Re: Harold Lloyd (1893-1971)
Publié : 29 janv. 12, 17:15
Girl shy (Fred Newmeyer & Sam Taylor, 1924)
Ce Girl shy est une grande date du cinéma muet. D'une part, parce qu'il est une impressionnante déclaration d'indépendance d'un des plus importants comédiens de la décennie, ensuite parce qu'en prime c'est un film à la fois dans la tradition des autres longs métrages de Lloyd, et novateurs sur un certain nombre de points. L'acteur-producteur-patron a bien retenu la formule de ses films qu'il a bien sur contribué à créer, mais a aussi fait un peu plus que ce qu'il se permettait chez Roach. Rarement on n'avait vu auparavant un tel soin apporté à la création d'une comédie Américaine, et ce n'est pas un hasard si le film est contemporain des premiers grands films de Buster Keaton qui lui aussi cherchait à étendre le champ d'action de la comédie...
Harold Meadows est un benêt, habitant timide et si complexé de la petite ville de Little bend ou il est apprenti tailleur, qu'il en bégaie. Les femmes l'effraient, alors il tend à les caricaturer dans un projet de livre absolument ridicule ou il raconte des aventures imaginaires toutes plus idiotes les unes que les autres, mais ça n'arrange rien: eles ne l'effraient que plus... jusqu'au jour ou il rencontre la jeune, riche, et belle Mary Buckingham, dans le train qui les mêne à la ville. Elle se passionne pour son livre, et surtout pour lui, et il va désormais rêver d'elle. Mais comment assumer la différence sociale?
Une comédie, donc, d'une veine classique pour Lloyd, puisqu'il s'agit pour lui de montrer la métamorphose d'une andouille, de le montrer se dépassant pour conqu"rir et mériter la main d'une jeune femme. Si l'essentiel de l'intrigue (Complétée par la menace d'un mariage de Mary avec un butor polygame) concerne bien sur le changement qui s'opère en Harold jusqu'à ce qu'il prenne le taureau par les cornes et vienne la chercher à pied, en moto, en voiture(s), en tramway et même en carriole trainée par des chevaux, on constatera qu'une forte portion de ce film est consacrée à la cour que se mènent les deux amoureux. Et si on y rit, souvent, Lloyd n'a pas hésité à prendre les aspects sentimentaux de front, en choisissant le décor (Une petite rivière, un beau jour de printemps...) et en prenant les deux amoureux au premier degré, aidé d'ailleurs par la complicité et le talent de Jobyna Ralston. Celle-ci, déja active dans Why worry, porte une grande responsabilité de l'intrigue sur le dos. On aime sa Mary Buckingham, son sentiment d'être trahie par l'homme qu'elle aime lorsque Harold fait mine de se séparer d'elle afin de lui éviter un mariage désastreux avec un taileur sans le sou. La jeune femme complète vraiment le jeu de Lloyd: voilà un atout du comédien sur Keaton, par exemple, qui menait ses partenaires par le bout du nez...
Dans ce film, comme souvent, l'action mène à une séquence spectaculaire qui prend l'essentiel des trois dernières bobines, lorsque le bègue incapable d'aligner trois mots part de sa petite ville en trombe, et passe de véhicule en véhicule avec une énergie phénoménale. Comme souvent, c'est cette énergie, cette soudaine soif d'action qui va finir de faire d'Harold Meadows un homme... et qui va lui donner l'amour, bien sur! L'acteur est à la fête dans les séquences spectaculaires, même doublé, mais sait aussi étendre son registre en passant du rôle de ce pauvre Harold à son double maléfique, cet affreux bonhomme qui va de conquête en conquête, présenté dans les passages du livre...
L'allongement du film, via le lyrisme des scènes d'amour, même bien complétées par des gags souvent tendres, se passe bien. L'équipe de ses films précédents est ici reconstituée, et le passage à huit bobines se fait sans heurts. Désormais son propre patron, Lloyd a montré qu'il n'avait besoin de personne. Typiquement, malgré tout, ce film serait suivi d'un autre moins ambitieux, afin de pallier éventuellement à un échec de ce film qui ressemble à s'y méprendre à un film sentimental assez traditionnel. Une bonne vieille méthode qui montre bien que Lloyd ne perdait pas le nord. et puis avouons-le: deux films de Lloyd en 1924 - Pourquoi s'en plaindre?
http://allenjohn.over-blog.com/
Ce Girl shy est une grande date du cinéma muet. D'une part, parce qu'il est une impressionnante déclaration d'indépendance d'un des plus importants comédiens de la décennie, ensuite parce qu'en prime c'est un film à la fois dans la tradition des autres longs métrages de Lloyd, et novateurs sur un certain nombre de points. L'acteur-producteur-patron a bien retenu la formule de ses films qu'il a bien sur contribué à créer, mais a aussi fait un peu plus que ce qu'il se permettait chez Roach. Rarement on n'avait vu auparavant un tel soin apporté à la création d'une comédie Américaine, et ce n'est pas un hasard si le film est contemporain des premiers grands films de Buster Keaton qui lui aussi cherchait à étendre le champ d'action de la comédie...
Harold Meadows est un benêt, habitant timide et si complexé de la petite ville de Little bend ou il est apprenti tailleur, qu'il en bégaie. Les femmes l'effraient, alors il tend à les caricaturer dans un projet de livre absolument ridicule ou il raconte des aventures imaginaires toutes plus idiotes les unes que les autres, mais ça n'arrange rien: eles ne l'effraient que plus... jusqu'au jour ou il rencontre la jeune, riche, et belle Mary Buckingham, dans le train qui les mêne à la ville. Elle se passionne pour son livre, et surtout pour lui, et il va désormais rêver d'elle. Mais comment assumer la différence sociale?
Une comédie, donc, d'une veine classique pour Lloyd, puisqu'il s'agit pour lui de montrer la métamorphose d'une andouille, de le montrer se dépassant pour conqu"rir et mériter la main d'une jeune femme. Si l'essentiel de l'intrigue (Complétée par la menace d'un mariage de Mary avec un butor polygame) concerne bien sur le changement qui s'opère en Harold jusqu'à ce qu'il prenne le taureau par les cornes et vienne la chercher à pied, en moto, en voiture(s), en tramway et même en carriole trainée par des chevaux, on constatera qu'une forte portion de ce film est consacrée à la cour que se mènent les deux amoureux. Et si on y rit, souvent, Lloyd n'a pas hésité à prendre les aspects sentimentaux de front, en choisissant le décor (Une petite rivière, un beau jour de printemps...) et en prenant les deux amoureux au premier degré, aidé d'ailleurs par la complicité et le talent de Jobyna Ralston. Celle-ci, déja active dans Why worry, porte une grande responsabilité de l'intrigue sur le dos. On aime sa Mary Buckingham, son sentiment d'être trahie par l'homme qu'elle aime lorsque Harold fait mine de se séparer d'elle afin de lui éviter un mariage désastreux avec un taileur sans le sou. La jeune femme complète vraiment le jeu de Lloyd: voilà un atout du comédien sur Keaton, par exemple, qui menait ses partenaires par le bout du nez...
Dans ce film, comme souvent, l'action mène à une séquence spectaculaire qui prend l'essentiel des trois dernières bobines, lorsque le bègue incapable d'aligner trois mots part de sa petite ville en trombe, et passe de véhicule en véhicule avec une énergie phénoménale. Comme souvent, c'est cette énergie, cette soudaine soif d'action qui va finir de faire d'Harold Meadows un homme... et qui va lui donner l'amour, bien sur! L'acteur est à la fête dans les séquences spectaculaires, même doublé, mais sait aussi étendre son registre en passant du rôle de ce pauvre Harold à son double maléfique, cet affreux bonhomme qui va de conquête en conquête, présenté dans les passages du livre...
L'allongement du film, via le lyrisme des scènes d'amour, même bien complétées par des gags souvent tendres, se passe bien. L'équipe de ses films précédents est ici reconstituée, et le passage à huit bobines se fait sans heurts. Désormais son propre patron, Lloyd a montré qu'il n'avait besoin de personne. Typiquement, malgré tout, ce film serait suivi d'un autre moins ambitieux, afin de pallier éventuellement à un échec de ce film qui ressemble à s'y méprendre à un film sentimental assez traditionnel. Une bonne vieille méthode qui montre bien que Lloyd ne perdait pas le nord. et puis avouons-le: deux films de Lloyd en 1924 - Pourquoi s'en plaindre?
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