Le Cinéma asiatique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Profondo Rosso
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March Comes in Like a Lion de Hitoshi Yazaki (1991)

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À Tokyo, Ice ramène son frère aîné amnésique Haruo de l'hôpital pour s'occuper de lui. Il hésite à y aller jusqu'à ce qu'Ice lui dise qu'elle est son amante. Il la suit. Combien de temps avant que sa mémoire ne revienne ?

March Comes in Like a Lion est le second film tardif du réalisateur Hitoshi Yazaki après un inaugural Afternoon breezes (1981) où il explorait déjà le thème des amours refoulés et coupables. Il évoque ici le tabou de l'amour fraternel incestueux dans un film très étrange. Le récit s'ouvre sur une vision de photo polaroïd de Haruo (Bang-ho Cho) et sa sœur Natsuko (Yoshiko Yura) enfants, accompagné d'un texte succinct nous disant que depuis cette époque Natsuko est voue un amour guère fraternel pour Haruo. Une ellipse nous amène à l'âge adulte où Haruo est victime d'amnésie pour des raisons que nous ignorons. C'est l'opportunité pour Natsuko d'assouvir cette attirance taboue en faisant sortir son frère de l'hôpital et lui faire croire qu'elle est sa petite amie. Dès lors s'engage une narration flottante, dépourvue de vraies péripéties autre que la relation trouble des personnages. Natsuko est une jeune femme vivant dans les marges en se prostituant, paradoxalement la romance interdite est le seul éclair dans un quotidien solitaire que le réalisateur suit dans des déambulations tokyoïtes chargées de spleen. Haruo est quant à lui un homme-enfant se laissant porter par les évènements, en pleine redécouverte du monde qui l'entoure.

La première partie donne dans le quotidien romantique languissant, accompagnant sur une bande-son assez entêtante les pérégrinations du couple. Cette candeur est contrebalancée par les environnements assez sordides donnant à voir justement un Japon loin de l'urbanité fière des grandes villes, entre l'appartement insalubre du couple, les chantiers sur lesquels travaille Haruo. Cette précarité entrecroisée au lien fragile des personnage dessine déjà l'es ombres qui planent sur leur relation. A mi-film, une rupture de ton intervient alors qu'après une turpitude joyeuse, Haruo a cette phrase terrible : "Je me souviens". La mémoire ne lui revient pas à ce moment-là mais néanmoins des bribes de ses émotions passées semblent lui revenir. Dès lors la tension et la culpabilité s'installent avec cette crainte pour Natsuko que Haruo se souvienne et li reproche son mensonge. Hitoshi Yazaki multiplie les idées formelles, notamment rattachées aux miroirs pour traduire la crise identitaire d'Haruo et laissent flotter une ambiguïté qui restera irrésolue jusqu'au bout. Et si Haruo à un certain stade de l'histoire avait effectivement retrouvé la mémoire mais sans l'avouer à Natsuko afin de préserver leur relation. Le doute existe grâce à la subtilité du jeu des acteurs où la culpabilité possible se mélange à une réelle passion dont ils ne peuvent se départir. Hitesho Yazaki fait passer tous ces questionnements avec une sécheresse narrative prononcée, des dialogues rares, la mise en scène et les différentes atmosphères installées se chargeant d'orienter nos émotions contradictoires. Dans cette idée, le tabou de la scène de sexe est absent dans la première partie très naïve et chaste, et l'interdit charnel n'intervient qu'une fois ce doute mémoriel installé pour rajouter au malaise dans le filmage. La dernière scène est assez magistrale de ce point de vue, franchissant un ultime interdit qui amènent les personnages à verser des larmes que l'on ne saurait qualifier de joie, ou d'un autre sentiment plus insaisissable. Un très joli film qui manie avec une rare nuance son postulat provocateur. 4,5/6
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Journey to the West de Kong Dashan (2021)

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Tang Zhijun croit dur comme fer en l’existence de sociétés extra-terrestres. Il chasse les OVNI les uns après les autres mais est la risée du milieu scientifique. Après avoir vu une étrange vidéo sur internet, il se met en route vers le sud de la Chine pour mener l’enquête. Accompagné d’un alcoolique, d’une insomniaque et d’une employée plus que cynique, Tang Zhijun se lance à nouveau à la recherche des aliens, la quête de sa vie.

Journey to the West est une œuvre qui revisite avec brio le principe du found-footage avec cette étonnante chasse aux ovnis. Le titre Journey to the West fait bien sûr référence à la célèbre légende chinoise et à l’image du roi-singe et de ses compagnons hauts en couleur, la fine équipe des ufologues est dans cette continuité farfelue. Le scénario joue sur une fibre à la fois comique et émotionnelle pour exploiter l’excentricité des protagonistes. Ainsi l’aspect found-footage exploite cette excentricité par un sens de l’ellipse assez jubilatoire qui fait vriller les situations avec une inventivité constante. La scène d’ouverture où le héros Tang Zhijun (Haoyu Yang) se retrouve piégé dans une combinaison spatiale et voit ambulance, pompier et police venir à son secours donne le ton. Chaque protagoniste est affublé de sa petite tare qui contribue à sa caractérisation immédiate, entre cette assistante revêche, un gaffeur alcoolique, sans parler de ceux qui les rejoindront en chemin comme cette femme insomniaque ou ce adolescent supposé témoin d’un passage d’ovni et souffrant depuis de narcolepsie.
Cette tonalité décalée semble dans un premier temps avant tout moquer la croyance improbable des protagonistes par l’outrance des situations (cet homme conservant un cadavre d’alien dans son congélateur) et le caractère lunaire de Tang Zhijun. Le premier degré sans faille et constamment désamorcé de ce dernier révèle progressivement une faille intime qui fait de cette quête d’ovni un cheminement plus intime et touchant. Tang Zhijun a perdu tragiquement sa fille quelques années plus tôt et cette obsession des extraterrestres semble donc représenter un prétexte pour s’accrocher à la vie, et en définitive de faire son deuil. On découvrira que cela s’étend à tous les protagonistes sur des degrés divers, le souvenir d’une rencontre du troisième type étant rattaché à la séparation de ses parents pour la jeune femme insomniaque, à la mort de son père pour l’adolescent, et de façon plus large à la paupérisation du village où le groupe va échouer durant son voyage.

Plus les raisons du périple se font concrètes sur un plan intime, plus un réel mystère se crée sur cette présence extraterrestre. Le film tient dans un équilibre ténu ce mélange des genres entre comédie potache et vrai fantastique, évoquant une version plus rieuse du récent et terrifiant The Medium, found-footage thaïlandais jouant aussi d’une atmosphère rurale incertaine. Si le rire et le ridicules s’invitent exclusivement dans la première partie, il cohabitent peu à peu avec une ambiance plus étrange, onirique et insaisissable quand le surnaturel s’invite ouvertement dans des séquences fascinantes (la prédiction des moineaux sur la statue qui se réalise dans un clignement d’œil). Ce côté introspectif est assez fascinant et touchant avec une narration en chapitre qui articule bien la bascule dans l’inconnu, la réalisation mélangeant bien la veine arty du found-footage avec certains effets spéciaux impressionnants surgissant de manière inattendue. En définitive, on pensait longtemps assister à une farce et l’on se retrouve devant un récit de rédemption baigné de surnaturel. Le film donne à voir une Chine des laissés pour compte sous un jour humoristique, ludique mais lucide dans un registre peu exploité (en tout cas pour les films sortant en Occident) qui en font un objet très original. C’est franchement très drôle tout en laissant s’immiscer le mélo et une émotion puissante à l’image de sa belle conclusion. 4,5/6
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Profondo Rosso
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Shinjuku Love Story de Hiroyuki Nasu (1987)

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Ichijoji Fumimaro est un punk des rues qui tombe accidentellement sur Mari et son chat. Les deux tombent immédiatement amoureux mais sont poursuivis à la fois par la mafia et par des flics corrompus.


Dans les années 80/90 le cinéma d'action vit son âge d'or à coup d'icônes musculeuse aux Etats-Unis tandis que la folie, la démesure et le bouillonnement créatif se situe à Hong Kong. Shinjuku Love Story vient démontrer que le Japon a encore son mot à dire avec cette merveille d'efficacité. Le film (adapté d'un roman de Jôtarô Kuwahara) semble être un prétexte à battre le fer tant qu'il est chaud pour son réalisateur Hiroyuki Nasu et sa star masculine Tôru Nakamura. En effet depuis 1985 Hiroyuki Nasu est le principal réalisateur de la franchise Be-Bop High School, manga furyo (portant sur la délinquance japonaise, sous-genre très populaire dans les années 80) de Kazuhiro Kiuchi qui remporte alors un grand succès au Japon. La première adaptation en prise de vues réelles sort en 1985 et remporte un immense succès, faisant de Tôru Nakamura une vedette. Dès lors la machine commerciale s'enclenche et la saga engendrera pas moins de sept films, dont six entre 1985 et 1988 tous réalisé par Hiroyuki Nasu. L'année 1987 voit même deux opus sortir, Be-Bop High School: Kōkō Yotarō Kōshinkyoku en mars et Be-Bop High School: Kōkō Yotarō Kyōsō-kyoku pour la fin d'année en décembre. Pour surfer sur cette popularité et proposer un spectacle dans la continuité tout en étant différent, Hiroyuki Nasu et Tôru Nakamura se retrouvent donc pour Shinjuku Love Story qui sortant en juillet, permet aux fans de patienter entre deux opus de la franchise phare.

L'argument est vraiment un prétexte au déferlement d'action. Fumimaro (Tôru Nakamura) est un jeune marginal qui suite à une collision avec son chat va rencontrer la lycéenne Mari (Mina Ichijôji). L'attirance est immédiate mais plusieurs concours de circonstances (manque d'argent pour régler une note de restaurant) et surtout la manière toujours trop musclée de les résoudre de Fumimaro va entraîner le couple dans des problèmes qui vont leur attirer les foudres des yakuzas puis de policiers corrompus. Le titre Shinjuku Love Story est bien choisi, puisque tout le film consiste (entrecoupé de petits intermèdes romantiques) en une longue course-poursuite dans le quartier phare de la ville de Tokyo. On part du côté le plus touristique, iconique et lumineux en traversant Akihabara et ses boutiques de jeux vidéo, les vues en plongées de la célèbre avenue, avant de progressivement explorer les bas-fonds plus inquiétants. Tous les protagonistes sont des archétypes, Fumimaro représentant le dur à cuir ténébreux au cœur tendre faisant craquer les filles, Mari l'amoureuse candide et naïve tandis que les yakuzas et les policiers ne sont des mines patibulaires à affronter (hormis un jeune boss yakuza plus coriace et charismatique). Les prémices de la spirale infernale qui va entraîner nos personnages sont amenés assez grossièrement, l'important est de lancer l'action et de ce côté-là on est plutôt servi.

La bascule est assez marquée dans les environnement et l'échelle de violence. Les premières escarmouches ont lieu dans des cadres familiers (galerie commerciale, restaurants, grande artères urbaines) où Fumimaro se contente de se défendre, fuir l'adversité et causer involontairement sa perte (la demande de prêt maladroite chez les yakuzas). Plus le récit avance, plus ces arrière-plans se font exigus, plus les ténèbres prennent le dessus et la brutalité des affrontements avec. La variété des lieux et l'inventivité constante de Hiroyuki Nasu à exploiter leur cinégénie (notamment grâce à la belle photo de Takeshi Hamada ) laissent deviner une grosse influence du jeu vidéo de plateforme, notamment orienté bagarre (Double Dragon un des titres les plus fameux de cette veine sort d'ailleurs en avril 1987 sur NES). Les dantesques quarante dernières minutes voit donc Fumimaro défier ses ennemis dans une serre souterraine, des tunnels de métro en chantier, un hôpital désaffecté. Toujours dans cette logique de jeu vidéo, chaque nouvel ennemi se définit par une aptitude ou arme spéciale qui constitue un nouveau défi physique à relever (katana, lance-flamme et autres joyeusetés) pour Fumimaro. Hiroyuki Nasu se montre assez virtuose et inventif pour mettre tout cela en valeur, usant d'un découpage brillant qui met autant en valeur la topographie des lieux que les capacités de ses acteurs. Les corps à corps sont féroces, la pyrotechnie est spectaculaire et le passif d'adaptation de manga se ressent par la capacité à lâcher quelques plans iconiques assez jubilatoires. Ainsi le moment où Fumimaro s'empare d'une mitrailleuse (cette escalade fait d'ailleurs passer de l'arme blanche aux armes à feu dévastatrices) en semble littéralement prendre la pause un court instant avec le gigantesque engin est une vraie signature. Les morceaux de j-pop qui rythment les morceaux de bravoure les plus fous rappellent d'ailleurs ce même type de moments dans la série animée Nicky Larson/City Hunter, et pour laquelle là aussi le quartier de Shinjuku était presque un personnage secondaire.

Donc si l'on joue le jeu et n'est pas trop regardant sur l'histoire et la caractérisation (le couple restant très attachant malgré les stéréotypes notamment Tôru Nakamura aussi charismatique dans l'action que gentiment maladroit en amour), c'est la promesse d'une belle décharge d'adrénaline sans temps mort. 4/6

Une vidéo qui vend bien le film aussi

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Profondo Rosso
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The Glorious Asuka Gang de Yoichi Sai (1988)

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The Glorious Asuka Gang est l'adaptation d'un shojo manga à succès de Satosumi Takaguchi, publié entre 1985 et 1995. S'il s'agit du premier film cinéma autour du titre, il a auparavant connu une version animée sous forme d'OAV en 1987 (un autre suivra en 1990) et une série télévisée en prises de vues réelles de 23 épisodes cette même année 1988. Le manga était un des plus fameux titres autour des sukeban, sous-genres traitant de la délinquance féminine et popularisé dans les années 70 tant sur papier qu'au cinéma dans de très populaires production Toei. Si la série tv semble plutôt fidèle au manga avec son héroïne partagée entre sa vie lycéenne et son activité de délinquante, le film de Yôchi Sai semble prendre bien plus de libertés par rapport au matériau original. L'aspect sukeban existe par contraste avec le rejet d'une existence normale dans ce type de récit, mais la normalité est absente dans le monde en vase-clos du film. L'esthétique oscille entre rétro, imagerie cyberpunk et une certaine forme de théâtralité dans les décors majoritairement studios, notamment la grande ruelle où vont se dérouler la plupart des grandes confrontations. L'autre aspect récurrent du sukeban est l'union adolescente (après quelques bisbilles) et plus particulièrement féminine contre un monde adulte masculin oppressant représenté par la pègre, les yakuzas. Ces codes sont un peu détournés ici par la dimension pop et rétrofuturiste du film, qui le fait par exemple lorgner sur Les Rues de feu de Walter Hill (1984) et anticipe la veine de certaines productions hongkongaises mettant aussi en valeur les femmes d'actions comme le girls with gun ou le diptyque Heroic Trio/Executionners de Johnnie To (1993). Dès lors, plus que la jeunesse pure et rebelle, l'héroïne Asuka (Miho Tsumiki) représente une forme de droiture morale dans un monde corrompu. Ancienne membre d'un des gangs se partageant le quartier de Kabukicho notamment par le trafic de drogue et le proxénétisme, Asuka est un grain de sable destructeur pour la pègre locale.

La brillante scène d'ouverture montre la confrontation factice entre la police corrompue et un gang distribuant ses pilules dans le quartier, l'opposition tourne à l'hilarité générale quand soudain asuka surgit et sème le chaos en enflamment le décor au propre comme au figuré. L'une des grandes idées du film c'est le physique de cette héroïne teigneuse. Petite et frêle en apparence, c'est une boule de nerf insaisissable jouée avec hargne et intensité par Miho Tsukimi qui dégagement une présence impressionnante. Yochi Sai filme avec une égale nervosité empoignade au corps à corps, cascade heurtée et pyrotechnie, tout en posant en parallèle une stylisation marquée de son univers. Il y a une imagerie urbaine sordide typique du cinéma des années 80 tout en amenant l'esthétique de néons plus spécifiquement japonaise, tandis que les entrevues entre les hautes sphères de la pègre nous font admirer une imagerie entre froideur hi-tech et tradition du décorum yakuza façon années 80. Comme évoqué plus haut le conflit plus spécifiquement générationnel ou homme/femme est plus ténu ici, la méchante étant une femme mystérieuse et inquétante, Lady Hibari (Mikari). Son allure ainsi que celle de son bras droit soulignent l'origine manga du film avec un côté très iconique mais se fondant bien dans l'univers du film. Les relations entre les héroïnes notamment Asuka, l'ambivalente Yoko (Kumiko Takeda) et sa sœur Miko (Yôko Kikuchi) contribuent à rendre la tournure du récit imprévisible mais parfois aussi un peu nébuleux sans le background du manga. Si l'on est charmé par les personnages charismatiques et impressionné par la facture esthétique, le bât blesse cependant au niveau du rythme du film qui passé ses pétaradantes 40 premières minutes peine un peu à trouver un second souffle. Mais rien que pour l'énergie et le visuel, cela vaut vraiment le coup d'œil dans le paysage du cinéma japonais 80's. 4/6

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cinephage
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Re: Le Cinéma asiatique

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Le JFF, Japanese Film Festival, rend disponible 6 films indépendants sur son site jusqu'au 15juin, visibles gratuitement par le monde entier (*), avec sous-titres anglais et espagnols.
On notera notamment Shiver, le dernier film de Toshiaki Toyoda dont l'oeuvre a été rendu visible en Europe par second run, et qui serait un concert filmé, et un film intitulé On the Edge of Their Seats qui a été dans le top 10 de Kinotayo cette année... Je ne connais rien des autres oeuvres.

https://jff.jpf.go.jp/watch/independent ... Ua36HoRacg


(*) A quelques exceptions près, lorsque le film a été acheté sur le territoire en question, mais la France n'est pas concernée.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Vic Vega
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Vic Vega »

cinephage a écrit : 17 mars 23, 15:30 On the Edge of Their Seats qui a été dans le top 10 de Kinotayo cette année... Je ne connais rien des autres oeuvres.
Knotayo est un festival français annuel de cinoche nippon contemporain. Le film mentionné a été dans le Top Ten 2020 de la revue Kinema Junpo.
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma asiatique

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Homecoming de Yim Ho (1984)

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Coral, jeune hongkongaise dépassée par la vie de citadine, décide de retourner dans sa ville natale de Chine continentale lorsqu'elle apprend le décès de sa grand-mère. En se rendant dans le village, elle espère échapper aux troubles de la ville mais aussi renouer les liens avec ses deux amies d'enfance. Si elle redécouvre la douceur de la vie à la campagne, Coral réalise aussi que certaines choses précieuses dans la vie sont irrécupérables.

On considère souvent le The Extra (1978) de Yim Ho comme le film fondateur de la Nouvelle Vague hongkongaise qui allait profondément bousculer le cinéma local, avec les brûlots de Tsui Hark, Ann Hui ou encore Patrick Tam. En 1984 le mouvement touche à sa fin lorsque les réalisateurs décident d'embrayer vers des productions plus grand public à l'image de Tsui Hark lorsqu'il monte sa compagnie Film Workshop. C'est néanmoins le moment où émerge une seconde Nouvelle vague avec des artistes comme Stanley Kwan, Mabel Cheung, Wong Kar Wai, Clara Law à l'approche thématique et esthétique très différentes de leurs prédécesseurs. Loin des ruades provocatrices de la première Nouvelle Vague, la seconde donne dans des thématiques plus introspectives et intimistes, notamment à travers le thème de l'exil et du rapport ambivalent à la Chine. Wong Kar Wai l'exploite par le filtre nostalgique (Nos années sauvages (1990), In the Mood for love (2000)), Stanley Kwan creuse ce sillon dans Full Moon in New York (1989) et Mabel Cheung signe une brillante trilogie de l'exil avec Illegal Migrant (1985), An Autumn Tales (1987) et Eight tales of gold (1989). Yim Ho fait le pont entre ces deux générations, puisque étant un membre fondateur de la Nouvelle vague hongkongaise tout en signant avec Homecoming un film qui anticipe les préoccupations de la seconde Nouvelle Vague.

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Coral (Josephine Koo) est une jeune femme vivant à Hong Kong amenée à revenir dans le village de sa Chine natale au décès de sa grand-mère. Elle va y renouer contact avec deux amis d'enfance, Tsong (Xie Wei Xiong) et Pearl (Siqin Gaowa) qui sont désormais mariés et ont une petite fille. De manière insidieuse et feutrée, Yim Ho va tout au long du récit souligner le fossé existant entre les trois amis, ce que chacun envie à l'autre, ce qui a été perdu ou gagné pour ceux qui sont resté, pour celle qui est partie. Dès le départ on devine qu'un triangle amoureux qui ne dit pas son nom se joue là, au vu du trouble de Tsong, de l'anxiété latente de Pearl et de Coral partagée entre envie et satisfaction de son indépendance à Hong Kong quand elle observe la vie de famille de ses amis. La différence se ressent d'abord de façon trivialement économique avec une Coral qui intimide sans le savoir ses amis par son rapport différent à l'argent lorsqu'elle offre une friandise (pour eux) hors de prix à leur fille durant un repas. Son allure distinguée, la sophistication de son port même dans des tenues plus décontractées de campagne complexe une Pearl plus rustique, la bienveillance de Coral pour l'embellir (en la maquillant, lui offrant une chemise de nuit attrayante) ne faisant que renforcer cette gêne et entretenir une rivalité sous-jacente.

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Pourtant au fil des confidences, le quotidien de Coral à Hong Kong apparait bien moins idyllique qu'on ne le pense. L'urgence de la vie urbaine et son culte de l'argent ont disloqué sa famille puisqu'elle se trouve en conflit financier avec sa sœur, pourtant sa dernière parente. Elle est en apparence fier de son célibat et de ses nombreuses aventures sexuelles face à une Pearl qui n'a connu qu'un seul homme, mais finit par avouer la larme à l'œil qu'elle a dû faire deux avortement. Tout le film oscille entre ce rapport amour/haine, ce schisme Hong Kong/Chine continentale ou tout simple ville/campagne, que ce soit entre les héros mais aussi à l'échelle du village où le passage de Coral exerce une certaine influence. Elle ouvre ainsi les horizons d'un petit garçon fils de fermier mais ayant le potentiel d'aller plus haut (on apprend au début du film qu'il a remporté un prix de mathématique), ce qui suscite d'abord la méfiance de son père n'ayant pas ces vues et ambitions. Yim Ho entremêle ce rapport intime complexe aux racines, ce pays natal que l'on pense ne pas regretter d'avoir quitté mais au sein duquel l'esprit s'avère bien plus apaisé, loin du tumulte et de l'hypocrisie citadine (Coral avouant n'avoir aucun ami proche à Hong Kong).

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Le réalisateur capture les paysages ruraux avec une beauté et emphase ambiguë tout au long du film. Les superbes plans d'ensemble sur les panoramas de campagne, les scènes quasi documentaires de travaux fermiers, la connivence entre tous les voisins se connaissant (les vieillards jumeaux adepte du tai-chi, truculents second rôles) , tout cela recèle un indéniable parfum de chaleur humaine. Cependant l'imagerie grise, aride et janséniste (le récit se déroulant durant la saison des pluies) laisse clairement comprendre la logique envie d'ailleurs de quelqu'un n'ayant connu que cet environnement, et cette proximité trop grande cultive le non-dit et la frustration. Ce qui hante les protagonistes, c'est la peur de la solitude, celle urbaine qui nous laisse anonyme parmi la foule et l'autre rurale qui nous condamne à être le dernier quand époux, parent ou enfant seront décédés ou auront quitté le nid pour faire leur vie ailleurs.

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C'est un élément que saisit brillamment Yim Ho par ses compositions de plan où il filme la silhouette des personnages isolée face à un paysage, de campagne le plus souvent mais aussi de la ville dans la dernière partie où Coral emmène les enfants du village en expédition dans la ville voisine de Guangzhou. Yim Ho a l'art de traduire tout cela sans conflit ni rebondissement marquant, laissant toujours une tension implicite sous les sourires et la langueur pastorale, le ton s'élevant uniquement sur la toute fin. Un très beau film (récompensé de cinq Hong Kong Awards sur onze nominations, Meilleur film, Meilleure actrice pour Siqin Gaowa, Meilleur espoir pour Josephine Koo, Meilleur scénario et Meilleure direction artistique) dont on peut supposer qu'il a influencé l'autre chef d'œuvre du "retour au pays natal" qu'est Eight tales of gold de Mabel Cheung. 5/6

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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Du 11 mai au 7 octobre 2023, la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP) consacre une rétrospective de 8 films au réalisateur japonais Yoshimitsu Morita disparu en 2011. On y trouvera pour la première salve de mai/juin Jeu de famille (probablement son plus conny), Le Frisson de la mort, Haru, La Fille aux lingots d’or, Lost Paradise, Le Samouraï à l’abaque, Black House et Train Brain Express. Les horaires ici https://www.mcjp.fr/fr/yoshimitsu-morita

Dans ceux que j'ai vu et évoqué sur le topic les indispensables sont la comédie noire Jeu de famille, la comédie romantique sur fond de début d'internet Haru, le magnifique mélodrame Lost paradise, le thriller Black House et la très belle adaptation de Natsume Soseki Soreraka. Vu aussi Le Frisson de la mort qui ne m'avait pas trop convaincu mais c'est suffisamment original pour valoir le coup d'oeil. Les inédits ont l'air très alléchants aussi (après la scène du train de Haru obligé de baver sur le pitch de The Train brain express, l'adaptation du roman Kitchen fait envie aussi), vraiment à voir Morita un des grands réal japonais des années 80/90 passé sous les radars de la critique occidentale.
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Shinji
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Re: Le Cinéma asiatique

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BA du prochain (et dernier ?) Kitano !

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Re: Le Cinéma asiatique

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Queen of Temple Street de Lawrence Ah Mon (1990)

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Avant de s'orienter vers des productions plus nanties et commerciales, Lawrence Ah Mon fut le temps de ses deux premiers films un réalisateur dans la continuité des ténors de la Nouvelle Vague hongkongaise. Gangs (1986) est un récit urbain à l'approche documentaire qui prolonge les travaux télévisés de Lawrence Ah Mon. Durant son travail de repérage pour ce film avec son scénariste Chan Man Keung, Lawrence Ah Mon va rencontrer une tenancière de maison close dont les confessions vont le marquer au point d'y consacrer son œuvre suivante, Queen of Temple Street. Temple Street est le cadre d'un marché nocturne à Hong Kong et aussi le terreau d'une faune criminelle dont le cinéma et la télévision s'empareront plusieurs fois, comme Lawrence Ah Mon qui y retournera pour Prince of Temple Street (1992) avec Andy Lau, ou encore The God of Cookery de Stephen Chow (1996) et C'est la vie mon chérie de Derek Yee (1993). Nous y suivons Wah (Sylvia Chang) qui y dirige une maison close tout en menant de front une vie personnelle tumultueuse. Elle tente d'élever ses deux jeunes garçons, tout en observant désespérée sa fille Yan (Rain Lau) embrasser le même destin dans le milieu des plaisirs tarifés.

Lawrence Ah Mon use d'un style sur le vif avec une caméra à l'épaule arpentant le quartier grouillant et interlope de Temple Street et scrutant ses petits trafics plus ou moins légaux, dont une Wah rabattant les passants vers son "commerce". Le film ne verse pas dans le sordide et le misérabilisme, mais se veut une étude de caractères des femmes vivotant dans ce milieu. La trame principale et le fil rouge repose sur la relation tumultueuse de Wah et de sa fille Yan, symbole d'un inéluctable déterminisme social puisque Wah elle-même fut la fille d'une prostituée avant de devenir hôtesse de bar puis mère maquerelle. Yan nourrit un profond ressentiment envers Wah du fait d'avoir grandie dans pareil environnement et de ne pas connaître son père, et semble céder à tous les pièges d'un milieu dont elle connaît les dangers dans une pure démarche rebelle et d'autodestruction. Au fil du récit, mère et fille exprimeront avec férocité leur griefs et encaisseront ce qui dans leur comportement a pu heurter l'autre. La faillite des hommes a obligé Wah à s'endurcir après l'expérience d'un premier amour volage et peu fiable (Lo Lieh excellent) et d’un second en apparence respectable car policier mais avili dans son addiction aux jeux d'argent. Ce cadre familial instable nourrit la défiance de Yan qui ne saura voir les sacrifices de sa mère, et cette dernière ne voyant en sa fille qu'une ingrate. Les scènes les opposant sont très justes dans leurs dialogues heurtés et un langage corporel agité où dans la violence exprimée on devine l'amour qu'elles ne savent communiquer l'une pour l'autre.

La sororité semble être le ciment des héroïnes dans un monde où les hommes semblent tout sauf fiables. Les figures féminines semblent pourtant comme conditionnées à se soumettre à eux, du fait de leur métier mais aussi leur choix peu scrupuleux de compagnon telle cette prostituée payant les courses du foyer officiel de son amant avec l'argent de ses passes. Lawrence Ah Mon même sous un jour parfois trivial ne néglige aucun détail sordide du quotidien de ses travailleuses du sexe, que ce soit le gel dont elles s'enduisent les parties intimes pour supporter le défilé de clients, ou les bains de fin de journée dans lesquels elles trempent leur corps meurtris. On pourra tout juste pointer le fait de peut-être idéaliser le personnage de Sylvia Chang bienveillante et mère de substitution pour ses filles. Cela amène néanmoins une respiration et havre de paix à une société dont tous les pans semblent voués à l'exploitation du corps des femmes, ce qu'on comprendra dans le parcours sinueux de Yan exposée à une carrière dans les photos de charme, puis hôtesse de bar pouvant céder au client. La fange explicite dont pense s'extraire les personnages les guides vers une fange implicite où sous le verni respectable, la finalité est la même. Sous cette esthétique rugueuse, Lawrence Ah Mon met en place une approche très pensée dans sa progression, les lumières criardes du monde de la nuit laissant progressivement place (avec le rapprochement des personnages) à un éclairage plus épuré, blanc et immaculé à l'image de leur coeur à ne pas confondre avec le milieu dans lequel elles évoluent. Sylvia Chang livre une prestation énergique et très touchante, tandis que Rain Lau est une vraie révélation en jeune femme écorchée vive, leur alchimie et palpable et constitue le ciment émotionnel de ce beau film. 5/6
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Vic Vega
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Vic Vega »

Shinji a écrit : 3 mai 23, 11:04 BA du prochain (et dernier ?) Kitano !

Décrit par les retours cannois comme un Outrage chez les samouraïs. Verrai ce que ça donne.
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

A Moment of Romance 2 de Benny Chan (1993)

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Celia (Wu Chien-lien), une Chinoise ayant immigrée illégalement à Hong Kong, travaille comme prostituée afin de réunir de l'argent pour sortir son petit frère de prison. Lors de son premier soir de travail, elle est témoin du meurtre d'un chef des triades et est bientôt accusée à tort. Tandis que des membres des triades la poursuivent, elle est secourue par Frank (Aaron Kwok), un membre d'un gang de motards qui vient d'une famille aisée mais divisée et qui est souvent déprimé.

A Moment of Romance de Benny Chan (1990) avait constitué une sorte de miracle filmique entre romance juvénile surannée, urgence et brutalité du polar urbain hongkongais et esthétique flamboyante sur fond de cantopop. Le film s'était avéré le sommet du sous-genre de la romance criminelle qui avait eu son moment de popularité à travers quelques réussites majeures comme As Tears Go By de Wong Kar Wai. Benny Chan et son producteur Johnnie To remettent donc le couvert trois ans plus tard afin de surfer sur la vague qu'ils ont initiés avec ce A Moment of Romance 2. Au vu de la conclusion tragique du premier volet, ce nouveau film n'en est pas une suite directe même s'il en conserve les éléments visuels et narratifs les plus marquants. On retrouve la romance juvénile entre deux êtres issus de milieux sociaux différents, le monde des courses de moto et la menace criminelle violente des triades. Wu Chien-lien revient en tant que premier rôle féminin tandis que Andy Lau laisse sa place à Aaron Kwok (qui perpétue les liens étroits entre la cantopop et la romance criminelle puisqu'il mène une carrière de chanteur parallèlement à celle d'acteur comme Andy Lau et fait partie avec lui des "Quatre célestes de la cantopop" avec Leon Wai et Jacky Cheung).

La dynamique est légèrement différente du premier film puisque l'aspect bas-fond criminel vient du personnage féminin Celia (Wu Chien-lien), jeune migrante chinoise clandestine traquée par les triades, tandis que le héros Frank (Aaron Kwok) est un jeune homme paisible issu d'un milieu nanti et en conflit avec son père. A Moment of Romance 2 est un très joli film, plutôt intimiste, et qui d'une certaine façon s'ancre dans un cadre plus réaliste que son prédécesseur dont il renverse certains cliché (le bad boy au cœur tendre Andy Lau troublant une candide et innocente Wu Chien-lien). Mais l'emphase formelle, musicale et romantique poussés aux limites du cliché de ce premier film atteignait une sorte de moment de grâce inattendu qui finissait par cueillir le spectateur le plus endurci. Cette fois tout est plus mesuré, délicat et retenu dans l'expression des sentiments mais finalement plus convenu aussi. Aaron Kwok compose un beau héros vulnérable, Wu Chien-lien est toujours aussi attachante et les enjeux intéressants, mais la magie inexpliquée du premier film ne prend jamais vraiment. Un des soucis est un trop-plein d'intrigues et de personnages, entre l'argument criminel et la quête de Celia pour sauver son frère, le conflit familial de Frank, toute la partie de rivalité et d'amitié du monde de la moto, cela fait bien trop de lièvres à courir en 1h30. Le fond est bien trop chargé alors qu'à l'inverse la forme est trop timorée, ce qui était exactement l'inverse du premier film où l'aspect conventionnel et "clichesque" était transcendée par la forme flamboyante. La photogénie et le charisme du couple juvénile demeure, mais cela manque de balade à moto sur fond d'urbanité hongkongaise, de poses mélancoliques et de ralenti porté par des refrains cantopop grandiloquents (la première chanson arrive au bout d'une heure un comble, et pas à la hauteur du score du groupe Beyond sur le premier), soit de manière générale toute la part d'excès et de lâcher-prise emphatique qui font tout le sel des grands mélodrames, à Hong Kong, Hollywood ou ailleurs.

A Moment of Romance 2 n'en reste pas moins un film agréable, porté par quelques scènes d'actions efficaces (la dernière course à moto haletante) mais qui paradoxalement, par sa retenue n'atteint pas l'accomplissement de son prédécesseur - un troisième film réalisé par Johnnie To voyant le retour d'Andy Lau toujours au côté de Wu Chien-lien sortira néanmoins en 1996. 3,5/6 Et pour ceux voulant découvrir le merveilleux premier film, il sort en août chez Radiance Films https://www.amazon.co.uk/Moment-Romance ... SCHT&psc=1
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Arn
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Arn »

Profondo Rosso a écrit : 10 janv. 23, 02:17 Haru de Yoshimitsu Morita (1996)

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Vu ce soir.
Je me suis lancé dans ce film un peu à l'aveugle, sans trop savoir ce qui m'attendais.

Sacré parti pris que tout ces longs panneaux, souvent sans aucune musique, présentant les e-mails échangés par les deux protagonistes principaux du film qui se sont rencontrés sur un forum de cinéma en ligne.
Je serais curieux de connaître la durée que cela prend sur les 2h de films.

Et pourtant ce n'est jamais ennuyeux, on est suspendu à cette correspondance, à ces deux personnes qui vont s'ouvrir, quitte à parfois se mentir, mais évoluer, l'un vers l'autre.

Sans être toujours d'une beauté esthétique renversante il y a quelques très belles scènes, et globalement un vrai soin apporté au cadre et à la photo, surtout dans certains intérieurs pour faire ressortir toute l'intériorité des personnages, souvent filmé seul, pensif. Ou bien pour présenter l'isolement, la solitude de Hoshi et Haru, même parmi une foule.

La scène du train est juste magnifique.

Très très belle surprise.

Je vais me pencher sur les autres que tu as chroniqué prochainement je pense.
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Arn a écrit : 7 août 23, 23:19
Profondo Rosso a écrit : 10 janv. 23, 02:17 Haru de Yoshimitsu Morita (1996)

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Vu ce soir.
Je me suis lancé dans ce film un peu à l'aveugle, sans trop savoir ce qui m'attendais.

Sacré parti pris que tout ces longs panneaux, souvent sans aucune musique, présentant les e-mails échangés par les deux protagonistes principaux du film qui se sont rencontrés sur un forum de cinéma en ligne.
Je serais curieux de connaître la durée que cela prend sur les 2h de films.

Et pourtant ce n'est jamais ennuyeux, on est suspendu à cette correspondance, à ces deux personnes qui vont s'ouvrir, quitte à parfois se mentir, mais évoluer, l'un vers l'autre.

Sans être toujours d'une beauté esthétique renversante il y a quelques très belles scènes, et globalement un vrai soin apporté au cadre et à la photo, surtout dans certains intérieurs pour faire ressortir toute l'intériorité des personnages, souvent filmé seul, pensif. Ou bien pour présenter l'isolement, la solitude de Hoshi et Haru, même parmi une foule.

La scène du train est juste magnifique.

Très très belle surprise.

Je vais me pencher sur les autres que tu as chroniqué prochainement je pense.
Tu fais plaisir, une vrai pépite ce film, tu ne devrais pas être déçu par les autres films, Lost Paradise et The Family Game notamment sont des indispensables.

Et sinon vu ça

Les Guerriers du temps / Iceman Cometh de Clarence Fok (1989)

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Lancé à la poursuite d'un dangereux renégat, un garde impérial de la dynastie Ming est pris au piège d'une machine à voyager dans le temps. Les deux hommes se retrouvent prisonniers dans la glace durant 300 ans avant de se réveiller à Hong Kong, traçant chacun un chemin totalement opposé. Vertueux, le garde fait la connaissance d'une prostituée au grand coeur et devient son homme de main. Fasciné par la découverte des armes à feu, le renégat élimine tous les criminels sur son passage avec une seule idée en tête : retourner dans le passé pour y conquérir le pouvoir.

Toujours à l'affut des derniers grands succès internationaux pour en offrir d'habiles variations locales, le cinéma de Hong Kong ne pouvait pas passer à côté du phénomène 80's que fut le Highlander de Russell Mulcahy (1986). Iceman Cometh en reprend donc en partie l'idée, celle de guerriers du passé s'affrontant à travers les âges jusqu'à notre monde moderne, et surtout l'imagerie notamment ces duels à l'épée sur fond de panoramas urbains. Le film est une tentative pour l'acteur Yuen Biao d'obtenir un succès au box-office hongkongais en solo et donc sans ses "frères" Jackie Chan et Sammo Hung, partenaires sur des réussites majeures comme Le Marin des mers de Chine (1983), Eastern Condors (1986), Shanghai Express (1986) ou Dragon Forever (1988). Il tentera d'abord cette émancipation dans des rôles plus sérieux et des œuvres sombres et dépourvues d'arts martiaux comme le thriller On the run d'Alfred Cheung (1988) sans succès. Iceman Cometh le voit donc revenir au pur cinéma d'action avec un habile mélange des genres entre comédie, fantastique et film de sabre.

Le récit débute en pleine dynastie Ming où le garde impérial Ching (Yuen Biao) est sommé par l'empereur de mettre fin aux agissements de Fung San (Wah Yuen), son ancien condisciple et dangereux psychopathe adepte du viol. La confrontation est épique par son cadre incroyable (des montagnes enneigées), la férocité et la virtuosité des adversaires et surtout son issue sacrificielle puis que ne parvenant pas à terrasser Fung San, Ching décide de mourir avec lui dans une vertigineuse chute dans une falaise gelée. 300 ans plus tard, des scientifiques retrouvent leurs corps congelés mais un concours de circonstances les ramènent à la vie à Hong Kong. Là le film joue habilement de l'humour anachronique avec un Ching confronté aux particularités du monde moderne et malmené par une bienfaitrice peu recommandable, la prostituée Polly (Maggie Cheung). Avant son virage vers le cinéma d'action (on lui doit des réussites comme Dragon from Russia (1989) adaptation officieuse du manga Crying Freeman, ou le girls and gun cultissime Naked Weapon (1992), le réalisateur Clarence Fok œuvra autant dans le drame que la comédie et ce bagage rend très solide la caractérisation des personnages, les ruptures de ton et la drôlerie de la première partie. Yuen Biao en grand naïf surpris et effrayé de tout ce nouveau monde qu'il découvre est parfait, tour à tour très touchant puis se vautrant dans le ridicule le plus hilarant - même si cela paraît improbable on soupçonnerait presque Jean-Marie Poiré d'avoir vu le film lors d'un gag repris plus tard dans Les Visiteurs (1993) où à l'instar de Jacquouille, Ching prend une cuvette de toilette pour un puits dont il peut boire l'eau. On retrouve aussi une Maggie Cheung dans sa seconde persona du cinéma hongkongais (la première est la jeune fille innocente et accessoirement potiche/demoiselle en détresse pour Jackie Chan, la troisième et plus connue en occident l'icône papier glacé des grands mélos stylisé de Wong Kar Wai), celle de la jeune fille du peuple gouailleuse, vénale et attachante qu'on retrouve A Fishy Story (1989), Comrades, almost a love story (1995), L'Auberge du Dragon (1992) ou Heroic Trio (1993). Ici elle est géniale en prostituée magouilleuse entraînant un Ching dévoué et amoureux dans ses affaires louches.

L'histoire travaille l'idée de caractère figés par la destinée, d'abord avec Ching maintenant sa droiture morale malgré les tentations du monde moderne, tandis que Fung San voit ses mauvais penchants exacerbés par les possibilités de ce nouveau cadre. Voyant que son vieil ennemi sévit encore, Ching se sent le devoir de le stopper ce qui va entraîner un nouvel affrontement spectaculaire. Wah Yuen également ancien condisciple de Yuen Biao à l'opéra de Pékin (avec donc Jackie Chan et Sammo Hung) compose un antagoniste étincelant de cruauté et de vice, son penchant pour le vol, le viol et le meurtre en font le parfait opposé à la candeur de Ching et l'acteur se délecte à endosser l'outrance du personnage. L'enjeu est ainsi moral, mystique (avec un artefact permettant de faire le voyage retour dans le passé) mais fonctionne avant tout dans sa veine sentimentale lors d'une magnifique scène où le nouveau sacrifice et la confession amoureuse de Ching pour sortir Polly des griffes de Fung San brise le cynisme de cette dernière, bouleversée. Elle devient dès lors une alliée et possible compagne dans le duel au sommet. Le film est vraiment bien construit puisque ce n'est qu'à partir de ce pic émotionnel et le fait que les personnages aient quelque chose de précieux à perdre, que les grands morceaux de bravoures arrivent.

Yuen Biao chorégraphie des scènes d'action mémorables, jouant des possibilités urbaines de ce monde contemporain comme cet étourdissant combat sur une voiture suspendue à une grue. La superbe photo de Poon Hang-San amène une vraie plus-value dans les atmosphères, qu'elles soient baroques et irréalistes (le rouge écarlate marquant l'ascendant maléfique de Fung San dans la scène de sacrifice) ou alors jouant du contraste entre affrontement ancestral et cadre moderne lors d'un très beau plan final où les guerriers se font face à l'épée avec en arrière-plan l'urbanité nocturne tout en néons de Hong Kong. C'est là que la parenté avec Highlander est la plus marquée mais le film de Clarence Fok vieillit bien mieux et se montre largement plus impressionnant. Après la pyrotechnie où les sabres se mélangent à l'arsenal militaire contemporain (mitraillettes, grenades et autre utilisés par le fourbe Fung San), on termine sur un féroce mano à mano martial où Yuen Biao peut étaler tout son bagage face à un partenaire à la hauteur avec un Wah Yuen tout aussi véloce. L'empoignade est brutale, douloureuse et constamment inventive, un vrai feu d'artifice final. Le film ne sera malheureusement pas le succès escompté à Hong Kong malgré les moyens, et Yuen Biao restera dans l'ombre de Jackie Chan et Sammo Hung. Iceman Cometh n'en reste pas moins une belle réussite et le préféré de Yuen Biao dans sa filmo, en dehors de ceux tournés avec ses célèbres partenaires. 5/6
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par shubby »

Profondo Rosso a écrit : 8 août 23, 02:39 on soupçonnerait presque Jean-Marie Poiré d'avoir vu le film lors d'un gag repris plus tard dans Les Visiteurs (1993) où à l'instar de Jacquouille, Ching prend une cuvette de toilette pour un puits dont il peut boire l'eau.
+ la blague du "jour / nuit" avec l'interrupteur. Bénéfice du doute, mais c'est en effet troublant.

Maggie est impeccable là-dedans, oui :)

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