Outrage
Comment se reconstruire après un viol ? Voilà la question motivant ce film qui, si l’on s’en tient à son anecdote, relève du mélodrame. Mais c’est un mélo bien tempéré (tant pis pour le paradoxe), où Lupino fuit systématiquement l’effet, travaille les creux des situations, les scènes d’atmosphère (un bal rustique à la John Ford, une parenthèse champêtre), les dialogues tranquilles entre des personnages généreux et chaleureux qui apprennent à se connaître. Fragile autant qu’obstinée, la trajectoire de résilience suivie par l’héroïne traumatisée ne va pas sans déchirement : elle s’enfuit sans but, loin du lieu de l’outrage, mais pour compromettre encore davantage son existence, puis retourne aux promesses d’un amour conjugal et perd ainsi celui qui sa détresse lui avait fait rencontrer. Une réussite sensible et délicate. 4/6
Le voyage de la peur
La réalisatrice tente ici de rivaliser avec ses pairs (Ray, Aldrich, Losey) en se livrant à un exercice de style fondé sur le sentiment de paranoïa et totalement inféodé aux règles classiques du film noir. L’absence de tout personnage féminin (alors qu’elle excelle à les décrire), l’aspect à la fois plus sophistiqué et plus banal (disons moins personnel) de la mise en scène et le sujet, cent fois traité, expliquent que cet opus soit moins convaincant que les autres. Il impose un sus-pense assez ordinaire, surtout lorsque l’on pense à la subtilité du découpage qui ailleurs tient davantage en haleine. Et si les trois protagonistes entrent bien dans la galerie des héros lupiniens (victimes, vulnérables, paumés, impuissants devant leur malheur), le thriller reste moins sincère, moins authentique que ce que la cinéaste a pu offrir à côté. 3/6
Bigamie
Après Outrage, Lupino aborde encore ce que l’on pourrait désigner comme un sujet de société longtemps occulté par la production hollywoodienne. Une grossesse non désirée, un adultère répréhensible sur le plan de la loi mais non sur celui de la morale : tels sont les déboires à la fois banals et triviaux auxquels sont ici confrontés les personnages, ancrés dans un réalisme concret qui reflète singulièrement l’Amérique d’après-guerre, société petite-bourgeoise espérant sortir définitivement de l’histoire. La beauté du film est de faire partager avec tendresse et compassion le dilemme vécu par son protagoniste, de traiter les motifs du sacrifice et du renoncement comme les expressions d’états affectifs plus ambigus, dans une modulation de sentiments assez subtile pour évoquer la musique de chambre. 4/6
Mon top :
1. Bigamie (1953)
2. Outrage (1950)
3. Le voyage de la peur (1953)
Ida Lupino, c’est bien sûr un visage de petit chat et une sensibilité d’actrice qui s’est épanouie avec bonheur devant les caméras de Raoul Walsh, Fritz Lang ou Robert Aldrich. Mais c’est aussi l’une des rares réalisatrices américaines à s’être imposées dans les années cinquante en pratiquant un cinéma pudique, généreux, progressiste, sans stars et sans effets, à rebours de l’angélisme et du glamour d’Hollywood.
Le voyage de la peur
La réalisatrice tente ici de rivaliser avec ses pairs (Ray, Aldrich, Losey) en se livrant à un exercice de style fondé sur le sentiment de paranoïa et totalement inféodé aux règles classiques du film noir. L’absence de tout personnage féminin (alors qu’elle excelle à les décrire), l’aspect à la fois plus sophistiqué et plus banal (disons moins personnel) de la mise en scène et le sujet, cent fois traité, expliquent que cet opus soit moins convaincant que les autres. Il impose un sus-pense assez ordinaire, surtout lorsque l’on pense à la subtilité du découpage qui ailleurs tient davantage en haleine. Et si les trois protagonistes entrent bien dans la galerie des héros lupiniens (victimes, vulnérables, paumés, impuissants devant leur malheur), le thriller reste moins sincère, moins authentique que ce que la cinéaste a pu offrir à côté. 3/6
Bigamie
Après Outrage, Lupino aborde encore ce que l’on pourrait désigner comme un sujet de société longtemps occulté par la production hollywoodienne. Une grossesse non désirée, un adultère répréhensible sur le plan de la loi mais non sur celui de la morale : tels sont les déboires à la fois banals et triviaux auxquels sont ici confrontés les personnages, ancrés dans un réalisme concret qui reflète singulièrement l’Amérique d’après-guerre, société petite-bourgeoise espérant sortir définitivement de l’histoire. La beauté du film est de faire partager avec tendresse et compassion le dilemme vécu par son protagoniste, de traiter les motifs du sacrifice et du renoncement comme les expressions d’états affectifs plus ambigus, dans une modulation de sentiments assez subtile pour évoquer la musique de chambre. 4/6
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1. Bigamie (1953)
2. Outrage (1950)
3. Le voyage de la peur (1953)
Ida Lupino, c’est bien sûr un visage de petit chat et une sensibilité d’actrice qui s’est épanouie avec bonheur devant les caméras de Raoul Walsh, Fritz Lang ou Robert Aldrich. Mais c’est aussi l’une des rares réalisatrices américaines à s’être imposées dans les années cinquante en pratiquant un cinéma pudique, généreux, progressiste, sans stars et sans effets, à rebours de l’angélisme et du glamour d’Hollywood.