Romeo & Juliette (Franco Zeffirelli - 1968)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Major Tom
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Re: Romeo & Juliette (Franco Zeffirelli, 1968)

Message par Major Tom »

Cela faisait longtemps que je voulais voir cette fameuse adaptation de la célèbre pièce universelle de Shakespeare, sans en attendre monts et merveilles. Je n'avais pas parcouru ce topic mais je savais que le forum ne la portait pas très haut dans le cœur (ni elle ni son auteur). Au final, je ne suis pas trop déçu, au contraire, j'ai même été plutôt charmé par ce film à défaut de l'être totalement par le couple-star (ce qui est un peu problématique me direz-vous). En même temps, avec une base comme Roméo & Juliette, il faudrait vraiment y aller au marteau-piqueur en trahissant les textes comme l'aurait souhaité l'iconoclaste Bruce Randylan :) pour me décevoir. Cependant, je n'ai rien contre les adaptions modernisées, comme l'hystérique Richard III de Richard Loncraine avec Ian McKellen et Annette Bening, ou West Side Story de Jerome Robbins et Robert Wise pour rester avec Roméo & Juliette. Je n'ai pas vu le Roméo + Juliette de Baz Lurhman qui ne me tente mais alors pas du tout. Évidemment, il y a beaucoup de défauts dans le Zeffirelli, cependant j'ai passé un très bon moment pendant ses deux heures quinze que je n'ai pas vu passer... et c'est ce qui compte.

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C'est très difficile de faire une adaptation d'une pièce de Shakespeare au cinéma, surtout un Roméo & Juliette, œuvre pleine de beauté poignante et de passion déchirante. Comme le disait très justement Roy Neary, c'est Shakespeare, c'est vrai, et ça devrait gueuler, étinceler et partir dans tous les sens. Je ne porte pas le film aux nues, mais je trouve quand même que vous manquiez un peu d'indulgence dans vos commentaires de 2005. :) Il m'a cependant semblé apercevoir quelques néophytes dans le tas, qui reconnaissaient ne pas connaître ou ne pas aimer les pièces ou les adaptations en question, donc on va leur pardonner. :mrgreen:

Le problème que l'on retrouve souvent dans les adaptations de Shakespeare disons "classiques" au cinéma, c'est que souvent, malgré tous les efforts de la mise en scène pour faire diversion, cela ressemble à du théâtre filmé. La première version importante, signée George Cukor, en dehors de son aspect ultra-classique, va jusqu'à accentuer son appartenance au théâtre. Or, on est au cinéma et pas au National Theatre de Londres ou à la Comédie Française. Les monologues des personnages sont aussi difficiles à gérer pour un metteur en scène que dérisoires à regarder pour un public de salle de cinéma. On retrouve cela, hélas, dans le Zeffirelli. En 1971, lorsqu'il a signé son Macbeth, Roman Polanski (dont je ne peux m'empêcher de dire qu'il a signé l'une des meilleures adaptations shakespeariennes au cinéma) a trouvé une parade extrêmement ingénieuse: il a remplacé de nombreuses tirades par des pensées intérieures, au lieu de faire déclamer à ses acteurs des pavés interminables à voix haute quand ils sont seuls. Au théâtre, surtout au temps de Shakespeare, c'est logique que les acteurs disent leurs intentions à voix haute, mais au cinéma, les personnages n'ont plus besoin de se parler à eux-mêmes de façon aussi ostensible. La célèbre scène où Juliette déclare son amour au balcon en pensant être seule fait figure d'exception.

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En dehors des textes récités, pour revenir au film, je trouve quand même que le réalisateur s'en est bien tiré dans la transposition, à commencer dans le choix d'acteurs jeunes et proches de l'âge des personnages (Juliette est quand même censée avoir treize ans). Toutefois, ce choix judicieux est terni par leur manque d'expérience presque inévitable. En dehors des seconds rôles plutôt inspirés comme Tybalt ou le Mercutio effronté, la direction artistique est indigne pour les deux têtes d'affiche. Ils sont beaux mais ils surjouent leurs grandes scènes tragiques (encore une fois, ce n'est pas du théâtre et les scènes de lamentation deviennent vite embarrassantes). Néanmoins, je pense qu'on peut ajouter une grande qualité à ce choix: ils ne débarquent pas dans l'histoire en étant conscients de participer à une grande tragédie, comme j'ai pu le voir parfois ailleurs. J'aime bien le début où ce sont des imbéciles heureux. Plusieurs fois, ils rient, ensemble ou chacun avec son entourage, ils exultent comme dans un rêve. Certes, ils ont des mauvais pressentiments comme le veut la pièce, mais ils n'apparaissent pas l'air déjà accablés par le destin comme le font des acteurs plus âgés, à l'instar du film de Cukor où l'interprétation est entre deux âges, et qui prennent un ton dramatique d'emblée. Zeffirelli change même le début de la pièce: Roméo n'apparaît pas triste ni en larmes dans sa première scène, mais on le voit marcher l'air radieux. Ici, Roméo et Juliette pensent vraiment vivre une grande aventure, qui trouverait une fin heureuse et triomphante.

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Le traitement des personnages secondaires, Mercutio en être jovial mais décadent, et Tybalt plus irresponsable que belliqueux comme il pouvait l'être dans la pièce, m'a beaucoup plu aussi. Ce sont des grands gamins. Leur affrontement est présenté comme une bagarre d'adolescents; ils plaisantent et rient de leurs imbécilités. Ce n'est plus du tout la pièce où Tybalt se bat pour tuer. Roméo & Juliette est un drame de la confusion et de la malchance, et Zeffirelli appuie davantage sur cet aspect en filmant le coup fatal que porte Tybalt à Mercutio, par la faute de Roméo, comme un accident.

La reconstitution est assez réussie et le décor très beau. Bien sûr, on grimacera en voyant Roméo soulever une grande pierre en carton pour casser la porte de la crypte où repose le corps de Juliette. Les libertés prises avec la pièce sont parfois compréhensibles (pour faciliter le tournage je suppose avec le frère franciscain ne succombant pas à une épidémie de peste mais qui rate de justesse sa rencontre avec Roméo), parfois bien trouvées (la mort de Mercutio prise pour une blague, même si cette scène est longue et pas très réussie), et parfois étonnantes avec cette fin où c'est le prince qui donne la leçon aux deux familles (dans la pièce, le frère Laurent leur raconte l'histoire des deux amoureux après leur mort, lis une lettre de Roméo et permet aux Capulet et aux Montaigu de se réconcilier). Bon, en somme, il s'agit d'un film très agréable à regarder, joliment photographié (le DVD ne lui rend pas hommage), possédant de belles séquences comme la rixe opposant les deux familles rivales au début, la procession des masques avec la première rencontre entre Roméo et Juliette, leur nuit de noce, etc. Mais j'attends encore furieusement de voir une bonne adaptation de Roméo & Juliette au cinéma. Pour l'instant, le Zeffirelli fait office de "meilleur", en attendant.
Histoire de revenir à la genèse du topic, je n'ai pas fait attention à la musique de Nino Rota :mrgreen: avant la fin du film. Certes, elle est bien, mais j'ai bien fait de voir le film avant de tomber sur ce sujet car si ça se trouve, j'aurais plus fait attention à elle qu'au film...

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Supfiction
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Re: Romeo & Juliette (Franco Zeffirell - 1968)

Message par Supfiction »

Le blu ray est desormais dispo, et pour une dizaine d'euros..
http://www.amazon.fr/gp/product/B00BY92 ... 1799509031

Je ne crois pas qu'il y ai de topic associé et je n'ai trouvé aucun retour encore sur l'image.
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