Vladimir Nabokov
Un auteur d'une immense richesse, et mon écrivain préféré...
Son histoire personnelle raconte la complexité du XX° siècle : enfance dorée en Russie, puis fuite de la révolution d'octobre, bref séjour en Allemagne, puis en France, puis voyage aux Etats-Unis, et des livres écrits en Russe, puis en Anglais. Devenu célèbre pour de mauvaises raisons (
Lolita vaut moins pour son coté licencieux que pour ses qualités littéraires), j'aime
Lolita, mais recommande à ceux qui veulent le découvrir
Ada, ou l'ardeur, son chef d'oeuvre et le livre de lui que je préfère,
le Don, autre immense livre, ou alors un ouvrage beaucoup plus petit (quelques dizaines de pages) que j'adore,
la transparence des choses.
Grand amateur de papillons, celui qui écrivit d'abord sous le pseudo Syrine, Nabokov parlait plusieurs langues (russe, allemand, anglais et français) et, surtout, maitrisait la poésie de chacune d'entre elle.
L'imagination n'est fertile que lorsqu'elle est futile.
Le berceau balance au-dessus d'un abîme, et le sens commun nous apprend que notre existence n'est que la mince lumière d'une fente entre deux éternités de ténèbres.
Les amateurs de paradoxes médiocres ont remarqué la sentimentalité des bourreaux... le trottoir devant une boucherie est toujours humide.
William Faulkner
J'insiste moins sur cet auteur assez connu ici... Grand écrivain du Sud des Etats-Unis, sa plume rêche et expressive frappe l'esprit et reste durablement en tête. J'avais mal commencé avec
Le bruit et la fureur, très réussi, mais difficile à lire... Je préfère largement
Tandis que j'agonise, vraie saga familiale du Sud et allégorie biblique à la fois, le tout en peu de pages, mais d'une immense richesse. Son influence est immense, et ses romans, souvent sombres et pessimistes, restituent l'atmosphère alourdie et empesée des après-midi d'août en Georgie...
Il y a un prix à payer lorsqu'on est bon, tout comme lorsqu'on est mauvais. Ce sont les bons qui ne peuvent refuser la note quand elle arrive.
Le soir, après la sortie de l'école, quand le dernier était parti avec son petit nez morveux, au lieu de rentrer à la maison, je descendais la colline jusqu'à la source où je pouvais trouver le calme et les haïr.
Borges
Intellectuel brillantissime, d'une immense culture et d'un grand sens pédagogique, cet écrivain a pourtant écrit des nouvelles brèves et pourtant étonnantes : chacune pose une idée neuve, riche et belle, étonnante et qui reste en tête. Une société présidée par l'aléatoire, le monde envahi par des villes imaginaires, un miracle invisible...
Je recommande son recueil de nouvelles
Fictions et
l'Aleph. Courts ses textes sont fort, poétiques et inspirés. Les thèmes de prédilection de cet écrivain argentin qui, même lorsqu'il devint aveugle, continua à lire grace à des lecteurs, sont les labyrinthes, les miroirs, et les tigres. Si ça ne donne pas envie...
Aux amateurs, je suggère ses
conférences, dans lesquelles il parle de littérature de façon passionnante : on a envie de dévorer tous les livres dont il parle, et éclaire ceux qu'on connait sous une lumière étonnante et toujours pertinente.
La certitude que tout est écrit nous annule ou fait de nous des fantômes.
Se dire au revoir est nier la séparation. C'est dire: Aujourd'hui nous jouons à nous séparer, mais nous verrons demain. Les hommes inventèrent l'au revoir, parce qu'ils se savent en quelque manière immortels, tout en s'estimant contingents et éphémères.
H.P.Lovecraft
Ecrivain malade et timoré, H.P.Lovecraft sut coucher sur le papier sa peur de l'Autre, son dégout de l'hybridation et de tout ce qui était étranger à Providence sa ville bien-aimée. Entre névrose et peur cauchemardesque, son imagination élabora un univers d'horreurs sans noms aux frontières du monde, dont ses nouvelles attestent l'existence et les interactions avec notre monde.
Les montagnes hallucinées,
l'appel de Chtulhu, ou
l'affaire Charles Dexter Ward sont à lire...
Je considère ses recueils de nouvelles comme incontournables pour tout amateur de fantastique.
Une sorte de traînée sombre et boueuse menait de la porte ouverte de la salle de bain à celle du hall, et de là au bureau, où une horrible petite flaque s’était accumulée. Quelque chose était griffonné là au stylo par une main aveugle, sur un morceau de papier affreusement maculé comme si des griffes avaient tracé ces derniers mots pressés. Ensuite la traînée menait au lit et se terminait indiciblement
James Ellroy
Là encore, un écrivain très connu sur ce forum. Je n'insisterai donc pas, sinon en mettant en avant
Ma part d'ombre, son texte autobiographique passionnant, qui en dit long sur sa vie et ses obsessions, et permet peut-être de mieux comprendre cet écrivain obsédé par Los Angeles et son passé sulfureux...
Tous les hommes haïssent les femmes pour des raisons vraies et avérées qu'ils partagent au quotidien sous forme de blagues et de traits d'esprit.
Iain M. Banks
Grand écrivain, qui écrit sous une double casquette (ses romans de science-fiction sont signés Iain M. Banks, le M. disparait en littérature générale). Je l'apprécie surtout pour ses romans inscrits dans le cycle de la Culture. Grand meneur de la nouvelle génération britannique, celle qui a rétabli le space opera au coeur du genre, en postulant une société futuriste réactualisée (nanotechnologie et génétique), et en interrogeant les valeurs de cette hypothétique monde futur. "Utopie ambigue", le monde de la Culture est aussi l'occasion de constructions littéraires mémorables, comme dans l'usage des armes, ou de construire des fictions à grande comme à petite échelle, chaque roman étant indépendant des autres...
I still find it hard to understand that anyone could argue that you can't have machines that exhibit consciousness.
In all the human societies we have ever reviewed, in every age and in every state, there has seldom if ever been a shortage of eager young males prepared to kill and die to preserve the security, comfort and prejudices of their elders, and what you call heroism is just an expression of this fact; there is never a scarcity of idiots
Stephen King
Auteur majeur du fantastique de la fin du XX° siècle, son influence sur les imaginations de tous est énorme : ses best-sellers ont dominé le marché du livre pendant des décennies, sans pour autant montrer les facilités qu'on pourrait craindre. Car King écrit tout le temps, sur tout : gros pavés, nouvelles, essais sur son art, bandes-dessinées, scénarii...
J'évoquerais mes King préférés, sachant qu'il y en a un gros paquet d'autres à nommer...
Les Tommyknockers,
Simetière,
Ca,
Charlie, et le recueil de nouvelles
Rêves et cauchemards...
La prose de King prend aux tripes, rend ses livres addictifs (combien de nuits blanches vécues parce qu'on veut lire la suite pour ce auteur ??), sans jamais faire dans la facilité ou sous-estimer son lectorat. La figure de l'écrivain moderne à mes yeux.
Les gens apprécient les faux culs : ils se reconnaissent en eux, et ça fait tellement de bien quand on surprend quelqu'un le pantalon baissé et que ce n'est pas vous.
Certaines personnes disent que je suis atroce, mais ce n'est pas vrai. J'ai le coeur d'un jeune garçon... dans un bocal sur mon bureau !
Mes lubies ont une valeur marchande. De par le monde, les cellules capitonnées regorgent d'hommes et de femmes qui n'ont pas cette chance.
James Joyce
Un auteur ardu à lire... Mais ô combien gratifiant !! Dans son remarquable et monumental
Ulysse, Joyce tente le livre total, qui regroupe toute l'histoire de la littérature en un seul ouvrage échevelé, d'une densité folle, d'une prétention encore plus folle, mais qui parvient malgré tout à émouvoir.
Dans une risible ambition, je l'avais acheté en anglais pour le découvrir dans sa langue originale, mais ce qui marche pour Dickens et Hardy ne marche pas ici : j'ai dû capituler et racheter l'édition folio... Cela dit, il y a beaucoup de très beaux passages où j'ai été voir dans l'original comment c'était écrit, pour me rendre compte. Un grand souvenir de lecture.
Il mourut avec un bel avenir derrière lui.
Personne ne rend à sa génération un service plus grand que celui qui, soit par son art, soit par son existence, lui apporte le don d'une certitude.
A.S.Byatt
Auteur britannique, très littéraire, dont Possession fut un succès de librairie. Passionnant roman (qui fut mal adapté au cinéma), Possession est un bon échantillon de cette plume inspirée et sensible, qui sait manier la référence victorienne et la modernité contemporaine, le conte de fée et le récit fantastique contemporain. Les personnages de Byatt émeuvent, tout comme ses meilleurs passages... J'adore !!
There are things that happen and leave no discernible trace, are not spoken or written of, though it would be very wrong to say that subsequent events go on indifferently, all the same, as though such things had never been.
I cannot bear not to know the end of a tale. I will read the most trivial things – once commenced – only out of a feverish greed to be able to swallow the ending – sweet or sour – and to be done with what I need never have embarked on. Are you in my case? Or are you a more discriminating reader? Do you lay aside the unprofitable?
Hanif Kureishi
Le bouddha de banlieue, Black Album... L'Angleterre des années 70 et 80 comme si vous y étiez, avec beaucoup d'humour et une sacrée plume. Des textes faciles à lire, toujours bien vus, dont on sent une part autobiographique qui permet peut-être une acuité dans l'observation qu'on n'aurait pas forcément chez un autre. En tout cas, Kureishi sait construire des personnages attachants et crédibles, décrire des situations prenantes, et généreusement flatter son lecteur. Rajoutons que le cinéma a su puiser dans ses écrits un paquet d'idées de films...
My beautiful laundrette,
My son the fanatic,
The mother,
Intimité... Et il en reste beaucoup à tourner.
Et le silence, comme l'obscurité, peut être doux ; le silence est un langage. Les couples ont de bonnes raisons de ne pas parler.
On peut avoir envie d'admirer une personne pleine de vigueur et d'énergie. Mais son activité dénote un certain désespoir, comme si seul son travail lui permettait de ne pas craquer.
J.G.Ballard
Ecrivain de science-fiction visionnaire, il faut avoir lu ses plus belles nouvelles (notamment celles du recueil
Vemillion Sands, ou
Billenium), mais ses livres sur la fin du monde restent des oeuvres provocantes et riches, chargés d'une poésie fantastique. Je recommande aussi ses livres plus tardifs, qui ont pris une distance avec le genre, pour prendre une tournure plus sociopolitique (
Super-Cannes,
la bonté des femmes). En revanche, je n'ai jamais lu
l'empire du Soleil, parait-il très autobiographique...
Le consumérisme est optimiste, tourné vers l'avenir. Bien sûr il nous demande de nous plier à la volonté de la majorité. C'est une forme de politique de masse. Très théâtrale, mais tout le monde aime ça.
Le consumérisme n'a plus beaucoup le choix, il essaie de muter. Il a tâté du fascisme, mais ce n'est pas assez primitif. Il ne lui reste que la folie pure et simple
Jean Giraudoux
Dramaturge de génie, d'une drolerie et d'une délicatesse en toute chose... Pas assez adapté sur scène à mon gout, Giraudoux a la plume agile, et ses phrases les plus anodines charment comme des maximes qu'on voudrait retenir...
La folle de Chaillot,
Amphytrion 38,
Ondine,
la guerre de Troie n'aura pas lieu, sont à lire avant de pouvoir émettre un avis sérieux sur le bonhomme.
Auprès de toute honte privée ou publique, vous trouvez toujours aussitôt une femme qui s'en fait un trésor et un secret.
C'est le grand avantage du théâtre sur la vie, il ne sent pas le rance...
Jean-Paul Sartre
Je préfère le romancier au philosophe, et le philosophe au dramaturge un peu trop empesé... Mais
la nausée, c'est quand même un grand moment, de même que ses nouvelles, qui prennent aux tripes.
Will Self
Lire
Ainsi vivent les morts, aussi drôle que tragique et absurde. On a envie d'en ricaner, mais ce sont des larmes qui s'en écoulent... Pour rire, préférer
les grands singes, pourtant cruel et tragique.
Richard Matheson
Noveliste de génie, mais romancier doué aussi, quand il écrit
l'homme qui rétrécit, ou
je suis une légende. Pourtant, ce sont ses nouvelles qui frappent le plus, par leur inventivité, leur diversité, et la façon frappante dont elles révèlent un style, un phrasé, un auteur.
Et, pour ceux que j'approche, dont je ne peux pas encore prétendre les connaître, mais dont les premiers livres lus sont autant de promesses d'amitiés littéraires à venir :
Dostoievski
Haruki Murakami
Hubert Selby
Jack London
Mention spéciale à deux auteurs pas forcément géniaux sur le plan littéraire, mais dont chaque livre me procure un plaisir prévisible :
Serge Brussolo
Peter Hamilton