Raoul Walsh (1887-1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Sybille
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Sybille »

Faudra que je me décide à découvrir ce "Pursued" un de ces jours, un des rares Walsh parmi ses mieux appréciés que je n'ai pas encore vus. Surtout que j'adore Walsh et Mitchum, je ne sais pas pourquoi ce film m'a toujours fait hésiter.
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Phnom&Penh
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Phnom&Penh »

Alexandre Angel a écrit :
Or Pursued est un chef d'œuvre absolument stratosphérique, une des plus belles choses qui puissent survenir dans une vie de passionné.

Dans ce film, dont il faut bien convenir qu'il est génial, la matière formelle et iconographique est comme en fusion, galvanisant tout ce qui bouge en son sein et autour d'elle : direction de la photographie (on en a parlé), musique (Max Steiner, en pleine forme!), seconds (Dean Jagger, fantastique; Alan Hale, remarquable; Judith Anderson, idéalement funeste) et premiers rôles (Mitchum, marmoréen et somnambulique; Teresa Wright, entre rigidité et tension sexuelle).

Tout est ici, on le confirmera, impressionnant et nous amène à y revenir. Encore et encore...
Merci pour cette belle critique d'un film que j'adore.
Pas si visible que ça, je pense aussi l'avoir découvert en 88/89 à la télé.
Après, je pense avoir eu une VHS.
Mais je l'ai redécouvert il y a une petite dizaine d'années grâce à un DVD allemand (très belle copie mais sans VSTF).
Bien content qu'il sorte enfin dans une version français de bon niveau.

Western psychanalytique, c'est évident à la mode de l'époque...Mais à côté des autres films du genre à la fin des années 40 (La maison du Dr Edwards, Le secret derrière la porte...), celui-ci est vraiment au-dessus parce qu'au fond ce n'est qu'un détail au vu d'un énorme western.

Et dans le genre psychanalytique, mais tellement au dessus de cela, il y a un détail de la musique de Max Steiner pas si évident à reconnaître :wink: . Dans la scène "horrible" de la nuit de noce, Steiner utilise Tristan et Isolde, plus de dix ans avant Herrmann dans Vertigo. Mais là où Herrmann l'utilise de façon très romantique (attention, j'ai pas dit que c'était moins bon, j'adore Vertigo et la musique de Herrmann, qui me fait immensément vibrer. Mais c'est plus évident). Steiner, vu la scène - pas très amoureuse :uhuh: - le modernise, l'inverse, le psychanalyse...Mais ça reste encore aujourd'hui étonnement moderne sur un couple amoureux mais qui risque de se détruire...à côté des dessins de Dali dans le Hitchcock qui ont quand même bien vieillis.
Les termes que j'emploie sur la musique de Steiner sur cette scène ne sont pas ceux d'un bon musicien que je ne suis pas. Je dirai qu'il met le thème de Tristan "en grand désordre ", ce qui correspond bien à la scène du film entre les deus protagonistes.

Quel beau film :D
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Alexandre Angel
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

Phnom&Penh a écrit :Bien content qu'il sorte enfin dans une version français de bon niveau.
Oui, Sidonis n'a pas loupé le coche sur ce coup-là : il y a un docu sur Walsh que je n'ai pas regardé et un petit livre (dont je n'ai pas très bien compris dans quel cadre il est paru) ou un très long texte, c'est selon, du regretté Michael Henry Wilson.

Du bon boulot.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par 1kult »

1kult a écrit :Mauvais, non, plutôt bordélique... en tout cas jamais antipathique.
Watkinssien a écrit :
Bon alors il faut voir L'enfer est à lui, comme ça on verra si tu pourras continuer! :wink:
Je l'ai vu - et j'aime beaucoup - ainsi qu'une petite dizaine d'autres (The Tall men - déception, un western en 3D, un intéressant et séminal Regénération, Gentleman Jim...) mais à chaque fois la sauce ne prend qu'à moitié, et c'est jamais la claque.
La Piste des géants (The Big Trail)

Ca y est, j'ai eu ma petite claque avec un Raoul Walsh ! On a du mal à croire qu'on est en 1930, tant le travail sur le son (surtout hors des studios) mais aussi du cadre (Fox Grandeur en 70 mm, soit un ratio de 2.10:1) est incroyable. Certes, l'histoire est prétexte (La conquête de l'Ouest) et les personnages sont assez simplistes, mais le résultat est vraiment spectaculaire, et grandiose. Le jeu de John Wayne (son premier vrai rôle) est faillible mais on suit ses aventures avec un vrai plaisir. Des chariots dans la neige ou la boue, les attaques d'indiens, franchir les collines en pente... Un vrai plaisir. C'est certes moins profond qu'un Convoi de femmes par exemple, Walsh cherche l'efficacité sans avoir grand chose à raconter, mais le tout est vraiment flamboyant et euphorisant. Une belle découverte (qui devait traîner depuis quelques années dans ma pile de films à voir).

J'ai vu sur le Bluray US, que la version "35 mm" courte, filmé en parallèle, est proposée en supplément. J'ai juste zappé, et c'est clairement pas le même film. Un cas d'école, à montrer à tous ceux qui pensent que le format n'est qu'un détail. L'image du Bluray US est certes abîmée, mais très satisfaisante vu l'âge du film. On a plusieurs petits suppléments, et surtout les deux versions sur le même disque, contrairement au Bluray français. Après, je pense que les deux disques se valent question image...
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par The Eye Of Doom »

Je l'ai revu il y a pas longtemps. Visuellement quelle claque. Il y a des plans incroyables : l'arrivée vu du bateau au début, les femmes qui se lave les cheveux,...

Si tu as aussi Le voleur de Bagdad qui traîne dans tes étagère depuis des années, tu peux y aller aussi !
The Eye Of Doom a écrit :Revu hier en bluray
Toujours aussi impressionnant
Les dix premières minutes sont stupefiantes: richesses des décors, photo magnifique dans un scope N&B somptueux, soucis du réalisme.
Il y a notamment un plan magnifique sur les femmes qui se peignent les cheveux. Cela rappelle les scènes sur le vif de "Ressurection".
Superbe plan dans le bateau en mouvement au début aussi.
Le reste est à l'avenant. On voudrait constamment t s'arrêter pour figer l'image et savourer l'incroyable richesse et qualité des plans. On voir que ca a coûter une fortune, tout pour rendre l'authenticité du film. Le film se suit sans temps morts. Il y a un vision respectueuse des indiens proche de celle de Ford dans Wagon Master. L'esthétique du muet est encore prégnante a de nombreux moments: c'est un compliment venant de ma part.
Absence de pathos mais pas d'émotion (l'enterrement des morts dans le désert ou après l'attaque indienne). Sécheresse des scènes d'actions,... La traversée du fleuve est particulièrement impressionnante: c'est du live.
Tournée deux ans après le début du parlant, le film montre une grande intelligence dans la construction des scènes dialoguées.
C'est clairement un chef œuvre de Walsh.
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Frances
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Frances »

La grande évasion – High Sierra de Raoul Walsh (195) – Ida Lupino, Humphrey Bogart, Cornel Wilde, Joan Leslie. D’après un roman de W.R. Burnett. Scénario : John Huston & Burnett.
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Walsh a vu balbutier le cinéma et Hollywood faire ses premiers pas. Il s’est frotté à tous les genres souvent avec une audace doublée d’une belle énergie. Les années 30 furent un peu poussives mais la décennie suivante se révéla d’une autre ampleur. En 1941 sort La grande évasion - High Sierra. La même année que Citizen Kane de Welles, Le faucon maltais de Huston et Qu’elle était verte ma vallée de Ford. L’Europe est à feu et à sang et en décembre, l’attaque de Pearl Harbour aura pour conséquence l’entrée des États-Unis dans la deuxième guerre mondiale. Le film sera projeté pour la première fois à Paris fin 1947.

On préfèrera le titre original qui contient tout en symbole le destin d’un homme rêvant de liberté. Cet homme, c’est Roy Earle (Humphrey Bogart) fraîchement sorti de prison et contraint de faire un dernier coup pour remercier celui à qui il doit sa libération. Un dernier coup et tourner la page d’un passé criminel.

- De la cité au sommets de la Sierra Nevada : Walsh délaisse l’urbain et son architecture au profit des grands espaces. Il substitut l’asphalte à la poussière, le béton à la roche, un bungalow en bordure d’étang aux diners et aux entrepôts. Et ce en totale cohérence avec le lien que Roy Earle entretien avec la terre où il a grandi et dont il garde des souvenirs forts. Cette proximité avec le monde rural facilite les échanges avec les gens du coin et ce n’est sans doute pas par hasard qu’il tombe amoureux de Velma (Joan Leslie), la fille d’un fermier. Roy « Mad dog » n’est pas en quête de rédemption. Ce qu’il cherche c’est une forme d’apaisement, celui que procure un foyer dans une bourgade sans histoire. A mesure qu’on s’éloigne de la ville, on prend aussi des distances avec la caractérisation classique du gangster souvent survolté et gangréné par une ambition dévorante ou un désir de vengeance. La ville abîme et corrompt, elle n’est jamais un havre de paix. C’est aussi ce que nous dit Marie (Ida Lupino) quand après s’être affranchie d’une famille toxique, elle a échoué dans un cabaret de L.A. avant de suivre Babe (Alan Custis) et Red (Arthur Kennedy), les deux complices arrogants et inexpérimentés avec lesquels Roy doit faire le coup.

Roy, lui joue selon les règles et les fait respecter si nécessaire. Il a un code d’honneur, une parole, des valeurs, une rigueur qui devrait suffire à le mener en ligne droite aux buts qu’il s’est fixés : réussir le casse de l’hôtel pour liquider la dette qu’il a envers Big Mac et demander Velma en mariage. Mais à mesure que l’action progresse, il est contraint de rectifier toutes les sorties de route. Des débordements brutaux ou idiots de ses complices, aux obstacles de plus en plus nombreux qui surgissent après « la bavure » du casse. Sa droiture s’exprime aussi dans sa relation aux femmes qu’il traite en égales et respecte. Il ne relègue pas Marie à la cuisine, juste bonne à s’acquitter des tâches ménagères, ne la déloge pas d’un coup de pied et ne la tabasse pas comme Babe. Non, il lui tend une cigarette, l’écoute et lui offre sa protection.

Walsh est fidèle aux thèmes qui traversent son œuvre : le destin d’un homme plutôt que d’une communauté dont il se préoccupe néanmoins. Soit, Roy « Mad dog » est le pivot du film autour duquel gravitent les personnages secondaires mais aucun n’est sacrifié pour autant, ni réduit à un emploi de faire-valoir. Walsh leur ouvre un espace pour exister dans le champ et le hors champ. Ainsi, on peut imaginer le chemin mental que parcourt Velma après l’intervention qui la délivre de son handicap. Comprendre sa soif de s’amuser afin de rattraper le temps perdu. De même pour Marie dont le passé, suggéré par quelques répliques dessine un personnage féminin cabossé par une existence sinueuse et désenchantée. Elle est, en quelque sorte, l’alter ego de Roy. L’amour qui les lie finalement s’enracine dans un vécu « accidenté » et se révèle d’une grande maturité. On pourra, en revanche, critiquer le personnage d’Algernon (Willie Best), roulant des yeux et adoptant tous les tics des acteurs noirs de l’époque. La faute à l’époque justement et au traitement que leur imposait Hollywood. N’étant pas adepte de « l’effacement », ce qui à mes yeux est une hérésie totale, je pointe ce rôle comme trace historique à garder en mémoire et exception à la règle que je viens d’énoncer.

A mesure que j’écris, je m’aperçois que High Sierra est un film dense, novateur à l’époque de sa sortie. Bénéficiant d’un découpage précis, de scènes au calibrage idéal, de morceaux de bravoure, d’une interprétation impeccable, il demeure, à sa révision, essentiel dans l’œuvre de Raoul Walsh.
Dernière modification par Frances le 19 avr. 21, 18:40, modifié 1 fois.
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Loup Solitaire
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Loup Solitaire »

Très bon film, le premier grand rôle de Bogart, avec une de mes actrices préférées (Ida Lupino). Et quel final !

J'en profite pour donner mon top 10 de Walsh :
1- Pursued (La Vallée de la peur)
2- White Heat (L'Enfer est à lui)
3- They Died with their boots on (quel beau titre)
4- Colorado Territory (La Fille du Désert)
Mes quatre préférés, que je considère comme de grands films

5- Gentleman Jim
6- The Man I Love
7- The Tall Men (Les Implacables)
Trois excellents films

8- High Sierra (La grande évasion)
9- Objective Burma
10- Regeneration (qui m'avait impressionné par sa mise en scène lors du précédent visionnage, le scénario était moins intéressant)
Un peu en dessous, mais très bons quand même

Bien aimés, mais pas revus depuis longtemps : la Piste des géants, Saboteur sans gloire, What price glory.

Sachant que n'ai vu de Walsh que trois muets (Regeneration, What price Glory & Le voleur de Bagdad). Et avec la Piste des Géants, ce sont même les seuls Walsh que j'ai vu qui soient antérieurs à The Roaring Twenties
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Frances »

La rivière d’argent –Silver river de Raoul Walsh (1948) – Errol Flynn, Ann Sheridan, Thomas Mitchell, Bruce Bennett.

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La scène inaugurale, filmée à un rythme effréné avec la maîtrise dont Walsh avait le secret laissait présager du meilleur. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le capitaine McComb (Errol Flynn) voit son destin basculer et décide de vivre selon ses règles. Audacieux, habile, opportuniste, ambitieux, McComb fait feu de tout bois. La chance lui sourit et il devient le symbole de la prospérité et du capitalisme qui s’étend dans l’Ouest du pays. En cela, le film est digne d’intérêt. Nous mesurons le désir d’expansion, d’exploitation de toutes les ressources disponibles, l’avancée sur les terres indiennes, leur confiscation, la précarité des mineurs, l’hypocrisie et l’avidité de la bonne société, etc. Il y avait là matière à réaliser un grand film, à sonder les enjeux d’un monde en devenir, à comprendre comment s’était forgé l’identité des États-Unis pourtant Walsh échoue dans son entreprise. Malgré la forte sympathie que j’ai toujours eue pour E. Flynn, son personnage ne m’a pas totalement convaincue. Oublions celui d’Ann Sheridan et du couple qu’elle forme avec lui. Son revirement et son abandon semblent peu vraisemblables. Mention spéciale cependant à Thomas Mitchell, impeccable dans le rôle de l’avocat alcoolique, le Jiminy Cricket de McComb. Bref, l’intrigue aurait gagné à être plus resserrée, les personnages secondaires mieux caractérisés, le tempo mieux maîtrisé (c’est un comble de souligner cette défaillance chez Walsh, lui qui le contrôle souvent à la perfection). La scène finale du film est du même acabit que la scène d’ouverture. Dommage qu’entre les deux, le cinéaste se soit égaré sur des chemins de traverse.
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Sybille
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Sybille »

Un Walsh qui m’avait plutôt déçue, surtout par rapport aux bonnes critiques entendues (pareil avec Gentleman Jim). Enfin ça fait longtemps, faudrait que je revois tout ça.
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shubby
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par shubby »

Profondo Rosso a écrit : 23 sept. 17, 15:59 The Man I love (1947)

La chanteuse Petey Brown quitte New York pour passer Noël à Long Beach avec ses sœurs, Sally et Virginia Brown, et son frère Joey. Elle va se trouver impliquée dans les affaires de Nicky Toresca, un membre de la pègre.

The Man I love est un Walsh méconnu qui marque la troisième collaboration du réalisateur avec Ida Lupino après les réussites de La Grande évasion (1941) et Une femme dangereuse (1940). Les contours du film noir sont bien là avec ces milieux de clubs de jazz et ses patrons véreux mais Walsh déplace cette fois le curseur sur le portrait de femme plus que l'argument criminel. Cela se ressent dès l'ouverture où l'urbanité d'une ruelle new yorkaise nous emmène dans un club de jazz où la mélancolie de Petey (Ida Lupino) au chant est le sentiment dominant. La solitude de l'héroïne l'amène à retrouver sa fratrie à Long Beach et l'ensemble des intrigues et interactions du récit repose sur la romance contrariée et la (peur de la) solitude. Le partenaire amoureux possible est ainsi soit un dangereux prédateur (le patron de club incarné par Robert Alda), un être torturé (le compositeur déchu que joue Bruce Bennett) ou dépravé à travers l'épouse indigne Gloria (Dolores Moran) à laquelle Walsh donne tous les atours de la femme fatale. Le dépit amoureux de Petey (pour un homme hanté par le souvenir) se répercute ainsi à l'ensemble du film, le milieu dévoyé des clubs de jazz étant synonyme d'ivresse (porté par une bande-son enlevée pour les amateurs de jazz, le titre venant d'ailleurs d'une composition de Gershwin) et de perdition.

Le film a néanmoins un problème de rythme et de caractérisation (des protagonistes introduits de façon intéressante étant oublié et/ou expédié dans leur destin) mais est magnifiquement porté par Ida Lupino. Son interprétation à la fois forte, vulnérable et glamour confère une belle émotion qui contrebalance avec un Bruce Bennett un peu raide, notamment la dernière rencontre Malgré le déséquilibre du ton, on appréciera les fulgurances authentiquement polars que s'accorde Walsh dont un incident nocturne à la violence saisissante. Une curiosité intéressante et une des plus belles interprétations d'Ida Lupino bientôt en route pour sa carrière de réalisatrice. 4/6
C'est vraiment bien. Je l'ai vu comme un bon film de Noël pour adulte. Un polar en mode "Christmas Special" parasité par une protagoniste empêchant la violence (mince alors !). Son portrait pas si commun de femme à la fois vulnérable et forte touche beaucoup. J'ai adoré l'utilisation du 4/3. Ca faisait un bail que j'avais pas vu de naphta, plus longtemps encore de Walsh, raison pour laquelle je l'ai tant apprécié j'imagine. Au traditionnel pano ou champs-contre-champs pour passer d'un invidu à un autre - ça n'arrête pas là-dedans et les lieux sont multiples - Walsh enchaîne des trucs d'un autre temps que je ne comprends pas toujours, mais qui fonctionnent et sont joliment chorégraphiés. Sur la jaquette je lis que Scorcese aime bcp ce film. NY NY, tout ça, mais on peut aussi penser à Cotton Club tant cette histoire a la légereté d'une clope finissant de se consumer dans le cendrier d'un musicien. C'est pétillant et dynamique autour d'une tranche de vie qui, dans un autre film, relèverait peut-être de l'ellipse. On dirait aussi parfois qu'un type a réussi à monter un super film avec des rushs tombés de la table de montage. J'exagère, on raconte les coulisses, voilà, et y'a des moments mémorables. Subtils, discrets, mais mémorables. Mon chouchou : l'héroïne qui appelle son beau pianiste au téléphone, dans un bar. Alors que le barman va le chercher, à travers le combiné elle l'entend jouer et ça la rend heureuse. Puis le barman revient et lui dit que son mec n'est pas là. Bling, douche froide. Pas besoin d'en rajouter. A la toute fin : petit travelling arrière avec gros plan sur le visage à la fois triste et souriant de l'actrice et hop, terminée la parenthèse. 90mn fraîches et impeccables.
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Alexandre Angel
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

shubby a écrit : 17 déc. 21, 23:23 Au traditionnel pano ou champs-contre-champs pour passer d'un invidu à un autre - ça n'arrête pas là-dedans et les lieux sont multiples - Walsh enchaîne des trucs d'un autre temps que je ne comprends pas toujours, mais qui fonctionnent et sont joliment chorégraphiés.
Tu peux donner des exemples ? :)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par shubby »

J'en sais rien, j'ai pas compris :)
Bien sur qu'il y a ça, mais pas que. Les panos sont souvent stoppés. Les champs / contre champs gardent souvent du 3/4 dos ; ça laisse une ouverture vers une tête qui se tourne vers un tiers. Pas forcément, mais on sent que ça peut. Walsh joue avec la profondeur de champs, se sert d'un type qui passe pour revenir sur ces deux-là. Les gens se croisent et se décroisent : c'est une valse permanente ce truc. Ca pivote pas mal autour du piano ça et là. La gestion des foules et persos de passage est brillante. Du figurant à la tête d'affiche, on croise de tout. Et ça dès le début. Le musical, puis du blabla entre des musicos. C'est le bordel, une troupe, normalement, mais là non, c'est fluide. Ida qui chante (doublée), piano, musicos, une femme qu'on ne verra plus qui parle à Ida, re-piano, musicos qui blablatent et rejouent un truc. Puis enchaînement casse-gueule sur une soeur serveuse, ailleurs. Et rebelotte : celle-ci marche, fait son job ds un resto bondé, cause à une collègue, puis à un intendant gentil comme tout, qui lui parle encore alors qu'il est hors champs... mais pas le gérant de la boîte, personnage important qu'on découvre là maintenant à travers son regard explicite lancé à la serveuse - toujours la soeur, donc - qui s'eclipse, remplacée ds le même plan par l'intendant qui revient, auquel parle le gérant etc. On retrouve un peu des attributs du théâtre ; tt ce travail en amont sur le placement et l'enchaînement. Tout ça sur les 8 premières minutes ! C'est fou le nbre de gens qu'on peut croiser en 8mn. Avec tjrs un pt de vue, même léger, qui permet de rester à bord. On est trimballés, avec le sourire et sans 4DX siouplé. Bah c'est juste brillant, quoi :)

Même le musical central. Mine de rien, en plus d'être chouette, l'intermède n'est pas neutre. Travelling qui part du groupe pour venir sur un couple contrarié. L'homme pose sa main sur celle de la femme qui la repousse en ciblant les musiciens du doigt. L'intermède sert de faux-fuyant !! Et hop, plan serré sur les musicos - passage festif clarinette qu'un Woody Allen doit aussi kiffer soit dit en passant.
Montage globalement très musical, rythmé. La cloture de ce morceau est géniale : suite de plans serrés sur des packs de 2 musiciens, puis à l'approche de la fin on recule un peu pour chopper tout le groupe, puis sur les dernières notes on recule à fond et on embrasse enfin la salle en joie. C'est clairement une démo. Un John Landis a dû zieuter ça lui aussi. Le pied :) Pour le reste, le titre et la romance de la heroine sont presque accessoires en regard des... accessoires, tous mis au premier plan. En cela, une partie de la réussite du film peut relever de l'accident.

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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

shubby a écrit : 18 déc. 21, 13:28 Les panos sont souvent stoppés. Les champs / contre champs gardent souvent du 3/4 dos ; ça laisse une ouverture vers une tête qui se tourne vers un tiers. Pas forcément, mais on sent que ça peut. Walsh joue avec la profondeur de champs, se sert d'un type qui passe pour revenir sur ces deux-là. Les gens se croisent et se décroisent : c'est une valse permanente ce truc. Ca pivote pas mal autour du piano ça et là. La gestion des foules et persos de passage est brillante. Du figurant à la tête d'affiche, on croise de tout. Et ça dès le début. Le musical, puis du blabla entre des musicos. C'est le bordel, une troupe, normalement, mais là non, c'est fluide. Ida qui chante (doublée), piano, musicos, une femme qu'on ne verra plus qui parle à Ida, re-piano, musicos qui blablatent et rejouent un truc. Puis enchaînement casse-gueule sur une soeur serveuse, ailleurs. Et rebelotte : celle-ci marche, fait son job ds un resto bondé, cause à une collègue, puis à un intendant gentil comme tout, qui lui parle encore alors qu'il est hors champs... mais pas le gérant de la boîte, personnage important qu'on découvre là maintenant à travers son regard explicite lancé à la serveuse - toujours la soeur, donc - qui s'eclipse, remplacée ds le même plan par l'intendant qui revient, auquel parle le gérant etc. On retrouve un peu des attributs du théâtre ; tt ce travail en amont sur le placement et l'enchaînement. Tout ça sur les 8 premières minutes ! C'est fou le nbre de gens qu'on peut croiser en 8mn. Avec tjrs un pt de vue, même léger, qui permet de rester à bord. On est trimballés, avec le sourire et sans 4DX siouplé. Bah c'est juste brillant, quoi :)

Même le musical central. Mine de rien, en plus d'être chouette, l'intermède n'est pas neutre. Travelling qui part du groupe pour venir sur un couple contrarié. L'homme pose sa main sur celle de la femme qui la repousse en ciblant les musiciens du doigt. L'intermède sert de faux-fuyant !! Et hop, plan serré sur les musicos - passage festif clarinette qu'un Woody Allen doit aussi kiffer soit dit en passant.
Montage globalement très musical, rythmé. La cloture de ce morceau est géniale : suite de plans serrés sur des packs de 2 musiciens, puis à l'approche de la fin on recule un peu pour chopper tout le groupe, puis sur les dernières notes on recule à fond et on embrasse enfin la salle en joie. C'est clairement une démo. Un John Landis a dû zieuter ça lui aussi. Le pied :) Pour le reste, le titre et la romance de la heroine sont presque accessoires en regard des... accessoires, tous mis au premier plan. En cela, une partie de la réussite du film peut relever de l'accident.
Et voilà, tu l'as remis en haut de ma pile.

L'extrait que tu balances est magnifique : on sent la tension énergétique du style walshien, ce sens affolant du tempo, de la pulsation interne, de la fluidité, du liant, de la captation presque sauvage de ce qui finit par apparaître à l'image.
Walsh est mon idole.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par shubby »

Ca devait qd même une structure classique à l'époque. Ce passage de Stormy Weather avec fats Waller a bcp de similitudes.

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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

Oui et non.
D'abord il est certain que la musique "branchée" de l'époque était le jazz.
Mais Stormy Weather était un film musical, dont le jazz (mais dans des limites acceptables pour le public blanc) était le sujet.
Dans le cas du Walsh, le jazz n'est pas seulement à l'image, il est dans la pulsation du montage. Tu trouves ça dans presque tous les Walsh de la Warner (firme où il était comme un poisson dans l'eau), ce sens très aigu du tempo. J'ai envie de dire que c'est lui le jazzman, quelque soit le sujet. Il avait tendance à monter en tournant, pour empêcher les producteurs de le faire chier. Mais pour se permettre ça, il fallait un sacré tempérament couplé à un sens du rythme imparable.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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