SPOILERS :
Sauf qu’ici, de ce postulat qui n’est ni plus ni moins celui de Ghost, David Lowery choisit très vite de s’en écarter, préférant livrer une oeuvre ambitieuse, abstraite, étrangement drôle et mystérieuse, forclose comme un conte. Sorte de matière cinématographiquement porteuse, utilisant tous les procédés pour proposer une expérience temporelle et mémorielle originale, dotée d’une mise en scène d'une limpidité et assurance jamais ostentatoire - assurément l'une des plus belles de l'année ( format, photo, traitement son, musique..etc). Un retranchement et abstraction appliquée à la représentation du fantôme,
identifié à une présence neutre, feuille blanche empathique sur laquelle tout se projette ( idée géniale du drap blanc qui ôte toute personnification et amplifie l'effet poétique) évoluant dans des espaces divers fermés ( format 1.33) dans une temporalité aux lois différentes. Et d’un film discrètement tordu qui se donne pour enjeu la vie du fantôme en tant qu’existant, sa perception et existence - de sa naissance à sa mort.
A bien des égards, A Ghost Story est une formulation inédite d'un problème assez abstrait : l'attirance inexpliquée pour un lieu. Réduite ici à un être qui tombe amoureux d'une histoire et d’un passé, venant en quelque sorte l'incorporer, en vivant dans ses plis. C’est un déplacement surprenant auquel nous convie Lowery qui, passe la vitesse supérieure en tant que réalisateur, voit son film passer d’un éloge de l'amour romantique à un autre film, sur le coup de foudre quasi aristotelien d'une entité pour un lieu, revisitant son histoire comme celle d’un secrèt à la révélation diffèrée, renaissant et mourant, à l’intérieur d’un temps devenu circulaire... Voyage silencieux, dépouillé, A Ghost Story est une plongée dans la vie spectrale elle-même, son temps propre, sa vie sociale, son évolution...Mais aussi un film qui fait de cette circularité, comme les différentes couches d'un arbre, l'une des plus belles manifestations de notre soif d’histoire et par extension, déclaration d'amour pour le cinéma.
Grand film.