Tàr (Todd Field - 2022)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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shubby
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par shubby »

-Kaonashi Yupa- a écrit : 7 févr. 23, 15:09
mannhunter a écrit :Au menu du dernier Positif
(...) critique du film écrite un peu n'importe comment.
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- Tàr ta gueule à la récré !
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-Kaonashi-
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par -Kaonashi- »

shubby a écrit : 7 févr. 23, 21:54 Image

- Tàr ta gueule à la récré !
Tu es Eric Dérobert (auteur de cette critique) ?
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par G.T.O »

El Dadal a écrit : 7 févr. 23, 17:13
G.T.O a écrit : 7 févr. 23, 10:40 Mais que se passe t’il au juste dans ce film pour expliquer pareille hallucination critique ?
Cette froideur au carré, qui tient à la fois du cadre de vie (Berlin, glaciale, forcément) et du destin d’une ambition personnelle, Cate Blanchett en cheffe d’orchestre robotisée, frappée d’excellence mais lesbienne malheureuse ou de ces personnages zombifiés pris au piège d’affaires n’intéressant qu’eux mêmes. Ou serait-ce le programme mollement kubrickien du dérèglement, vu cent fois ailleurs et en mieux, du fameux vernis bourgeois qui se craquèle par désir ? Reste que plus de 2h passe (sur 2h38), sans que cette trajectoire de vie ne dévie, excepté, tardivement, l'espace d'un un court moment pour y faire l’aveu insignifiant sinon dérisoire suivant: et si tout ceci n'était au fond qu’un jeu de pouvoir aphrodisiaque. Inutile de dire que l’on reste perplexe face à ce qui, pour reprendre la définition livrée par Léonard Bernstein de la musique, et qu’ambitionne le film sans jamais l’atteindre: intentionnalité de mouvements des sentiments.
Dommage GTO de balayer le contenu du film d'un revers de la main. Qu'on apprécie ou pas, il me semble pourtant assez évident que Field prend bien soin de creuser suffisamment de pistes différentes, et de jouer avec de nombreux sous-textes, pour qu'on puisse lui autoriser des interprétations un peu moins cadenassées.

J'en profite pour faire suivre un lien (anglais seulement, désolé, et attention spoilers) assez bien fait, qui explore la facette hantée de Tár et permet de rabattre un certain nombre de cartes : https://slate.com/culture/2022/12/tar-c ... ftGe32atO0.
Mais de ce que l'oeuvre suggère, parvient à rendre sensible des non-dits, qui tient essentiellement au passé, background, du personnage, concernant notamment ses précédentes relations jusqu'au fantôme de suicide, non seulement ce sont des éléments de ce passé trouble que l'on le devine plutôt bien (ç'est même annoncé dès le départ avec le sms), mais des éléments anecdotique, la gain, "pay-off" comme on dit en scénario, et minime pour le drame qui se joue. Quant à savoir si, comme le précise l'article, la fin est ou non un fantasme, si l'ambiguïté dont elle se pare, là aussi éminemment kubrickienne, on peut juste déplorer ladite récompense soit aussi dérisoire: à la fois, prévisible et sans intérêt sur le programme de déréglement. A la rigueur, ça fait partie d'un lieu commun du thriller psychologique.
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tenia
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par tenia »

Cela déplace cependant le centre d'intérêt de l'histoire du film, en déplaçant ce qui affecte Tar.

Ce n'est donc pas si anecdotique que ça, il me semble. Perso, même si je ne trouve pas que cela révolutionnera le résultat final, j'étais passé à côté d'une partie de ce qui est pointé dans l'article et c'est une piste intéressante, notamment car cela ouvre le personnage à des atermoiements moins orgueilleux.
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par G.T.O »

tenia a écrit : 8 févr. 23, 09:27 Cela déplace cependant le centre d'intérêt de l'histoire du film, en déplaçant ce qui affecte Tar.

Ce n'est donc pas si anecdotique que ça, il me semble. Perso, même si je ne trouve pas que cela révolutionnera le résultat final, j'étais passé à côté d'une partie de ce qui est pointé dans l'article et c'est une piste intéressante, notamment car cela ouvre le personnage à des atermoiements moins orgueilleux.
Oui, peut-être, comme tu dis Tenia, que cela déplace légèrement le centre de gravité du personnage; quoique. Il n'empêche que la ruine du personnage, cette part détruite en elle, est aisément décelable, et participe, comme je le disais, d'un programme. Car, cette froideur est par trop immaculée, trop impénétrable pour ne pas susciter immédiatement la méfiance. C'est une surface trop lisse, un masque posé une ruine. On est pas loin du faussaire pris dans un délire mégalomaniaque, où finalement tout ce que l'on voit est hypothéqué du moindre indice de réalité, on y arpente le long de sa construction imaginaire.
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par tenia »

Sauf qu'il y a, il me semble, une différence entre se déplacer, grosso modo, de son obsession de sa carrière et son aura aux conséquences de celle-ci.
Il est évident que cet élément est traité dans le film, mais pas au point d'en faire de façon immédiatement visible un centre d'attention, une priorité.
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Si finalement, Tar est moins déchirée par son orgueil blessé (conséquence des autres sur soi) que par le suicide de Krysta (conséquence de soi sur les autres), ce n'est plus la même dynamique psychologique, il me semble).
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Message par El Dadal »

Et puis, ce n'est pas sale ! Se parer des atours du thriller pour bifurquer et parler d'autre chose, c'est même plus que classique. Quand Fincher réallise Gone Girl (avec lequel je vois plusieurs rapprochements possibles) pour parler du couple, il ne le fait pas autrement. Sauf que Field "évoque" certains de ces aspects, plus qu'il ne les utilise concrètement puisque beaucoup d'entre eux n'ont pas ni d'explication ni d'utilité narrative (la voisine, les hurlements dans le parc, les objets déplacés la nuit...)... à part dans le cadre d'un programme parallèle. Tout Tár tourne autour de la notion d'identité, du chef d'orchestre qui n'accepte pas Bach pour des raisons de genre
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jusqu'au titre lui-même (qui entérine le mensonge d'une nouvelle identité : Linda Tarr > Lydia Tár)
On est en droit de trouver la démarche vaine, mais on peut aussi s'en réjouir et la trouver ludique. À titre personnel, j'ai déjà envie de revoir le film et de l'explorer sous un nouvel angle.
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par G.T.O »

tenia a écrit : 8 févr. 23, 10:04 Sauf qu'il y a, il me semble, une différence entre se déplacer, grosso modo, de son obsession de sa carrière et son aura aux conséquences de celle-ci.
Il est évident que cet élément est traité dans le film, mais pas au point d'en faire de façon immédiatement visible un centre d'attention, une priorité.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Si finalement, Tar est moins déchirée par son orgueil blessé (conséquence des autres sur soi) que par le suicide de Krysta (conséquence de soi sur les autres), ce n'est plus la même dynamique psychologique, il me semble).
Les deux aspects sont liés, intimement. Son hubris et les conséquences de celui-ci sur sa vie affective: c'est un seul et même ego.
Après, pour répondre à El dadal, pas de problème à ce que le thriller psychologique bifurque pour interroger plus généralement des questions hors genre, de couple, ou d'identité. Même si la démarche impressionniste, lacunaire de Field, qui laisse en hors champ beaucoup d'éléments, ne contribue que trop rarement, pour moi, à faire consistance, tellement ces dérèglements font signes (objets déplacés, ambiance sonore perturbée...) et attendus, voire clichesques de ce qu'on appelle le trouble identitaire. Fincher dans Gone Girl avait conscience de cela, en jouait même, notamment dans une mise à distance ironique du matériau. Là, c'est le sérieux papal du réalisateur qui n'a pas compris que l'annonce, tout ce programme de miroir fêlé, ce dérèglement en mode lento, dont les signes jusqu'aux procédés frisent la préciosité et l'affectation, eh bien, tout cela sont déjà connus du spectateur.
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G.T.O a écrit : 8 févr. 23, 10:37Les deux aspects sont liés, intimement. Son hubris et les conséquences de celui-ci sur sa vie affective: c'est un seul et même ego.
Il y a de ça, mais dans le premier cas, cela parait extrêmement égocentré et orgueilleux : c'est sa carrière, ses ambitions, sa postérité, quelque chose d'assez froid et clinique. Dans le deuxième cas, ce n'est pas que sa vie affective, mais l'équilibre mental des personnes les plus proches d'elle.
Ce qui l'affecte elle et uniquement elle, et ce qui affecte aussi les autres.
D'aucun parlerait de démonstration de sympathie.
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Message par G.T.O »

tenia a écrit : 8 févr. 23, 10:55
G.T.O a écrit : 8 févr. 23, 10:37Les deux aspects sont liés, intimement. Son hubris et les conséquences de celui-ci sur sa vie affective: c'est un seul et même ego.
Il y a de ça, mais dans le premier cas, cela parait extrêmement égocentré et orgueilleux : c'est sa carrière, ses ambitions, sa postérité, quelque chose d'assez froid et clinique. Dans le deuxième cas, ce n'est pas que sa vie affective, mais l'équilibre mental des personnes les plus proches d'elle.
Ce qui l'affecte elle et uniquement elle, et ce qui affecte aussi les autres.
D'aucun parlerait de démonstration de sympathie.
On en fait peu cas de ce qui arrive et touche les autres, puisque on ne quitte jamais le regard de Tár. Écrit à la première personne, film éminemment subjectif, tout est vu à travers elle, ou disons à sa surface puisqu'on entre que rarement dans cette intériorité. Jamais séparé de son regard, à partir duquel le film s'écrit, il n y a, en effet, aucun plan "objectif" de ce qui se passe.
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

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G.T.O a écrit : 8 févr. 23, 11:11tout est vu à travers elle... Jamais séparé de son regard, à partir duquel le film s'écrit, il n y a, en effet, aucun plan "objectif" de ce qui se passe.
Mais est-ce vraiment, de façon générale, un problème ? Des films dont tout se passe en suivant le protagoniste, c'est quand même légion, il me semble.
Après, je suppose que quand on n'aime pas le résultat, on trouvera que ça manque d'objectivité (un peu comme quand on dira si le film est bon qu'il est ambitieux, s'il est mauvais qu'il est prétentieux).
G.T.O a écrit : 8 févr. 23, 11:11ou disons à sa surface puisqu'on entre que rarement dans cette intériorité
Au contraire, justement, il me semble que non seulement la psyché du personnage est assez lisible, mais que les éléments décrits dans Slate sont sinon justement autant d'éléments supplémentaires servant à cela.
Tar ne m'a jamais vraiment paru mystérieuse.
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par G.T.O »

tenia a écrit : 8 févr. 23, 11:32
G.T.O a écrit : 8 févr. 23, 11:11tout est vu à travers elle... Jamais séparé de son regard, à partir duquel le film s'écrit, il n y a, en effet, aucun plan "objectif" de ce qui se passe.
Mais est-ce vraiment, de façon générale, un problème ? Des films dont tout se passe en suivant le protagoniste, c'est quand même légion, il me semble.
Après, je suppose que quand on n'aime pas le résultat, on trouvera que ça manque d'objectivité (un peu comme quand on dira si le film est bon qu'il est ambitieux, s'il est mauvais qu'il est prétentieux).

Oui, précisément, ce genre de psycho-drame sont légion. Ce que je reproche principalement à ce film, c'est de manquer de mystère, et d'inventivité dans les procédés de cette histoire de crise, comme de sa chute. C'est commun, comme l'esthétique glaciale en totale cohérence avec le propos.
G.T.O a écrit : 8 févr. 23, 11:11ou disons à sa surface puisqu'on entre que rarement dans cette intériorité
Au contraire, justement, il me semble que non seulement la psyché du personnage est assez lisible, mais que les éléments décrits dans Slate sont sinon justement autant d'éléments supplémentaires servant à cela.
Tar ne m'a jamais vraiment paru mystérieuse.
Oui, ça oscille effet de surface et ce qui y affleure, et qui est, comme tu dis, et lisible, et, j'ajoute, appartenant à un genre. Cette lecture sur la confusion de ce personnage, son trouble qui touche jusqu'à sa perception, pointé dans l'article, sont transparents. Sans doute parce que Field accentue trop l'ambiance immaculée, cette exemplarité de carrière, cette robotisation de ce personnage, pour n'y voir qu'un hommage beta de cette réussite. Le camera scrute cette blancheur, s'y approche trop, pour mieux y révéler la fraude. Classique.
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Message par Flol »

A vous lire, je me rends compte que je ne sais absolument pas quoi écrire sur ce film. :|
A la fois dense, froid, énigmatique (avec ses quelques séquences qui semblent presque issues d'un film d'angoisse), mais aussi trop performatif (jusqu'à sa durée hypertrophiée et pas toujours justifiée, son générique de fin placé au début), trop éparpillé et qui me semble passer par moments à côté de son sujet principal.
Mais c'est sans doute moi qui faisais fausse route, m'attendant à un récit centré quasi exclusivement sur la chute d'une femme victime de la cancel culture. Ce qui est bien sûr abordé, mais plutôt en fin de film et via notamment une vidéo bidonnée parfaitement symptomatique de la malhonnêteté que peut générer ce type de pratique...mais c'est un élément qui sera finalement vite expédié, pour mieux s'intéresser à la tentative de reconstruction de Lydia Tár/Linda Tarr.

Avant ça, on a donc le portrait d'une femme ambitieuse, au comportement pas toujours très louable mais de là à se dire qu'elle a eu ce qu'elle méritait, que "Karma is a bitch", etc...j'avoue qu'il y a un pas que j'ai du mal à franchir. Certes elle flirte avec la jeune violoncelliste, elle a semble-t-il eu des problèmes par le passé avec une ancienne élève, mais...aucune certitude sur les méfaits qu'elle aurait pu commettre. J'aime bien ce trouble, le fait d'avoir justement aucune certitude, mais je me garderais justement d'en avoir la moindre vis-à-vis d'elle - contrairement à certains jeunes dépeints dans le film, pétris de bonne morale, de certitudes et d'idées préconçues, dont bien sûr ce jeune chef d'orchestre qui ne veut pas jouer du Bach parce que c'est rien qu'un "mâle-blanc-cis-hétéro-infidèle".

Toujours est-il que ça reste un film difficilement saisissable. On peut évidemment le louer pour ça, mais on peut aussi rester circonspect comme moi face à à un film formellement impressionnant, porté par une Cate Blanchett évidemment incroyable (ce maintenant va de soi, c'est un peu l'équivalent de dire d'un Pixar : "Wow c'est quand même super bien fait !"), qui ouvre des portes potentiellement passionnantes, mais qui semble ne pénétrer dans aucune de ces portes.
Même si je sais gré à Field d'avoir osé faire un film ancré dans le milieu de la musique classique, puisque non seulement c'est un univers inconnu pour la grande majorité d'entre nous, mais en plus il ose y aller sachant qu'il allait forcément avoir droit à des critiques sur son côté supposément intello/élitiste, qui pour moi sont surtout révélatrices du sentiment d'infériorité de ces mêmes critiques. Parce qu'il faut arrêter 2 minutes : le film n'a rien d'élitiste. Il y a certes quelques mots ou expressions que l'on ne capte pas forcément, mais ce n'est aucunement un frein à la compréhension de l'ensemble...ça lui donne même carrément un aspect extrêmement réaliste.

Donc au final, un objet frustrant mais tout de même indéniablement passionnant.

6.5/10

PS : et un demi-point supplémentaire pour la référence à Goldsmith.
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Re: Tàr (Todd Field - 2023)

Message par shubby »

-Kaonashi Yupa- a écrit : 8 févr. 23, 09:14
shubby a écrit : 7 févr. 23, 21:54 Image

- Tàr ta gueule à la récré !
Tu es Eric Dérobert (auteur de cette critique) ?
Meuh non. C'est juste pour la vanne.
Dernière modification par shubby le 8 févr. 23, 19:04, modifié 1 fois.
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Message par tenia »


Flol a écrit : J'aime bien ce trouble, le fait d'avoir justement aucune certitude, mais je me garderais justement d'en avoir la moindre vis-à-vis d'elle - contrairement à certains jeunes dépeints dans le film, pétris de bonne morale, de certitudes et d'idées préconçues, dont bien sûr ce jeune chef d'orchestre qui ne veut pas jouer du Bach parce que c'est rien qu'un "mâle-blanc-cis-hétéro-infidèle".
Ce que je trouve intéressant, car ce qui m'a semblé se jouer dans cet échange, c'est la naïveté des idéaux de la jeunesse face à l'expérience du monde réel et ses petits arrangements plus ou moins gris.
Si on part de là, il me semble presque, au contraire, plus facile d'avoir des "certitudes" (ou du moins une balance qui penche) envers Tar que pour elle, avec son discours facilement prenable comme pontifiant de prof qui a tout vu tout fait "le vrai monde c'est pas ça", donc quoi, hormis expliquer qu'il faut mettre son idéalisme de côté et accepter d'oublier ses valeurs ?
Ah oui top.

En un sens, cette vidéo bidonnée (partie du film que je trouve extrêmement factice d'ailleurs, peut-être que l'éclairage décrit dans Slate explique le pourquoi du comment, mais elle donne l'impression que tout le monde a filmé ce moment de 9 angles différents, pour finir avec une vidéo plus sur-monté qu'un teaser promo Marvel), c'est justement ce condensé d'incitation à la compromission qui revient au visage de Tar : ses jeux de séduction et de pouvoir, qui la servent autant elle que celles et ceux qui en profitent, qui se font aussi au détriment d'autres personnes, de certaines valeurs, et justement de la sorte de pureté de l'art qu'elle semblerait vouloir promouvoir. On en revient un peu au sketch de Blanche Gardin sur le boulanger prédateur "mais il faisait quand même d'excellentes baguettes".

Mais sur le fond, cela me semble au moins autant, voire bien plus, un échange de vieux briscard vs les petits jeunes naïfs que sur la cancel culture (d'ailleurs, Tar n'est finalement pas franchement cancel, sauf à considérer que faire de la musique de JV pour les Asiatiques, là, c'est vraiment un des cercles de L'Enfer Artistique).
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