Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Profondo Rosso »

tenia a écrit : 19 janv. 23, 16:08 Si finalement, c'est conscient qu'il faut prendre tout cela comme une vision fictive/romancée de l'époque, je vois mieux le traitement.
Oui le seul "vrai" protagoniste du film que l'on croise est Irving Thalberg, tout let reste sont des réminiscences (Clara Bow, Anna May Wong, John Gilbert, la chroniqueuse mondaine Hedda
Hopper) rebaptisées, donc sympa pour qui a ses références de l'âge d'or Hollywoodien et aucune gêne pour ceux qui ne les ont pas.
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tenia
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par tenia »

Profondo Rosso a écrit : 19 janv. 23, 16:28sympa pour qui a ses références de l'âge d'or Hollywoodien et aucune gêne pour ceux qui ne les ont pas.
Je ne parle pas forcément de références précises (genre l'affaire Arbuckle et Rappe), mais je me demande si Chazelle prend le "mélange de ragots et de légendes" pour argent comptant, genre "c'était ça, le Hollywood de cette époque", ou s'il y a une certaine distance quant à la véracité probablement discutable de ces histoires et la distorsion qu'elles peuvent introduire entre ce qui s'y passait réellement et l'image qu'on s'en fait.
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Profondo Rosso
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Profondo Rosso »

tenia a écrit : 19 janv. 23, 16:45
Profondo Rosso a écrit : 19 janv. 23, 16:28sympa pour qui a ses références de l'âge d'or Hollywoodien et aucune gêne pour ceux qui ne les ont pas.
Je ne parle pas forcément de références précises (genre l'affaire Arbuckle et Rappe), mais je me demande si Chazelle prend le "mélange de ragots et de légendes" pour argent comptant, genre "c'était ça, le Hollywood de cette époque", ou s'il y a une certaine distance quant à la véracité probablement discutable de ces histoires et la distorsion qu'elles peuvent introduire entre ce qui s'y passait réellement et l'image qu'on s'en fait.
Dans le film ou les interviews de lui il ne revendique pas du tout avoir voulut retranscrire la réalité, je n'irai pas jusqu'à dire que c'est du Baz Luhrmann mais c'est clairement une projection fantasmée dans l'histoire et les protagonistes. Il y a certaines note d'intention sur les scène de fête ou la bande-originale qui l'explicitent.
"Quand nous avons évoqué le film pour la première fois, Damien a clarifié qu'il ne voulait pas que la danse ressemble à ce qu'on attend des années 20. Sortez donc de votre tête tout ce qui a à voir avec le charleston, le swing, les jazz hands ou les flappers". Margot Robbie explique : "Tous ces mouvements que l'on associe aux années 20 sont en fait issus de la danse africaine."

"C'était ma référence pour la scène de la fête. Même si on a été confrontés à des contraintes à cause des grues et de la caméra, j'ai pu explorer les mouvements et trouver quelque chose de réel qui avait cette énergie authentique, propre à Nellie."
Damien Chazelle et Justin Hurwitz voulaient doter Babylon d'un univers musical qui ne soit pas anachronique au point de faire sortir le spectateur des années 1920, mais tout de même très éloigné de la représentation habituelle du jazz pittoresque de cette décennie. Le compositeur explique :

"C'est beaucoup plus sauvage et plus agressif. Il faut garder à l'esprit que la musique qui a été enregistrée et archivée dans les années 20 ne représente qu'une infime partie de la musique jouée à Los Angeles à l'époque. Car on entendait également une musique underground, qui n’a jamais eu l’occasion d’être enregistrée. Nous voulions imaginer la profondeur, la variété et la gamme sauvage des sons ayant pu exister, mais dont nous n’aurons jamais réellement connaissance."
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Flol »

A vous lire, j'ai l'impression que ce Babylon (que je n'ai pas vu) serait à rapprocher de la série de Ryan Murphy pour Netflix, Hollywood (que je n'ai pas vue). Non ?
(faites comme si vous ne m'aviez pas vu non plus)
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Profondo Rosso
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Profondo Rosso »

Flol a écrit : 19 janv. 23, 17:03 A vous lire, j'ai l'impression que ce Babylon (que je n'ai pas vu) serait à rapprocher de la série de Ryan Murphy pour Netflix, Hollywood (que je n'ai pas vue). Non ?
(faites comme si vous ne m'aviez pas vu non plus)
C'est beaucoup mieux que la série de Ryan Murphy je trouve, qui créait une uchronie woke un peu forcée en gardant pour le coup tous les vrais noms. Mais le point commun c'est de rejouer le côté décadent et dépravé à la Kenneth Anger (surtout dans les 1ers épisodes).
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par odelay »

La série de Ryan Murphy est l’un des pires trucs que j’ai vu en série. Pourtant j’avais adoré Feud. Mais là, dans le genre foutage de gueule ! J’espère qu’on n’est pas à ce niveau.
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Watkinssien »

Boba Fett 69 a écrit : 19 janv. 23, 13:42 "Woke-approved"


Déjà c'est rédhibitoire pour moi. Peu importe ce qu'il y a autour.
Un aspect qui me gonfle aussi quand c'est voyant pour rien mais là, je ne vois pas trop. :|

Sinon, je plussoie l'avis très intéressant de Profondo Rosso!
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par cinephage »

Je souscris également en tous points à l'analyse de Profondo Rosso (j'aurais juste eu un mot pour la musique de Hurwitz, qui n'hésite pas à citer occasionnellement des thèmes de La La Land, précisément à des moments qui abordent la même cruauté, le même nécessaire renoncement pour parvenir à tutoyer les sommets de cet art non mineur qu'est le cinéma). Tu résumes bien mieux les choses que je n'aurais su le faire.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Profondo Rosso »

cinephage a écrit : 20 janv. 23, 00:40 (j'aurais juste eu un mot pour la musique de Hurwitz, qui n'hésite pas à citer occasionnellement des thèmes de La La Land, précisément à des moments qui abordent la même cruauté, le même nécessaire renoncement pour parvenir à tutoyer les sommets de cet art non mineur qu'est le cinéma).
Totalement ce thème là par exemple qui est une vraie variation de celui de La La Land



Justin Hurwitz il a l'ai de ne composer que pour son pote Damien Chazelle, mais alors à chaque fois il donne tout, les morceaux jazzy plus furieux des scènes de fêtes/orgies sont assez incroyable d'énergie frénétique. A écouter dans le froid matinal avant de prendre le métro :mrgreen:

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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par monk »

Watkinssien a écrit : 19 janv. 23, 18:51
Boba Fett 69 a écrit : 19 janv. 23, 13:42 "Woke-approved"


Déjà c'est rédhibitoire pour moi. Peu importe ce qu'il y a autour.
Un aspect qui me gonfle aussi quand c'est voyant pour rien mais là, je ne vois pas trop. :|
Ça n'a finalement aucune importance puisqu'on est pas dans "la réalité". C'est du fantasme, de l'allégorie, pas une reconstitution historique. Donc qu'un mexicain devienne producteur exécutif de la MGM et que de riches blancs déroulent le tapis rouge à des musiciens de jazz noir n'est pas du tout un problème dans ce contexte.

Quand à la musique...Là encore, ça ne me dérange pas que la musique ne corresponde pas à l'époque (J'ai adoré The Knick aussi pour l'audace de sa musique) mais je n'aime pas qu'on essaye de me faire croire que c'est la musique de l'époque. Quand je lis:
Damien Chazelle et Justin Hurwitz voulaient doter Babylon d'un univers musical qui ne soit pas anachronique au point de faire sortir le spectateur des années 1920, mais tout de même très éloigné de la représentation habituelle du jazz pittoresque de cette décennie.
...moi ça me hérisse le poil. Je suis peut être un peu conservateur,, mais c'est aussi un peu ma partie. Pour moi le jazz de l'époque n'est pas "pittoresque" et la musique (aussi bonne soit-elle) m'a fait sortir du film, justement parce qu'ils voulaient me faire croire que ça, ça se jouait à l'époque. Et c'est non.
Mais encore une fois, ça n'a finalement aucune importance, puisqu'on est pas dans un film historique. Donc tout est permis, et je dis ça sans aucun sarcasme. Ce n'est juste pas un film pour moi et c'est tant mieux si vous avez su l'apprécier !
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Ouf Je Respire »

OK tout le monde se détend, là.

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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Boba Fett 69 »

monk a écrit : 20 janv. 23, 10:41
Watkinssien a écrit : 19 janv. 23, 18:51

Un aspect qui me gonfle aussi quand c'est voyant pour rien mais là, je ne vois pas trop. :|
Ça n'a finalement aucune importance puisqu'on est pas dans "la réalité". C'est du fantasme, de l'allégorie, pas une reconstitution historique. Donc qu'un mexicain devienne producteur exécutif de la MGM et que de riches blancs déroulent le tapis rouge à des musiciens de jazz noir n'est pas du tout un problème dans ce contexte.



Bien pratique pour adapter les codes du moment à n'importe quelle époque. Et donc l'idéologie qui va avec.
Révisionnisme, cancel culture, toussa...
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Profondo Rosso »

Boba Fett 69 a écrit : 20 janv. 23, 16:59
monk a écrit : 20 janv. 23, 10:41

Ça n'a finalement aucune importance puisqu'on est pas dans "la réalité". C'est du fantasme, de l'allégorie, pas une reconstitution historique. Donc qu'un mexicain devienne producteur exécutif de la MGM et que de riches blancs déroulent le tapis rouge à des musiciens de jazz noir n'est pas du tout un problème dans ce contexte.



Bien pratique pour adapter les codes du moment à n'importe quelle époque. Et donc l'idéologie qui va avec.
Révisionnisme, cancel culture, toussa...
Vous être trop braqué sur le woke, le personnage du mexicain a une inspiration réelle en fait
Inspirations pour Manny
Manny a été inspiré par plusieurs personnages réels. L'un d'entre eux est Rene Cardona, un immigrant cubain dans le Hollywood des années 1920, qui a gravi les échelons pour devenir le plus jeune directeur de studio de la ville, et qui a ensuite joué un rôle important dans l'âge d'or du cinéma mexicain.

Parmi ses comparses, on trouve également Enrique Vallejo, un immigrant mexicain qui a commencé comme caméraman pour Chaplin avant de se tourner vers la réalisation et la supervision de la production, et les frères Rodriguez, qui ont participé à la révolution du cinéma parlant à la fin des années 1920.
Chazelle c'est un malin à la Tarantino qui s'est bien documenté sur les coulisses méconnues qu'il mixe avec la fiction. Ca me rappelle quand tous le monde s'était braqué sur l'irrespect envers Bruce Lee dans la scène où il prend une rouste par Brad Pitt dans Once upon a time alors que l'anecdote est tout à fait vraie :mrgreen:
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Mama Grande! »

J’ai pensé à Hollywood de Murphy et à Moulin Rouge!… MAIS le talent en plus.

On pourra s’agacer de la woke friendliness, du refus de la reconstitution crédible de l’époque, de la longueur pas toujours justifiée et des gags scatos. Mais j’ai ressenti une telle énergie, une telle passion, un tel plaisir de cinéma que j’en suis sorti à la fois mélancolique et sur un nuage.
Le sujet n’est pas tant Hollywood que la cinéphilie maladive, la passion qui bouffe, le don de son être à des rêves manufacturés qui consument ses acteurs mais nous laissent un héritage sublime.
Là où Wilder ou Lynch nous montraient les rêves de gloire brisés, Chazelle nous montre les excès où la passion nous conduit. Et comment cette passion demeure malgré les séparations, les deuils, et le passage du temps. Le film sur la passion du cinéma que je rêvais de voir sans savoir que je rêvais de le voir.
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Re: Babylon (Damien Chazelle - 2022)

Message par Flol »

J'aurais aimé voir tout ça, moi aussi. Mais je suis bien plus circonspect.

Car ce qui devait arriver arriva : à force de lui dire que c'est un petit génie, Damien Chazelle y a cru. Et s'est pris des airs de grandeur avec ce Babylon bordélique et chaotique, qui manque clairement d'un point de vue solide pour donner un semblant d'assise à son film.

Alors au bout de 5mn, on a déjà droit à du caca d'éléphant déversé sur la caméra, du pipi, un peu plus tard on aura aussi droit à du jet du vomi en plan large...bon on l'a compris : le Hollywood des années 20-30, sous le verni, c'était vraiment pas joli joli - chose que tout le monde savait déjà, en tout cas ceux qui avaient au moins lu Kenneth Anger.
Tout est donc très prévisible, les parcours des personnages que l'on suit tour à tour ne sortent que très rarement du cadre attendu, mais comme c'est extrêmement rythmé (voire frénétique), et qu'il y a tout de même une certaine maestria par moments dans la gestion des mouvements d'appareil, le film flatte l'oeil régulièrement...mais tout ça au nom de quoi ? Qu'est-ce que ça raconte précisément ? Qu'est-ce que je suis supposé retenir de ce maelstrom d'images et de sons agressifs ?
Au-delà de deux séquences (la galère du tournage de la première scène parlante, et surtout la descente dans un tunnel qu'on croirait issu d'un film de Gaspar Noé), qui pourraient individuellement constituer de chouettes petits court-métrages, pas grand-chose n'a retenu mon attention.
Malgré tous les efforts et toute l'énergie que Chazelle y a mis, son Babylon peine à emporter et à émouvoir autant qu'il le souhaiterait.

À ce titre, il est maintenant temps d’aborder LA séquence, la cata, celle qui à elle seule a failli me faire oublier les quelques qualités évidentes du film : ce montage final, une espèce d'ode aussi neuneu que malvenue au cinéma en tant qu'élément fédérateur.
À ce moment-là, je ne savais même plus ce que je regardais : une pub pour s'abonner à Canal+ ? Un film institutionnel pour redonner au public le goût du cinéma ? Le boulot ultra scolaire d'un étudiant en 2ème année de cinéma, évidemment fan de Godard mais qui aime bien aussi se faire de petits blockbusters comme Avatar de temps en temps ?
Bref : qu'est-ce que ça vient foutre ici ?? Le message est pourtant clair comme de l'eau de roche, et c'est justement ça le problème : ce n'était vraiment pas la peine de nous infliger ce mini-film dans le film pour bien nous faire comprendre que "Ahlala c'est quand même beau le cinéma ! Regardez comme c'est rassembleur, regardez comme tout le monde a les yeux ébahis face au même écran, que l'on soit blanc, noir, jaune ou violet, parce que fuck le racisme !" (super le travelling pas finaud du tout pour bien appuyer ça).

Un montage final qui a donc presque failli me faire oublier que j'avais notamment vu pendant quasi 3 heures un festival Margot Robbie, plus affriolante et percutante que jamais (joli pétage de plombs, même si je me serais bien passé de son climax). Et ça, c'est impardonnable.

PS : par contre, en ce qui concerne les accusations de "wokisme"...va vraiment falloir arrêter la parano, les gars.
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