
Le Souffle de la tempête
BLU-RAY - Région B
Rimini Editions
Parution : 5 juillet 2023
Image
La seule édition numérique française du film d'Alan Pakula, à ce jour, était un DVD MGM édité en 2005, qui est (naturellement) très largement supplanté par l'édition haute-définition que propose désormais Rimini Editions. Un point de comparaison plus pertinent est donc à chercher du côté des éditions étrangères, en particulier américaine (Twilight Time, 2017, zoné A) et britannique (BFI, 2019).
comparatif Blu-ray Rimini (2023) vs. Blu-ray UK BFI (2019) : 1 2 3
Comme en témoignent les deux premières images du comparatif ci-dessus, l'édition Rimini est assez similaire à l'édition BFI (qui était elle-même très semblable à l'édition Twilight Time) et l'on joue ici dans la même catégorie d'un master très honnête quoique reposant sur une source un peu fatiguée. A la sortie de son édition américaine, Twilight Time s'était fendu d'un mot à destination des acheteurs reconnaissant que le film n'avait pas "survécu dans sa meilleure forme" et offrant dès lors une ristourne sur ses tarifs habituels. Le Blu-ray BFI laissait apparaître le même type de scories, comme celles apparaissant sur la troisième capture du comparatif : la bonne nouvelle est donc que l'édition Rimini corrige la plupart de ces défauts de propreté (le photogramme que nous avons sélectionné n'est pas rigoureusement le même que celui issu de l'édition BFI, mais on peut de bonne foi garantir que les scratchs blancs ne sont plus là de toute la scène) et offre un rendu général consistant : le grain est naturel, avec des textures perceptibles, et si la colorimétrie est parfois un peu terne, les niveaux d'étalonnage sont homogènes et satisfaisants.
En tout état de cause, et en tenant compte de cette réserve sur le matériau à disposition, on peut donc largement recommander cette édition : certaines scènes sont sans rien à redire, d'autres traduisent davantage cette usure du temps, mais jamais au point de dégrader les conditions de visionnage.
Son
Les mixages DTS-HD Master Audio 1.0 (VO et VF) sont honorables, même si l'on perçoit des effets de distorsion pas toujours harmonieux sur la partie musicale (en particulier en ouverture de séquences). Les dialogues sont audibles et l'équilibre général, sans être d'un dynamisme fou, est convenable. Une nouvelle fois, on peine à recommander la version doublée française, tant l' "américanité" totale du film semble constitutive de son attrait.
Suppléments
Dans l'entretien qu'il avait accordé à DVDClassik en mai 2022, l'homme derrière Rimini Editions, le sympathique Jean-Pierre Vasseur, nous avait confié aimer travailler, pour son contenu éditorial, avec des universitaires, ce qui permet de varier les approches analytiques. Illustration ici avec deux modules très complémentaires, confiés à deux enseignants en cinéma.
L'entretien avec Eric Thouvenel (32 min - HD), enseignant en cinéma à l’Université Paris Nanterre qui intervenait déjà dans les suppléments du Blu-ray des Chasseurs de scalps de Sydney Pollack, est un bon module de contextualisation historique, qui décrit la production de ce film intervenant dans la filmographie d'Alan Pakula "après trois thrillers", et son inscription dans une certaine mouvance du cinéma américain qui travaille "le frottement entre l'ancien monde et la modernité". Eric Thouvenel parle ainsi de cette question du "traumatisme du retour" (après la guerre) mais aussi de l'utilisation formelle des codes propres au western (par exemple dans la première confrontation entre les personnages incarnés par Jane Fonda et Jason Robards) dans un film qui propose "beaucoup de paroles mais peu d'action". Il s'intéresse aux protagonistes principaux, depuis le personnage complexe d'Ewing jusqu'à celui de Richard Farnsworth, en écho aux personnages autrefois incarnés par Walter Brennan, et qui offre l'une de ses plus belles scènes au film. La partie finale, qui opère un "changement de registre", offre plusieurs interprétations à Eric Thouvenel, qui finit en dressant un pont avec un cinéma plus contemporain, par exemple les "trois premiers longs-métrages de Chloe Zhao".
Plus singulier dans son approche, l'entretien avec Simon Gosselin (24 min - HD), doctorant en études cinématographiques à l’Université de Rennes 2, propose une lecture du film par le prisme quasi exclusif du format large : l'introduction décrit ainsi l'arrivée du Cinemascope en 1953, liée "aux essors de la télévision mais aussi de la voiture", puis rappelle que, moins que vers le spectaculaire ou l'épique, le format large a essentiellement été utilisé pour "des récits psychologiques mettant en scène plusieurs personnes s'observant à l'intérieur d'un cadre". Au bout de 6 min 30, on en arrive donc spécifiquement au Souffle de la tempête, film pour lequel le choix du Scope contribue à l'inscrire dans un sous-registre du western criminel de l'immédiate après-guerre, par exemple Un homme est passé de John Sturges, avec lequel il entretient d'assez nombreuses similitudes. Débute alors une analyse assez détaillée, pendant une douzaine de minutes, sur les différentes techniques de mise en scène à l'oeuvre dans ce film "hybride" : après une vingtaine de minutes jouant sur "la latéralité" et le "grand angle", l'utilisation de "surcadrages" permet de créer des sous-espaces liés aux différents personnages ; puis l'action est "filmée selon un régime formel différent, avec des focales longues et une utilisation de la diagonale", pour enfin arriver à une partie finale plus complexe, "moins maîtrisée que du Peckinpah". Les cinq dernières minutes du module servent d'ailleurs à comparer Le Souffle de la tempête avec l'utilisation du cadre dans Le Cavalier électrique de Sydney Pollack ou Junior Bonner de Sam Peckinpah, justement, permettant de définir en partie le "rapport au récit" de Pakula dans la "remise à jour de figures anciennes".