Ginger e Fred (Ginger et Fred) Federico Fellini, 1986) :
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C'est un film que j'aime beaucoup. Et qui me laisse sur une drôle d'impression. En le voyant sur la fin, je me suis dit que je vais adorer Fellini plus que maintenant, plus que de mesure. Comme si j'étais trop en avance. Comme si c'était l'auteur d'un plus tard. Je l'aime beaucoup d'ores et déjà, c'est juste que j'ai le sentiment que je l'aimerai d'autant plus que je re-re-verrai ses films. Un cinéaste pour mon avenir. Un rendez-vous pris. En prenant de la bouteille. Pensée ou sentiment étranges qui me viennent seulement avec ce Ginger et Fred. Un film propice à une posture méditative, le menton sur le poing.
Sans doute que cet épisode tellement affectueux et nostalgique sur le vieillissement, sur les amours passées, sur la pudeur des sentiments et ce regard que posent Masina et Mastroianni sur leur vies, leur relation, leur métier sont autant d'appel à l'introspection souriante, apaisée. Une caresse assagie. Un film extrêmement délicat. A pleurer. Et tellement fellinien.
La caméra dans un fourmillement délirant de gestes, de cris, de rires, de corps et de bruits fracassants, d'explosions contrastés par des vides pleins, des cases noires, bleutées avec des personnages au fond, dans la pénombre ou sous les sunlights, sous les spots publicitaires, dans la nuit, avec des sons incongrus, des temps, des pauses, des personnages qui se regardent, se parlent, s'aiment avec une force et une profondeur ahurrissante, en quelques gestes, en quelques mots, avec un regard. Incroyablement beau, bon et bien. Le gigantesque capharnaüm de Fellini, le cirque ambulant déambulant, cette montagne de bruits et de sourires, cette masse d'humanité qui met en scène la simplicité et la délicatesse, tout bête, toute frêle. En une seconde, le noir se fait, et Ginger et Fred ne sont plus dans la lumière, ils sont tous les deux, malicieux, duo d'amour, deux petits vieux prêts à prendre la poudre d'escampette.
Derrière cette fanfare, se cache une mise au point vis à vis de la télé Berlusconienne, faite de pub, médias viandards, obscène consommation de corps, vendus par des mannequins dénudées et surmaquillées, une sorte de branle-bas de combat continu, putassier, armée de téléviseurs, de projecteurs vulgaires, de turgescences débectantes, tel ce pied de porc géant en guise d'enseigne publicitaire qui trône, gigantesque, écrasant la rue de sa masse (média).
En contre-point parfait, le petit couple de vieux, face à cette vulgarité tente par sa simplicité de survivre, avec le sourire, les souvenirs et l'amour intact.