Avis copié-collé du topic "Les films du mois de novembre"...
Vu aujourd'hui :
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Le jour des morts-vivants (Day of the dead) - 1985 (9,5/10) : Un chef-d'oeuvre, assurément !! Sincèrement, j'ai rarement passé un moment aussi intense et aussi énorme devant un film Fantastique d'horreur, rien ne m'a paru sans intérêt.
Thématiquement, c'est peut-être le plus riche de la saga (devant
Dawn of the dead), mêlant critique sociale, politique, anti-militarisme... De plus, ce pamphlet littéralement fascinant se double d'un vrai aspect de fable à la Voltaire où il y a les bons, les naïfs et... surtout l'être humain dans tout ce qu'il a de plus abject et de plus individualiste. Le trio de tête assure avec sincérité face aux militaires bornés et violents et face aux scientifiques timbrés... L'être humain qui garde son humanité et celui qui fait fi de sa conscience morale... Les deux faces d'une même pièce, le résultat en image d'un combat habituellement intérieur, à la fois intellectuel et moral : une illustration de la conscience avec des acteurs (mise en abîme) en lieu et place des doutes et de la réflection. Tels des neurones perdus, parfois en libre service et surtout véritablement tourmentés, les personnages s'ébatent en électrons libres à l'intérieur du bunker du film, véritable cerveau et lieu du combat le plus difficile de l'être humain : le combat contre l'ignorance, la violence, l'abus de pouvoir, mais également contre la conscience et pour la liberté d'agir. Mais le rêve est permis, au fond d'une grotte sous-terraine où l'on reproduite les vestiges d'un monde détruit pour fabriquer un réel disparu, pour travailler à la sociabilisation, pour s'humaniser... A force de rester enfermés au fond de ce "ventre des enfers", les survivants en ont oublié leurs vertus et leur croyance en un monde humain.
Racisme, violence, méchanceté et folie insidieuse s'insèrent à la perfection dans un récit maîtrisé de bout en bout. Que ce soit le fiancé de l'héroïne atteint de claustrophobie, de peur panique et de paranoïa (qui en perd donc ses moyens)... Que ce soit le pilote d'hélicoptère malmené, technicien d'une fuite possible vers un ailleurs meilleur, rabaissé au rang d'esclave par les militaires, mais seul détenteur d'une maîtrise de soi prodigieuse et d'une vision otpimiste des choses qui peuvent ré-éxister... Que ce soit Sarah, l'héroïne à la fois forte, résistante, terriblement humaine, unique femme de l'installation, mais contre toute attente vraiment à bout... Que ce soit le docteur complètement omnubilé par ses expériences qui en ont fait un savant fou malgré lui, atteint de la pire des maladies : l'incapacité à comprendre le mal en lui-même et celui qu'il procure par ses interventions sans logique immédiate (si la situation a besoin d'évoluer, lui pense déjà à un but inaccessible de par la monstruosité de ses actes et l'impossibilité d'arranger les choses de par la beauté inutile de l'évolution de Boubou, certes adorable, mais voué à rester un cadavre ambulant...)... Que ce soit le capitaine Rhode, à la fois militaire intransigeant et paranoïaque fou dangereux capable des pires saloperies, à jamais tenu éloigné de ce que l'on appelle l'être humain... Que ce soit le groupe de soldats à côté de la plaque, réduits à de la main d'oeuvre belliqueuse... Tout est abordé avec soin, avec finesse, avec une force de création dépassant le simple stade de l'artisanat pour atteindre un statut auteurisant.
George A. Romero livre un film magnifiquement mis en image, filmé avec fluidité et sureté de la caméra, souligné par une photographie qui, en certaines occasions, parvient à faire des miracles. Les prises de vues sont souvent ingénieuses, parfois proprement géniales, jamais loupées. La musique nous fait faire un joli pas de deux émotionnel, illustrant merveilleusement les images, avec insistance, allant de l'efficacité la plus jouissive à la beauté la plus simple et la plus fine, parfois même s'accordant au millimètre près avec les plans pour qu'en résulte une scène parfaite. Les décors sont superbement utilisés, et la notion d'espace est respectée à chaque seconde (on dirait du Howard Hawks !! Du
Rio Bravo, entre le bureau du shérif et l'hôtel... ici entre les quartiers de vies et la grotte s'étendant à perte de vue). Si l'humour pointe rarement mais sûrement le bout de son nez, le drame, lui, se fait véritable et magnifique. Allant plus loin qu'un simple film de morts-vivants, ce troisième opus du maître Romero se veut un drame humain, un drame fort, un drame jusqu'au-boutiste... Le casting est tout simplement parfait. Pour être honnête, je n'ai jamais revu le moindre des acteurs présents dans un autre film... Mais ici ils sont tout bonnement sincères, spectaculaires, terriblement humains (avec tous les défauts que cela sous-entend) et très efficaces dans leurs rôles respectifs. Casting royal, royalement dirigé, royalement exploité... Le trio de tête, particulièrement attendrissant et intéressant à suivre, à ma préférence. Le capitaine Rhode est phénoménal dans son genre (l'acteur est proprement halluciné dans son jeu).
Le gore est très présent, et autant vous le dire tout de suite, terriblement réaliste... Enucléations, arrachage de peau, festins d'organes, litres d'hémoglobine, massacres en rêgle... Mais si Romero apparait comme un contemplateur du désastre (les 95 minutes du film en sont un exemple flagrant) , il n'est pas un contemplateur du massacre, ainsi les scènes gores paraissent peu complaisantes, surtout par rapport à d'autres maîtres de l'horreur qui auraient certainement chargé là-dessus. Le gore s'intègre dans le récit, joue un rôle inclu dans le film à la perfection...
Le personnage de Boubou, le zombie domestiqué, est un joli personnage, livrant certains des plus beaux moments du film : quand il redécouvre des objets (brosse à dents, rasoir), le téléphone, la littérature, ou encore la musique (L'hymne à la joie)... C'est très touchant et bien tourné, tant Romero sait donner du corps à ses scènes qui auraient facilement pu tomber dans le comique involontaire. Après la mort du docteur Logan "Frankenstein", il sera son instrument vengeur en tirant sur Rhode avec un pistolet (dont il sait se servir, car son passé de militaire lui permet certains automatismes)...
Les séquences d'extérieur sont peu nombreuses : il n'y en a que deux. La plus impressionnante est de ce fait la première, la séquence d'ouverture... Des plans de ville déserte, des rues jonchées de détritus et autres épaves de véhicules... Un hélicoptère contenant les héros survole le paysage à la recherche éventuelle de survivants... Les rues sont proprements désertes, les papiers volent (des billets de banque s'envolent avec fracas dans un vent engoufré dans la rue principale), un journal usagé titre "The dead walk"... Puis une silhouette blafarde de mort-vivant fait son apparition, pui d'autres, et encore d'autres... Une foule de plusieurs centaines de zombies se déplacent dans les rues... Les héros comprennent qu'il n'y a plus que la mort partout... En une séquence de 9 minutes (du rêve d'ouverture de Sarah au retour au bunker), Romero transcende son faible budget pour nous offrir l'une des plus grandes ouvertures de l'histoire du cinéma Fantastique, à la fois puissante et impressionnante. La séquence de fin, avec notamment notre trio de tête sur la plage, place les protagonistes à une distance respectable les uns des autres... Méfiance simple et douce solitude. Même si pour cela, il aura fallu une violente remontée des enfers pour enrayer la menace humaine que représentent les hommes pour les hommes... Le pilote d'hélicoptère l'a parfaitement dit : "Ce n'est pas dehors qui m'inquiète, mais plutôt ce qui se passe ici".
Romero a réussit un film majeur, puissant, dévastateur, brillamment dialogué, magnifiquement mis en scène, solidement monté, beau, touchant, solide sur tous ses aspects, rythmé, violent, gore, brutal, parfois tendre, humain, bref, le tout mêlé à un éblouissant huis-clos qui met un point d'honneur à servir la thématique de Sartre avec brio : "L'enfer, c'est les autres".
Day of the dead est sans conteste l'un des derniers grands films d'horreur en date, un film épatant, le dernier très grand film de zombie à mon sens, mais en même temps tellement plus que cela...
Un chef-d'oeuvre !!