Cathy a écrit :Curieusement je ne peux pas comparer James Stewart à John Wayne, Errol Flynn ou Tyrone Power. Ces trois derniers acteurs sont des acteurs que j'aime énormément, mais je trouve que surtout John Wayne a un jeu assez limité et est quasiment toujours dans le même registre
Fallait se douter que j'allais relever...
Pas d'inquiétude, je ne vais pas lancer le débat, mais tout de même, je ne suis pas du tout d'accord avec cette idée :
La prisonnière du désert,
She wore a yellow ribbon,
La rivière rouge,
Iwo Jima,
Hatari !,
L'homme qui tua Liberty Valance,
Le dernier des géants,
Les cow-boys,
L'ange et le mauvais garçon,
McQ,
Aventures dans le grand nord,
L'allée sanglante... (je m'arrête là) font état d'un jeu toujours renouvelé et qui sait jouer sur la nuance (souvent de façon émouvante).
Pour les genres, effectivement le western, le film de guerre et le film d'aventures demeurent les genres dans lesquels Wayne a le plus donné. Mais il avait à son actif des comédies, des drames, et même quelques films d'espionnage (de qualité variable, certes). Son jeu, beaucoup plus fin et juste que ce beaucoup pensent, est moins cernable et plus complexe qu'il n'y parait. J'ai près de 100 films avec lui en DVD, et cette notion me saute incontestablement aux yeux. Je souhaitais juste émettre cette petite opinion. C'est le fan qui parle, je le sais bien, mais ce n'est pas que ça non plus.
Quant à Errol Flynn, il a certes éprouvé la formule gagnante que le public aimait voir en lui, mais sa palette d'acteur est extrêmement accomplie, et cela même si une "Errol's attitude" est souvent notable. Franchement,
Gentleman Jim, est-ce que ce n'est pas tout simplement l'une des meilleures performances du cinéma américain des années 40 ? Et même un peu plus que cela ?
Pour en revenir à Stewart, il ne s'agit pas pour moi de le critiquer (je le répète, l'admiration que je porte à l'acteur est quasiment sans borne), mais à mon sens, s'il a joué dans tous les registres et avec succès, on peut également apprécier un jeu qui n'est pas sans "tics d'habitude" en certaines occasions :
Mariage incognito,
Mr Smith au Sénat (désolé de citer ce Capra que j'aime beaucoup, mais que je trouve plus limité que ce que l'on en dit),
FBI Story,
Les deux cavaliers,
Rancho Bravo,
Bandolero... De bons films (voire excellents, à divers niveaux), mais dans lesquels Stewart ne se force pas franchement (sauf la dernière demi-heure de
Mr Smith au Sénat peut-être). Je préfère le voir se dépasser chez Hitchcock, Mann, Preminger ou Ford (
L'homme qui tua Liberty Valance)... etc etc...
Sa popularité vient de ce qu'il jouait énormément sur le registre "Monsieur tout le monde". Du coup, on peut souvent s'identifier à lui. Ses émotions sont très contradictoires, il est changeant, il est faillible, malgré les codes moraux qui régissent souvent ses personnages, et le public rentre d'autant mieux dans son sillage, car il incarne en définitive très bien l'être humain perclus de défauts et de qualités. La justesse de ses répliques, sa voix pas toujours assurée le rendent vulnérable, son physique grand et dégingandé lui donne l'allure d'un homme élégant mais indiscernable de la foule (quoiqu'un peu trop grand pour qu'on ne le remarque pas). Il n'est pas un canon de beauté (comme Errol Flynn, Cary Grant ou Gary Cooper), il n'a pas la gouaille endiablée du machisme américain dans ce qu'il a de plus fort (Clark Gable), ni le physique et la volonté d'un homme "much bigger than life" (John Wayne), et encore moins le côté canaille et retord d'un bandit à moitié sympathique (Burt Lancaster, Kirk Douglas), mais il est la représentation parfaite du type sérieux, sympa mais pas trop, qui veut juste mener son convoi de bétail tranquillement ou partir en vacances sans soucis. Il lui arrive de se dépasser en cas d'injustice, s'il sent ses droits et libertés bafoués, mais il est un homme... un vrai, dans le sens ou rien ne lui donne l'aspect d'une sorte de demi-dieu devenu méga-star d'Hollywood. C'est sa force, entre autres choses. Mais je me rend bien compte que l'on ne peut pas forcément faire le tour de son jeu aussi facilement, ce qui vaut également largement pour les acteurs cités entre parenthèses.
Tous les acteurs que tu as cité étaient selon moi parfaitement capables de jouer presque n'importe quoi (j'ai bien dit, presque), mais la différence avec Stewart, c'est qu'il incarne physiquement cette idée, et c'est probablement le seul mythe hollywoodien qui eut cette contenance. Tous avaient une différence (ou plusieurs) fondamentale qui les distinguait... Ce qui distinguait Stewart, c'est qu'il ressemblait à un homme normal, ce qui tend à lui donner plus de force encore lorsqu'il se transforme en ange vengeur ou en sale type. Cela demeure très impressionnant. Enfin, sa biographie laisse à penser qu'il n'était pas totalement le type parfait, l'américain moyen sans défaut, que tout le monde pensait. Encore une raison de le rapprocher de ce raisonnement.