1.10 – West
Réalisation : Douglas Heyes
Scénario : Douglas Heyes d’après une histoire de Irwin Blacker
Guest Star : Steve Cochran
Première diffusion 28/11/1962 aux USA - Jamais diffusé en France
DVD : VOSTF
Note : 7.5/10
Le Pitch :
Jamie Dobbs (Steve Cochran), cowboy du ranch Shiloh, n’a qu’un seul but dans la vie, rigoler et s’amuser. Ne se sentant plus à sa place dans un Wyoming qu’il trouve sinistre, il entraine Trampas dans une virée vers’ l’Ouest tapageur’ en compagnie de deux amis qu’il vient de retrouver. Ils espèrent faire rapidement fortune afin de profiter pleinement de la vie. Sur place ils sont obligés de se rendre à l’évidence : l’Ouest a lui aussi évalué et s’est civilisé ! Leur immaturité peu adaptée à l’époque va s’avérer dramatique lorsqu’ils croisent le chemin d’une bande de dangereux malfaiteurs…
Mon avis : J’avoue avoir eu d’emblée une certaine appréhension devant le ton excessivement jovial et le jeu un peu outré de Steve Cochran dans le rôle d’un cowboy du ranch Shiloh qui ne prend rien au sérieux, ne pense qu’à rigoler et à dilapider sa paie pour s’amuser. On se dit alors que l’on va retomber dans les travers du seul ratage de ce début de saison, l’épisode
Riff-Raff, lourde pantalonnade qui se terminait par 20 minutes de pur ennui lorsqu’il bifurquait vers le ‘film de guerre’. L’arrivée de Claude Akins et de James Brown dont les interprétations ne sont guère plus sobres que celle de Steve Cochran -voire même encore plus cabotine concernant l’inoubliable Joe Burdette de
Rio Bravo- laissait mal augurer de la plus pénible bouffonnerie. C’était sans compter sur les qualités d’écriture du scénariste Douglas Heyes –ici également derrière la caméra- qui était déjà arrivé à sauver du désastre certains westerns à la mise en scène médiocre comme par exemple
Battle of Rogue River de William Castle. Et au final, même si le premier visionnage pouvait nous laisser perplexe, il s’agit d’un épisode intelligent, très satisfaisant et surtout grandement attachant, capable de nous octroyer une succession de deux finals pour l’instant les plus émouvants de la série et qui nous montrent un Trampas d’une sensibilité que l’on ne lui soupçonnait pas même si l'on venait d’en avoir un aperçu au travers le superbe 8ème épisode,
Impasse, réalisé par Maurice Geraghty.
Dans
West (titre tout à fait approprié contrairement au ridicule titre français qui pouvait effectivement nous faire craindre le pire), hormis le Virginien que l’on croise seulement le temps de deux séquences -mais deux scènes superbes au cours desquelles il continue à nous en imposer et à entériner son statut de régisseur charismatique, humain mais quand même un peu rabat-joie- Trampas est le seul personnage principal de la série à intervenir ; Garth, Molly, Betty et Steve en sont totalement absents. Alléché par un Ouest que son camarade lui vante avec un enthousiasme débordant, Trampas décide de le suivre dans l’Ouest pour y faire rapidement fortune et ainsi profiter ensuite pleinement de la vie. A chaque étape de son avancée vers ces régions sauvages, il continuera néanmoins de se poser des questions, prêt à faire machine arrière, se rendant vite compte que ses compagnons de voyage sont aussi rêveurs qu’immatures, aussi hâbleurs et naïfs que dangereux à côtoyer. En arrivant sur place, ils devront se rendre à l’évidence et admettre que le Virginien avait raison : pas plus qu’au Wyoming on ne rigole plus autant dans l’Ouest que quinze ans en arrière ; la société a ici aussi évolué dans un sens qui ne leur convient pas vraiment. Le Shérif ressemble plus à un ‘rond de cuir’ qu’à un homme d’action, les limites des juridictions empêchent les hommes de loi d’aller appréhender les bandits qui vont se terrer en dehors… S’étant fait humilier et leurs vies ayant été mises en danger par de dangereux outlaws -dont le chef de gang n’est autre que l’inquiétant Leo Gordon et ses yeux d'un bleu profond-, voyant que personne n’ira s’occuper de les mettre hors d’état de nuire, nos chahuteurs vont vouloir faire justice eux-mêmes, pensant qu’après s’en être débarrassés, ils seront reçus en ville en héros, avec fanfare et trompettes.
Sauf que pour y parvenir, ils auront dû utiliser des méthodes peu orthodoxes : menacer des notables, voler argent, chevaux, armes et munitions ; certes ils ne prenaient pas leurs actes au sérieux et avaient même dans l’idée de rendre tous ces ‘emprunts forcés’ une fois leur mission terminée, mais à cette époque où la justice et les règles sont devenus plus strictes, ce n’est pas aussi simple ; leur insouciance et leur inconséquence vont faire qu’ils seront considérés comme des hors-la-loi et que toute cette histoire va se terminer en drame. On l’aura deviné, la thématique principale de l’épisode est la difficile adaptation de certains à la mutation de la société, à l’évolution des mœurs et des modes de vie… ce qui peut conduire à l’obligation de les remettre en place pour ne pas que par leurs actes ne deviennent à leur tour des dangers pour la communauté, presque aussi grands que ceux qu’ils souhaitaient partir combattre. Les conséquences seront donc dramatiques pour certains -sans que je ne les dévoile- et la conclusion s'avèrera un peu triste puisqu'il sera acté qu’il sera désormais plus difficile de s’amuser qu’auparavant dans une société changeante où même les bandits doivent s’en prendre à de vulgaires voyageurs pour survivre. Avant d’en arriver à un climax grandement émouvant, nous aurons assisté à un épisode souvent savoureux, suite de situations assez cocasses dues aux nombreux chahuts causés par ‘nos joyeux lurons’ qui conduiront pour la plupart à des bagarres et à des détours par la case prison. Et si l’on aurait facilement pû tomber dans la lourdeur et la répétition, il n’en est rien puisque la mise en scène s’avère aussi acérée et pleine d’idées que l’écriture. Pour ne prendre qu'un seul exemple, la fusillade entre le groupe de nos quatre compagnons et la bande des brigands n’est filmée qu’en une succession de gros plans sur les armes ou sur des détails corporels sans aucun plan d’ensemble ni vision nette d’un homme qui s’affale. Beaucoup d’autres exemples pourront être relevés tout au long d’un épisode assez imaginatif sur la forme voire même splendide comme le prouve la toute dernière séquence au cours de laquelle Trampas, ayant acquis plus de sagesse, retourne à Shiloh et où il retrouve le Virginien qui semblait l’attendre en haut d’une colline (plan magnifiquement cadré).
A la question de savoir à combien de distance il était parti, Trampas répond au régisseur "
About twenty years", finissant d’entériner le ton finalement bien plus nostalgique que rigolard d’un épisode qui nous aura vraiment surpris par ses digressions et revirements qui en font l’un des plus attachants depuis le début de lé série, d’autant plus réussi qu’il aurait été aisé pour le scénariste de verser dans la gaudriole. La qualité de l’interprétation d’ensemble aide beaucoup Douglas Heyes, que ce soit Doug McClure qui acquiert de l’épaisseur dans son plus beau rôle jusqu’à présent ou encore Steve Cochran toujours sur la corde raide du ridicule sans jamais y tomber, et enfin, inoubliable, Allen Case dans le rôle d’un shérif moderne et ‘New Look’ aux petites lunettes cerclées qui parle d’actionnaires et qui cite Darwin en expliquant avec pragmatisme et justesse que ceux qui nient ou n’arrivent pas à s’adapter aux évolutions auront du mal à leurs survivre ou à ne pas y laisser des plumes. On passe du rire aux larmes au cours de cette comédie dramatique westernienne très touchante sur les changements d’époque et le temps qui passe !
Avec illustrations