Poésie

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Philip Marlowe
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Message par Philip Marlowe »

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir; il descend; le voici:
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.

Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma Douleur, donne-moi la main; viens par ici,

Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant;

Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.


Baudelaire, Les fleurs du mal CLIX.
Blizzard
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Message par Blizzard »

Pour rester dans l'art floral ;) :



La fontaine de sang

Il me semble parfois que mon sang coule à flots,
Ainsi qu'une fontaine aux rythmiques sanglots.
Je l'entends bien qui coule avec un long murmure,
Mais je me tâte en vain pour trouver la blessure.

A travers la cité, comme dans un champ clos,
Il s'en va, transformant les pavés en îlots,
Désaltérant la soif de chaque créature,
Et partout colorant en rouge la nature.

J'ai demandé souvent à des vins captieux
D'endormir pour un jour la terreur qui me mine ;
Le vin rend l'oeil plus clair et l'oreille plus fine !

J'ai cherché dans l'amour un sommeil oublieux ;
Mais l'amour n'est pour moi qu'un matelas d'aiguilles
Fait pour donner à boire à ces cruelles filles !
Philip Marlowe
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Message par Philip Marlowe »

Pourquoi t'as enlevé la réécriture de Pérec? :shock:
Blizzard
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Message par Blizzard »

Philip Marlowe a écrit :Pourquoi t'as enlevé la réécriture de Pérec? :shock:
Je ne sais pas si Perec a fait une réécriture de La Fontaine de sang ... et si c'est le cas je dois dire que ça m'indiffere puisque personnellement c'est le poeme original que j'aime. :wink:
Philip Marlowe
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Message par Philip Marlowe »

Blizzard a écrit :
Philip Marlowe a écrit :Pourquoi t'as enlevé la réécriture de Pérec? :shock:
Je ne sais pas si Perec a fait une réécriture de La Fontaine de sang ... et si c'est le cas je dois dire que ça m'indiffere puisque personnellement c'est le poeme original que j'aime. :wink:
Je parlais de recueillement :wink:
Eudoxie
C'est une bombe sur le Yang Tsé-kiang
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Message par Eudoxie »

Avant, il y a eu l'amour, ou sa possibilité;
Il y a eu des anectodes, des bifurcations et des silences
Il y a eu ton premiere séjour
Dans une institution sereine
Où l'on repeint les jours
D'un blanc lègérement crème.


Il y eu l'oubli, le presque-oubli, il y a eu un départ
Une possibilité de départ
Tu t'es couché de plus en plus tard
Et sans dormir
Dans la nuit
Tu as commencé à sentir tes dents frotter
Dans le silence.


Puis tu as songé à prendre des cours de danse
Pour plus tard
Pour une autre vie
Que tu vivrais la nuit,
Surtout la nuit,
Et pas seul.


Mais c'est fini,
Tu es mort
Maintenant, tu es mort
Et tu es vraiment dans la nuit
Car tes yeux sont rongés
Et tu es vraiment dans le silence
Car tu n'as plus d'oreilles
Et tu es vraiment seul
Tu n'as jamais été aussi seul
Tu es couché, tu as froid et tu te demandes
Ecoutant le corps, en pleine conscience, tu te demandes
Ce qui va venir
Juste après.
I'm just passing through here
Philip Marlowe
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Message par Philip Marlowe »

El cisne

Fue en una hora divina para el género humano.
El cisne antes sólo cantaba para morir.
Cuando se oyó el acento del cisne Wagneriano
fue en medio de una aurora, y fue para revivir.

Sobre las tempestades del humano oceano
se oye el canto del Cisne; no se cesa de oír,
dominando el martillo del viejo Thor germano
o las trompas que cantan la espada de Argantir.

¡Oh Cisne! ¡Oh sacro pájaro! Si antes la blanca Helena
del huevo azuel de Leda brotó de gracia llena,
siendo de la Hermosura la princesa inmortal,

bajo tus blancas alas la nueva Poesía
concibe en una gloria de luz y de armonía
la Helena eterna y pura que encarna el ideal.
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Etat d'âme d'une vache Sensible par Bruce Randylan ( à lire à voix haute )

Tout m'émeut :
mêmes eux,
mes "meuh"
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Blood
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Message par Blood »

Je suis peut-être enfoui au sein des montagnes
solitaire comme une veine de métal pur ;
je suis perdu dans un abîme illimité,
dans une nuit profonde et sans horizon.
Tout vient à moi, m'enserre et se fait pierre.

Je ne sais pas encore souffrir comme il faudrait,
et cette grande nuit me fait peur ;
mais si c'est là ta nuit, qu'elle me soit pesante, qu'elle m'écrase,
que toute ta main soit sur moi,
et que je me perde en toi dans un cri.
Etouffe-moi si tu peux...
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Phnom&Penh
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Re: Poésie

Message par Phnom&Penh »

Je suis en train de lire un livre formidable qui m’a donné envie de remonter ce topic. (En fait, il y a en trois mais celui-ci est le plus récent).
Le livre est le suivant, recueil de petits chapitres, les uns sérieux, les autres non.
Image
Brève présentation de l’auteur :
« Maxime Cohen vit entre Paris où il est conservateur général des bibliothèques et un petit village de Haute Normandie où il cultive un jardin de curé. »

Dans le premier chapitre, Des livres de gourmandise, on peut lire ceci, avec les bas de page suivants :
  • « Les propos de table sont les effets les plus prompts des vins et des viandes. Un auteur qui sait accommoder les lettres avec les plats s’assure le suffrage des meilleurs. Il pénètre dans une société où l’ennui n’est pas au menu, celle de Socrate et de ses amis, de Cicéron, d’Erasme, de La Fontaine, de Diderot, de Mirabeau, d’Alexandre Dumas, de George Sand et de Colette. Il s’invite au banquet du roi de Phéacie ; il fraie avec Aristote et Alcibiade ; il soutient Pétrone dans ses derniers moments ; il dîne à la table de Luther âgé ; il voyage avec Rabelais dans les fumées de cette ripaille où baignent les cinq livres de son ahurissante histoire ; il se délecte des poèmes de Saint-Amant sur le melon (citation 1) ou sur le fromage de cantal (citation 2) dont le fumet brasse la citation, ou de Vion d’Alibray sur les métamorphoses de Morille et de Champignon. Avec de Thou, il recueille la saveur des huîtres plates du Bassin d’Arcachon, propice à des réflexions entre amis sur la réforme de l’Etat (citation 3). Il vérifie que partout la sagesse a beaucoup à voir avec le goût et que le sage est celui qui améliore le sien.
Citation 1, Saint-Amant et le melon :
" Quelle odeur sens-je en cette chambre ?
Quel doux parfum de musc et d’ambre
Me vient tout le cerveau réjouir
Et tout le cœur s’épanouir ?
A-t-on brûlé de la pastille ?
N’est-ce point ce vin qui pétille
Dans le cristal, que l’art humain
A fait pour couronner la main
Et d’où sort, quand on veut boire,
Un air de framboise à la gloire
Du bon terroir qui l’a porté
Pour notre éternelle santé ?
Non, le cocos, fruit délectable,
Qui lui tout seul fournit la table
Ni ce qu’on tire des roseaux
Que Crète nourrit de ses eaux,
Ni le cher abricot, que j’aime,
Ni la fraise avecque la crème,
Ni la manne qui vient du ciel
Ni le pur aliment du miel,
Ni la poire de Tours sacrée,
Ni la verte figue sucrée,
Ni la prune au jus délicat
Ni même le raisin muscat
(Parole pour moi bien étrange),
Ne sont qu’amertume et que fange
A prix de ce Melon divin,
Honneur du climat angevin… "


Citation 2, Saint-Amant et le fromage de Cantal :
" Gousset, escafignon, faguenas, cambouis,
Qui formez ce présent que mes yeux resjouis,
Sous l’aveu de mon nez, lorgnent comme un fromage
A qui la puanteur mesme doit rendre hommage,
Que vous avez d’appas ! que vostre odeur me plaist !
Et que de vostre goust, tout horrible qu’il est,
Je fay bien plus d’estat que d’une confiture
Où le fruit déguisé brave la pourriture !
Marigny sans pareil, homme aux nigaux fatals,
Où diantre as-tu pesché ce bouquin de cantal,
Cet ambre d’Achéron, ce diapalma briffable,
Ce poison qu’en bonté l’on peut dire innefable,
Ce repaire moisi de mittes et de vers,
Où dans cent trous gluants, bleus, rougeastres et verts
La pointe du couteau mille veines évente
Qu’au poids de celles d’or on devrait mettre en vente !
O Brie, ô pauvre brie ! ô chétif angelot
Qu’autrefois j’exaltay pour l’amour de Bilot,
Tu peux bien aujourd’huy filer devant ce diable :
Ton beau teint est vaincu par son teint effroyable
Au secours, sommelier, j’ay la luette en feu,
Je brûle dans le corps ! Parbleu, ce n’est pas jeu :
Des brocs, des seaux de vin pour tascher de l’esteindre,
Verse éternellement, il ne faut point se feindre… "


Citation 3, de Thou et les huîtres :
"Ces Messieurs firent dresser une table pour dîner sur le rivage ; comme la mer était basse, on leur apportait des huîtres dans des paniers ; ils choisissaient les meilleures et les avalaient si tôt qu’elles étaient ouvertes ; elles sont d’un goût si agréable et si relevé, qu’on croit respirer la violette en les mangeant ; d’ailleurs elles sont si saines, qu’un de leurs laquais en avala plus de cent sans s’en trouver incommodé. Là, dans la liberté du repas, on s’entretint tantôt de la beauté du lie, tantôt de ce qu’on jugeait le plus propre au bien de l’Etat, tantôt de ce fameux capitaine dont on vient de parler, tantôt de ces grands hommes dont Cicéron se souvient en quelque endroit de ses ouvrages qui ne croyaient pas qu’il fût indigne d’eux d’employer un repos honnête et nécessaire pour délasser l’esprit de ses grandes occupations à ramasser à Gayette et à Laurentio, des coquilles et de petits cailloux sur le rivage . "

Quelques titres de chapitres :
Sur une lettre familière de Machiavel
Propos sur l’e muet (spécificité de la langue française)
Sur le style du Times literary supplement
De la plus courte scène érotique…
De la mort
Sur la bibliothèque de Leibniz
Sur l’imparfait du subjonctif

Enfin, pour terminer, ce sonnet de Des Barreaux dans le chapitre De la mort :

"Ce n’est qu’un bien furtif que le bien de nos jours,
Qu’une fumée en l’air, un songe peu durable ;
Notre vie est un rien, à un point comparable,
Si nous considérons ce qui dure toujours.

L’homme se rend encor lui-même misérable
Ce peu de temps duquel il abrège ses jours
Par mille passions, par mille vains discours,
Tant la sotte raison le rend irraisonnable.

Plus heureuses cent fois sont les bêtes sauvages,
Cent fois sont plus heureux les oiseaux aux bocages
Qui vivent pour le moins leur âge doucement.

Ah ! que naître comme eux ne nous fait la Nature,
Sans discours ni raison, vivant à l’aventure,
Notre mal ne nous vient que de l’entendement."


Chapitre sérieux qui se termine de la façon suivante :
  • "Hélas, peut-être par ces discours ai-je augmenté votre inquiétude au lieu de vous en distraire ! Il ne faut en accuser que le caprice de mes songes, qui sont capables d’enchaîner à une dissertation austère des considérations frivoles. Les voici. "
Le chapitre suivant s’intitule Des Potages.
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

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Ghoto
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Re: Poésie

Message par Ghoto »

Michel Sardou : Appel au fascisme ?

« […] Autrefois à Colomb-Béchar,
J'avais plein de serviteurs noirs
Et quatre filles dans mon lit,
Au temps béni des colonies.

[…] Y a pas d'café, pas de coton, pas d'essence,
En France, mais des idées ça on en a,
Nous, on pense […] »

http://fr.youtube.com/watch?v=2P_LkrvuJ2w
Nomorereasons
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Re: Poésie

Message par Nomorereasons »

Merci, Ghoto au chocolô :P

@Phnom&Penh: tiens, c'est un extrait de la préface de "La cuisine de Caroline", où Kleber Headens parle de sa chère femme Caroline et de la cuisine en général:

Voltaire note que le mangeur ordinaire, celui qui se met à table comme une bête dans la seule intention de se nourrir, n'éprouve devant les mets "qu'un sentiment confus et égaré". C'est par horreur de la confusion et de l'égarement autant que par un goût sensuel pour les richesses de la terre et des eaux que Caroline considérait chaque repas comme une fête ordonnée. Mais avec elle tout était de la plus exacte simplicité.

Je me rappelle comme ses yeux riaient quand je lui fis lire la lettre écrite par Voltaire à Grimod de la Reynière un samedi d'Octobre 1745. Grimod était fermier général des postes et gastronome fameux, père de l'immortel Almanach des gourmands. Voici la lettre.
"Le très obligé et très malade Voltaire monsieur vous demande deux grâces. La première est de vouloir bien munir de votre parafe les quatre paquets cy joints. La seconde est que mon cuisinier puisse servir d'aide au vôtre pendant quelques jours; ce n'est pas que je prétende faire aussi bonne chère que vous, mais un cuisinier se rouille chez un malade qui n'a point d'écuelles lavées, et il faut protéger les beaux arts. Personne ne vous est attaché monsieur avec plus de reconnaissance que le malingre V."

Oui, la cuisine est bien l'un des plus difficiles et des plus raffinés des beaux-arts. Nous nous amusions à recenser les grands esprits de la politique, de la science, de la littérature et des arts pour qui la cuisine avait beaucoup compté. En regard nous dressions la liste dérisoire des créateurs moliéresques qui, sous couleur d'être des femmes de tête dignes des plus hautes spéculations de l'esprit, se guindent dans le dédain risible de la cuisine, de "la seule internationale qui compte", comme disait Léon Daudet.
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Re: Poésie

Message par suspiria »

La première phrase de l'art poétique de Jean Genet, comme ça, par plaisir.

Image

Le funambule
Une paillette d'or est un disque minuscule en métal doré, percé d'un trou. Mince et légère, elle peut flotter sur l'eau. Il en reste quelquefois une ou deux accrochées dans les boucles d'un acrobate.
"l'abîme aussi te regarde"

My collection
kerala
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Re: Poésie

Message par kerala »

Un poème que j'adore...

SEUL EST MIEN
Poème de Marc Chagall (1945-1950)
Traduit par Philippe Jaccottet


Seul est mien
Le pays qui se trouve dans mon âme
J’y entre sans passeport
Comme chez moi
Il voit ma tristesse
Et ma solitude
Il m’endort
Et me couvre d’une pierre parfumée

En moi fleurissent des jardins
Mes fleurs sont inventées
Les rues m’appartiennent
Mais il n’y a pas de maisons
Elles ont été détruites dès l’enfance
Les habitants vagabondent dans l’air
A la recherche d’un logis
Ils habitent dans mon âme

Voilà pourquoi je souris
Quand mon soleil brille à peine

Ou je pleure
Comme une légère pluie
Dans la nuit

Il fut un temps où j’avais deux têtes
Il fut un temps où ces deux visages
Se couvraient d’une rosée amoureuse
Et fondaient comme le parfum d’une rose

A présent il me semble
Que même quand je recule
Je vais en avant
Vers un haut portail
Derrière lequel s’étendent des murs
Où dorment des tonnerres éteints
Et des éclairs brisés

Seul est mien
Le pays qui se trouve dans mon âme
Le cinéma, ce nouveau petit salarié de nos rêves on peut l'acheter lui, se le procurer pour une heure ou deux, comme un prostitué.

Louis-Ferdinand Céline
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