
Une vie difficile
BLU-RAY - Région B
Studiocanal
Parution : 23 novembre 2022
Image
Ce n’est pas sans joie que nous avions appris qu’Une vie difficile, titre majeur mais somme toute relativement méconnu de Dino Risi, aurait l’honneur d’un hors-série de la Collection Make My Day (le quatrième, après Le Trou, Monsieur Klein et Le Grand silence), titre d’autant plus attendu en blu-ray que l’unique édition numérique du film (un DVD de la collection Cinema all’italiana sorti en 2007, figurant également dans le coffret Sordi sorti par Tamasa en 2017) n’était pas fameuse. Le comparatif de rigueur est éloquent.
Bluray Studiocanal (2022) vs. DVD Studiocanal (2007) : 1 2 3 4 5
Scanné à 4K à l’Institut Luce à partir d’un négatif original, le film a fait l’objet d’une restauration et d’un étalonnage effectués chez VDM, pour la toute première édition haute-définition au monde. Le résultat est très largement à la hauteur. L’image, d’une grande stabilité et d’une propreté sans défaut, présente une belle définition, avec une finesse particulièrement perceptible dans des gros plans (la définition est moins précise dans les plans larges, voir captures 5 ou 14 de la galerie ci-contre). Les quelques éléments plus hétérogènes trouvent aisément une justification (les images d’archives de juillet 1948, le plan au petit matin à Viareggio, et des raccords dans les fondus…), et si le rendu est extrêmement satisfaisant dans les plans diurnes, avec une bonne balance des blancs, on a particulièrement apprécié certains plans en basse luminosité, présentant des noirs denses mais jamais bouchés. Le grain, tout à fait naturel, offre un rendu assez typique de la photographie italienne du tout début des années 60, et on n’a pas perçu de manifestations abusives d’outils de retouche numérique (hormis peut-être lors du retour de Silvio journaliste auprès d’Elena, capture n°8 de la galerie, où les contours manquent de naturel). Un bel écrin, donc, pour un film qui le mérite amplement.
Son
Une seule piste sonore est proposée, la version originale italienne en DTS HD Master Audio 2.0. Le rendu possède les qualités et les défauts de la postsynchronisation à l’œuvre dans le cinéma italien de l’époque : beaucoup de clarté, des dialogues bien audibles, un bon équilibre dans le mixage, mais un manque de dynamisme ou de relief dans les ambiances périphériques (par exemple sur la plage de Viareggio, qui paraîtra étonnamment plate pour qui a déjà mis les pieds sur le sable italien…)
Suppléments
Les suppléments, particulièrement abondants, font largement honneur au film.
Sur le disque du film, la traditionnelle introduction, en un plan unique de 8 minutes (et si quelqu’un rentre en faisant grincer une porte au bout de 6 minutes, ce n’est pas grave, on ne va quand même pas la refaire) et avec un débit de mitraillette folle, du maître de la Collection Make My Day!, Jean-Baptiste Thoret. Son incroyable élocution et son érudition impressionnante font qu’en moins de 10 minutes, il parvient à dire l’essentiel, dans un exercice magistral mais fort ingrat puisqu’il faut introduire/contextualiser/proposer un début d’analyse sur le film sans en révéler les détails pour ceux qui auraient l’idée de la visionner avant de découvrir le film…
Sur le disque des suppléments, on retrouve Jean-Baptiste Thoret dans un exercice auquel il nous a habitué, celui de l’analyse de séquence (de séquences, en réalité) (25' - HD), où sa voix récite, sur un montage d’images du film, un texte extrêmement solide et très dense d’analyse du film.
Absent de l’écran, Jean-Baptiste Thoret est toutefois présent en tant que producteur-réalisateur (et interlocuteur silencieux) de deux entretiens :
Le premier, consacré exclusivement à Une vie difficile (HD – 55’), est assumé par Bernard Benoliel, directeur de l’action culturelle et éducative à la Cinémathèque Française. Le résultat – malgré une forme sommaire – est absolument passionnant, en particulier pour les amoureux du film (dont l’auteur de ces lignes), et offre un brillant exercice de contextualisation et d’analyse. Partant de la sortie tardive du film en France (en septembre 1976, consécutivement au succès de Parfum de femme), Bernard Benoliel s’interroge dans un premier temps sur la place du film dans la carrière de Risi, qui en même temps « contient des films à venir » mais se place aussi « contre son travail des années 50 ». En « passant du néoréalisme rose à la comédie italienne », Risi « change de braquet », et Bernard Benoliel explique cette évolution par la « secousse » constituée par La Dolce Vita de Federico Fellini, film qui aura servi d’ « incitation à mieux se servir du cinéma » pour toute une génération de cinéastes.
La partie analytique, extrêmement pertinente, est conséquente et fort stimulante : de l’idée de la « pyramide inversée » qui régit la structure sociale italienne de l’Après-Guerre ; de la figure de Silvio comme homme « en retard », qui « se trompe sur le mouvement de l’histoire » ; des rapports père-fils, en écho au futur Il Giovedi, qui illustrent le phénomène d’ « inversion des valeurs », donc de « transmission viciée » ; de son analyse de la relation Silvio-Elena, « liés par un pacte de sang » ; de son commentaire sur la fin du film (avec les dualités « raté / vendu » et « dignité / misère » qui la rendent si complexe) ; de la correspondance inattendue avec Pier Paolo Pasolini, qui partage cette analyse d’un « fascisme historique vaincu mais d’un néofascisme économique » qui fleurit ; et ce jusqu’à l’analyse (empruntée à Bernard Boland) de la « barbe de Silvio », on aura bu ses paroles avec délectation.
Il est également évidemment question d’Alberto Sordi, ce « trésor national », mais aussi - et c’est moins courant – du travail formel de Dino Risi, qui « n’était pas un formaliste » mais dont la capacité à user pertinemment du plan long ou d’exploiter les imprévus du tournage est ici parfaitement mise en évidence.
Le deuxième entretien inédit, consacré à Dino Risi et la comédie italienne (HD – 69’), donne l’occasion de retrouver Jean A. Gili, éminence dès qu’il s’agit de cinéma italien, et dont les écrits ou les participations aux suppléments d’éditions numériques auront contribué à l’italophilie passionnée de nombreux cinéphiles. La première partie, consacrée au parcours de Dino Risi et à des rappels biographiques est précise et fait bien ressortir les particularités de ce « fils de médecin milanais », venu au cinéma pour « creuser la psyché des gens » et qui aura toujours su mêler « l’amertume et la légèreté ».
Au bout d’un quart d’heure environ, Jean A. Gili pose la question décisive de savoir si les films de ce qu’on appelle volontiers « la comédie italienne » étaient vraiment des comédies (spoiler alert : non), puis brasse large. Le problème d’un tel érudit, aux analyses fines et aux anecdotes pertinentes, est qu’on se contente volontiers de l’écouter, mais la forme de l’entretien (un monologue quasi sans montage) renforce le côté un peu décousu et pas toujours structuré de sa prise de parole, qui digresse, rappelle volontiers des nécessités (la conjonction entre le mode de vie de Dino Risi et sa façon de faire du cinéma ; la conjonction extraordinaire entre des réalisateurs, des scénaristes et des acteurs qui aura contribué à l’âge d’or de la comédie italienne ; le génie et l’importance d’Alberto Sordi ; la capacité de Dino Risi à générer des « images fortes », etc…), mais de laquelle on peine, sur la durée, à faire ressortir un véritable fil conducteur.
Six courts-métrages (inédits) réalisés par Dino Risi, au début de sa carrière, entre 1946 et 1950 sont enfin proposés (après avoir, pour certains, été montrés sur Henri, la plate-forme de vidéodiffusion de la Cinémathèque française, il y a quelques mois).
Dans une veine néoréaliste, Verso la vita (12 minutes) suit un orphelin dans le Milan de l’immédiate après-guerre, jusqu’à un camp de nature où il réapprend à vivre auprès d'autres enfants.
Tigullio minore (10 minutes) raconte les funérailles d’un pêcheur du golfe de Gênes, en suivant le cortège funéraires à travers les rues escarpées du village (on pense à l’épisode Funeralino de L’Or de Naples, tourné sept ans plus tard par Vittorio de Sica).
La Provincia dei sette laghi (9 minutes) donne envie de se balader dans les jardins des villas au bord des lacs de Lombardie, ce qui n’est pas rien.
1848 (11 minutes) narre l’insurrection qui explose dans les rues de Milan, en mars 1848, tandis que des officiers autrichiens assistent à un ballet à la Scala. Cette fois, on pense au tout début du futur Senso, de Luchino Visconti. A noter qu’il s’agit de la toute première apparition sur un écran de la toute récente Miss Italie 1947, Lucia Bosè.
La miniera di luce (12 minutes) et Come nasce il kilowattora (22 min) sont deux documentaires, coréalisés avec Gip Tortorella, sur des centrales électriques des Alpes (avec plusieurs plans en commun d'ailleurs). Disons que j’ai trouvé ça moins intéressant…
En savoir plus
Taille du Disque : 31 040 862 208 bytes
Taille du Film : 29 165 721 600 bytes
Durée : 1:58:14
Total Bitrate: 32,89 Mbps
Video: MPEG-4 AVC Video / 1080p / 24 fps / 16:9 / High Profile 4.1
Audio: Italien / DTS-HD Master Audio / 2.0 / 48 kHz / 24-bit (DTS Core: 2.0 / 48 kHz / 768 kbps / 24-bit)
Subtitle: French