J'ai essayé de ne pas spoiler trop (voir pas du tout) par respect pour ceux qui n'ont pas encore lu ce manga assez violent mais véritablement fascinant. Bonne lecture !
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"A l'aube du jour de l'Ours, une décade et demie après le jour de la Terre, sept personnes émergèrent difficilement d'entre les rochers, par le même chemin qu'elles avaient emprunté deux lunes plus tôt. Les soldats postés là observèrent avec incrédulité le duc Reyan, fatigué, les yeux vides de toute expression, et Rafa de Griteh, les cheveux brûlés et la face noircie, transporter sur une civière de fortune le roi Arkane de Junine, blessé à la tête et pressant un garrot rouge sur le moignon de son bras gauche (...)."
Paul Grimbert (le secret de Ji)
Il est difficile de parler d'une fresque barbare aussi brutale et majestueuse qu'un Conan le Barbare.
Plus dure et vicieuse que le film de Millius, l'épopée de plus de 30 tomes (et c'est toujours pas fini en plus) du manga Berserk pousse et malmène l'univers de la Dark Fantasy à un point de non-retour dans la violence, le sordide pour adultes a travers un haut Moyen-âge plus fidèle que les maigres images d'Epinal qu'on a trop souvent généralement. L'époque ne laisse alors aucunement place au sentimentalisme et rares sont ceux qui peuvent jouir d'une digne et heureuse vie s'ils ne sont pas issus de la noblesse.
Pourtant à travers ce manga enveloppé sous plastique à la vente (avec le sympathique autocollant qui vous fait bien remarquer quand vous l'achetez ), tout n'est pas que violence excessive et dépassé le premier aperçu des deux premiers tomes peu intéressants, la lecture devient aussi riche et passionnante que le dessin, bourré a foison de détails formidables (Dès le 3e tome le dessin fait une embardée pour lentement, en même temps que l'histoire, devenir des plus fascinants) pour s'imposer comme une oeuvre culte.
Surtout, au délà de son aspect sombre, Berserk c'est avant tout l'histoire d'une amitié déchue entre deux hommes pourtant inséparables qui se terminera très mal pour laisser place a une haine conflictuelle implacable et démesurée...
I. Le commencement...
Dans les 2 premiers tomes, nous découvrons donc les mésaventures sanglantes de Guts surnommé aussi le Guerrier noir de par l'étrange renommée qui court sur lui. Borgne, vêtu de noir, arborant une grande épée de plus de 2 mètres difficilement maniable ainsi qu'un bras artificiel doté d'un canon mais aussi d'une glissière permettant d'aposer une arbalète, Guts malgré ses rares moments d'humanité est une machine a tuer d'une incroyable puissance assez antipathique au premier abord. Trait froid, violence de l'action, personnage trop mystérieux auquel il est impossible de s'attacher véritablement, les deux premiers tomes rebuteraient même un aveugle tant ils n'apportent rien.
Pourtant dès les 3e et 4e tomes, Kentaro Miura, balaie presque totalement ce qui était raconté dans les 2 premiers tomes, imposant non seulement un personnage des plus importants ayant perdu toute humanité, caché dans les replis d'une dimension parallèle, l'ancien ami de Guts, Griffith maintenant devenu son pire ennemi. C'est alors l'occasion pour l'auteur d'amorcer pendant plus de 12 tomes un important Flashback où tout sera dévoilé au lecteur : comment Guts s'est lié d'amitié progressivement avec Griffith, Comment a t'il perdu son oeil puis son bras et surtout, comment Griffith a t'il pu devenir un être voué au mal.
Guts enfant, l'errance des champs de bataille, le ravage de l'innocence...
Guts naît in extremis d'une mère pendue dans une ambiance apocalyptique de maladies.
Ambiance.
L'enfant aurait pu mourir dans la boue mais la volonté de vivre plus forte que tout lui donna la chance de pousser son premier cri près de mercenaires ambulants. Recueuilli par une troupe de mercenaires il sera élevé à la dure et ne devra sa survie qu'au fait de son audace et de son maniement toujours plus poussé de la lame.
Puis un soir, tout bascule brutalement (mais je ne vais pas spoiler non plus hein ) et Guts sera forcé de s'enfuir avant de rencontrer Griffith quelques années plus tard, leader de la troupe du faucon, une des meilleures troupes de mercenaires de cet âge troublé. Rencontre importante qui scellera a petit feu une lente amitié entre les deux hommes qui semblent n'avoir pas besoin de mots pour se parler.
Plus la lecture se poursuit puis l'admiration naît pour la lecture de ce manga. D'abord le brio graphique de Kentaro Miura qui avec un style fouillé et assez riche se permet en plus d'installer a certains endroits un peu de sensibilité humaine plus que bienvenue dans un scénario et des cadrages qui n'hésitent pas a se laisser aller à certaines audaces.
(sens de lecture : de droite a gauche)
II. ...Et le début de la fin.
Sans trop non plus dévoiler le récit, sachez juste qu'avec Griffith a ses côtés, Guts prendra de plus en plus confiance en lui-même pour avoir largement envie de se dépasser, ce qui marquera le début de la rupture avec un Griffith de plus en plus occupé par l'ambition de sa propre réussite personnelle et se servant des autres comme de simples outils avec une froideur des plus inquiétantes...
Et c'est là avec pourtant de nombreuses choses a dire ou a dévoiler que j'arrête mon récit. En en dévoilant trop on risque forcément de livrer un peu trop la moëlle de ce manga et ce qui nous attire dedans. La violence bien sûr, la quête de dépassement de Guts aussi mais aussi son parcours, sa vengeance, à côté de laquelle Kill Bill fait pâle figure (juste pour comparer simplement hein ! ). On sent que Kentaro Miura --qui s'est lancé corps et âme uniquement dans sa saga depuis plus de 15 ans maintenant-- s'est énormément renseigné, tant dans les décors que les armures, armes diverses ou mode de vie d'un Moyen-âge très proche du nôtre.
(sens de lecture de droite a gauche)
Et quand l'auteur ne cherche plus dans le moyen-âge, que le récit verse dans le surnaturel, les références viennent d'ailleurs : de H.R.Giger par exemple voire de chez Clive Barker avec des créatures
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Pour ma part, j'ai remarqué qu'un des personnages (que j'aime beaucoup) ressemblait vraiment a un des bijoux de René Lalique. Démonstration avec mes propres scans :
(tiré du manga)
(Le bijou de Lalique qui m'a fait tilter)
Peut-être n'est ce qu'un simple coïncidence mais tout est possible, l'auteur étant décrit comme sortant très peu de chez lui, son lieu de travail étant encombré de livres de références en tous genre, alors d'ici là...
Je vous souhaite en tout cas une bonne lecture et espère que ce petit topic vous a plu.