La bataille navale à Hawaï et au large de la Malaisie (Kajiro Yamamoto – 1942)
Encouragé par son cousin, un jeune homme cherche à devenir pilote pour l'armée. L’entraînement est plus dur que prévu mais il ne lâche rien.
Ce film de pur propagande a toujours sa petite réputation grâce aux nombreux effets spéciaux du spécialiste Eiji Tsuburaya (qui s'occupa des Kaiju Eiga de la Toha) au point d'avoir été utilisé par les américains comme de véritables images de l'attaque japonaise sur Pearl Harbor.
Il est vrai que le raid du 8 décembre est particulièrement bien fait et possède encore quelques plans et trucages épatant avec des maquettes qu'on devine gigantesques et très détaillées. D'autres ont pris un coup de vieux mais aucun n'est ridicule ou bâclé.
La seconde séquence de guerre (au large de la Malaisie donc) est moins impressionnante pour son jeu d'échelle assez pénalisé par le manque de relief de la mer et moins de navires à l'image. Le découpage n'est aussi pas autant immersif d'ailleurs, reposant trop sur un champ-contre-champ.
Comme ces deux séquences ne suffisent pas à meubler un film de 2h, il faut bien broder sur une histoire. Elle fonctionne plutôt bien dans le premier tiers où l'on découvre en même temps que le jeune protagoniste le monde l'armée : l'entraînement physique, les cours théoriques, les premières leçon de pilotage, avoir une mentalité de battant, la cantine, les élèves en morse qui s'entraîne au code avec leur baguette et leur bol à la cantine... Autant dire que c'est très didactiques, sans finesse ni mesure dans la glorification de l'Empereur, de la gestion des recrues et de la camaraderie. La famille n'est pas en reste avec la mère qui considère avec une certaine fierté qu'elle n'a plus de fils puisque désormais il appartient corps et âme à l'armée. Sans oublier le grand cousin qui vient toutes les 20 minutes pour faire la leçon de moral à son cadet pour lui dire que sa vision reste encore très étriquée en oubliant le principal : l'Empereur !
Mais ça passe grâce au sens du cadre de Yamamoto qui joue habilement des figures géométriques pour composer de nombreux plans inspirés. Qu'il s'agisse des séquences en extérieur en nature, des intérieurs familiaux ou des camps d'entraînements, Yamamoto évite l'enlisement statique et la lourdeur démonstrative par sa mise en scène vivante et dynamique.
Par contre une fois que le jeune héros est devenu un pilote aguerri, il n'y a plus grand chose à raconter et on n'échappe plus aux longs discours militaires enregistrés sans grande inspiration. Les personnages aussi deviennent plus unilatéraux et affichent un grands sourires extatiques quand ils apprennent que leur mission sera un aller sans retour.
Malgré toute la qualité des trucages, on finit par suivre passivement les 20 dernières minutes.
Le jeune homme capricieux (Mansaku Itami – 1935)
Deux ronins sans le sous et affamés intègrent un clan qui vient d'apprendre que leur rivaux préparent une attaque prochainement. Ils se portent volontaire pour les infiltrer et étouffer leur désir d'expansion dans l'oeuf.
Deuxième découverte de l'univers de Mansaku Itami et c'est un nouveau gros coup de coeur. J'aurais presque envie de pousser jusqu'à "révélation", au du moins "confirmation d'une révélation". Même si la stricte mise en scène est moins inspirée, moins spirituelle que
L’espion Kakita Akanishi, l'univers du cinéaste est un pur régal. Une fois de plus il brocarde génialement le chambara et Jidai-Geki, mettant à mal quasiment toutes les conventions du genre en les détournant, parodiant, amplifiant. Ca va autant des codes vestimentaires (les accessoires dont la taille triple) à la coiffure accentuée en passant par les formules de politesse ou son folklore : guerre de clans, tournoi, brigands, seigneur cruel... Ici, le moindre samurai est un poltron planqué qui accepte de se battre en défi seulement si l'issu du combat est défini à l'avance et que les passes d'armes se déroulent au ralenti tandis que le méchant lit son horoscope pour vérifier s'il doit bien faire exécuter ou non ses prisonniers.
Le film regorge de trouvailles formidables de ce genre qu'il serait fastidieux de citer. J'ai quand même envie d'évoquer le discours de démission du chef des brigand, la rencontre nocturne avec l'épouse aux dialogues savoureux ou le comptable se demandant comment faire des économies pour payer les nouvelles recrues. Et les acteurs s'en donnent à coeur joie dans le flegme candide à commencer par la vedette Chiezo Kataoka qui joue avec délice de son image.
Mais c'est surtout le concept de la poule au oeufs d'or qui est formidable, une idée aussi simple, absurde que diablement réfléchie.
- Spoiler (cliquez pour afficher)
- Le héros a en fait fondu l'argent demandé à son seigneur avant la mission d'infiltration pour façonner des œufs en or. Il les place ensuite au hasard dans les poulaillers de paysans ou de bourgeois pour créer une frénésie générale dans tout le fief envers les gallinacée pour les détourner de leurs ambitions guerrières
Comme Itami cherchait à s'affranchir des scènes de combats spectaculaire et de la glorification de l'héroïsme, les ninja ne s'occupent que de la gestion des oeufs dorés et son climax est une délirante invasion surréaliste des poules en surimpression qui viennent parader sur les champs, routes, cieux et château. Et avant cela, elles piétinaient les sabres abandonnés au sol et marchaient vers la caméra, comme s'il s'agissait d'une armée de samurai un peu désordonné.
Tout simplement grandiose et très culotté.
Alors certes, le film n'est pas toujours dynamique avec quelques séquences un peu trop longues et moins d'idée de mises, même si la gestion des ellipses est une nouvelle fois un pur régal, mais pour son irrésistible originalité et son humour irrévérencieux,
le jeune homme capricieux est une bouffée d'oxygène aussi enthousiasmante que rafraichissante.
Ca donne vraiment de découvrir le reste de sa filmographie, réalisation comme scénario. Ce qui risque de s'avérer compliqué vu le peu qui a survécu et reste accessible.