
L’Extravagant Mr. Deeds
BLU-RAY - Région B
Wild Side vidéo
Parution : 16 mars 2022
Image
Une campagne de restauration a été initiée il y a quelques années par Sony sur plusieurs films de Frank Capra, sortis depuis en Blu-ray aux Etats-Unis et dont certains ont même eu les honneurs d'éditions françaises. Tous n'ont cependant pas traversé l'Atlantique : alors qu'on attend toujours La ruée ou La grande muraille (sortis en 2020 aux USA) et que Horizons perdus pointe son nez en UHD en mai prochain, c'est Wild Side qui prend les devants pour rééditer aujourd'hui L'extravagant Mr Deeds en France. Sortie depuis 2016 en Blu-ray aux Etats-Unis, il s'agit d'une minutieuse restauration 4K effectuée, non pas à partir du négatif original qui était dans un état trop instable et fragile, mais d'un contretype négatif d'époque, fabriqué peu de temps après la sortie du film dans les années 30, qui a été scanné par immersion dans un bain liquide spécial (méthode qui permet l'enregistrement optimal d'informations tout en atténuant la visibilité des impacts physiques - rayures - sur la pellicule). Il a encore fallu compléter cet élément, pour certaines secondes ou photogrammes trop endommagés, par des segments plus ou moins courts de plusieurs marrons Nitrate. Les travaux ont été effectués entre New York, Los Angeles... et Bombay (pour le nettoyage numérique).
N'y allons pas par quatre chemins : le rendu est simplement parfait, assez incroyable de précision et de stabilité pour un film qui va fêter ses 86 ans. A l'exception de quelques petites secondes issues des sources complémentaires, de simples photogrammes pendant les plans truqués (fondus enchaînés ou volets) ou un long passage de la scène du banc dans le parc (vers la 51e minute), dont les qualités de nuance et de précision sont logiquement en très net recul, la copie est immaculée, d'une grande stabilité et dénuée de pulsations. Le niveau de définition est poussé alors que la photographie utilise pourtant abondamment des filtres diffuseurs, parfois de manière assez marquée, comme cela se pratiquait à l'époque. L'étalonnage se montre élégant et nuancé, avec des contrastes très bien gérés, des niveaux de noirs à la fois soutenus et conservant du détail, tandis que la patine argentique est fine et idéalement respectée, sans problèmes de compression. Le genre de restauration 4 étoiles qu'on aimerait évidemment voir plus souvent, et qui enterre à plate couture la précédente édition du film en DVD, il est vrai assez ancienne (cf. l'impressionnant comparatif ci-dessous).
Pour l'anecdote, nous avons relevé l'apparition discrète d'une infime coloration magenta sur quelques images, un souci d'encodage (minime et très discret) répété à quelques reprises pendant les premières minutes. Notez également que le générique introductif est en français, avec reproduction des cartons d'époque, un zêle imputable à la branche française de Sony qui a fourni ce master à l'éditeur. Précisons que ces traductions françaises à l'image ne concernent que le générique et non les multiples unes de journaux ou autres écrits qui apparaissent pendant le film dans leur langue d'origine.
comparatif DVD Sony (2006) vs. Blu-ray Wild Side (2022) :
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Son
La version originale est plutôt bien restituée, propre et aussi détaillée que possible en fonction des limitations techniques de son époque : ouverture modérée, spectre réduit pour les voix, souffle présent. L'ensemble est bien équilibré (les ambiances sont souvent silencieuses, typiques de l'époque) et surtout dénué de sifflantes ou de saturations. Comme indiqué dans le carton d'ouverture, la version française n'est pas celle d'origine mais un doublage sans doute produit dans les années 80. Le rendu des voix est forcément très propre, avec un ton bien trop mat et sans réverbération, mais avec un bon équilibre d'ensemble. Par contre certains "détails" ont été modifiés, comme les sons d'ambiance ou la musique du générique qui n'est plus la même. On reconnaîtra la voix de Jacques Balutin pour le rôle de Lionel Stander.
Suppléments
L'extravagant Mr Deeds est proposé dans un élégant digibook comprenant un livret de 76 pages, soigneusement illustré, signé Frédéric Albert Lévy, co-fondateur de la revue Starfix et collaborateur régulier à DVDClassik. Il revient sur ce premier film où Frank Capra eut envie de "dire quelque chose au public", avec un discours politique brouillé "sous l'angle poétique de la morale", dans un récit parfois teinté de l'esprit de Molière ou Courteline. Des extraits de la biographie de Capra évoquent Jean Arthur, un "pari de dernière minute" qui devint au final l'actrice préférée du cinéaste, Frédéric Albert Lévy s'intéressant ensuite à la collaboration avec Gary Cooper, acteur parfait de naturel pour incarner l'intégrité et "le trait fondamental" du cinéma de Capra : l'ambiguité. Le critique discute ensuite de la notion d'auteur chère au réalisateur, et de son insistance à se déclarer le seul responsable de ses films, minimisant peut-être derrière les bons mots et les belles histoires de sa biographie l'importance du travail des scénaristes. Le livret comprend également une critique d'époque de l'écrivain Graham Greene sur "le meilleur film de Capra", qu'il compare au travail de Fritz Lang sur Fury, sorti à quelques semaines d'intervalle. Tout en louant les qualités des deux opus, il y regrette que le "registre de la terreur" utilisé dans Fury ait pénalisé le cinéaste allemand, poussé au compromis pour son final manqué ("on n'y croit pas"), alors que "la tendresse ironique" de Deeds laissa plus de liberté au réalisateur américain.
Commentaire audio de Frank Capra Jr (VOSTF)
Le fils de Frank Capra raconte la production du film, livrant un grand nombre d'anecdotes sur les coulisses du tournage durant l'époque des studios, expliquant les techniques de l'époque, le travail de son père, comme sa "faculté à inclure de l'humour dans ses films", "une part importante de son style narratif", notamment pour que le public soit plus facilement du côté du héros. Il revient sur la scène du repas avec le fermier suicidaire, "le coeur du film" ; les comédiens comme Gary Cooper "qui interprète le rôle à la perfection", avec son "air honnête" qui plaisait tant au cinéaste ; cette "histoire américaine que [Capra] se savait capable de raconter" et parle de Harry Cohn, le directeur de la Columbia, qui ne pensait que profits et économie, Un commentaire intéressant mais qui peut être répétitif, et surtout ponctué de nombreux silences, parfois bien longs...
Cinéma, cinémas - Frank Capra (15 min - SD upscalé HD - VOSTF)
Une des nombreuses pépites de cette excellente émission, et l'un des rares (si ce n'est le seul) entretien de Frank Capra pour la télévision française. Claude Ventura et Philippe Garnier on rencontré le cinéaste en 1984 près de Santa Monica, dans un lieu qui lui a porté bonheur puisqu'il y a écrit onze films. Il raconte son arrivée à la Columbia, studio fauché qui lui a permis de faire ses gammes de réalisateur, avec déjà l'envie de tout gérer lui-même - il répète à l'envi sa ritournelle "un homme, un film". Il évoque surtout ses méthodes de travail, comment il a su s'affranchir des techniques habituelles de tournage pour trouver les siennes, obtenir ce qu'il souhaitait à l'écran et tourner "mieux que les autres" : supprimer les répétitions pour capter "l'état brut" et sans mécanique de la première prise, utiliser plusieurs caméras simultanément, ou accélérer le tempo des acteurs pour augmenter l'énergie de la scène et mieux capter l'attention du spectateur...
Capra, une Amérique aux deux visages (24 min - HD)
Professeur émérite à l'Université de Caen, rédacteur au magazine Positif et auteur en 2005 d'un livre sur le réalisateur, Christian Viviani dissèque de manière intéressante le cinéma de Frank Capra, mélange de "virtuosité cinématographique" et d'un "discours pas si simple" qu'il a su composer dans sa propre forme de comédie, parfois à la limite du drame et de l'amertume, utilisant dès le muet (avec Harry Langdon) la figure du naïf "dans un monde de requins", à laquelle il apporte, notamment chez Deeds, une dimension "presque christique". Viviani démontre que "sa propre carrière est une histoire de revanche", façonnée par ses origines modestes : il montrera toute sa vie une détermination à s'intégrer (il ira jusqu'à s'engager dans l'armée pendant la guerre) et une volonté farouche "de pouvoir et de s'affirmer", lui qui gravira les échelons et obtiendra son nom au dessus des titres de ses films. Christian Viviani montre aussi comment la richesse de ses oeuvres vient de sa capacité à puiser ce qui l'intéressait chez ses collaborateurs, aussi bien des scénaristes politiquement à l'opposé de ses convictions avec qui il a pu décrire l'Amérique conservatrice et "celle qui va de l'avant", que des techniciens qui seront sensibles à ses recherches formelles (le directeur photo Joseph Walker) ou des stars en devenir : quelles seraient les carrières de Barbara Stanwyck, Gary Cooper ou James Stewart sans leurs premiers succès avec Capra ? Un réalisateur grâce à qui le studio Columbia pût sortir de son statut peu coté...
Deeds ou le faux candide (30 min - HD)
Poursuivant l'analyse de L'extravagant Mr Deeds, Christian Viviani évoque plus généralement quelques spécificités du cinéma de Frank Capra : son recours à la comédie, un genre où il se sent à l'aise et dont il maîtrise mieux l'écriture ; comment le réalisateur utilise la sur-émotivité de ses interprètes, le trac de Jean Arthur renforçant l'instabilité d'un personnage qui hésite entre deux camps opposés ; les seconds rôles "absolument essentiels" et les méchants "à la Dickens" ; son travail rigoureux et "sans états d'âme" sur le film global, quitte à en supprimer des parties s'il se rend compte de ses erreurs (Horizons perdus). Le critique évoque aussi l'importance de la collaboration avec le scénariste Robert Riskin, dont les influences de gauche apportent des charges politiques violentes pour certains films (L'homme de la rue qui alerte l'Amérique sur le risque fasciste), dans une collaboration d'idées contrastées qui se rejoignent et donnent finalement "une idée très juste de l'Amérique". Christian Viviani s'arrête enfin sur la partie du film qu'il préfère : la scène du procès où le spectateur découvre la naïveté feinte du héros derrière son "agonie mystique"...
Bande-annonce originale restaurée (1 min 29 s - HD - VOSTF)
En savoir plus
Taille du Disque : 48 504 462 380 bytes
Taille du Film : 33 242 935 296 bytes
Durée : 1:55:39.891
Total Bitrate: 38,32 Mbps
Bitrate Vidéo Moyen : 29,91 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 29918 kbps / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: French / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 2004 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 1976 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 2000 kbps / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Subtitle: French / 0,470 kbps
Subtitle: French / 40,772 kbps
Subtitle: French / 43,991 kbps