Juan Antonio Bardem (1922-2002)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Kevin95
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Juan Antonio Bardem (1922-2002)

Message par Kevin95 »

MUERTE DE UN CICLISTA (Mort d'un cycliste) - Juan Antonio Bardem (1955) découverte

Drame psychologique chez les bourgeois espagnols donc une avenue pour le réalisateur pour tacler une élite confortablement installée dans le régime de Franco. Muerte de un ciclista narre la déroute d'un couple adultère victime de complexes après avoir renversé un cycliste qui, pour couronner le tout, n'appartenait pas à la même classe qu'eux. Le bonhomme va en baver avant de remettre en cause sa propre dignité quand la donzelle va tout faire pour mettre le dossier sous le tapis et garder le masque des apparences. Le film a quelque chose en commun avec Cronaca di un amore (Chronique d'un amour) de Michelangelo Antonioni (outre Lucía Bosé), un même emprunt au noir américain (crime, remords, maitre-chanteur etc.), même sentiment déprimé, même critique d'une classe supérieur hypocrite, même incompréhension entre l'homme et la femme. Si chez Antonioni, le couple se perd et le récit reste en suspens, chez Juan Antonio Bardem, il se brise et c'est au destin de trouver une conclusion. Après le fatiguant Los pianos mecánicos (Les Pianos mécaniques), la réussite de Muerte de un ciclista me (re)donne envie de m'intéresser à la filmo de Bardem, du moins aux films des années 50.
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Rick Blaine
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Re: Juan Antonio Bardem (1922-2002)

Message par Rick Blaine »

De Bardem je n'ai vu que Mort d'un cycliste, dont je garde un excellent souvenir. Son audace est à signaler en pleine dictature franquiste, et en plus c'est passionnant.
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Watkinssien
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Re: Juan Antonio Bardem (1922-2002)

Message par Watkinssien »

Très grand film en effet que ce Muerte de un Ciclista, drame passionnant de bout en bout, qui mélange les genres avec brio, des comédiens parfaits et une mise en scène de Bardem impressionnante de rigueur, d'élégance et d'efficacité.

De Bardem, je garde un très bon souvenir d'enfance de son adaptation télévisée de L’Île Mystérieuse...
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manuma
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Re: Juan Antonio Bardem (1922-2002)

Message par manuma »

Ca mérite d'être posté ici également !
cinéfile a écrit : 2 mai 23, 19:44
cinéfile a écrit : 1 mai 23, 21:02
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Ce sera mon film du soir.
Je ne connais presque rien de J. A. Bardem en dehors de ses grands films des années 50. Curieux, je suis.

Ce Bardem méconnu s'est avéré une découverte intéressante. Malgré un petit effet de redite eu égard à l'intrigue (une étude impitoyable des rapports de pouvoir et de classe au sein de la société) et son ambiance générale qui font immanquablement penser à Mort D'un Cycliste , le film est techniquement impeccable - y compris au niveau du montage qui se permet même quelques expérimentations réussies. Belle esthétique générale.

Je reste en revanche un peu sur ma faim au niveau de l'histoire et de l’interprétation, relativement inégale. Si la jeune Paloma Valdés possède une extraordinaire cinégénie (dommage qu'elle se soit retirée des plateaux très peu de temps après le film), l'acteur principal livre une prestation trop monolithique, contrite, donnant l'impression de jouer constamment en serrant les dents. Cela fonctionne relativement bien dans la première partie, mais on a du mal à croire à son coup de foudre à mi-film. Dans le même ordre d'idée, la mécanique du mélodrame déployée dans le film m'a semblé un tantinet trop rigide pour que je sois réellement embarqué.

Sur la question du propos, Bardem - qu'on a souvent décrit comme usé par les difficultés rencontrées avec la censure dans les années 1950, généralement considérées comme son âge d'or et dont la critique s'est par la suite considérablement désintéressée en Espagne et ailleurs - m'a eu l'air de trouver plus de libertés en tournant cette coprod hors de la péninsule (Argentine). On retrouve ce portrait impitoyable de la stratification sociale qui marque certains de ces meilleurs films de la décennie précédente. Il faut dire que 1963 coïncide avec l'apparition du code de censure en Espagne (en partie sollicité par les cinéastes eux-mêmes pour éviter les décisions arbitraires des commissions). Dès lors que les histoires se déroulaient hors d'Espagne ou dans des époques lointaines - et ne représentaient donc pas directement la société espagnole - il était plus facile de passer ses idées en "contrebande"/sous les radars des censeurs. La vague de films fantastiques, films de monstres etc vient en partie de là. Je suis loin d'être un spécialiste de Bardem, mais il a probablement su tirer partie de cette délocalisation pour accoucher d'un film qui ne manque en tout cas pas de vigueur critique.
manuma a écrit : 1 mai 23, 21:07 Vu depuis. Mon premier Bardem, et beaucoup aimé de mon côté.
Parmi les quelques films dispo en France, je te conseille chaudement Mort d'un cycliste (dispo chez Tamasa) et Grand-Rue/Calle Mayor (dispo VOD sur Cinetek).
Je prends directement note (la flemme de convoquer Donald Duck). J'avoue être très intrigué par ses derniers films, et notamment Les 7 jours de janvier , film ayant, à ma connaissance, disparu des radars hexagonaux après une diffusion télé vers 1982 ou 1983.
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cinéfile
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Re: Juan Antonio Bardem (1922-2002)

Message par cinéfile »

J'éprouve pour ma part une certaine curiosité envers son giallo de 1973 : La Corrupción de Chris Miller. (NB :Je remarque à l'instant que Vinegar Syndrome l'a sorti il y a quelques années)

En 2022, on a fêté les 100 ans de la naissance de Bardem et ce dernier était à l'honneur dans les deux plus grands festivals de Cinéma Espagnol en France (Cinespaña à Toulouse et le FCEN de Nantes).

A Cinespaña, j'ai pu voir Cómicos/Les Comédiens, une évocation douce-amère d'une troupe de théâtre itinérante, thème cher au réalisateur qui descendait d'une lignée d'acteurs/actrices/gens de théâtre. Les considérations socio-politiques y sont toujours présentes, mais plutôt mises en arrière-plan par rapport à ses brulôts de la même époque car ce sont ici la tendresse et la mélancolie qui dominent dans ce beau film. Mort d'un cycliste et Ce couple heureux (Esa pareja feliz) complétaient l'hommage. Ce dernier était aussi proposé au FCEN en Mars, qui ouvrait officiellement une section Patrimoine cette année :D. C'est un film clé puisqu'il réunit Berlanga et Bardem alors au tout début de leur carrière et va initier tout un pan de l'histoire du cinéma espagnol de par sa démarche esthétique et contestataire. Les espagnols parlaient à une époque des "3B"(las tres B) : Buñuel, Berlanga, Bardem.

On trouve également sur Flixolé quelques autres films du réal, en particulier La Vergeance/La Verganza (STA dispo) avec Raf Vallone et Carmen Sevilla.
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