VA Y AVOIR DU SPOIL...
Saison 1.
Pas évident de découvrir certaines séries avec du retard.
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Heureusement, on a deux acteurs formidables en la personne de Damian Lewis et Morena Baccarin qui livrent une prestation pleine de sensibilité. Dans le rôle du mentor Saul Berenson, Mandy Patinkin a la classe mais on a un peu vite l'impression que les scénaristes ne savent pas encore trop quoi en faire, comment le positionner. Le vrai raté, par contre, c'est l'interprétation de Claire Danes, une actrice pour laquelle j'avais plutôt de la sympathie mais qui révèle ici ses limites, jouant toujours sur le même registre, et sans doute pas aidée par un script qui la rend antipathique, en personnage qui ne fait finalement que prendre de mauvaises décisions alors qu'on est censé la considérer comme une experte compétente, et qui plus est assez désagréable avec son entourage. Résultat : on se désintéresse de son sort, presque désireux de la voir évacuée du tableau.
Mise en scène fonctionnelle, sans mauvais goût mais sans éclat, ne transmettant aucun trouble ou sentiment de dépaysement (suscité uniquement lors des scènes irakiennes du pilote). Ça au donc le mérite d'être assez prenant, à défaut d'être vraiment convaincant, et ça ne décourage pas l'envie de poursuivre. Mais c'est tout de même un peu désolant d'en venir à adopter une attitude de spectateur prêt à accepter toutes les invraisemblances qui pourraient se présenter, du moment qu'il est diverti (j'ai d'autres exigences).
Saison 2
Saison supérieure. On se calme sur les twists et les complots dans le complot pour mieux se recentrer sur les personnages, confrontés qu'ils sont à leur destin (qu'il ait été choisi ou contraint). On perd donc en invraisemblances et superficialité ce qu'on gagne en tension et en humanité. Il s'agit en effet moins d'anticiper sur les intentions cachés des uns et des autres, que de jouer sur le suspense, l'infiltration et la survie. Et là où ça devient bien, c'est que les personnages sont désormais bien en place et qu'ils sont plutôt bien servis par les dialogues lors de scènes qui ne craignent pas de ralentir le rythme pour les laisser respirer/exister. Le mélange entre thriller d'espionnage et tourments personnels est remarquablement équilibré, donnant lieu à des moments assez marquants, tant dans l'intime que dans le spectaculaire. Le jeu de Claire Danes est un peu moins irritant, mais elle ne m'a pas toujours convaincu. Par contre le reste du casting assure toujours, et c'est vraiment un regal de voir se débattre Damian Lewis qui livre mine de rien une performance assez impressionnante.
Restent forcément quelques facilités dans certains rebondissements (cette tendance presque comique qu'a Dana de débouler aux moments inopportuns), et puis cette lourdeur dans l'accompagnement sonore dès qu'il faut suggérer du suspense.
Saison 3
Ça patine pas mal dans le premier tiers, mais je n'en ferai pas pour autant un reproche. Etant donné comment s'est achevée la saison 2, il était inévitable que la 3e démarre sur un rythme différent, nous faisant progressivement reprendre le contact avec des personnages dévastés. Alors certes, les événements ont pris des proportions assez énormes, et en comparaison de ce qu'il se passe à la CIA, je porte quand même moins d'intérêt au drame vécu par Dana. Sa fugue ne m'a pas franchement passionné, quand bien même on y ajoute artificiellement du suspense quant à la personnalité de son boyfriend. Mais je reconnais que ça répond aux ambitions du show, d'observer patiemment tout ce que sont amenés à vivre les personnages, et la famille de Brody en fait partie depuis le début.
J'ai beaucoup apprécié par contre cet épisode en suspension, où il n'est plus question que de suivre en parallèle Carrie en détresse à l'hôpital psychiatrique, et Brody au fond du trou à Caracas. Là, il n'y a pratiquement plus d'intrigue, mais une plongée franchement éprouvante et plutôt convaincante dans des univers sans lumière, où même Claire Danes parvient à se montrer touchante. Et puis lorsque le plan audacieux de Saul commence à se révéler et à se mettre en place, ça redevient bien haletant, avec certains moments de suspense franchement insoutenables. Jusqu'à un final impressionnant et particulièrement déprimant. Hats off to Damian Lewis, qui achève donc ici son éprouvant parcours, dans une forme de sérénité qui lui donne encore plus de force. Le show fait ensuite le choix de se conclure de façon assez apaisée, et comme souvent quand une saison se finit de façon idéale, on se demande si c'est une bonne idée de l'avoir prolongée.
Saison 4
Le risque de perdre tout intérêt et de faire la saison de trop était réel. Il faut désormais créer de toutes pièces une nouvelle histoire, de nouveaux conflits, et parvenir à convaincre le spectateur de s'y intéresser encore. C'est sans doute là que le format de la série se révèle sans équivalent, en ce qu'il permet de travailler ses personnages au long cours et — si l'écriture et l'interprétation sont au rendez-vous — d'aboutir à quelque chose de passionnant. Les scénaristes n'ont donc en quelque sorte qu'à déplacer de nouveaux pions, et de voir comment leurs personnages, désormais solidement campés, vont gérer ça.
Et c'est ce qui se passe ici, avec une vraie efficacité dans l'invention de situations de suspense, efficacité qui va culminer dans les épisodes 7-8-9, enchaînement furieux voire éprouvant de rebondissements et de tension qui ne se relâche pas. Avec en plus une vraie sensation de dépaysement puisque l'essentiel de l'action se déroule au Pakistan, figuré de façon très convaincante par un tournage... en Afrique du Sud. Et ce n'est pas pour autant pour sombrer dans la surenchère putassière à la 24, puisque l'épisode final s'autorisera le luxe d'abandonner le registre de l'action pour brutalement ralentir le tempo et revenir sur ses personnages et leurs démons intérieurs. Et s'il s'agit évidemment avant tout de divertir son public, la série parvient à glisser au passage d'audacieux échanges où la responsabilité des deux camps sont plus ou moins mis dos à dos, et on se dit que c'est assez courageux d'imposer ça au spectateur américain. Bref, si dans son concept on perd un peu la spécificité de ce qui faisait les premières saisons, cette prolongation m'a étonnamment plu.