
L'Invasion des profanateurs de sépulture
BLU-RAY - Région B
Potemkine Films
Parution : 7 novembre 2023
Image
Mars 2023, l'éditeur américain Kino Lorber annonce la sortie (sans date) de Invasion of the Body Snatchers dans une nouvelle restauration 4K. Quelques temps plus tard, après plusieurs reports, Potemkine intègre définitivement le film dans son planning de sorties, pour le mois de novembre. Impossible de ne pas relier les deux annonces et oser naïvement espérer que l'éditeur français a retardé son édition pour pouvoir, justement, profiter de cette nouvelle restauration. Invasion of the Body Snatchers est maintenant entre nos mains et nous pouvons confirmer qu'il ne s'agit malheureusement pas d'un nouveau transfert. Petite déception, donc, même si le film est enfin disponible en Blu-ray, et pour la première fois en France dans des conditions correctes et au format respecté : on se souvient encore du pauvre DVD édité en 2000 aux Editions Montparnasse, aux images recadrée en 1.33. Aujourd'hui, Potemkine reprend donc le meilleur transfert disponible à jour, sorti chez les américains d'Olive Film en 2018 (retouchée par rapport à leur première édition de 2012), puis ensuite en Allemagne et en Angleterre.
Au premier abord, l'image de L'Invasion des profanateurs de sépultures se montre d'une grande douceur : le piqué manque de précision, le niveau de détail reste plutôt en retrait. Même si cela semble s'arranger en cours de film (plusieurs éléments photochimiques ont été utilisés ?), le rendu conserve en permanence une précision très modérée. Cela peut être causé par la qualité de la numérisation, sur des machines à la technologie limitée : n'oublions pas que le transfert part d'un scan effectué autour de 2012. Mais cela vient sans doute également du procédé Superscope utilisé sur ce film, autrement appelé "le Cinemascope du pauvre", qui permettait grâce à une lentille spéciale de projeter une image, originellement en 1.33, dans plusieurs ratios différents. Autrement dit, le film n'a pas été tourné au format large 2.0 mais "gonflé" par une lentille en projection, pour obtenir ce cadrage. Et dit autrement : l'image originellement carrée a été légèrement zoomée puis recadrée avec des caches pour rentrer dans ce format large.
bande annonce originale en 1.33 vs. film en Superscope 2.0
Un procédé qui occasionnait forcément une perte de qualité, d'où la sensation de douceur qui persiste pendant tout le film, à quelques gros plans près, plus convaincants et détaillés. On constate pourtant que la texture argentique semble bien respectée, avec un grain plutôt fin et discret. Sauf qu'à y regarder de plus près, notamment pendant les mouvements (d'objets, de corps, de caméra), une granulation plus épaisse apparaît en filigrane à proximité des contours : c'est le point faible d'un filtre qui a été appliqué pour affiner le grain, ce que l'on peut constater avec des extraits d'un ancien master HD inclus dans l'un des suppléments (cf. le comparatif ci-dessous), au grain plus épais et envahissant. L'étalonnage reste plutôt convaincant, malgré une impression de manque de nuances. Les noirs sont plutôt denses, appuyés mais conservant toujours du détail. Notez que Potemkine a financé quelques corrections numériques supplémentaires non négligeables : les images ont été stabilisées et bien nettoyées.
ancien master / nouvelle restauration : 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Ce sont donc des conditions de visionnage encore perfectibles mais finalement très honorables. On n'avait jamais vu le film dans une telle qualité et c'est déjà un grand pas qui a été fait. Reste à voir maintenant ce que pourra apporter de plus la future restauration 4K, en fonction du matériel qui aura été utilisé, etc.
Son
La version originale est de bonne facture, sans usures marquées, et a été bien nettoyée : on ne relève pas de sifflantes ni saturations ou souffle disgracieux. Les voix ont une présence correcte, les prises de son direct bénéficient d'une précision honorable. Malgré un rendu à peine couvert, le mixage semble bien restitué et dans un équilibre classique pour cette période, à peu près convaincant entre les voix et les arrière-plans/musique. La version française n'est pas d'époque, probablement élaborée dans les années 90 ou 2000, avec des arrière-plans d'ambiance et des musiques qui diffèrent régulièrement. Les voix cristallines jurent un peu trop par rapport à l'ancienneté du film, mais la piste conserve un bon équilibre. On pourra parfois remarquer un léger souffle. Notez que c'est Nicolas Marié qui a prêté sa voix au personnage de Miles Bennel.
Suppléments
L'invasion des profanateurs de sépultures est présenté dans un très beau Futurepak qui reprend le visuel de l'affiche originale. Le film est accompagné de nombreux suppléments :
Les sentinelles du gris (33 min - HD)
Spécialement produit pour cette édition, un essai vidéo du critique, historien et cinéaste Jean-Baptiste Thoret qui resitue ce grand classique dans le prolifique cinéma de science-fiction des années 50. Il raconte la genèse du projet initié par le producteur Walter Wanger, et évoque les significations cachées d'une histoire aux explications minimales qui laissait volontairement libre cours à l'interprétation. Le film est à la fois une parabole du maccarthysme, "l'une des attaques les plus chimiquement pures contre le péril communiste" et une critique de la société de consommation. Un film (comme ses remakes) qui prend le pouls de son époque, dans une déconstruction de l'American Way of Life et la prise de conscience d'une "forme d'aliénation nouvelle", la peur d'une idéologie dominante et le "cauchemar de l'uniformité". Jean-Baptiste Thoret analyse plusieurs scènes du film, montrant comment la mise en scène de Don Siegel joue avec les points de vue dans une "stratégie du regard retourné" qui met en doute l'identité des personnages et accentue l'impression d'étrangeté, par des images dissonantes où la normalité du quotidien devient "un espace de surveillance", où le spectateur doit traquer "les dysfonctionnements intérieurs", où "sortir du cadre, c'est risquer d'y revenir métamorphosé". Thoret évoque la fin originellement voulue par Don Siegel, "une des plus dramatiques qu'[il] a jamais tournées", complétée contre sa volonté par un prologue et une fin optimiste, et théorise sur le film comme une métaphore du cinéma et du travail de l'acteur. Un supplément assez passionnant, comme toujours avec Jean-Baptiste Thoret.
Potemkine reprend ensuite quelques-uns des suppléments de l'édition Olive Films, sortie aux Etats-Unis en 2018 :
L'étranger dans les yeux de l'autre (12 min - HD - VOSTF)
Kristoffer Tabori, fils de Don Siegel, lit un extrait de l'autobiographie de son père consacré à Invasion of the Body Snatchers. Le cinéaste y raconte l'écriture du projet, l'implication du producteur Walter Wanger, la création des cosses et des répliques humaines fabriquées en latex, en secret, ou les changements effectués par le studio dans le montage final, gardant toujours un ton ironique envers des producteurs similaires selon lui à des cosses sans émotion et sans humour. Kristoffer Tabori prend ensuite la parole pour raconter l'histoire d'amour de ses parents et le "coup de foudre immédiat" lorsqu'ils se sont rencontrés au studio Warner Bros. Lorsqu'il évoque leur séparation, quelques années plus tard, il pense aux faux-semblants d'un couple soi-disant idéal qui le ramènent aux interrogations d'un film où "on ne sait que très rarement à qui on s'adresse". Il évoque le fantasme américain d'une société où tout finit bien, une stabilité d'apparence qui n'existe pas vraiment. "Un écho direct à tous nos cauchemars". Un supplément intéressant et bien illustré par de très belles photographies de production.
La peur est réelle (13 min - HD - VOSTF)
Larry Cohen et Joe Dante, deux réalisateurs de genre, et pas des moindres, évoquent L'invasion des profanateurs de sépultures. Ils se souviennent de la découverte de ce film de science-fiction pour adulte, dont le sérieux a sans doute limité l'audience. Trop jeunes pour en comprendre les aspects subversifs et politiques, ils ont quand même apprécié cette nouvelle approche du thème "assez courant" des personnes possédées, mais en "plus sophistiqué", crédible.. et toujours d'actualité. Larry Cohen raconte que l'un de ses propres films s'est inspiré de la matière gluante des cosses, rappelant qu'il participa à l'écriture du remake d'Abel Ferrara, qui suggérait l'idée d'une base militaire où les humains étaient déjà des "pod people", aux ordres. Joe Dante, qui a dirigé Kevin McCarthy dans L'Aventure intérieure en 1987, raconte leur visite à l'auteur du roman Jack Finney. Le réalisateur rappelle malicieusement que le couple vedette de Invasion of the Body Snatchers était toujours surpris que, des décennies après, ce film reste encore le plus célébré de leurs carrières.
Hors normes (21 min - HD - VOSTF)
Un bon supplément, bien illustré là aussi, qui résume le parcours atypique du "fascinant" producteur Walter Wanger, par son biographe Matthew Bernstein. On revient sur l'"incroyable ascension" de ce producteur ambitieux qui, après avoir mené une brillante carrière, voit son statut dégringoler à cause de ses engagements sociaux et de sympathies sans doute trop à gauche. Il y aura la "déchéance fulgurante", après la tentative d'assassinat de l'amant de sa femme, l'actrice Joan Bennett. Ce sera la (brève) case prison, mais Wanger finira par remonter la pente jusqu'à produire avec pertes et fracas le Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz. Matthew Bernstein raconte la genèse du projet Invasion of the Body Snatchers, qui a été un "formidable tremplin" pour reconquérir sa place, en même temps qu'une histoire proche de ses convictions, à ce moment de sa vie, avec cette peinture d'une Amérique malade et hypocrite, et un héros jadis apprécié mais devenu paria, qui se bat pour le bien de tous...
L'Invasion des profanateurs de sépultures revisité (27 min - SD avec upscale - VOSTF)
Making of très classique, produit en 2006, qui revient sur la production du film - et reste donc un peu redondant avec les suppléments précédents. Le module a cependant l'avantage de proposer des témoignages de Kevin McCarthy et Dana Wynter, le couple principal du film, ainsi que divers auteurs ou spécialistes du genre, voire des scénaristes et des réalisateurs comme John Landis, Mick Garris ou Stuart Gordon. Mais malgré le casting intéressant, les commentaires ne sont pas toujours d'une pertinence folle... On évoque entre autres le savoir-faire de Don Siegel, les seconds rôles marquants comme King Donovan ou Carolyn Jones, l'apparition de Sam Peckinpah dans un petit rôle, la création des effets spéciaux, les allusions "profondément étranges" à la sexualité, les différents sous-textes du scénario, la "mauvaise fin" du livre qui fût réinventée pour le cinéma, ou le "dénouement optimiste" ajouté après coup.
Bande-annonce originale (2 min 24s - HD - VOSTF) au format carré 1.33.
En savoir plus
Taille du Disque : 46 560 075 864 bytes
Taille du Film : 24 403 032 960 bytes
Durée : 1:20:17.103
Total Bitrate: 40,53 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 1080p / 23,976 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 24-bit)
Audio: English / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 16-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 1509 kbps / 16-bit)
Subtitle: French