Vittorio Cottafavi (1914-1998)
Publié : 15 juil. 17, 02:01
Sans doute moins connu que Riccardo Freda, Vittorio Cottafavi fut lui aussi l'un des grands artisans du cinéma populaire italien de l'après-guerre enchaînant durant une quinzaine d'années les mélodrames, péplums et films d'aventures. D'origine aristocratique, cultivé et esthète, il tentant d'apporter un peu de noblesse à ces films de genre dont il n'était pas forcément partisan à la base. Un style et une approche qui le firent repérer par certains critiques français comme Jacques Lourcelles ou Luc Moullet.
Très peu distribué en DVD, la cinémathèque lui rend hommage jusqu'à la fin du mois de Juillet.
La vengeance d'Hercule (La vendetta di Ercole - 1960)
Après le dernier de ses 12 travaux, Hercule revient des enfers mais le roi tyran Eurystheus compte bien se débarrasser de lui. Un conseiller met en place un stratagème en manipulant son fils.
Un péplum assez curieux qui commence comme s'il s'agissait de la suite directe d'un précédent film. Mais ça n'a pas l'air d'être le cas, ou alors des Travaux d'Hercule (1958) peut-être que je ne connais pas et dont le casting est entièrement différent de toute façon.
C'est assez déstabilisant puisqu'il faut un temps pour saisir qui est qui, qui fait quoi et où il se situe politiquement et stratégiquement les uns par rapport aux autres. La brouille est encore plus accentuée par une narration maladroite qui donne constamment l'impression qu'il manque une scène sur trois étant donné certaines ellipses brutales.
Il ne serait pas surprenant que les producteurs aient coupé de nombreuses scènes pour passer sous les 90 minutes, sacrifiant le sous-texte politique et mythologique pour mieux garder des scènes d'actions grotesques où le brave Hercule affronte le Cerbère, une chauve-souris géante puis un ours, tous munis des déguisements/trucages affligeants. Il fait tout de même face à un vrai éléphant même si la scène n'est pas spectaculaire pour autant.
Cottafavi est dans bien plus à l'aise quand il s'agit de filmer un décor (les enfers qui donnent quelques plans sympas ; la grotte sous les remparts) et donc les séquences où les méchants mettent en place leurs complots. Mais le meilleur moment, et de loin, est la scène où Hercule va défier la statue d'un dieu avec deux mouvements de caméra très originaux dont un panoramique vertical de 180° qui accompagne la démarche déterminée de son héros. Deux mouvements successifs qui inversent donc les repères spatiaux propulsant Hercule au plafond et qui symbolisent le moment où l'homme cherche à s'affranchir des Dieux pour suivre sa propre volonté. Et plutôt que laisser cette statue se briser toute seule, il préfère arrêter sa chute à deux reprises pour mieux la détruire lui-même. Un moment brillant que j'aurais aimé voir reproduit à plusieurs reprises dans le film même si on trouve quelques bonnes idées de réalisation (les flammes suivant les gestes d'une danseuse, des mouvements de grue bien utilisés). En tout cas, Cottafavi préfère humaniser son personnage plutôt que de verser dans le bodybuilding huileux. C'est louable mais comme le scénario, la cohérence et le rythme ne suivent pas, j'ai regardé ça de manière très détachée (et parfois consternée).
Le film est sorti aux USA sous le titre Goliath and the dragon où les distributeurs avisés l'ont bien tripatouillé avec de nouvelles séquences de bastons tout aussi nanars, beaucoup de coupes et un doublage qui prend de sacré liberté, ce qui n'arrange pas un casting déjà plus que limite dans sa version italienne.
Fille d'amour (Traviata '53 - 1953) comme son nom l'indique est une variation modernisée de la Dame aux camélias.
C'est pour le coup une œuvre bien plus personnelle, intéressante et surtout réussie.
Cottafavi embrasse le genre en opposition totale d'un Raffaello Matarazzo par exemple et transforme le mélodrame en une véritable tragédie. Le changement est annoncé immédiatement puisque l'histoire est raconté en deux flash-backs lorsque que Armando Francioli se rend au chevet de Barbara Laage à l'agonie. La focalisation du récit glisse d'ailleurs doucement du personnage masculin vers celui féminin qui se mue de plus en plus une véritable héroïne tragique. Il est assez révélateur que le second flash-back occulte son amoureux et se lance après sa mort.
La construction dramatique est à ce titre très pertinente et assez subtile. L'approche et la tonalité suivent vraiment l'évolution de cette Dame aux Camélia, distante et détachée au début qui devient de plus en plus vivante et épanouie avant d'être réellement poignante dans sa dernière demi-heure.
Dans la forme aussi, Cottafavi prend le genre en contre-pied et privilégie rapidement des douleurs muettes non seulement au niveau des dialogues (et leur absence) que dans la musique qui soit ne surligne jamais l'émotion ou soit s'avère tout simplement inexistante. Ainsi la découvert de la mort de Barbara Laage est filmée derrière une fenêtre, justifiant un vide sonore totale qui décrit avec beaucoup de force et de finesse le désarroi de l'ancien amant.
Ca pourrait être froid si la direction d'acteurs n'était à ce point juste et d'une sensibilité intériorisée, loin des éclats et du chantage affectif qu'on trouve plus volontiers dans le genre, surtout italien, d'autant qu'il n'y a aucun discours moralisant et que le cinéaste (qui co-signe le scénario) ne condamne son héroïne ou même sa "marraine", étonnant personnage au cynisme bienveillant qui laisse deviner une vie faite de souffrances.
Toujours dans cette optique de refuser les conventions, le film privilégie les extérieurs pour une grisaille mélancolique faîte de rues ou de places en partie désertes. Et même les intérieurs ne sonnent pas comme du studio. Cottafavi ne cherche pourtant pas pour autant à tendre vers le néo-réalisme mais cherche à ancrer ses personnages dans une certaine réalité contemporaine plus palpable et moins théâtrale.
Ce titre plus que recommandable est sorti en DVD chez René Château. Aucun idée de sa qualité ou de la présence ou non d'une VO.
Les vierges de Rome (Le vergini di Roma - 1961)
Les Etrusques viennent de remporter une victoire sur les Romains et leur imposent un armistice. Pour les forcer à la respecter, ils prennent en otage plusieurs centaine de vierges qui cherchaient justement à s'armer pour lutter contre les envahisseurs.
Vittorio Cottafavi n'a pas fini cette co-production franco-italienne qui fut terminé par Carlo Ludovico Bragaglia. En effet il quitta la production au bout de 5 semaines suite aux trop nombreux désaccords avec Louis Jourdan, sa vedette principale. On devine pourquoi avec d'un côté Cottafavi et son désir d'une certaine maturité plastique et intellectuelle et de l'autre Jordan qui tire clairement le film dans le pastiche avec une interprétation délicieusement anachronique.
Contre toute attente, le mélange des deux fonctionnent vraiment bien pour un film très ludique qui propose des personnages largement plus complexes et intelligents que la moyenne tout en exploitant un second degré savoureux pour une sorte de décontraction qui ne se prend pas au sérieux tout en étant pleinement réfléchi.
Selon cette logique, les scènes d'action sont presque inexistantes, excepté au début et de la fin (et qui rejouent la même bataille en fait). En revanche, la stratégie et la psychologie ont toutes leur place, même dans la légèreté. De plus les dialogues sont très drôles et sonnent très modernes pour un duo Jourdan/Nicole Courcel (super mimi ) qui fonctionne très bien.
Le gros point noir provient de son budget famélique qui fait vraiment pitié où tout semble bâclé à l'arrache : costumes, décors, direction artistique, reconstitution, 2 thèmes musicaux en boucle...
D'un autre côté, le film aurait eu plus d'argent, il n'aurait sans doute pas pu conserver cette attachante liberté de ton très rafraichissante bien que guère crédible sur le papier de toute façon (comme les centaines de vierges qui se font capturer par 5 cavaliers ennemis mais qui livrent une bataille farouche à la fin contre un nombre presque équivalent d'adversaires masculins).
Très peu distribué en DVD, la cinémathèque lui rend hommage jusqu'à la fin du mois de Juillet.
La vengeance d'Hercule (La vendetta di Ercole - 1960)
Après le dernier de ses 12 travaux, Hercule revient des enfers mais le roi tyran Eurystheus compte bien se débarrasser de lui. Un conseiller met en place un stratagème en manipulant son fils.
Un péplum assez curieux qui commence comme s'il s'agissait de la suite directe d'un précédent film. Mais ça n'a pas l'air d'être le cas, ou alors des Travaux d'Hercule (1958) peut-être que je ne connais pas et dont le casting est entièrement différent de toute façon.
C'est assez déstabilisant puisqu'il faut un temps pour saisir qui est qui, qui fait quoi et où il se situe politiquement et stratégiquement les uns par rapport aux autres. La brouille est encore plus accentuée par une narration maladroite qui donne constamment l'impression qu'il manque une scène sur trois étant donné certaines ellipses brutales.
Il ne serait pas surprenant que les producteurs aient coupé de nombreuses scènes pour passer sous les 90 minutes, sacrifiant le sous-texte politique et mythologique pour mieux garder des scènes d'actions grotesques où le brave Hercule affronte le Cerbère, une chauve-souris géante puis un ours, tous munis des déguisements/trucages affligeants. Il fait tout de même face à un vrai éléphant même si la scène n'est pas spectaculaire pour autant.
Cottafavi est dans bien plus à l'aise quand il s'agit de filmer un décor (les enfers qui donnent quelques plans sympas ; la grotte sous les remparts) et donc les séquences où les méchants mettent en place leurs complots. Mais le meilleur moment, et de loin, est la scène où Hercule va défier la statue d'un dieu avec deux mouvements de caméra très originaux dont un panoramique vertical de 180° qui accompagne la démarche déterminée de son héros. Deux mouvements successifs qui inversent donc les repères spatiaux propulsant Hercule au plafond et qui symbolisent le moment où l'homme cherche à s'affranchir des Dieux pour suivre sa propre volonté. Et plutôt que laisser cette statue se briser toute seule, il préfère arrêter sa chute à deux reprises pour mieux la détruire lui-même. Un moment brillant que j'aurais aimé voir reproduit à plusieurs reprises dans le film même si on trouve quelques bonnes idées de réalisation (les flammes suivant les gestes d'une danseuse, des mouvements de grue bien utilisés). En tout cas, Cottafavi préfère humaniser son personnage plutôt que de verser dans le bodybuilding huileux. C'est louable mais comme le scénario, la cohérence et le rythme ne suivent pas, j'ai regardé ça de manière très détachée (et parfois consternée).
Le film est sorti aux USA sous le titre Goliath and the dragon où les distributeurs avisés l'ont bien tripatouillé avec de nouvelles séquences de bastons tout aussi nanars, beaucoup de coupes et un doublage qui prend de sacré liberté, ce qui n'arrange pas un casting déjà plus que limite dans sa version italienne.
Fille d'amour (Traviata '53 - 1953) comme son nom l'indique est une variation modernisée de la Dame aux camélias.
C'est pour le coup une œuvre bien plus personnelle, intéressante et surtout réussie.
Cottafavi embrasse le genre en opposition totale d'un Raffaello Matarazzo par exemple et transforme le mélodrame en une véritable tragédie. Le changement est annoncé immédiatement puisque l'histoire est raconté en deux flash-backs lorsque que Armando Francioli se rend au chevet de Barbara Laage à l'agonie. La focalisation du récit glisse d'ailleurs doucement du personnage masculin vers celui féminin qui se mue de plus en plus une véritable héroïne tragique. Il est assez révélateur que le second flash-back occulte son amoureux et se lance après sa mort.
La construction dramatique est à ce titre très pertinente et assez subtile. L'approche et la tonalité suivent vraiment l'évolution de cette Dame aux Camélia, distante et détachée au début qui devient de plus en plus vivante et épanouie avant d'être réellement poignante dans sa dernière demi-heure.
Dans la forme aussi, Cottafavi prend le genre en contre-pied et privilégie rapidement des douleurs muettes non seulement au niveau des dialogues (et leur absence) que dans la musique qui soit ne surligne jamais l'émotion ou soit s'avère tout simplement inexistante. Ainsi la découvert de la mort de Barbara Laage est filmée derrière une fenêtre, justifiant un vide sonore totale qui décrit avec beaucoup de force et de finesse le désarroi de l'ancien amant.
Ca pourrait être froid si la direction d'acteurs n'était à ce point juste et d'une sensibilité intériorisée, loin des éclats et du chantage affectif qu'on trouve plus volontiers dans le genre, surtout italien, d'autant qu'il n'y a aucun discours moralisant et que le cinéaste (qui co-signe le scénario) ne condamne son héroïne ou même sa "marraine", étonnant personnage au cynisme bienveillant qui laisse deviner une vie faite de souffrances.
Toujours dans cette optique de refuser les conventions, le film privilégie les extérieurs pour une grisaille mélancolique faîte de rues ou de places en partie désertes. Et même les intérieurs ne sonnent pas comme du studio. Cottafavi ne cherche pourtant pas pour autant à tendre vers le néo-réalisme mais cherche à ancrer ses personnages dans une certaine réalité contemporaine plus palpable et moins théâtrale.
Ce titre plus que recommandable est sorti en DVD chez René Château. Aucun idée de sa qualité ou de la présence ou non d'une VO.
Les vierges de Rome (Le vergini di Roma - 1961)
Les Etrusques viennent de remporter une victoire sur les Romains et leur imposent un armistice. Pour les forcer à la respecter, ils prennent en otage plusieurs centaine de vierges qui cherchaient justement à s'armer pour lutter contre les envahisseurs.
Vittorio Cottafavi n'a pas fini cette co-production franco-italienne qui fut terminé par Carlo Ludovico Bragaglia. En effet il quitta la production au bout de 5 semaines suite aux trop nombreux désaccords avec Louis Jourdan, sa vedette principale. On devine pourquoi avec d'un côté Cottafavi et son désir d'une certaine maturité plastique et intellectuelle et de l'autre Jordan qui tire clairement le film dans le pastiche avec une interprétation délicieusement anachronique.
Contre toute attente, le mélange des deux fonctionnent vraiment bien pour un film très ludique qui propose des personnages largement plus complexes et intelligents que la moyenne tout en exploitant un second degré savoureux pour une sorte de décontraction qui ne se prend pas au sérieux tout en étant pleinement réfléchi.
Selon cette logique, les scènes d'action sont presque inexistantes, excepté au début et de la fin (et qui rejouent la même bataille en fait). En revanche, la stratégie et la psychologie ont toutes leur place, même dans la légèreté. De plus les dialogues sont très drôles et sonnent très modernes pour un duo Jourdan/Nicole Courcel (super mimi ) qui fonctionne très bien.
Le gros point noir provient de son budget famélique qui fait vraiment pitié où tout semble bâclé à l'arrache : costumes, décors, direction artistique, reconstitution, 2 thèmes musicaux en boucle...
D'un autre côté, le film aurait eu plus d'argent, il n'aurait sans doute pas pu conserver cette attachante liberté de ton très rafraichissante bien que guère crédible sur le papier de toute façon (comme les centaines de vierges qui se font capturer par 5 cavaliers ennemis mais qui livrent une bataille farouche à la fin contre un nombre presque équivalent d'adversaires masculins).