Kenji Mizoguchi (1898-1956)
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La rue de la honte
Le dernier film du maître, avant que celui-ci ne décède d'une leucémie...Mizoguchi s'attache au Japon contemporain et aux drames quotidiens de l'après-guerre. Si la fluidité poétique incomparable du cinéaste semble d'abord en retrait au profit d'une chronique âpre du milieu de la prostitution, il s'agit encore et toujours d'évoquer la femme dans sa condition tragique.
Tenanciers de bordel et politiciens sont dénoncés avec la même rigueur. Les premiers maintiennent les jeunes femmes dans leur dépendance et les seconds, à travers une volonté de loi contre la prostitution, ne peuvent que les abandonner à la misère. Cette situation est destructrice puisque sans leur "métier" elle ne sont plus rien mais elles ont déjà abandonné dignité, reconnaissance puisque elles ne sont guère plus que des objets. Chacune lutte à sa manière pour s'accomoder de cette souffrance, refoulant plus ou moins facilement une fragilité enfouie par l'obstination. Mais leur existence précaire s'avère souvent victime de bouleversements qui scellent une détresse affective profonde.
Mizoguchi dresse au final un tableau dramatique qui fige la condition féminine dans une continuité historique...en témoigne un dernier plan à la fois sublime et effrayant, ultime forme d'un cauchemar humain.
Le dernier film du maître, avant que celui-ci ne décède d'une leucémie...Mizoguchi s'attache au Japon contemporain et aux drames quotidiens de l'après-guerre. Si la fluidité poétique incomparable du cinéaste semble d'abord en retrait au profit d'une chronique âpre du milieu de la prostitution, il s'agit encore et toujours d'évoquer la femme dans sa condition tragique.
Tenanciers de bordel et politiciens sont dénoncés avec la même rigueur. Les premiers maintiennent les jeunes femmes dans leur dépendance et les seconds, à travers une volonté de loi contre la prostitution, ne peuvent que les abandonner à la misère. Cette situation est destructrice puisque sans leur "métier" elle ne sont plus rien mais elles ont déjà abandonné dignité, reconnaissance puisque elles ne sont guère plus que des objets. Chacune lutte à sa manière pour s'accomoder de cette souffrance, refoulant plus ou moins facilement une fragilité enfouie par l'obstination. Mais leur existence précaire s'avère souvent victime de bouleversements qui scellent une détresse affective profonde.
Mizoguchi dresse au final un tableau dramatique qui fige la condition féminine dans une continuité historique...en témoigne un dernier plan à la fois sublime et effrayant, ultime forme d'un cauchemar humain.
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Le héros sacrilège
Deuxième essai en couleurs pour Mizoguchi, avec des teintes délavées et pâles proposées par la Daiei, ce qui peut d'abord laisser une impression étrange. Mais l'attention portée aux détails, l'évidente beauté dans la composition des plans ne peuvent qu'absorber l'oeil et convaincre de la réussite de cette adaptation à la couleur (même si les décors peuvent sembler quelconques).
La fresque historique est ambitieuse et dense, autour d'une période décisive et complexe de l'histoire du Japon. L'itinéraire initiatique de Tairo Kiyomori annonce l'avènement d'un gouvernement militaire et la domination des samourais (pour plus de 700 ans). Il faut cependant s'imprégner d'un contexte ardu entre querelles nobiliaires et double monarchie : subsiste en effet un empereur en titre et un empereur retiré, une cour impériale et une cour cloîtrée. Cette lutte d'intérêts s'effectue au détriment des samourais...bien que dévoués aux empereurs ils restent méprisés, jouets des différents pouvoirs.
Le parcours du "héros sacrilège" s'inscrit dans un apprentissage de valeurs, dans une compréhension de la vanité d'un monde. Mizoguchi rejoint ici avec clarté des thématiques constantes de son oeuvre. L'apprentissage de la souffrance, la quête du lien de filiation sont les clés d'un cheminement personnel qui s'enchaîne au destin politique. Le héros sacrilège s'avère alors un film particulièrement intimiste, centré autour de Raizo Ichikawa. Celui-ci est alors au tout début de sa brillante carrière, mais montre déjà ses qualités d'interprétation. Son visage, entre douceur et détermination, parvient à merveille à dessiner l'ambiguité d'une condition.
Si Le héros sacrilège n'atteint pas la grâce des plus beaux Mizoguchi, il s'agit d'un film de très belle facture. L'action n'est que résiduelle et la masse d'informations peut parfois sembler confuse, mais ces frustrations passagères ne peuvent que souligner l'exigence de son cinéma, dans sa diversité et sa continuité.
Deuxième essai en couleurs pour Mizoguchi, avec des teintes délavées et pâles proposées par la Daiei, ce qui peut d'abord laisser une impression étrange. Mais l'attention portée aux détails, l'évidente beauté dans la composition des plans ne peuvent qu'absorber l'oeil et convaincre de la réussite de cette adaptation à la couleur (même si les décors peuvent sembler quelconques).
La fresque historique est ambitieuse et dense, autour d'une période décisive et complexe de l'histoire du Japon. L'itinéraire initiatique de Tairo Kiyomori annonce l'avènement d'un gouvernement militaire et la domination des samourais (pour plus de 700 ans). Il faut cependant s'imprégner d'un contexte ardu entre querelles nobiliaires et double monarchie : subsiste en effet un empereur en titre et un empereur retiré, une cour impériale et une cour cloîtrée. Cette lutte d'intérêts s'effectue au détriment des samourais...bien que dévoués aux empereurs ils restent méprisés, jouets des différents pouvoirs.
Le parcours du "héros sacrilège" s'inscrit dans un apprentissage de valeurs, dans une compréhension de la vanité d'un monde. Mizoguchi rejoint ici avec clarté des thématiques constantes de son oeuvre. L'apprentissage de la souffrance, la quête du lien de filiation sont les clés d'un cheminement personnel qui s'enchaîne au destin politique. Le héros sacrilège s'avère alors un film particulièrement intimiste, centré autour de Raizo Ichikawa. Celui-ci est alors au tout début de sa brillante carrière, mais montre déjà ses qualités d'interprétation. Son visage, entre douceur et détermination, parvient à merveille à dessiner l'ambiguité d'une condition.
Si Le héros sacrilège n'atteint pas la grâce des plus beaux Mizoguchi, il s'agit d'un film de très belle facture. L'action n'est que résiduelle et la masse d'informations peut parfois sembler confuse, mais ces frustrations passagères ne peuvent que souligner l'exigence de son cinéma, dans sa diversité et sa continuité.
- gnome
- Iiiiiiil est des nôôôôtres
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Si tu les as reçus, peux te faire un petit topo image s'il te plait?joe-ernst a écrit :Bon, ben je me suis lancé et j'ai donc commandé chez Alapage:
- L'Impératrice Yang Kwei-fei / La Rue de la honte (Films sans frontière - 2 DVDs).
- Les Amants crucifiés / L'Intendant Sansho (Films sans frontière - 2 DVDs).
- Le Héros sacrilège (Films sans frontière - 1 DVD).
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À la Maison de la Culture du Japon à Paris a lieu en ce moment un cycle "Histoire des grands studios japonais, 1ere partie, La Nikkatsu ou la modernité toujours recommencée".
Un film de Mizoguchi est au programme :
Terre Natale (Fushiwara Yoshie no furusato, 1930) aussi connu sous les titres Le Pays natal ou Furusato, est non seulement le plus ancien film conservé du réalisateur, mais aussi du premier film sonore japonais.
Il était projeté hier soir, et le sera à nouveau mercredi prochain (10/10/2007) à 19h30.
Pour les curieux, il y a aussi l'un des six films réalisés par l'une des actrices fétiches de Mizoguchi, Kinuyo Tanaka : Maternité éternelle (Chibusa yo eien nare, 1955), son troisième film.
Programmé vendredi prochain (12/10/2007) à 14h (:().
Un film de Mizoguchi est au programme :
Terre Natale (Fushiwara Yoshie no furusato, 1930) aussi connu sous les titres Le Pays natal ou Furusato, est non seulement le plus ancien film conservé du réalisateur, mais aussi du premier film sonore japonais.
Il était projeté hier soir, et le sera à nouveau mercredi prochain (10/10/2007) à 19h30.
Pour les curieux, il y a aussi l'un des six films réalisés par l'une des actrices fétiches de Mizoguchi, Kinuyo Tanaka : Maternité éternelle (Chibusa yo eien nare, 1955), son troisième film.
Programmé vendredi prochain (12/10/2007) à 14h (:().
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- Mogul
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- Mogul
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Bon et voilà, c'est vu.
Et c'est pas génial
Déjà l'histoire est un méga-moralisateur et qui n'hésite pas à revenir pour une 2ème couche et le vernissage pour être sur de bien s'être fait comprendre, mais en plus on sent que Mizoguchi est bien embeté par la prise de son qui le bride énormément dans sa réalisation : plans statiques, décors pas trop chargés, valeurs de cadres sérrés obligatoires etc...
Du coup, les passages muets apparaissent comme de véritable respirations où la caméra se lache complétement à coups d'incroyables mouvements portés qui bondissent de tables en tables, panotent de visages en visages et parcourent d'immenses salles blindés de figurants. Loin d'être démonstratifs, ces quelques plans ( assez influencé par Murnau ) expriment parfaitement la tension, l'effervescence et l'écart entre le chanteur et sa femme quand celui-ci se succombe aux plaisirs de la célébrité.
Avec quelques séquences de ce gabarit, le film déjà le cul entre 2 chaises devient carrément bancal d'autant que le son trés rudimentaire lui-même n'aide jamais à rentrer dans l'histoire.
Au niveau des personnages, pas grand chose non plus à sauver vu le manichééisme ambiants même si la pose propagande "je regarde le coin haut-gauche de l'écran les yeux pleins d'espoir" dès qu'un personnages retrouve la foi devient vite ridicule. Le passage où le gros copain du couple séparé trouve une solution pour les réunir ( juste les réunir en fait ) est un grand moment de rigolade invonlontaire aussi.
Bref, à voir plus comme une curiosité historique qu'un film de Mizoguchi.
Et c'est pas génial
Déjà l'histoire est un méga-moralisateur et qui n'hésite pas à revenir pour une 2ème couche et le vernissage pour être sur de bien s'être fait comprendre, mais en plus on sent que Mizoguchi est bien embeté par la prise de son qui le bride énormément dans sa réalisation : plans statiques, décors pas trop chargés, valeurs de cadres sérrés obligatoires etc...
Du coup, les passages muets apparaissent comme de véritable respirations où la caméra se lache complétement à coups d'incroyables mouvements portés qui bondissent de tables en tables, panotent de visages en visages et parcourent d'immenses salles blindés de figurants. Loin d'être démonstratifs, ces quelques plans ( assez influencé par Murnau ) expriment parfaitement la tension, l'effervescence et l'écart entre le chanteur et sa femme quand celui-ci se succombe aux plaisirs de la célébrité.
Avec quelques séquences de ce gabarit, le film déjà le cul entre 2 chaises devient carrément bancal d'autant que le son trés rudimentaire lui-même n'aide jamais à rentrer dans l'histoire.
Au niveau des personnages, pas grand chose non plus à sauver vu le manichééisme ambiants même si la pose propagande "je regarde le coin haut-gauche de l'écran les yeux pleins d'espoir" dès qu'un personnages retrouve la foi devient vite ridicule. Le passage où le gros copain du couple séparé trouve une solution pour les réunir ( juste les réunir en fait ) est un grand moment de rigolade invonlontaire aussi.
Bref, à voir plus comme une curiosité historique qu'un film de Mizoguchi.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
- -Kaonashi-
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Un topic vient d'être ouvert concernant le DVD des 47 ronins édité par MK2.
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La vie d'O-Haru, femme galante (1952), de Kenji Mizoguchi.
Mon premier Mizoguchi ( )...
O-Haru, jeune femme noble de la Cour, est surprise en compagnie d'un jeune samouraï de basse extraction. Chassée avec ses parents de la Cour, elle va connaître la déchéance en finissant prostituée de bas étage...
J'avoue avoir été un peu décontenancé par la mise en scène, qui m'a semblée un peu vieillotte, comme s'il s'agissait d'un film tourné dans les années 20 ou 30. Elle paraît composée de vignettes, mais il faut reconnaître qu'elles sont superbes et inoubliables, d'autant que la photo les magnifie.
L'histoire de cette femme, fort malmenée par la vie mais qui garde une incroyable dignité, est touchante. Belle charge contre le statut de la femme, complètement soumise à l'autorité des hommes, qui en disposent comme d'un objet.
L'interprétation de Kinuyo Tanaka est remarquable.
Mon premier Mizoguchi ( )...
O-Haru, jeune femme noble de la Cour, est surprise en compagnie d'un jeune samouraï de basse extraction. Chassée avec ses parents de la Cour, elle va connaître la déchéance en finissant prostituée de bas étage...
J'avoue avoir été un peu décontenancé par la mise en scène, qui m'a semblée un peu vieillotte, comme s'il s'agissait d'un film tourné dans les années 20 ou 30. Elle paraît composée de vignettes, mais il faut reconnaître qu'elles sont superbes et inoubliables, d'autant que la photo les magnifie.
L'histoire de cette femme, fort malmenée par la vie mais qui garde une incroyable dignité, est touchante. Belle charge contre le statut de la femme, complètement soumise à l'autorité des hommes, qui en disposent comme d'un objet.
L'interprétation de Kinuyo Tanaka est remarquable.
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
- k-chan
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Un beau trailer (Eureka) pour un des plus beaux films du monde (et quelle musique de Fumio Hayasaka ) :
L'intendant Sansho
Elle a l'air belle la copie.
L'intendant Sansho
Elle a l'air belle la copie.
Dernière modification par k-chan le 7 nov. 08, 12:35, modifié 1 fois.
- k-chan
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Parmi les 4 grands du cinéma classique japonais, j'ai du mal à établir un classement. Aujourd'hui, ce serait celui-ci :
1 Naruse (vu une vingtaine de films)
2 Mizoguchi (une vingtaine de films itou)
3 Ozu (vu toutes les oeuvres parlantes + quelques muets)
4 Kurosawa (il ne manque que Ceux qui construisent demain)
1 Naruse (vu une vingtaine de films)
2 Mizoguchi (une vingtaine de films itou)
3 Ozu (vu toutes les oeuvres parlantes + quelques muets)
4 Kurosawa (il ne manque que Ceux qui construisent demain)
Une alimentation saine dirige l'énergie sexuelle dans les parties concernées
Barbara Cartland
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