Jules Dassin (1911-2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Barry Egan
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Barry Egan »

Les Démons de la Liberté

Burt Lancaster est toujours bon où qu'il joue, j'ai l'impression, là aussi, il est excellent, et le film fonctionne du début à la fin, avec d'excellents seconds rôles (le directeur de prison couard, le médecin ivrogne, le policier nazi de service). Société concentrationnaire, où chacun est emprisonné avec ses rêves de richesse, de couple heureux, de travail qui paie, et un film qui la dénonce justement à travers une métaphore pas très subtile mais efficace. La fin, après avoir été enflammée, est terne comme la cendre.

La Cité sans voiles

La voix off m'a gonflé du début à la fin. Le tournage en extérieur ne se sent pas tellement c'est chiadé, le scénario avec ses twists ne retourne en rien l'esprit du spectateur, les acteurs jouent des rôles qui aujourd'hui en tout cas semblent stéréotypés (l'inspecteur roublard, le jeune enthousiaste, le menteur pathologique...) y a rien qui déborde du cadre, ça manque de vie pour un film censé illustrer une ville foisonnante. Pas emballé.

Du rififi chez les hommes

Bon ben là on parle classique du cinéma. On croit voir un petit film noir tranquille au départ, partie de cartes entre malotrus, chanson avec nana déshabillée au troquet du coin (Magali Noël, splendide), coups de ceinture sur femelle sans défense hors champ (on ne fait jamais plus répugnant), et puis ça commence à se tourner vers autre chose, l'argent durement gagné (et on montre bien les efforts qu'il a fallu consacrer à ces gains désespérés), la jalousie, des flics toujours en retard, des méchants de partout, une corruption généralisée à laquelle pour le moment on essaie d'épargner les enfants, quitte à se sacrifier pour eux au terme d'une folle virée en voiture (quel montage !). Des acteurs neutres et redoutables, je ne connaissais Jean Servais que dans "L'homme de Rio", ici, il est encore pire de méchanceté oblique. Une idée de mise en scène à chaque plan, même pour illustrer des anecdotes de l'histoire à raconter (ce truand trop sentimental attaché à un poteau qui attend son heure...). Formidable.

Le topic dit que "Les Forbans de la nuit" est son meilleur film, je me le garde pour demain.
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Thaddeus
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Thaddeus »

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La cité sans voiles
En adaptant l’esthétique et les méthodes de tournage néoréalistes toutes fraîches au processus classique de l’enquête policière, Dassin ouvrait la voie à une dimension documentaire dont le genre lui reste encore redevable. L’approche est donc inédite mais son application ne va pas sans faiblesses, comme en témoignent notamment les scènes de la vie familiale du flic inexpérimenté, glissées artificiellement dans le cours du récit. Le meilleur du film se situe incontestablement dans sa peinture du biotope new-yorkais, entité principale agissant comme un grand corps maléfique, et dans la tension que fait naître la dernière partie : une course-poursuite au sein du quartier de Delancey Street (enseignes en yiddish, vieillards barbus, pierres tombales) qui s’achève spectaculairement en haut du pont de Brooklyn. 4/6

Les forbans de la nuit
C’est le portrait d’un homme qui refuse de grandir, d’un mythomane obsédé par le désir de se faire un nom, d’un incorrigible bonimenteur hanté par la crainte d’être trahi et vendu. Le Londres nocturne dans lequel il évolue est un creuset où la mort prépare ses assauts, où les visages de femmes prennent valeur d’icônes, où chaque être participe d’une poésie étrange qui suinte le malheur : vendeurs à la criée, musiciens des rues, trafiquants et brocanteurs, gogos et entremetteurs, mendiants et receleurs. Entre réalisme et stylisation, documentaire et lyrisme, Dassin fait le récit d’une longue poursuite s’achevant à l’aube sur un constat d’échec, d’un engrenage infernal soumis aux forces contraires de la paranoïa et de la cupidité, de la dignité et du sacrifice, de l’amour et de la rédemption. Un grand film noir. 5/6
Top 10 Année 1950

Du rififi chez les hommes
Un noir et blanc pluvieux, des impers et des chapeaux mous, un argot du milieu fignolé par Auguste Lebreton, des femmes trop légères pour garder de lourds secrets : tout un paysage est ici dressé, qui fera fortune. Exilé d’Hollywood qui l’a mis sur liste noire, le cinéaste introduit en France la densité du thriller américain et sait pourtant trouver une pesanteur française qui, tout comme le héros fatigué en proie à un désabusement série A, annonce Melville. Une fois de plus l’argument est transcendé par sa vision d’une ville (Paris) plongée dans la nuit, par sa sympathie lucide pour des personnages dont il ne masque pas la vacuité, par le fini de sa réalisation (la scène du cambriolage, avec ses vingt minutes sans parole, a fait date), par ce secret d’approche qu’il faut bien appeler le sens de la chaleur humaine. 4/6

Topkapi
Cette fois Dassin s’amuse, plonge à pleines mains dans toutes les couleurs et s’en barbouille. Il braque sur son histoire de vol de bijoux un œil séduit par un lutteur brillant d’huile, par la bouche de Mélina Mercouri, par l’éclat d’un vitrail ou d’une émeraude, par la féérie populaire d’une enseigne foraine. Il ne se prive pas du plaisir du jeu et n’en prive pas les autres, explore les charmes du Pirée, multiplie les images serrées, hachées, lumineuses, salue la joie de vivre de la métropole turque, écrin idéal de son actrice (en vert-pomme, en orange, en violet, en rose dentifrice). Clou du spectacle : un casse acrobate exécuté et mis en scène avec une précision millimétrée. La mécanique fonctionnant parfaitement, il importe de se laisser griser par les attrapes du mécanicien. Comme disait l’autre : Istanbul est une fête ! 4/6


Mon top :

1. Les forbans de la nuit (1950)
2. Du rififi chez les hommes (1955)
3. Topkapi (1964)
4. La cité sans voiles (1948)

En attendant de découvrir sa période américaine (la plus féconde en terme de réussite et d’inspiration, si j’en crois sa réputation), Dassin m’apparaît, au-delà de sa trajectoire exemplaire de victime du maccarthysme, comme un brillant serviteur du cinéma noir, auquel il a sans doute apporté une inflexion (réaliste, sociale) ayant fait florès.
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Barry Egan
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Barry Egan »

Les forbans de la nuit

C’est le portrait d’un homme qui refuse de grandir, d’un mythomane obsédé par le désir de se faire un nom, d’un incorrigible bonimenteur hanté par la crainte d’être trahi et vendu. Le Londres nocturne dans lequel il évolue est un creuset où la mort prépare ses assauts, où les visages de femmes prennent valeur d’icônes, où chaque être participe d’une poésie étrange qui suinte le malheur : vendeurs à la criée, musiciens des rues, trafiquants et brocanteurs, gogos et entremetteurs, mendiants et receleurs. Entre réalisme et stylisation, documentaire et lyrisme, Dassin fait le récit d’une longue poursuite s’achevant à l’aube sur un constat d’échec, d’un engrenage infernal soumis aux forces contraires de la paranoïa et de la cupidité, de la dignité et du sacrifice, de l’amour et de la rédemption. Un grand film noir.
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Barry Egan
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Barry Egan »

Les Bas Fonds de Frisco

N'ayant rien lu du sujet du film, j'ai été cueilli dès la première scène entre le père et le fils, très surprenante, et le déroulement des évènements, jusqu'à ce happy end couillu où le héros épouse une prostituée... (incroyable que la Fox ait laissé sortir ça !) Il y a quelque chose de subliminal dans la première scène, dans le sens où le personnage ramène tout un tas de cadeaux de l'étranger pour ses proches, comme si chacune de ces acquisitions s'était faite à la loyale, pour se rendre compte dans son propre pays, les Etats-Unis d'Amérique que le marché est truqué, que les faibles s'y font démolir financièrement comme physiquement. Le héros refusera d'ailleurs de sous-payer encore plus les agriculteurs à qui il achète les pommes dans une scène ultérieure. S'il y a quelque chose d'admirable ici, c'est la démonstration directe de ce qu'est un marché, des gens corrects qui se font écraser par des intermédiaires véreux, et d'autres gens un peu moins corrects qui achètent leurs marchandises à ces exploiteurs. Le film exhibe concrètement le caractère proto-mafieux de la distribution à grande échelle, et de ce qu'il faut trahir en termes moraux, c'est-à-dire en termes de rapports de personne à personne, pour assurer cette distribution. Dans ce cadre-là, épouser une prostituée au grand cœur est certainement le choix le moins pire.

Cinématographiquement, c'est encore une fois la grande classe, l'ambiance est tendue, l'alternance entre Nikos à San Francisco et son compère sur la route jusqu'à sa brutale sortie de route est admirablement gérée. Et les acteurs sont tous très bons. Excellent film !
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Alexandre Angel
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Alexandre Angel »

Barry Egan a écrit : 4 mai 23, 18:01 Les Bas Fonds de Frisco
N'ayant rien lu du sujet du film, j'ai été cueilli dès la première scène entre le père et le fils, très surprenante, et le déroulement des évènements, jusqu'à ce happy end couillu où le héros épouse une prostituée... (incroyable que la Fox ait laissé sortir ça !)
J'allais te dire que John Wayne part avec la putain à la fin de Stagecoach et la putain part avec son Jules à la fin de l'étonnant Rain, de Lewis Milestone (1932) mais ce ne sont pas des films Fox.
Sinon, je suis totalement de ton avis sur le Jules Dassin que tu m'as donné envie de revoir.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Barry Egan
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Barry Egan »

Merci pour la référence au Milestone, je vais essayer de trouver ça. Ces films pré-Code sont généralement un bonheur !
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par The Eye Of Doom »

Barry Egan a écrit : 7 mai 23, 09:44 Merci pour la référence au Milestone, je vais essayer de trouver ça. Ces films pré-Code sont généralement un bonheur !
Pour Rain, le bluray sorti dernièrement aux us.
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Alexandre Angel
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Alexandre Angel »

The Eye Of Doom a écrit : 7 mai 23, 09:58
Barry Egan a écrit : 7 mai 23, 09:44 Merci pour la référence au Milestone, je vais essayer de trouver ça. Ces films pré-Code sont généralement un bonheur !
Pour Rain, le bluray sorti dernièrement aux us.
Ah, ça doit être bien parce que moi, je l'ai vu en dvd Wild Side "Vintage Classics" et c'est pas fameux :|
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par The Eye Of Doom »

Alexandre Angel a écrit : 7 mai 23, 13:50
The Eye Of Doom a écrit : 7 mai 23, 09:58
Pour Rain, le bluray sorti dernièrement aux us.
Ah, ça doit être bien parce que moi, je l'ai vu en dvd Wild Side "Vintage Classics" et c'est pas fameux :|
Le film ou la copie ?
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Re: Jules Dassin (1911-2008)

Message par Alexandre Angel »

The Eye Of Doom a écrit : 7 mai 23, 14:16
Alexandre Angel a écrit : 7 mai 23, 13:50
Ah, ça doit être bien parce que moi, je l'ai vu en dvd Wild Side "Vintage Classics" et c'est pas fameux :|
Le film ou la copie ?
rhooo à ton avis!!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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