Re: Erich Von Stroheim (1885-1957)
Publié : 10 mai 11, 13:22
Encore un autre documentaire de la série Cinéastes de Notre Temps. Décidément, la télé de l'époque produisait de bien beaux documentaires.
Erich Von Stroheim (1965, Robert Valey)
Lorsqu'il meurt en 1957, la vérité sur les origines de Stroheim est toujours inconnue. L'édition 1957 du Who's Who en fait toujours le fils d'un colonel de dragons et d'une dame d'honneur de l'Impératrice Elizabeth. Denis Marion commence alors à faire des recherches. Les états civils à Vienne, à la fin du XIXè siècle, sont séparés selon que l'on est catholique ou de confession israélite. Il retrouve donc l'état civil de Stroheim dans le registre du rabbin. Il est le fils de Benno Stroheim et de Johanna Bondy. On indique même le nom du circonciseur: Elias Weiss. Il est aussi mentionné qu'il a quitté la communauté en 1908. Il part effectivement pour les USA en 1909. Ses origines, selon Marion, expliquent cette relation de phobie et d'attirance pour cette société austro-hongroise dont il était exclu.
Le portrait est constitué d'interviews de personnes qui l'ont connu ou qui ont travaillé avec lui. Gloria Swanson revient sur le tournage agité de Queen Kelly. Elle trouvait que Stroheim dirigeait les acteurs comme le faisait DeMille, c-a-d en leur laissant toute liberté (contrairement aux acteurs chez Griffith qui le singent dit-elle). Elle a été effrayée en voyant qu'un tiers seulement du scénario avait été tourné et qu'ils avaient déjà 200 000 pieds (6100 m) de pellicule impressionnée au coût faramineux de 600 000 dollars. Elle appelle les banquiers de New York qui arrivent en un rien de temps et stoppent le tournage. Elle ne reverra Erich que lors du tournage de Sunset Boulevard.
Parmi les témoignages les plus intéressants, il y a celui de Edmond T. Gréville qui a dirigé Stroheim dans trois films. Il mentionne une anecdote qui en dit long. Lors du tournage de Under Secret Orders (1937), Stroheim tourne une scène où il sort d'un immeuble de 5 étages par la porte. Il demande ensuite à Gréville quand ils vont tourner la scène où il entre dans l'immeuble et une autre où il monte les 5 étages. Gréville lui dit que c'est inutile. On l'a vu tout en haut de l'immeuble et sortir, ça suffit. Stroheim proteste que tout l'intérêt humain du film sera absent. Conclusion de Gréville: il était incapable de penser un tournage en fonction du montage et de faire des raccourcis.
Erich von Stroheim croyait tellement au mythe qu'il s'était créé qu'il montrait souvent des photos en disant: "Ici, c'est moi serrant la main de l'empereur." Il s'agissait en fait de photos de plateaux de ses propres films... Il aurait apparemment envoyé une lettre à Daladier en 1939 pour demander un régiment et une nomination en tant que colonel !
Au-delà de cela, on le décrit généralement comme généreux, dépensant sans compter pour organiser des dîners fastueux pour 500 personnes avec langouste et champagne coulant à flots. Sa vie réelle était donc assez proche de son attitude en tant que metteur en scène. Comme le dit Swanson, il n'utilisait que le meilleur caviar possible pour Queen Kelly (une dépense inconsidérée selon elle pour une scène qui finirait probablement sur le sol de la salle de montage).
René Clair et Jean Renoir disent tous deux leur admiration pour le grand metteur en scène. Renoir parle d'un homme finalement assez naïf par certains côtés, qui avait conservé une certaine innocence. Clair et Gréville se souviennent d'une dernière visite dans sa maison de Maurepas peu de temps avant sa mort. Il avait organisé une sorte de répétition de ses funérailles avec un grand catafalque rouge au milieu de son salon, sans oublier le champagne qui coulait à flots. Une vraie scène tirée d'un de ses films!
Le documentaire était ponctué par de larges extraits de Greed, Blind Husbands, Merry Widow, Foolish Wives & Queen Kelly. Seul manquait The Wedding March qui apparemment était bloqué par quelqu'un qui en avait refusé l'accès.
C'est vraiment rageant de penser qu'un tel documentaire restera invisible....
Erich Von Stroheim (1965, Robert Valey)
Lorsqu'il meurt en 1957, la vérité sur les origines de Stroheim est toujours inconnue. L'édition 1957 du Who's Who en fait toujours le fils d'un colonel de dragons et d'une dame d'honneur de l'Impératrice Elizabeth. Denis Marion commence alors à faire des recherches. Les états civils à Vienne, à la fin du XIXè siècle, sont séparés selon que l'on est catholique ou de confession israélite. Il retrouve donc l'état civil de Stroheim dans le registre du rabbin. Il est le fils de Benno Stroheim et de Johanna Bondy. On indique même le nom du circonciseur: Elias Weiss. Il est aussi mentionné qu'il a quitté la communauté en 1908. Il part effectivement pour les USA en 1909. Ses origines, selon Marion, expliquent cette relation de phobie et d'attirance pour cette société austro-hongroise dont il était exclu.
Le portrait est constitué d'interviews de personnes qui l'ont connu ou qui ont travaillé avec lui. Gloria Swanson revient sur le tournage agité de Queen Kelly. Elle trouvait que Stroheim dirigeait les acteurs comme le faisait DeMille, c-a-d en leur laissant toute liberté (contrairement aux acteurs chez Griffith qui le singent dit-elle). Elle a été effrayée en voyant qu'un tiers seulement du scénario avait été tourné et qu'ils avaient déjà 200 000 pieds (6100 m) de pellicule impressionnée au coût faramineux de 600 000 dollars. Elle appelle les banquiers de New York qui arrivent en un rien de temps et stoppent le tournage. Elle ne reverra Erich que lors du tournage de Sunset Boulevard.
Parmi les témoignages les plus intéressants, il y a celui de Edmond T. Gréville qui a dirigé Stroheim dans trois films. Il mentionne une anecdote qui en dit long. Lors du tournage de Under Secret Orders (1937), Stroheim tourne une scène où il sort d'un immeuble de 5 étages par la porte. Il demande ensuite à Gréville quand ils vont tourner la scène où il entre dans l'immeuble et une autre où il monte les 5 étages. Gréville lui dit que c'est inutile. On l'a vu tout en haut de l'immeuble et sortir, ça suffit. Stroheim proteste que tout l'intérêt humain du film sera absent. Conclusion de Gréville: il était incapable de penser un tournage en fonction du montage et de faire des raccourcis.
Erich von Stroheim croyait tellement au mythe qu'il s'était créé qu'il montrait souvent des photos en disant: "Ici, c'est moi serrant la main de l'empereur." Il s'agissait en fait de photos de plateaux de ses propres films... Il aurait apparemment envoyé une lettre à Daladier en 1939 pour demander un régiment et une nomination en tant que colonel !
Au-delà de cela, on le décrit généralement comme généreux, dépensant sans compter pour organiser des dîners fastueux pour 500 personnes avec langouste et champagne coulant à flots. Sa vie réelle était donc assez proche de son attitude en tant que metteur en scène. Comme le dit Swanson, il n'utilisait que le meilleur caviar possible pour Queen Kelly (une dépense inconsidérée selon elle pour une scène qui finirait probablement sur le sol de la salle de montage).
René Clair et Jean Renoir disent tous deux leur admiration pour le grand metteur en scène. Renoir parle d'un homme finalement assez naïf par certains côtés, qui avait conservé une certaine innocence. Clair et Gréville se souviennent d'une dernière visite dans sa maison de Maurepas peu de temps avant sa mort. Il avait organisé une sorte de répétition de ses funérailles avec un grand catafalque rouge au milieu de son salon, sans oublier le champagne qui coulait à flots. Une vraie scène tirée d'un de ses films!
Le documentaire était ponctué par de larges extraits de Greed, Blind Husbands, Merry Widow, Foolish Wives & Queen Kelly. Seul manquait The Wedding March qui apparemment était bloqué par quelqu'un qui en avait refusé l'accès.
C'est vraiment rageant de penser qu'un tel documentaire restera invisible....