Re: The Killing : la série danoise et son remake américain
Publié : 5 août 13, 10:22
par wontolla
La (fin de la) troisième saison US semble prometteuse.
Source4 août 2013, par Pierre Sérisier
The Killing – Les dernières heures d’un condamné
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- Certains épisodes portent en eux le souvenir que l'on va conserver d'une saison, voire d'une série. Six Minutes, le dixième chapitre de The Killing cette année, fait partie de ceux-là. De ces moments inoubliables dont on se souvient des années plus tard, dont on reparle avec une sorte d'émotion nostalgique et que l'on évoque en regard d'autres renfermant des sentiments aussi forts bien que différents. Cela avait été le cas avec Chaos, l'avant-dernier épisode de Southland diffusé au printemps.
La saison 3 de The Killing, qui a failli ne jamais voir le jour, s'achève ce soir aux Etats-Unis et quel que soit le final prévu en deux parties, on sent déjà qu'on va regretter que le récit s'interrompe de la sorte. Parce que cette troisième année aura été pleinement satisfaisante. En raison de la présence de Joel Kinnaman et de son personnage de Stephen Holder qui a enfin trouvé sa dimension. En raison, du sujet traité, celui des adolescents fugueurs et en raison de Peter Sarsgaard dont nous n'avons pas encore parlé mais qui a été éblouissant à chaque épisode. Il méritait largement une nomination pour le second rôle masculin aux Emmy Awards.
Emprisonné pour le meurtre de sa femme, Ray Seward attend son exécution dans le couloir de la mort. Dans cet univers clos, Sarsgaard réussit à faire émerger tous les sentiments qui peuvent traverser l'esprit d'un condamné. Au point que, tout à coup, l'histoire essentielle de cette saison 3 apparaît moins l'enquête que mène Sarah Linden et son acolyte dégingandé, mais bien celle qui se joue derrière les barreaux d'une prison.
On a là un vibrant plaidoyer contre la peine de mort, ce châtiment que les Etats-Unis ont décidé de réintroduire dans leur droit pénal en 1976 après l'avoir un temps écarté. Ce dixième épisode de The Killing a été écrit, bien sûr, par Veena Sud et on retrouve toute la sensibilité de la scénariste de Cold Case, tout son talent pour imposer une atmosphère dramatique et étouffante, sans jamais effacer la dimension humaine.
Chaque protagoniste joue sa partition avec une justesse magnifique dans ce récit qui s'arrondit comme une boucle sur une période de 12 heures. Un tour de cadran. De la répétition à l'aide d'un mannequin jusqu'à l'exécution par pendaison. En passant par toutes les étapes, du doute, de l'espoir, du mensonge, de la fausse décontraction, de la peur, de la colère et finalement d'une nausée qui saisit le spectateur comme elle étreint les mâtons qui regardent le corps se balancer dans l'écho de gargouillements et de suffocations insoutenables.
Les face à face successifs entre Seward et de Linden, séparés par la vitre du parloir, sont d'une intensité qui ne faiblit pas un instant. Mireille Enos, qui était en retrait sur cette saison, livre sa plus belle partition. La mise à mort d'un condamné renferme toujours une force dramatique particulière. Dans le cas de ce dixième épisode, celle-ci est accentuée par la manière de filmer: des plans larges qui restituent l'enfermement et le désespoir, des plongées qui donnent le vertige, des gros plans qui exsudent la peur.
Le tout est rythmé par des dialogues parfois prononcés sur un ton monocorde, épuisé et résigné comme si on appelait l'inévitable pour être enfin soulagé de cette effroyable attente tout en ne pouvant s'empêcher de croire à un miracle. La parole s'impose comme la dernière chose dont dispose le condamné, celle qu'on n'a pas pu lui retirer et dont il peut encore faire usage librement. Elle n'arrête pas le temps, mais elle traduit le refus de l'abandon, la conscience qui s'accroche à l'espoir. Cet espoir qui se révèle vain est peint dans une lumière grise, vaguement bleutée tirant par instants sur le noir des uniformes des gardiens et du manteau de Linden.
Bien sûr, comme l'inspectrice, on cherche à savoir la vérité. A comprendre pourquoi Seward se trouvait dans la maison la nuit où sa femme est morte. Mais au fond, cette quête se révèle inutile car le sursis a exécution a été rejeté. Seul demeure le traitement qui lui est finalement infligé (chaque détail, chaque mot, chaque geste, chaque regard) et qui est tout simplement infamant. Tout au long de cet épisode, la parole est tout ce qui lui reste. Elle incarne sa dignité jusqu'à ce que celle-ci lui soit arrachée à l'instant où s'ouvre la trappe et que monte le silence en même temps que les larmes dans nos yeux.