DRACULA CONTRE FRANKENSTEIn
Paul Naschy est un passionné de cinéma populaire, un vrai, dont toute la carrière fut consacrée à la relecture de thèmes classiques du fantastique. Un personnage fort sympathique donc, quoiqu’il n’ait pas tourné que des chefs d’œuvres, loin de là ! Amoureux des grands monstres du patrimoine, Naschy eut l’occasion d’interpréter la plupart d’entre eux (Dracula, la Momie, etc.) mais sa création la plus fameuse reste « El Hombre Lobo », le loup-garou Waldemar Daninsky, qu’il incarna une douzaine de fois dans autant de métrage.
Ce DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN, datant de 1970, constitue le deuxième volet de cette longue saga après le plaisant LES VAMPIRES DU DOCTEUR DRACULA (l’existence de NIGHT OF THE WEREWOLF supposément tourné l’année précédente est largement remise en doute). Hélas, en dépit de prémices intéressantes, il s’agit également d’un des plus faibles. L’intrigue débute par la présentation d’une petite troupe d’extra-terrestres belliqueux menés par le Docteur Odo Warnoff lesquels, pour échapper à leur monde à l’agonie, décident d’envahir la Terre et de soumettre en esclavage la race humaine. Refrain connu donc. La première étape de leur plan les mène vers un cirque ambulant où un vampire (qui doit être Dracula puisque le titre le laisse entendre) se trouve exposé, le cœur transpercé d’un pieu. Bien sûr, nos Aliens retirent le bout de bois et provoquent la résurrection de l’enfant de la nuit.
Peu après, le même scénario se répète avec Daninsky, le fameux loup-garou jadis abattu d’une balle d’argent en plein cœur. N’ayant pas été tué par une femme amoureuse, le lycanthrope peut être ramené d’entre les morts, ce que s’empresse d’accomplir Warnoff. Les étapes suivantes consistes à ressusciter la momie Tao Tet et une créature monstrueuse créée par ce cher Victor Frankenstein (lequel, pour sa part, n’est pas présent et se voit d’ailleurs curieusement rebaptiser Faranksalan pour de probables raisons de droits). Bref, nos visiteurs de l’espace se constituent une petite mais redoutable armée et la domination planétaire semble en bonne voie mais nos extraterrestres féminines n’étant point Vulcaines elles se laissent dominer par leurs émotions. Dès lors, tout cafouille, d’autant que Daninksy est un brave type (à poil certes mais brave quand même !) et qu’il proteste vigoureusement, ne voulant pas aider à la conquête de la Terre. Au final tous les monstres s’affrontent et nos extra-terrestres sont battus, comme d’habitude. A croire qu’ils n’apprendront jamais…
DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN fut coproduit par l’Espagne et l’Allemagne (d’où la présence sur le dvd de ces deux langues) et le scénario, signé de Paul Naschy en personne, rappelle évidemment la fin de l’âge d’or de la Universal (et les long-métrages déjantés comme FRANKENSTEIN RENCONTRE LE LOUP-GAROU, LA MAISON DE FRANKENSTEIN et LA MAISON DE DRACULA). L’ensemble se rapproche cependant davantage de divers séries Z et il est impossible de ne pas dresser un parallèle entre le dessein des envahisseurs et le fameux « plan 9 » cher à Ed Wood dans son mythique PLAN 9 FROM OUTER SPACE. Le résultat final avait par conséquent peu de chance de figurer parmi les incontournables de la cinémathèque mais le spectateur pouvait raisonnablement espérer un divertissement bis de haute volée. Malheureusement, l’entreprise s’avère surtout léthargique et les longueurs sont nombreuses en dépit d’une durée pourtant réduite à 83 minutes.
Le scénario, propice à un fumeux délire (et accessoirement une bonne partie de rigolade), patine rapidement dans la semoule et enchaîne lieux communs et scènes attendues. Nos aliens trouvent le squelette de Dracula dans un cirque et le ramènent à la vie. Ils partent en Egypte, trouvent une momie en deux temps trois mouvements et la ressuscitent ! L’opération de répète avec le loup-garou. Tout cela prend du temps à se mettre en place et le cinéaste meuble comme il peut en suivant les pérégrinations d’un policier peu perspicace (« Pensez-vous que nous ayons affaire à un maniaque » se demande-t’il après une série de crimes sanglants). Le flic renseigne régulièrement son supérieur, lui fait part de ses hypothèses farfelues en exhibant un livre sur les monstres puis affirme que l’assassin n’est pas humain et pourrait être un animal. A quoi le chef répond d’un air inspiré « un animal ! Je l’aurais parié ». Sherlock Holmes est dépassé…
Les extraterrestres, dirigés par Odo Warnoff (avec un tel patronyme il ne pouvait être que le Méchant - avec un « m » majuscule !) se lancent ensuite sur les traces du Monstre de Frankenstein qu’ils se proposent de rendre plus puissants que jamais en l’animant grâce à l’énergie atomique. Dénué d’émotion, la Créature constitue la parfaite machine à tuer et une sorte d’idéal pour nos belliqueux aliens.
Warnoff est incarné par un Michael Rennie (« was ill the Day the Earth Stood Still », ne l’oublions pas !) en fin de carrière…le pauvre décéda d’ailleurs peu après sa participation au film (pour un peu il aurait fallu lui trouver un sosie se baladant une cape devant le visage !). Dans le genre « sortie glorieuse » ça rivalise avec les derniers films de Lugosi ou Karloff. Bref, le Méchant spécule aussi sur la possibilité d’utiliser une armée de gonzesses trop bonnes pour l’assister dans sa tâche ce qui ne peut pas faire de mal. Grâce à une machine à laver le cerveau Warnoff recrute deux assistantes dont le rôle se borne à jouer les potiches. Ca tombe bien on ne leur en demande pas davantage. Le casting inclut la brunette Patty Shepard (que l’on reverra confrontée à Naschy dans LA FURIE DES VAMPIRES), la star du krimi Karin Dor (également Bond Girl dans ON NE VIT QUE DEUX FOIS) et le spécialiste du western Craig Hill (ADIOS HOMBRE). Une belle distribution « bis » au service d’une production paresseuse.
Après que tous les monstres soient revenus à la vie, l’intrigue suit son cours logique, tout comme l’enquête mené par le flic opiniâtre (dans la série B le flic est toujours opiniâtre ou alcoolique) qui parvient à remonter la piste menant tout droit au repère secret du terrible savant fou (car dans la série B le savant est toujours fou). Les assistantes se laissent de leur côté de plus en plus dominées par leurs émotions et Warnoff s’interroge sur les possibles « répercussions du système de réincarnation de la Terre sur leur psychisme ». Paul Naschy, comme dans tous ses films, se réserve une scène de séduction et aide, par son charme viril, à déjouer l’invasion qui menace.
DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN continue ainsi son petit bonhomme de chemin et accumule les péripéties sans toujours pouvoir maintenir l’intérêt du spectateur. Au final, la police et les habituels paysans en colère viennent remettre de l’ordre dans tout ce bazar tandis que les monstres commencent à se battre l’un l’autre tels des catcheurs en pleine « bataille royale ». Les maquillages désastreux (celui du Monstre est un ratage complet) n’aident guère à prendre au sérieux une entreprise ayant souffert de nombreux problèmes, notamment budgétaires. La mise en scène, créditée au seul Tulio Demicheli (coupable de deux piètres giallos, LES DEUX VISAGES DE LA PEUR et LA LLAMADE DEL SEXO) fut partagée entre ce-dernier et le talentueux Hugo Fregonese (QUAND LES TAMBOURS S’ARRETERONT) aidé du producteur Eberhard Meichsner.
Incohérent, mal fichu, fauché, DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN constitue une œuvre sans prétention qui en dépit de ses nombreux bémols se regarde d’un œil amusé pour les nostalgiques. Contemporain de ses presque homonymes DRACULA Vs FRANKENSTEIN d’Al Adamson et DRACULA CONTRA FRANKENSTEIN de Jess Franco, le film a probablement causé bien des souffrances aux amateurs des classiques de la Hammer mais s’apprécie aujourd’hui avec indulgence.
Jadis très rare (on se souvient d’une cassette vidéo sortie sous le titre « Reincarnator » [sic !], le film est à présent disponible chez Artus dans une copie irréprochable au format 16/9 respecté assorti des commentaires érudits d’Alan Petit. L’occasion de redécouvrir ce petit produit dans les meilleures conditions possibles ce qui en rend le visionnage agréable. Sans le réhabiliter, l’édition dvd inespérée de ce DRACULA CONTRE FRANKENSTEIN constitue une occasion unique pour les fans de Paul Naschy de se replonger dans ce titre méconnu.