Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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G.T.O
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par G.T.O »

Coxwell a écrit :https://www.senscritique.com/film/Une_v ... /207824025

Retour intéressant. Je n'ai pas encore vu le film, mais bien des aspects évoqués fonctionnent avec les films précédents. La démarche "pré-romantique", rousseauiste voire "douanier-rousseausite" de l'auteur souffre d'un effet de répétition assez maladroit tout au long de ces derniers films. Et c'est devenu pratiquement un dispositif qui converge à l'artifice mécanique.
Retour interessant, c'est vite dit. Ça sent le message d'énervé, d'agacé vis-à-vis d'un style perçu comme ne bougeant pas. Et pourtant, il suffit des voir la différence entre La ligne rouge et ce dernier, pour mesurer, malgré tout, l'écart. Le style a évolué, le propos n'est pas si identique, l'esthétique différente. Je persiste à penser que la lassitude à l'encontre du style malickien n'est pas tout à fait étrangère au fait qu'il ait accéléré son rythme de production. Si Malick avait mis 5 ans entre chaque film, voire 10, la réception aurait été sensiblement différente, et il est a parier que les nouveautés auraient été mieux décelées.
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Coxwell
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Coxwell »

G.T.O a écrit :
Coxwell a écrit :https://www.senscritique.com/film/Une_v ... /207824025

Retour intéressant. Je n'ai pas encore vu le film, mais bien des aspects évoqués fonctionnent avec les films précédents. La démarche "pré-romantique", rousseauiste voire "douanier-rousseausite" de l'auteur souffre d'un effet de répétition assez maladroit tout au long de ces derniers films. Et c'est devenu pratiquement un dispositif qui converge à l'artifice mécanique.
Retour interessant, c'est vite dit. Ça sent le message d'énervé, d'agacé vis-à-vis d'un style perçu comme ne bougeant pas. Et pourtant, il suffit des voir la différence entre La ligne rouge et ce dernier, pour mesurer, malgré tout, l'écart. Le style a évolué, le propos n'est pas si identique, l'esthétique différente. Je persiste à penser que la lassitude à l'encontre du style malickien n'est pas tout à fait étrangère au fait qu'il ait accéléré son rythme de production. Si Malick avait mis 5 ans entre chaque film, voire 10, la réception aurait été sensiblement différente, et il est a parier que les nouveautés auraient été mieux décelées.
Réduire le problème 'style perçu comme ne bougeant pas" me paraît être bien rapide quand on sait que le même commentateur (que je connais très bien) apprécie le cinéma slave particulièrement contemplatif, inscrit sur une dynamique de temps long, et au pouvoir de l'image fort signifiant, sans être à l'écart de la mystique de "l'éternel" (je pense au magnifique l'île de Pavel Lounguine). Le problème est le recyclage de Malick et de ses grigris appliqués pratiquement à tous les sujets, époques, environnements. Et ce, avec de plus en plus de maladresse. Une maniaquerie construite autour de ce fantasme d'un déisme primitif où les hommes vivent heureux et en harmonie, avant que le poids des hommes - en société contractuelle ou non - malmène cette harmonie presque intrinsèquement "naturelle", conduisant ainsi au seul choix consistant à la contemplation a minima mélancolique de la chute et la dépréciation de ce paradis perdu.
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Message par Supfiction »

Phnom&Penh a écrit :Les motivations du personnage sont connues et historiques: sa foi catholique et son refus de prêter serment à Hitler. Quand tu en parles comme ça, on a l'impression qu'il a été faire la guerre en France en 1940, puis a été pris d'un subit refus de prêter serment - ou d'aller faire la guerre en 1943. Il n'a jamais été mobilisé avant 1943 et, à priori, il ne refusait pas d'aller se battre mais de prêter serment - c'est là-dessus que porte son objection de conscience. Ce n'est même pas dans le film, c'est le personnage historique.
Je reviens là-dessus. Ne m'étant absolument pas renseigné sur le film avant d'aller le voir et ne connaissant par conséquent rien de Franz Jägerstätter, j'ai effectivement cru en voyant le film qu'il avait participé à la campagne de 1940. Ce qui m'y a fait croire, ce sont les images de destruction (probablement de Pologne) que l'on voit juste après les séquences d'entrainement militaire. Ce n'est qu'après avoir vu ces images d'archives qu'on le voit rentrer chez lui sans être inquiété apparemment. Par conséquent, les événements ne sont pas clairs pour qui n'a pas fait de recherche préalable mais Malick s'en moque. Il s'adresse à un public précis et déjà acquis qui ne s'intéresse que peu au scénario ou qui arrive en salle déjà préparé. Je me permettrai de le comparer à Tarantino qui pour son dernier film s'est adressé à un public averti mais qui a néanmoins mis tellement de choses dans son film qu'il y a de quoi satisfaire des audiences avec différents niveaux de connaissance.
L'histoire de Franz Jägerstätter était pourtant simple. Aussi, j'ai l'impression que Malick s'évertue à faire l'ellipse de tout ce qui est du registre de la narration et du langage (adieu aux dialogues) pour se complaire dans le lyrisme et le pathos. On pourrait appeler ça de l'élitisme mais je n'irai pas jusque là car ce serait considérer Flol comme une élite. :uhuh:
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Message par Supfiction »

Brody a écrit :
Jeremy Fox a écrit :C'est vrai que l'argumentaire devenu si banal du "si vous n'avez pas aimé c'est que soit vous n'avez rien compris soit que vous avez un cœur de pierre" n'aidera pas beaucoup à la discussion. Et je dirais la même chose si je m'étais trouvé faire partie des défenseurs du film.
Je n’imaginais pas que vous puissiez prendre mon message au sérieux...
Vu qu'on ne sait pas si tu vas mettre 9,5 ou 3 à 5/10, l'ironie n'était pas évidente, surtout qu'on ne plaisante pas avec Malick.
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Message par Supfiction »

G.T.O a écrit :faire percevoir une dimension métaphysique sur la base d'un enfermement dans une geôle, ou bien encore à saisir l'élévation de l'esprit par le corps affaibli et meurtri
Tiens, je me permettrai un second conseil de lecture ("Bernard Pivot si tu nous regardes"), cette fois-ci Le Vagabond des étoiles de Jack London. Ce que tu as vu dans le film, et absolument pas moi en revanche, y est le sujet central. C'est un très grand livre.
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Message par Flol »

-Kaonashi Yupa- a écrit :Et j'ai l'impression que James Newton Howard est le premier compositeur dont Malick utilise vraiment les partitions originales depuis La Ligne rouge.
Les partitions de Horner et Desplat respectivement pour The New World et The Tree of Life avaient tout de même été pas mal utilisées par Malick, mais c'est vrai qu'elles avaient beaucoup plus souffert au montage que celle de JNH.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

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Coxwell a écrit : Réduire le problème 'style perçu comme ne bougeant pas" me paraît être bien rapide quand on sait que le même commentateur (que je connais très bien) apprécie le cinéma slave particulièrement contemplatif, inscrit sur une dynamique de temps long, et au pouvoir de l'image fort signifiant, sans être à l'écart de la mystique de "l'éternel" (je pense au magnifique l'île de Pavel Lounguine). Le problème est le recyclage de Malick et de ses grigris appliqués pratiquement à tous les sujets, époques, environnements. Et ce, avec de plus en plus de maladresse. Une maniaquerie construite autour de ce fantasme d'un déisme primitif où les hommes vivent heureux et en harmonie, avant que le poids des hommes - en société contractuelle ou non - malmène cette harmonie presque intrinsèquement "naturelle", conduisant ainsi au seul choix consistant à la contemplation a minima mélancolique de la chute et la dépréciation de ce paradis perdu.
Mais alors de quoi parle t-on au juste ? Je commente son avis sur un film que toi-même tu n'as pas vu. Reconnaissons-le, c'est un peu absurde. :) A moins que la discussion porte sur l'existence ou non d'un système Malick, ce qui est une autre affaire. Evidemment, je ne fais pas de procès d'intention à un gus que tu aimes bien et que je ne connais pas, pas plus qu'à ses bons gouts supposés. Je trouve son avis caricatural et approximatif. Probablement agacé. Quant au reproche que le "style qui ne bouge pas", ou bien encore que Malick se recycle sans variation, sans changement notable, est une réduction inattentive aux variations que son cinéma émets depuis 10 ans (le dernier apporte des choses jamais vues chez lui). Où il est moins question de paradis perdu que d'un travail de remémoration d'un homme en crise (Knight of Cups) d'un idéalisme romantique (To The Wonder) ou bien encore d'éducation sentimentale (Song to Song). Même chose avec une Vie Cachée, où il s'agit moins de se plaindre de la disparition d'un paradis que de constater qu'un pays est, comme un vivant, frappé d'une maladie, la maladie nazie. Le conflit malickien possède toujours deux mouvements généraux: une ascension rêveuse, idéaliste, suivie d'une descente plus conforme au réel. Je ne vois pas trace d'un déisme primitif ou d'une espèce de société idéalisée pré-civilisationnelle, excepté dans le Nouveau Monde (encore que), et d'ailleurs sur ce point, il est très difficile, sans même parler d'un Dieu, de savoir si l'autre-monde" cher à Malick, parfois mentionné par certains personnages ou questionné par l'image, est immanent ou transcendant; Une vie cachée n'échappant à la règle.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

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Supfiction a écrit :
G.T.O a écrit :faire percevoir une dimension métaphysique sur la base d'un enfermement dans une geôle, ou bien encore à saisir l'élévation de l'esprit par le corps affaibli et meurtri
Tiens, je me permettrai un second conseil de lecture ("Bernard Pivot si tu nous regardes"), cette fois-ci Le Vagabond des étoiles de Jack London. Ce que tu as vu dans le film, et absolument pas moi en revanche, y est le sujet central. C'est un très grand livre.
Je prends note mon beau ! :wink:
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Coxwell »

G.T.O a écrit :
Coxwell a écrit : Réduire le problème 'style perçu comme ne bougeant pas" me paraît être bien rapide quand on sait que le même commentateur (que je connais très bien) apprécie le cinéma slave particulièrement contemplatif, inscrit sur une dynamique de temps long, et au pouvoir de l'image fort signifiant, sans être à l'écart de la mystique de "l'éternel" (je pense au magnifique l'île de Pavel Lounguine). Le problème est le recyclage de Malick et de ses grigris appliqués pratiquement à tous les sujets, époques, environnements. Et ce, avec de plus en plus de maladresse. Une maniaquerie construite autour de ce fantasme d'un déisme primitif où les hommes vivent heureux et en harmonie, avant que le poids des hommes - en société contractuelle ou non - malmène cette harmonie presque intrinsèquement "naturelle", conduisant ainsi au seul choix consistant à la contemplation a minima mélancolique de la chute et la dépréciation de ce paradis perdu.
Mais alors de quoi parle t-on au juste ? Je commente son avis sur un film que toi-même tu n'as pas vu. Reconnaissons-le, c'est un peu absurde. :) A moins que la discussion porte sur l'existence ou non d'un système Malick, ce qui est une autre affaire. Evidemment, je ne fais pas de procès d'intention à un gus que tu aimes bien et que je ne connais pas, pas plus qu'à ses bons gouts supposés. Je trouve son avis caricatural et approximatif. Probablement agacé. Quant au reproche que le "style qui ne bouge pas", ou bien encore que Malick se recycle sans variation, sans changement notable, est une réduction inattentive aux variations que son cinéma émets depuis 10 ans (le dernier apporte des choses jamais vues chez lui). Où il est moins question de paradis perdu que d'un travail de remémoration d'un homme en crise (Knight of Cups) d'un idéalisme romantique (To The Wonder) ou bien encore d'éducation sentimentale (Song to Song). Même chose avec une Vie Cachée, où il s'agit moins de se plaindre de la disparition d'un paradis que de constater qu'un pays est, comme un vivant, frappé d'une maladie, la maladie nazie. Le conflit malickien possède toujours deux mouvements généraux: une ascension rêveuse, idéaliste, suivie d'une descente plus conforme au réel. Je ne vois pas trace d'un déisme primitif ou d'une espèce de société idéalisée pré-civilisationnelle, excepté dans le Nouveau Monde (encore que), et d'ailleurs sur ce point, il est très difficile, sans même parler d'un Dieu, de savoir si l'autre-monde" cher à Malick, parfois mentionné par certains personnages ou questionné par l'image, est immanent ou transcendant; Une vie cachée n'échappant à la règle.
Si tu relis correctement mes messages précédents, tu verras que je fais référence à ce qui "semblerait" faire écho à quelque chose devenu un système, comme tu le soulignes par ailleurs.
Quant à des avis caricaturaux et expéditifs, n'est-ce pas le problème de tout cinéphile qui est frappé à un moment donné par une grosse part de subjectivité et d'émotions pouvant faire l'objet d'une certaine vivacité tranchante ? Le même GTO qui assassine un film x ou y en trois lignes ne va quand même pas essayer de se dédouaner de ce genre de pratique, right ? :idea:
Que tu trouves des variations dans sa mise en scène et son texte ne me posent aucun problème, que tu ne puisses pas l'appliquer à tous les autres films (assassinés par tes soins) tout en faisant le procès d'intention à ceux qui osent critiquer saint-terrence, je trouve que c'est un peu fort de café.
Quant aux récurrences évoquées (tu fais l'impasse sur le fait que j'ai complexifié la question en évoquant les drames/affres du contrat social sur les hommes en société), on les retrouve de manière presque systématique dans la plupart de ces oeuvres. J'ai pas mal travaillé avec Jean-Michel Durafour (ayant une partie de ses travaux axés sur Malick), la question ne m'est pas si étrangère dans la mesure où ces mécanismes sont généralement mis en avant par les chercheurs comme des forces profondes de l'oeuvre malickienne (éléments qui représentent des qualités je l'accorde, mais qui, me concernant, procèdent désormais à une horlogerie un peu trop répétée et ... usée).
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Message par G.T.O »

Coxwell a écrit :...
Quant à des avis caricaturaux et expéditifs, n'est-ce pas le problème de tout cinéphile qui est frappé à un moment donné par une grosse part de subjectivité et d'émotions pouvant faire l'objet d'une certaine vivacité tranchante ? Le même GTO qui assassine un film x ou y en trois lignes ne va quand même pas essayer de se dédouaner de ce genre de pratique, right ? :idea:
Que tu trouves des variations dans sa mise en scène et son texte ne me posent aucun problème, que tu ne puisses pas l'appliquer à tous les autres films (assassinés par tes soins) tout en faisant le procès d'intention à ceux qui osent critiquer saint-terrence, je trouve que c'est un peu fort de café.
On parle de quoi ? De moi, de mon indulgence à l'égard de Malick (bien que je n'aime pas trop To The Wonder par exemple) ou de ma remarque sur l'avis de ton ami sur un film qui, dois-je le rappeler, tu n'as toi-même pas vu, et que je trouve caricatural ? Ça fait peut être écho à tes réserves mais difficile d'en débattre sur Une Vie Cachée tant que tu ne l'as pas vu. Ais-je le droit de trouver son avis caricatural ? Le suis-je sur d'autres films que ceux de Malick, certainement; pour toutes les raisons que tu évoques. Ce n'est pas une critique ad hominem ni une allergie à tout avis contraire. L'avis de ton ami affirme que le style de Malick, j'abrège à escient, c'est toujours la même chose: là dessus je m'inscris en faux.

Coxwell a écrit : Quant aux récurrences évoquées (tu fais l'impasse sur le fait que j'ai complexifié la question en évoquant les drames/affres du contrat social sur les hommes en société), on les retrouve de manière presque systématique dans la plupart de ces oeuvres. J'ai pas mal travaillé avec Jean-Michel Durafour (ayant une partie de ses travaux axés sur Malick), la question ne m'est pas si étrangère dans la mesure où ces mécanismes sont généralement mis en avant par les chercheurs comme des forces profondes de l'oeuvre malickienne (éléments qui représentent des qualités je l'accorde, mais qui, me concernant, procèdent désormais à une horlogerie un peu trop répétée et ... usée).
Le thème rousseauiste de la condition pré-sociale de l'homme, sa bonté naturelle disons, ne s'applique que très partiellement au Nouveau Monde, seul film de Malick ayant le plus de rapport avec cette idée du philosophe français. Car la culture indienne peut ressembler à un état de nature, dans lequel l'homme n'est pas encore aliéné dans des rapports sociaux. Mais, il y a comme avec Rousseau une illusion: le philosophe rappelle que c'est une expérience de pensée destiner à penser la nature humaine en tant que tel, sans rapports sociaux. De même que Malick évoque ce thème de la bonté naturelle de l'homme par le biais de le vision idéalisée de Smith. Mais là encore ce thème et son déploiement ne s'applique pas à sa trilogie moderne, pas plus à Badlands ni aux Moissons, et encore moins à propos de la Vie Cachée.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Coxwell »

G.T.O a écrit : On parle de quoi ? De moi, de mon indulgence à l'égard de Malick (bien que je n'aime pas trop To The Wonder par exemple) ou de ma remarque sur l'avis de ton ami sur un film qui, dois-je le rappeler, tu n'as toi-même pas vu, et que je trouve caricatural ? Ça fait peut être écho à tes réserves mais difficile d'en débattre sur Une Vie Cachée tant que tu ne l'as pas vu. Ais-je le droit de trouver son avis caricatural ? Le suis-je sur d'autres films que ceux de Malick, certainement; pour toutes les raisons que tu évoques. Ce n'est pas une critique ad hominem ni une allergie à tout avis contraire. L'avis de ton ami affirme que le style de Malick, j'abrège à escient, c'est toujours la même chose: là dessus je m'inscris en faux.
J'ai déjà répondu et nourri la remarque précédemment, si je continue, on tombera dans un dialogue de sourds.
Coxwell a écrit : Le thème rousseauiste de la condition pré-sociale de l'homme, sa bonté naturelle disons, ne s'applique que très partiellement au Nouveau Monde, seul film de Malick ayant le plus de rapport avec cette idée du philosophe français. Car la culture indienne peut ressembler à un état de nature, dans lequel l'homme n'est pas encore aliéné dans des rapports sociaux. Mais, il y a comme avec Rousseau une illusion: le philosophe rappelle que c'est une expérience de pensée destiner à penser la nature humaine en tant que tel, sans rapports sociaux. De même que Malick évoque ce thème de la bonté naturelle de l'homme par le biais de le vision idéalisée de Smith. Mais là encore ce thème et son déploiement ne s'applique pas à sa trilogie moderne, pas plus à Badlands ni aux Moissons, et encore moins à propos de la Vie Cachée.[/justify]
Si tu relis précédemment mes propos tu verras à deux reprises que j'évoque justement l'écueil contrasté de l'homme devenu être social, écrasé par le contrat. C'est un thème très puissant (certains diraient impuisamment poseur) chez Malick. J'ai failli ajouter que ces thématiques concernent essentiellement sa carrière au XXe siècle, même si la Ligne rouge en amorce les premiers éléments.
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Message par David Locke »

Pour poursuivre dans la discussion philosophique, je dirais que c'est une erreur de considérer l' "état de nature" de l'humanité comme pré-social ou en dehors de toute sociabilité.
De fait, il me semble plutôt que c'est précisément la sociabilité qui caractérise l'humanité. L'argument principal de cette thèse repose sur le fait que les petits humains sont incapables de survivre sans l'aide d'un tiers adulte qui le nourrit, réchauffe, etc. Par comparaison, nombre de mammifères sont capables de se mettre debout sur leurs pattes le jour même de leur naissance, et la plupart ne tardent pas à pouvoir se nourrir seuls...
De fait, les échanges de regards mère-enfant vont établir la base de la sociabilité, et même de la personnalité, de chaque être humain - son degré de confiance en lui se bâtissant à partir de la confiance qu'il ressent à l'égard de sa mère nourricière, confiance qui ne peut se développer que dans un sentiment de sécurité.
Avec un tel départ dans la vie, on comprend pourquoi les êtres humains ont tant de mal à supporter les périodes de solitude (être abandonné sur une île déserte aboutira quasi certainement à la folie).

Chez Malick, en tout cas dans des films comme La ligne rouge ou Le nouveau monde, il n'y a pas de naïveté à l'égard des peuples "premiers". Ils sont décrits comme des sociétés constituées tout aussi perfectionnées que peuvent être nos sociétés modernes. La différence, essentielle, est que les sociétés dites "primitives" n'ont pas l'obsession de maîtrise de la nature de l'homme moderne. Elles se contentent de composer avec la nature, cette grande indifférente (indifférence que Malick a l'habitude d'illustrer par des inserts du bestiaire fantastique que constitue la faune sur Terre, sans rapport avec les drames vécus par les humains).
Composer avec la nature plutôt que vouloir la dominer à tout prix est une position bien plus sage, vers laquelle l'écologie moderne tente de nous orienter. En espérant que ce ne soit pas trop tard...
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Coxwell »

Ce n’est pas tant l’humanité qui intéresse et caractérise le cinéma et la réflexion de Malick que l’être, son état initial et la question du contrat social, qui n’est pas tout à fait la même chose que la sociabilité.

De plus, la question du primitif ne peut pas être dissocié de la question mystique. Il y a chez Malick non pas une question de naïveté mais plutôt de postulat que la mystique native liant l’homme et la nature, brisé par le principe même du contingenté social, dans son acception rousseauiste du terme.
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par G.T.O »

Coxwell a écrit :Ce n’est pas tant l’humanité qui intéresse et caractérise le cinéma et la réflexion de Malick que l’être, son état initial et la question du contrat social, qui n’est pas tout à fait la même chose que la sociabilité.
Je veux bien mais où vois-tu cela, Coxwell ? Si la question du contrat social traverse le cinéma de Malick, nourrit sa réflexion, dans quel film peut-on l'observer ? Et comment cela s'exprime t-il ?
Coxwell a écrit : De plus, la question du primitif ne peut pas être dissocié de la question mystique. Il y a chez Malick non pas une question de naïveté mais plutôt de postulat que la mystique native liant l’homme et la nature, brisé par le principe même du contingenté social, dans son acception rousseauiste du terme.
Je ne comprends pas. :oops:
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Re: Une Vie Cachée (Terrence Malick - 2019)

Message par Alexandre Angel »

G.T.O a écrit :
Coxwell a écrit : De plus, la question du primitif ne peut pas être dissocié de la question mystique. Il y a chez Malick non pas une question de naïveté mais plutôt de postulat que la mystique native liant l’homme et la nature, brisé par le principe même du contingenté social, dans son acception rousseauiste du terme.
Je ne comprends pas. :oops:
Il veut dire que si l'on considère qu'une certaine primitivité irrigue Le Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau, un certain rousseauisme primitiviste ne saurait être exclu de la conception malickienne d'un contingentement de la question sociale dans sa dimension mystique. C'est du moins l'interprétation que j'en fais.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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