assassin et un voleur. Carey va usurper l'identité du cavalier pour le démasquer. Le rôle du méchant Ramon Gonzalez est joué par Léon Bary, un français émigré aux USA dont le plus grand titre de gloire a été de jouer Athos face au d'Artagnan de Douglas Fairbanks. Voici un petit film qui permet de remettre en perspective la production des grands films des années 20. Le western continuait à pré-exister dans les films à petit budget.
Dernière modification par Ann Harding le 10 mars 11, 17:27, modifié 1 fois.
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Re: Le Western Muet

Message par Ann Harding »

The Covered Wagon (1923, La caravane vers l'ouest) de James Cruze
avec James Warren Kerrigan, Lois Wilson, Tully Marshall, Ernest Torrence et Alan Hale
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1848, deux convois de chariots bâchés se préparent à partir de Kansas City vers l'Oregon. L'un des convois est dirigé par Sam Woodhull (A. Hale) qui convoite la jolie Molly (L. Wilson). Mais, elle n'a d'yeux que pour Will Banion (J.W. Kerrigan) que Woodhull cherche à discréditer. Ils vont affronter des dangers innombrables: traversée du fleuve Platte, attaque d'indiens et la prairie en feu...
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The Covered Wagon est le tout premier western épique. Son importance dans l'histoire du cinéma et du western ne doit pas être sous-estimée. Hélas, j'ai constaté avec effarement qu'aucun des spécialistes du western qui interviennent dans les nombreuses 'featurettes' qui accompagnent l'édition 'Grandeur' de The Big Trail (1930) ne mentionne même le titre du film. Pourtant, The Big Trail n'aurait jamais existé sans The Covered Wagon dont il démarque l'intrigue. Tous les aspects documentaires (traversée des fleuves, vie des pionniers) sont déjà là dans ce film. je vais donc essayer de vous donner une vue aussi complète que possible de ce film, certes imparfait mais visuellement splendide.
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(James Cruze en 1923)
Quand en 1923, Jesse Lasky, qui est à la tête de la Paramount, confie ce projet à James Cruze, il veut faire un coup: offrir au public un western de vaste dimension en adaptant un roman célèbre de Emerson Hough. Il choisit James Cruze qui a du sang de pionnier dans les veines. En effet, ses parents d'origine danoise ont eux-mêmes traversé les Etats-Unis jusqu'en Utah sur les traces de Brigham Young, le champion de mormons. Le tournage sera une vraie épopée à travers le Nevada et l'Utah où les figurants et les acteurs devront vivre comme leur ancêtres du XIXème siècle. Ils ont en outre engagé un groupe d'indiens Arapaho pour servir de figurants dans le film. Comme la plupart ne parlent pas l'anglais, on engage également le colonel Tim McCoy, un vétéran des westerns pour servir d'interprète. Il est un des rares américains blancs qui 'parle' le langage des signes des indiens. On arrive à retrouver des chariots bâchés d'époque (des chariots Costenoga) pour le tournage. Tous les ingrédients sont donc là pour assurer l'authenticité du film. Parmi les techniciens du film, il y a l'excellent Karl Brown qui est responsable de la cinématographie et Dorothy Arzner -la future réalisatrice- est embauchée comme monteuse. Cruze est maintenant un réalisateur quasiment oublié car la plus grande partie de son oeuvre est muette. A la Paramount, il a dirigé plusieurs films à grand spectacle tel que Old Ironsides (Vaincre ou Mourir, 1926) où on peut admirer une reproduction à l'échelle de la frégate Constitution ainsi que des batailles navales impressionnantes. Il a aussi à son actif un excellent mélodrame social The Mating Call (1928) sur le KKK. Avec ce Covered Wagon, il est d'abord réticent à l'idée de réaliser un western, un genre qui appartenait plutôt à la série B à cette époque. le résultat sera un gros succès au box-office et poussera la Fox à produire The Iron Horse (1924) l'année suivante.
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(A. Hale à g.; L. Wilson à d.)
L'intrigue de The Covered Wagon contient tous les ingrédients du western moderne. Le héros, vétu de couleur clair, est le scout Will Banion (JW Kerrigan) qui doit faire face au traitre Sam Woodhull, interprété par un jeune Alan Hale (qui fut Little John dans le Robin Hood de 1922 et de 1937). L'héroïne Molly (Lois Wilson) va douter de l'intégrité de Banion à cause des insinuations de Woodhull. Il y aussi les personnages comiques interprété brillamment par Tully Marshall (un des piliers du cinéma muet dans les seconds rôles) et Ernest Torrence (une grande brute qui en impose dans de nombreux films tel Tol'able David (1920) de Henry King). Il faut d'ailleurs noter que Marshall reprend quasiment le même rôle en trappeur alcoolique dans The Big Trail.
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(E. Torrence à g., T. Marshall à d.)
Pour en revenir à l'aspect documentaire du film, on assiste à la traversée du fleuve Platte avec les chariots équippés de rondins ainsi que la traversé à la nage du bétail et des chevaux. Karl Brown capte brillamment les reflets du soleil sur l'eau au milieu des bêtes qui nagent furieusement vers la rive opposée. Une traversée que l'on retrouva quasiment à l'identique dans The Big Trail.
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En ce qui concerne les indiens dans le film, leur image est certes celle de guerriers qui vont se battre pour défendre leur sol face à l'envahisseur. Cet envahisseur, c'est le visage pâle avec une charrue. Il va transformer les vastes prairies où s'ébattent librement les bisons en champs clôturés. D'ailleurs, c'est cette charrue qui est montrée du doigt dès le début. Et si les indiens attaquent le convoi, c'est à la suite du meurtre d'un des leurs par le traitre Woodhull. A cette époque-là, les indiens au cinéma ont droit à un peu plus de respect qu'ils n'en auront durant la décade suivante. D'ailleurs Bridger (T. Marshall) a deux épouses indiennes qu'il présente à ses amis!
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Pour les scènes d'action, Cruze n'a pas l'imagination d'un Walsh ni d'un Ford ; mais, l'attaque des indiens la nuit a quand même de l'allure. De nombreux cascadeurs réalisent des cascades particulièrement dangereuses comme ce cheval qui tombent du haut d'une falaise.
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Les défauts du film résident dans le personnage central de Banion avec un James W. Kerrigan assez pâle et trop maquillé. Molly, bien jouée par Lois Wilson est une héroïne avec du charme, mais peu de saveur. Il également manque aux scènes d'action ce petit plus qui les rendraient encore plus spectaculaires en variant les angles de prise de vue. Mais, pour la pure beauté des images, ce film est indispensable. Kevin Brownlow compare la cinématographie de Karl Brown à un tableau de Frederic Remington.
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Voilà un film qu'il faudrait absolument voir sur grand écran pour apprécier les détails et la beauté de la cinématographie. La copie que j'ai vue a été réalisée à partir d'éléments issus du négatif original (même si certaines fragments sont issus de copie 16 mm) et on ne peut qu'être ébloui par la précision et la finesse des détails. Malheureusement, ce film n'est pas disponible en DVD et n'est jamais diffusé sur TCM. Les captures que j'ai réalisées ont été faite sur une copie réalisée à partir d'un laser disc du film. Même sur cette copie imparfaite, on peut voir la qualité de l'original en 35 mm. Un autre élément important dans ce film, c'est la musique. Hélas, on a droit à une accompagnement à l'orgue Wurtlizer de l'inévitable Gaylord Carter qui n'apporte pas le mouvement et le souffle qu'il faudrait. A quand un accompagnement orchestral...?
En attendant un éventuel DVD, on peut encore se procurer le film en VHS.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western Muet

Message par Jeremy Fox »

Déjà que j'avais envie de le voir ! Mais ton avis et tes captures me mettent encore plus l'eau à la bouche.
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Re: Le Western Muet

Message par someone1600 »

Moi de meme.
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Ann Harding
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Re: Le Western Muet

Message par Ann Harding »

Procurez-vous la VHS (je crois qu'elle est de bonne qualité), vous ne serez pas déçu. :wink:
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Re: Le Western Muet

Message par Ann Harding »

The Iron Horse (Le Cheval de Fer, 1924) de John Ford avec George O'Brien et Madge Bellamy
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Je voudrais revenir sur ce western muet de Ford car j'ai pu me procurer le DVD publié par le BFI qui offre une copie et une musique différente de la version publiée par la Fox. Ici, la copie dure 2h13 au lieu des 2h29 de la version US proposée par Fox. Mais, surtout le film est entièrement teinté: ambré pour toutes les scènes de jour et bleu pour les scènes de nuit. Cela donne au film une chaleur que n'a pas le N&B. Il y aussi une différence en ce qui concerne les cadrages. La version US (découverte récemment) n'était pas disponible quand la version Photoplay a été assemblée en 1995. Cela permet de voir les différences de cadrage engendrées par les deux caméras utilisées à l'époque pour fournir un négatif pour l'exploitation en Amérique et un autre pour l'exportation.
Copie teintée BFI/Copie US N&B
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Le meilleur cadrage est évidemment celui pour la copie américaine. Voyez en bas à gauche, les poutres sont visibles alors que sur la version 'internationale', elles sont coupées.
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Mais, la version Photoplay/BFI a un atout de poids: sa musique. La partition de Christopher Caliendo sur le DVD Fox a ses qualités, mais, elle ne donne pas au film toute l'ampleur voulue. Comme l'a dit Jeremy Fox:
Et puis, la dernière composition écrite par Christopher Caliendo ne serait-elle pas la cause majeure de ma semi-déception après une découverte enchanteresse quelques années plus tôt alors que la musique était signée John Lanchbery ?

Ayant maintenant pu goûter à la partition de John Lanchbery, je dois opiner avec Jeremy Fox. La musique est un ingrédient incroyablement puissant pour un film. Et ici, Lanchbery réalise une partition orchestrale post-romantique dans la lignée des Dimitri Tiomkin et Max Steiner. Il crée des leitmotivs sur les personnages et suit l'action au plus près emotionnellement. Je dois avouer avoir redécouvert certaines scènes qui ne m'avaient pas vraiment marquée avec la partition de Caliendo. Il faut dire que le travail de Lanchbery a été réalisé en étroite collaboration avec les producteurs (K. Brownlow et surtout David Gill). Il s'en suit une lecture du film aérée et subtile. Son orchestration est plus lourde que celle de Carl Davis avec son utilisation des cuivres en particulier. Mais, la sonorité du City of Prague Symphony Orchestra est évidemment largement supérieure à celle de l'ensemble de Caliendo. On passe d'un concert symphonique dans une salle de concert à une musique de studio, sans écho, légèrement synthétique. Donner à chaque scène, l'atmosphère requise n'est pas évident du tout. Ici, j'ai été frappée par la scène, vers la fin du film, où George O'Brien revient en train après avoir tué l'assassin de son père. La scène vous prend aux tripes alors que sur le DVD Fox, elle m'avait laissée de marbre.
Malheureusement, la version du BFI est épuisée. On peut néanmoins la trouver d'occasion ici.
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Jeremy Fox
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Re: Le Western Muet

Message par Jeremy Fox »

Ann Harding a écrit : Ayant maintenant pu goûter à la partition de John Lanchbery, je dois opiner avec Jeremy Fox. La musique est un ingrédient incroyablement puissant pour un film. Et ici, Lanchbery réalise une partition orchestrale post-romantique dans la lignée des Dimitri Tiomkin et Max Steiner. Il crée des leitmotivs sur les personnages et suit l'action au plus près emotionnellement. Je dois avouer avoir redécouvert certaines scènes qui ne m'avaient pas vraiment marquée avec la partition de Caliendo.
Dommage que la Fox n'ait pas réutilisé cette musique ; je suis désormais certain qu'avec cet accompagnement, j'aurais encore réévalué le film. Merci pour cet avis :)
someone1600
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Re: Le Western Muet

Message par someone1600 »

Mais le film est disponible en 2 versions différentes sur le dvd Fox il me semble, un dvd pour la version americaine et 1 dvd pour la version internationale... :?
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Ann Harding
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Re: Le Western Muet

Message par Ann Harding »

Effectivement, sur le DVD Fox on peut choisir entre les deux versions. Mais la musique est celle de Caliendo sur les 2 disques.
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