pol gornek a écrit :
La construction en flash-back n'est pas nouveau à la tv. Ce qui différencie True Detective de son utilisation, c'est l'appréciation du temps qui en est fait. L'intéressant dans la série, c'est de voir la progression de l'enquête et par extension, celle de deux hommes à différentes périodes. Chose possible par l'exploitation du flash-back - on peut émettre des réserves sur les interrogatoires comme moteur des flash-backs mais le jeu sur la notion de vérité n'aurait pas eu la même saveur -> les images nous montrent la réalité, pas l'histoire racontée par les deux hommes.
Appréciation du temps, mouais...c'est quand même le lot de toute série, non ? Les personnages qui évoluent dans le temps, traversent des crises...etc. Ce n'est pas propre à True Detective. Comme d'autres procédés, celui du flash-back est à utiliser avec parcimonie. L'usage intensif que la série en fait est contre-productif car il atténue la fluidité d'une évolution au profit d'une suite d'épisodes marquants. L'histoire ne laisse jamais vivre ses personnages. Leur trajectoire est sans cesse stoppée, commentée par les intéressés eux mêmes, statuée, comme pour faciliter le jugement des spectateurs. D'où, la présence, je pense, de ces incessants allers-retours synonymes ici de changement de braquet. Comme annonce d'un thème nouveau.
Outre leur facilité, ils témoignent de la fragilité de la construction. C'est une trouvaille ayant pour but de relancer artificiellement l'intérêt de l'intrigue, de délimiter un changement thématique, et de donner de la clarté aux enjeux. La mise en scène est incapable d'amorcer elle-même un changement thématique, sans un "passage au stand" de la déposition-témoignage. La démarche est trop programmatique pour vraiment surprendre. Le truc est si bien rôdé que l'on pourrait presque parodier le truc, à la manière des Inconnus avec Ushuaia : et maintenant séquence émotion, séquence frisson..
Mes excuses concernant "la psychologie", j'ai mal lu.
Le personnage de Marty est très schématique. Typique mal alpha. Il sert de contrepoint à l'électron libre "Rusty", sa présence est plus "technique" qu'autre chose. Mais il a son intérêt. Rusty est un personnage autrement plus intéressant, classique dans son point de départ, néanmoins rudement bien écrit et c'est sa progression qui m'importe. Il a une trajectoire fascinante, peut-être "déjà vu" (mais aujourd'hui, qui ne l'est pas ?) mais son installation sur la durée permet de l'exploiter à son maximum.
Sa progression, bah, écoute, je n'ai pas été convaincu par cet énième personnage d'illuminé que nous joue en permanence Matthew McConaughey. Là encore, c'est extrêmement attendu. La série ne cache rien de la nature ambiguë du personnage. Dès le premier épisode, tout est clair. Aucune surprise donc, et aussi peu de plaisir pris à voir évoluer Rusty, car le personnage reste trop cliché et animé de manière clichesque, par l'expert en la matière qui en fait des caisses : Mr Conaughey.
La réalisation n'est plus moteur du récit quand elle installe une ambiance. Sa représentation de la Louisiane en paysage dépeuplé, la multiplication de ses plans sur des bâtiments abandonnés montre une nature qui reprend ses droits face à une humanité en perdition. Des thèmes que l'on retrouvera par la suite dans l'écriture (Rusty). Si je rapproche Romero et Malick pour Fukunaga, bien aidé par le travail de Adam Arkapaw, c'est dans l'ambiance qui se dégage de sa réalisation. Il ne fait pas "comme...", son geste est à la confluence des deux réalisateurs, à un niveau symbolique.
Ce que tu dis pourrait être vrai si ladite mise en scène était principalement occupée à créer une ambiance. Or, ce n'est pas le cas; et lorsque c'est le cas, c'est relativement sporadique et annexe à l'enquête. L'ambiance est surtout circonscrite à l'intérieur de plans servant à poser le décor ou tenir lieu de transition entre deux scènes. La mise en scène de True detective est un écrin à l'écriture. Elle reste avant tout informative. Elle carbure à l'efficacité narrative.
Quant à ta dernière phrase, je ne pas sûr de bien la comprendre. Faut que tu m'expliques.
Enfin quand la réalisation, moteur du récit, se permet un plan séquence impressionnant (gestion de l'espace, lisibilité, mouvements...), je veux bien que l'on m'en donne plus souvent. C'est peut-être démonstratif (quel plan séquence aussi long ne l'est pas ?) mais cela montre de l'ambition dans le geste. Moteur du récit, quand on voit l'attaque dans le cinquième épisode, le réalisateur démontre de belles qualités dans sa représentation de l'action (dans un autre genre que précédemment), enfin la dimension fantastique dans son dernier épisode dépasse le cadre de la simple réalisation moteur puisque c'est elle - et pas le récit, qui impose cette dimension. Il n'y a pas que les hallucinations auditives de Rusty qui joue sur cet effet mais toute la direction artistique (formidable décors).
C'est pareil. Tout cela reste gentiment illustratif. Les éléments fantastiques sont plus posés par le scénario que par la mise en scène. Les décors sont ceux du Sud des Etats-Unis, terre du vaudou, et, possèdent, inévitablement, cette dimension mystérieuse, inquiétante, gothique, déglinguée. Là encore, cette ambiance fantastique ne découle pas de la mise en scène mais du lieu même.