Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Commissaire Juve
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Commissaire Juve »

ça a l'air bien... je me demande comment j'ai pu passer à côté.

Je remets ton message en quote pour qu'il ne disparaisse pas trop vite.
Demi-Lune a écrit :
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L'enfer des pauvres (Phil Jutzi, 1929)

Quelques développements (et beaucoup d'images) sur ce muet qui s'est révélé être une sacrée découverte malgré l'accompagnement musical désastreux d'Arte. Curieusement, il n'a pas fait ici l'objet de beaucoup de commentaires, à moins que j'aie loupé quelque chose. :?:

L'histoire : à la fin des années 1920, la misère fait rage dans l'Allemagne de la République de Weimar. Dans le brouhaha grouillant de Berlin, les classes les plus défavorisées vivent entassées dans des simili ghettos de briques et de béton. Dans un de ces immeubles, une famille (ou du moins ce qu'il en reste) modeste parmi les autres. La vieille mère Krause subvient aux besoins de ses deux enfants sans emploi d'une vingtaine d'années, la jolie Erna et l'irresponsable Paul, en vendant quelques journaux et en sous-louant une chambre à un proxénète manifestement plus intéressé par Erna que par sa compagne prostituée. Une petite fille partage également l'appartement mais j'ai oublié quel était le lien de parenté. Toujours est-il que ce beau monde vit les uns sur les autres plus que chichement en attendant des jours meilleurs, et que chaque sou s'avère une denrée sacrée. Alors qu'Erna fait connaissance à la fête foraine d'un jeune militant communiste, tout bascule justement le jour où Paul, préférant écumer les bars et traînasser, dilapide en alcool tout l'argent que lui avait prêté sa mère et met ainsi toute sa famille dans une situation financière impossible. Ainsi commence l'enfer des pauvres.
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Disons-le tout net : ce film a été pour moi un choc. Choc formel, tout d'abord : comme je le disais succinctement dans un autre topic, la modernité technique de L'enfer des pauvres est remarquable. Jutzi s'autorise des audaces visuelles jubilatoires pour l'époque, comme ce gigantesque travelling inaugural, où la caméra, suspendue à des câbles bien avant Paradjanov, Kalatozov ou Bondartchouk, traverse fluidement toute une cour d'immeuble pour cadrer une fenêtre précise, celle derrière laquelle vit la famille qui va nous intéresser. Ou encore cette transition syncopée, où la caméra épouse les circonvolutions du jouet-toupie de la petite fille pour faire la jonction visuelle avec les envolées du manège de la fête de foraine, scène suivante.

Mais au-delà de ces astuces, c'est surtout la pureté du langage cinématographique de Jutzi qui retient l'attention. En termes d'expression, L'enfer des pauvres est d'une fluidité telle qu'il en remonterait à bien des films contemporains. Le montage, les cadrages, le choix des échelles, l'utilisation des gros plans, tout est d'une inaltérable solidité. Rien n'a vieilli, grâce à un naturalisme esthétique lorgnant clairement vers la chronique documentaire. Dès l'ouverture du film, Jutzi compile un corpus d'images directement en prise à le réel, sur la vie des gens à la fin des années 1920 - autant d'instants volés, de plans éphémères mais ô combien signifiants (des vieux aux visages profondément marqués affaissés sur un banc, des enfants plein de gaieté s'amusant avec des voies de tram en construction, des ouvriers goudronnant une rue, des mères et leurs bébés dans les bras assistant à un spectacle de saltimbanque dans une cour d'immeuble, un cheval effondré en pleine avenue, un ivrogne moqué par des enfants...) qui impose de suite le film comme un témoignage historique d'une authenticité rare, sinon bouleversante. Les œuvres d'Otto Dix semblent par moments surgir en live, comme avec ces scènes de bar ou ces miséreux dans un coin de mur, l'un ayant perdu ses doigts, l'autre ses jambes. Le travail de studio se résume à la portion la plus congrue, car tout est pratiquement en décors naturels, sans chichis, dans la rue... dans la quotidienneté.
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Plusieurs fois, le scénario semble volontairement s'effacer pour laisser parler de pures scènes documentaires, assez incroyables je dois dire : la fête foraine (séquence d'une énergie visuelle impressionnante, notamment avec tous ces plans de caméra embarquée à l'intérieur des attractions) et l'après-midi balnéaire en sont les meilleurs exemples. Dans ce dernier, Jutzi associe au badinage entre Erna et son militant communiste un instantané naturaliste d'une force rare, celui d'une classe populaire s'offrant, loin de Berlin et de leurs soucis, un maigre instant de détente au bord d'un lac dans une forêt. Alors que le montage juxtapose des images d'un apaisement éphémère, d'un déjeuner sur l'herbe, un dialogue sur l'éducation sexuelle surgit ("mon mari est pour l'éducation sexuelle... le problème, c'est qu'il sait pas comment qu'faire" :o ). Là encore, on est frappé par le naturalisme du film en matière érotique. La même année, Pabst scandalisait les censeurs par le biais du charme mutin de Louise Brooks et d'une photogénie du désir créée par de la pure mise en scène visuelle ; mais Jutzi aborde la chose beaucoup plus simplement, égrenant ça et là quelques touches d'érotisme là encore parfois marqué par un côté documentaire : une danse introductive équivoque, Erna qui fait sa toilette devant le miroir, Erna qui se lave les jambes au vu de tous, le proxénète un soir qui veut se la taper alors qu'elle dort dans son lit, un gros tas qui propose de racheter les dettes de la vieille Krause veut également lui sauter dessus violemment...

Mes connaissances en cinéma muet allemand sont faibles mais je n'avais encore jamais vu de muet allemand avec une telle forme pré néo-réaliste à l'heure de l'expressionnisme à tout crin : pour moi, la comparaison se pose nettement plus avec les voisins soviétiques. L'enfer des pauvres, œuvre prolétarienne, en partage en effet la force brute, l'esthétique naturaliste, sans toutefois, dans une certaine mesure, l'expressivité formaliste qu'on peut trouver à la même époque chez un Eisenstein. C'est plutôt du côté de Vsevolod Poudovkine qu'il faut chercher, et tout particulièrement de son film La Mère (1926) dont les parallèles formels et scénaristiques sont manifestes. Dans les deux cas, même contexte social difficile, même désagrégation familiale, même vieille dame désemparée face aux erreurs de son fils, même esthétique de la dignité, même sacrifice. Le parallèle avec le cinéma muet soviétique est d'autant plus aisé à dresser que la tragique conclusion de L'enfer des pauvres appelle sans ambiguïté à la solidarité prolétarienne et à la lutte sociale marxiste. Il ne faut pas oublier que le film sort 10 ans pile après la répression de la révolte spartakiste... l'irruption du krach boursier la même année (avec toutes les conséquences terribles que cela va avoir pour l'Allemagne) renforce l'acuité du film en matière documentaire et donne à L'enfer des pauvres un côté politiquement et socialement bouillant dont les accents finaux révolutionnaires apparaissent d'autant plus ironiques au vu de ce qui va se passer dans les 3/4 ans à venir dans le pays.
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Le naturalisme du film, qui se lit jusqu'au jeu des acteurs, préserve la démonstration du misérabilisme, à mon sens. Je soulève ce point à cause de la nature de la conclusion
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la vieille mère Krause, désespérée que son fils Paul soit coffré pour avoir voulu commettre un vol pour rembourser l'argent perdu - et ironiquement récupéré grâce à l'intercession du militant communiste amoureux d'Erna -, met fin à ses jours en ouvrant le gaz, emportant avec elle la petite fille dans son sommeil (Quel sorte de monde t'attend ? Viens, je t'emporte avec moi... vers le bonheur")
Ces tranches de vie prolétariennes, saisies par la caméra documentaire et intimiste de Jutzi, sont certes marquées par les difficultés. Mais ces difficultés sont malheureusement réalistes. Le film me semble terriblement juste de ce point de vue, en offrant des personnages équilibrés et accomplis, d'un réalisme étonnant. On n'est pas face à l'écriture psychologique d'Eisenstein, par exemple, où les personnages prolétariens sont des instruments au service d'un discours militant essentiellement formaliste. Chez Jutzi, l'émotion ne naît pas d'un montage intellectuel, seulement de la véracité des situations. Par exemple, lorsque la mère Krause se rend, accablée, chez le fournisseur de journaux qu'elle ne peut honorer, son affliction nous explose à la gueule : il y a un tel humanisme chez cette vieille dame soudainement pestiférée. Ces pauvres, inscrits dans un réalisme documentaire, existent pleinement, grâce à ce souci de crédibilité qui fait que, toute difficile soit effectivement leur existence, le film ménage cependant régulièrement des scènes de partage et de joie, autant d'évasions contre un désespoir fataliste. Je le répète mais j'ai souvent pensé au néo-réalisme d'un Rocco et ses frères. Si le contexte social s'avère douloureux dans les deux cas, ce sont surtout les mauvais choix de Paul, comme de Simone chez Visconti, qui entraînent la famille dans un engrenage destructeur.

Une œuvre précieuse, et inoubliable.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Merci Demi-lune pour cet avis enthousiaste et ces captures d'écran : j'ai hate de le visionner.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

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LE JEUNE HITLERIEN (Hitlerjunge Quex) de Heinz STEINHOFF – 1933
Avec Heinrich GEORGE, Jürgen OHLSEN, Hans RICHTER, Rudolf PLATTE

En 1932, à Wedding, un quartier défavorisé de Berlin, le jeune Heini vit misérablement près de son père alcoolique et de sa mère taciturne et désespérée. Alors qu’il se rend à un camp de vacances auprès de jeunes communistes qui tentent de l’enrôler dans leur parti, il sympathise avec de jeunes nazis. Averti d’un attentat envisagé à leur encontre, Heini prévient ses nouveaux amis. En signe de représailles, il sera assassiné par des militants communistes alors qu’il colle des affiches dans son quartier…

Aie, que dire d’un tel film de propagande, au message abject, intéressant seulement sur un plan socio culturel et historique? J’imagine que des spécialistes ont dû le disséquer et le commenter scène par scène pour mieux expliquer et comprendre cette effroyable machine de propagande et son impact sur le public d’alors.
Dès 1933, Joseph Goebbels, ministre de la propagande utilisa le cinéma allemand afin de promouvoir le national-socialisme.
Inspiré d’un fait réel (l’assassinat d’un écolier de 12 ans, membre des jeunesses hitlériennes, par des communistes) mais profondément réinventé, ce film de propagande, commandé et financé par le parti nazi, est destiné à glorifier en tant que martyr de la patrie, un jeune garçon , membre du parti nazi, et à démolir parallèlement l’image des communistes en les présentant comme de dangereux assassins, ivrognes, cruels et grossiers. Il faut dire que des bagarres et échauffourées avaient opposé en 1931 et 1932, des membres des deux partis et causé des victimes des deux côtés. L’histoire tragique du jeune garçon et le film seront d’ailleurs exploités par le 3ème Reich pendant toute sa durée, pour encourager les jeunes à défendre leur patrie au péril de leur vie. Chaque année pendant 12 ans, le décès du jeune homme sera commémoré en grandes pompes par les jeunesses hitlériennes…
Sur un plan cinématographique, le film, d’une grande noirceur, bénéficie d’une bonne mise en scène d’Hans Steinhoff (qui deviendra un des cinéastes les plus engagés à la cause nazie, l’auteur du Président Kruger, un des pires films de propagande qui soit) et surtout de l’impeccable interprétation du grand Heinrich George en papa alcoolique et violent, mais touchant. Le jeune héros en revanche n’est pas un professionnel et cela se sent.
Le début du film propose en quelques scènes une vision assez réaliste et glauque de la misère sociale et morale de l’Allemagne des années 30 avec cette bagarre en pleine rue ou l’agressivité du père alcoolique (rappelons que la crise économique mondiale frappa particulièrement durement le pays et il y eut jusqu'à 30% de chômeurs). Incontestablement, Steinhoff sait manier la caméra, bâtir un récit et diriger les comédiens (en fait surtout George), ce qui d’autant plus efficace et du coup dangereux pour une oeuvre de propagande, même si la lourdeur du propos et de l’intrigue finit par plomber littéralement le film, …
Après, avoir analysé la forme de ce drame très noir, évidemment on ne peut qu’être horrifié par la mauvaise foi et les messages véhiculés par ce film extrêmement partial, manichéen , morbide et répugnant.
Le film n’explicite pas vraiment ce qui attire le jeune garçon chez les nazis : on le sent gêné par les mauvaises manières et la grossièreté des communistes et admiratifs devant les jeunes hitlériens, si rigides et disciplinés (si bien costumés peut-être ?). Le coté patriotique exacerbé ventant une nouvelle Allemagne plus forte le séduit certainement aussi (beaucoup d’allemands associaient la crise comme une à l’humiliation nationale de l’Allemagne après la défaite de la Première Guerre mondiale). Même si le film fait tous pour les présenter sous un jour sympathique, j’ai trouvé ces jeunes blondinets, le doigt sur la couture du pantalon, prêts à mourir pour leur pays (comme l’indique l’affreuse marche militaire spécialement composée par le film et qui deviendra l’hymne des jeunesses hitlériennes) effrayants et dangereux. Le passage où les nazis soutirent l’enfant à son père, en estimant que c’est mieux pour lui est également horrible. A la fin, l’enfant, assassiné par les communistes, meurt pour sa patrie, tandis que raisonne la chanson des jeunesses hitlériennes « Le drapeau signifie plus que la mort » et qu’apparaît une troupe immense marchant au pas…Effrayant.
Donc, j’ai trouvé le film parfaitement abject et morbide à souhait. Même sur un plan sociologique, hormis la misère absolue, on ne peut à nouveau que s’interroger sur les raisons qui ont pu entraîner tout un pays à sombrer dans un tel gouffre et penser que le national-socialisme pouvait être une porte de sortie à leurs problèmes…

Pour la petite histoire, le jeune Jürgen Ohlsen, interprète du héros "martyr", aura de gros soucis pendant la guerre et sera même interné en camp de concentration pour son homosexualité.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

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NUITS DE VIENNE (Opernball) de Geza VON BOLVARY – 1939
Avec Marte HARELL, Paul HORBIGER, Heli FINKENZELLER, Hans MOSER et Theo LINGEN

Pendant le bal de l’opéra, chassé-croisé et quiproquos entre différents couples qui vont passer une nuit bien remuante !

Nuit de Vienne est la première version filmée de l’opérette de Richard Heuberger « Opernball » connue surtout pour son air « chambré séparée ». J’avais déjà visionné et beaucoup apprécié le remake de 1956 avec Sonja Ziemann et Johannes Heesters . On retrouve la même intrigue coquine et irrévérencieuse, avec tous les maris infidèles qui comptent bien profiter de la soirée de bal pour d’amuser en « chambres séparées » avec de charmantes dames pas farouches, et leurs épouses bien décidées à leur donner une leçon. C’est enlevé, jovial et charmant. Théo Lingen en valet débonnaire qui patine en faisant le ménage et Hans Moser , qui gère les loges de l’opéra, en toute discrétion (ils s’avance toujours à reculons dans chaque boudoir, pour ne pas gêner les couples présents) , s’en donnent à cœur joie. Ils reprendront exactement leur même rôle dans le remake de 1956, qui a l’avantage de la couleur et de somptueuses chorégraphies de bal. Le plus de cette version de 1939 est sans doute la présence de Paul Hörbiger, un des comédiens viennois les plus réputés, parfait en mari débonnaire

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Federico
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Federico »

Rediff cette nuit à 1h sur France Culture d'un numéro de 1991 des Mardis du cinéma consacré à Sigfried Kracauer, de Caligari à Hitler.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Federico a écrit :Rediff cette nuit à 1h sur France Culture d'un numéro de 1991 des Mardis du cinéma consacré à Sigfried Kracauer, de Caligari à Hitler.
Merci pour l'info :wink:
J'espère qu'on peut aussi l'écouter sur mp3 quelquepart.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

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BARCAROLLE D’AMOUR (Brand in der Oper) de Carl FROELICH
Avec Gustav FROELICH, Gustav GRUENDGENS, Alexa ENGSTROEM, Jarmila NOVOTNA

Le très riche Van Lingen repère une jolie choriste dans un spectacle. Afin de la séduire, il s’arrange pour lui dénicher le rôle principal dans une série de représentations des comtes d’Hoffmann et demande à son secrétaire de la ramener chez lui…

Comptant parmi les toutes premières productions parlantes allemandes, Bracarolle d’amour souffre d’un côté un peu statique comme tous les films tournés à cette époque. Pourtant le film fonctionne assez bien , en raison notamment du jeu très juste des comédiens et de l’intéressant portrait d’un homme richissime et amer qui utilise son agent et que l’amour non rendu pour une jeune artiste va plonger dans le désarroi et la dépression : le grand Gustav Gründgens apporte tout son talent au personnage. La scène de l’incendie dans l’opéra est marquante et assez impressionnante. Dans la copie que j’ai pu regarder il manquait les dernières minutes ou secondes du film…
Musicalement, le cinéaste a eu la bonne idée de confier les extraits de l’œuvre d’Offenbach, à des pro de l’opéra : l’apparition de la tchèque Jarmila Novotna est d’ailleurs le meilleur moment du film : quelle superbe voix !
Une VF du film fut tournée avec Charles Boyer à la place de Gustav Froelich, et Simone Cerdan.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

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GPU (The Red Terror) de Karl Ritter - 1941
avec Laura SOLARI et WILL QUADFLIEG

Film de propagande : Un jeune étudiant se retrouve contraint d'espionner pour la Russie et de livrer un colis piégé à un révolutionnaire arménien. Grâce à l'aide d'une violoniste infiltrée dans une branche du service secret de la GPU, et qui cherche à venger ses parents assassinés en 1919 par les bolcheviques, il va réussir in extremis à sauver sa peau...

Film de propagande anti soviétique d'une rare virulence, GPU a été commandé dès l'entrée en guerre de l'Allemagne contre la Russie. Dès les premières secondes, on sort l'artillerie lourde : on assiste au massacre d'une famille par des bolcheviques en 1919, puis une explication du terme GPU (police politique soviétique) : G = Grauen (horreur) ,P = Panik , U= Untergang (destruction)
Les communistes (et les juifs aussi à l'occasion) sont dépeints comme des monstres manipulateurs, immoraux et dangereux (ici le dangereux Bokscha et son méchant acolyte qui ressemble à un vilain de Batman).
Pour illustrer cette charge haineuse, on suit les péripéties d'un jeune étudiant (très bien joué par le fiévreux Will Quadflieg) dans les incroyables imbroglios dont il tente de se dépêtrer. L'atmosphère est très tendue, violente et on ne peut nier le talent du cinéaste qui utilise les gros plans au style expressionniste, des mouvements de caméra pour donner un rythme trépident à l'action. On a pourtant du mal à prendre cette histoire au sérieux et à suivre les personnages qui semblent se déplacer dans les 4 coins de l'Europe avec facilité et rapidité (amusant passage où le méchant Bolscha se réfugie dans une Bretagne peuplée de paysannes traditionnellement coiffées), mais il y a de l'action, du suspens, de la rage disons-le.
En fait ce qui est le plus efficace ici, c'est que dans les méthodes utilisées par les méchants soviétiques (tortures, intimidations, meurtres, harcèlement), on reconnait par un curieux effet de miroir la patte des nazis, et du coup le film prend une étrange dimension et donne souvent un frisson d'horreur, renforcé par la tension donnée par une réalisation bien serrée.
Cependant, l'histoire délirante et précipitée, l'aspect très caricatural de certains personnages et notamment "des méchants" donnent un aspect sérial de série B.
On touche au délire lors des scènes finales :
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A la fin du film, les héros sont sauvés par l'armée allemande qui envahit le 10 mai 1940 les Pays bas et vient délivrer le pays des communistes honnis et donner un grand message d'espoir : on croit rêver!!!
A noter, l'apparition furtive de la chanteuse danoise Lale Andersen (légendaire interprète de Lilli Marlene).
Ce qui semble le plus fou avec ce film, interdit à la fin de la guerre (il est toujours interdit en Allemagne), et dont le réalisateur s'est enfui en Argentine en 1945, c'est que les USA en pleine guerre froide, n'ont pas hésité à l'exploiter sur le sol américain (sous le titre Red Terror)dans les années 60 , à peu près dans les mêmes fins que les nazis. Décidemment, l'histoire du cinéma réserve bien des surprises.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Commissaire Juve »

On ne fait pas de bons spectacles dans l'outrance, mais ça doit être "amusant" à voir (comme l'inénarrable "Stukas" de Karl Ritter)...

Music Man a écrit :... Dès les premières secondes, on sort l'artillerie lourde : on assiste au massacre d'une famille par des bolcheviques en 1919...
Ça, sans trop chercher, on le trouve partout... Ça va de l'exécution de la famille de Marthe Richard dans le film de Raymond Bernard (1937) au massacre du village Afghan de "La bête de guerre" (Kevin Reynolds, 1988). Vu d'aujourd'hui, la scène d'ouverture du film américain est digne des pires films de propagande. Et fait carrément glousser quand on pense à la situation "inversée" de ces dernières années.

EDIT : j'ajoute le prologue de "Traqué / The Hunted" (William Friedkin, 2003) où l'on voit des Serbes ravager un village bosniaque (ou Kosovar)... un vrai délire de propagande, c'est tout juste si on ne nous les montre pas en train de manger des enfants.
Dernière modification par Commissaire Juve le 25 oct. 13, 11:19, modifié 1 fois.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Federico »

Rediff dans la nuit du mercredi au jeudi prochain à 1h30 sur France Culture des Mardis du cinéma consacrés an 1991 à Sigfried Kracauer : de Caligari à Hitler.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Music Man »

Disponible en replay sur le site Arte pendant 7 jours le documentaire sur l'affaire Zarah Leander diffus hier soir
http://www.tv-replay.fr/redirection/23- ... 42317.html
Finalement, trop peu de preuves sont réunies pour avoir une idée précise du comportement trouble de la chanteuse suédoise, star du cinéma nazi.
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Commissaire Juve »

Music Man a écrit :Disponible en replay sur le site Arte pendant 7 jours le documentaire sur l'affaire Zarah Leander diffus hier soir
http://www.tv-replay.fr/redirection/23- ... 42317.html
Finalement, trop peu de preuves sont réunies pour avoir une idée précise du comportement trouble de la chanteuse suédoise, star du cinéma nazi.
Nazie, espionne russe, idiote en politique ...
Tiens, merci du tuyau. Hier soir, j'ai préféré regarder Bourvil. Je vais pouvoir combler une lacune.

Cela dit, hmm... encore une de ces bonnes femmes avec une voix de déménageur (comme Marlène Dietrich) ; c'est pas mon trip ! :?

EDIT : 24 minutes plus tard... toutes ces images 1.33 recadrées en 1.78 ; c'est ça, la nouvelle façon de faire des documentaires ? Quelle bande de charcutiers ! :x (ce n'est pas une découverte, mais ça m'énerve)

Ayé, vu... à la fin, le doc part en vrille avec un tas de considérations à la c***. Quoi qu'il en soit, je vais de ce pas retirer de mon panier le DVD de son dernier film suédois d'avant la UFA. Usch !
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par jéjé1134 »

Je vous confirme que Zarah Leander a doublé ses films en Français (pour les parties chantées): on peut trouver de courts extraits de "jamais ne s'oublient/ich will nicht vergessen" ou "ni oui, ni non/ich sag nicht ja, ich sag nicht nein" ainsi que "eine Frau wird erst schön..." dans des versions françaises, à peine audibles sur youtbe en cherchant bien...ces versions Françaises, des films entièrement doublés et distribués en France à l'époque n'ont jamais été rééditées en DVD ni même VHS à ma connaissance: peut-être diffusées à la tv dans les années 70, à l'époque où qq films étaient diffusés l'après midi...? ou alors, cela "dort" dans des greniers de petits fils ou arrière-petits fils de projectionnistes... (ou, plus simplement: à la cinémathèque???)
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Demi-Lune
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Re: Le cinéma allemand : de la crise au nazisme (1929-1945)

Message par Demi-Lune »

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Jeunes filles en uniforme (Leontine Sagan, 1931)

L'histoire d'une jeune fille de 14 ans, Manuela von Meinhardis, qui est envoyée après la mort de sa mère dans une institution de Potsdam, réservée aux filles de la haute société dont les familles connaissent des difficultés financières. La sévérité toute prussienne de l'établissement et le déficit d'affection que ressent l'adolescente la font se rapprocher de Mademoiselle de Bernburg, professeure compréhensive qui entretient des liens pour le moins ambivalents avec ses élèves, qui la révèrent.

Jeunes filles en uniforme atteste de l'audace d'un cinéma allemand jouant avec la censure au tournant des années 20/30 (les Pabst dépravés, Asphalte et son flic qui se fait violer par une nympho...). Ce film, tout à fait singulier car majoritairement féminin du casting à l'équipe technique, soulève certains tabous avec un côté explicite par les images qui ne laisse pas indifférent. La réalisatrice accumule volontiers les gestes tendancieux parmi les jeunes filles au point que l'ambiguïté, difficilement tenable, relève bientôt plus du paravent entendu qu'autre chose (les jambes caressées, toutes les pensionnaires qui attendent de leur prof qu'elle vienne chaque soir les embrasser, les bonnes faveurs de Manuela qui vont bien au-delà de la simple préférence, d'une sur-interprétation ou de l'amour maternel par substitution). Ironie de l'histoire, le film déplut apparemment plus à sa sortie pour sa représentation de l'autoritarisme scolaire que pour son évocation du lesbianisme.
Avec sa mise en scène particulièrement soignée et ses comédiennes, c'est bien l'audace de fond du film qui reste ce qu'il a de plus intéressant à offrir, à mes yeux. Le scénar' en lui-même n'est pas des plus passionnants et la sur-dramatisation à la fin peine à convaincre. D'autres films de pensionnats féminins avec là aussi ses troubles sexuels (La résidence, Suspiria, Pique-nique à Hanging Rock...) lui sont peut-être tributaires, mais leur empreinte est quand même plus puissante.
molenbeek
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Fährmann Maria (1936)

Message par molenbeek »

Bonjour à tous,
Nouveau sur ce forum, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt les nombreuses critiques de films des années '30 et '40 que j'ai vus, soit sur grand écran (il y a bien longtemps!) soit plus récemment en dvd. Je ne parle pas l'allemand. Comme l'ont signalé plusieurs intervenants, ce n'est pas bien grave pour les comédies musicales, les vaudevilles, voire une romance sentimentale ou un film d'action: le langage cinématographique permet souvent de saisir le sens du récit, du moins dans ces grandes lignes. Mais la situation s'embrouille pour moi dès que l'intrigue devient plus complexe.

Quelqu'un a-t-il vu Fährmann Maria, de Frank Wysbar, avec Sybille Schmitz, Aribert Mog, Carl de Vogt ? Qui sont ces inquiétants cavaliers qui galopent sur la rive opposée du marais ? Que raconte dans son délire le rescapé que Maria arrache à la mort, soigne et sauve ? Quel est le sens général du scénario: est-ce un (très beau) film expressionniste hoffmannien, Maria triomphant de la Mort qu'elle piège dans les sables mouvants; ou bien le discours de l'homme sauvé exprime-t-il une idéologie proche de la pensée nazie ?
Merci.
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