Andrzej Wajda (1926-2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Re: Andrzej Wajda

Message par julien »

Le dernier film de Wajda, sur la tragédie de Katyń, sortie depuis plusieurs mois en Pologne est toujours en attente d'un distributeur français.

Image

Avec Katyń, Andrzej Wajda signe le premier film sur le massacre de vingt-deux mille Polonais, perpétré par l'Armée rouge, sur l'ordre de Staline, au début de la Seconde Guerre mondiale. Katyń a également touché la famille du compositeur Krzysztof Penderecki, qui signe la musique du film.

Toujours pas de sortie prévue pour ce film. :|
Image
"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
Avatar de l’utilisateur
Marcus
Jamais trop Tarr
Messages : 5185
Inscription : 5 févr. 04, 16:05
Localisation : En train de prendre le thé avec Bela Tarr

Re: Andrzej Wajda

Message par Marcus »

Sortie le 30/12 de L'Homme de Fer chez FSF :D :D

Image
Elle était belle comme le jour, mais j'aimais les femmes belles comme la nuit.
Jean Eustache, La Maman et la Putain
Fatalitas
Bête de zen
Messages : 38662
Inscription : 12 avr. 03, 21:58

Re: Andrzej Wajda

Message par Fatalitas »

julien a écrit :Le dernier film de Wajda, sur la tragédie de Katyń, sortie depuis plusieurs mois en Pologne est toujours en attente d'un distributeur français.

Image

Avec Katyń, Andrzej Wajda signe le premier film sur le massacre de vingt-deux mille Polonais, perpétré par l'Armée rouge, sur l'ordre de Staline, au début de la Seconde Guerre mondiale. Katyń a également touché la famille du compositeur Krzysztof Penderecki, qui signe la musique du film.

Toujours pas de sortie prévue pour ce film. :|
il passe ces jours-çi sur les chaines canal+ :wink:
Image
Avatar de l’utilisateur
Eusebio Cafarelli
Passe ton Bach d'abord
Messages : 7895
Inscription : 25 juil. 03, 14:58
Localisation : J'étais en oraison lorsque j'apprends l'affreuse nouvelle...

Re:

Message par Eusebio Cafarelli »

Link Jones a écrit :évidemment pas de DVD en zone 2
et très peu en zone 1 :(
si, si, j'ai deux coffrets Z2 avec STF qu'on m'a rapportés jadis de Pologne (pas de STF sur les interviews de Wajda en revanche)
http://astabe.com/exec.1000/_item/id.6483
http://astabe.com/exec.1000/_item/id.3708

ce site avait été signalé pour trouver des dvd polonais
http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... d+polonais

Ils ont Katyn (avec ST anglais...)
http://astabe.com/exec.1000/_item/id.23979
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Bon allez je me lance dans les compte rendus du cycle à la cinémathèque qui s'est finit il y a 2-3 semaines.

Donc 1ère séance à Bercy avec Le bois de bouleaux ( 1970 ) qui est justement le plus difficile d'accès de ceux que j'ai vu du cinéaste jusque là.
On sent une grosse influence littéraire et cinématographique russe dans son approche narrative et visuelle. Il faut donc un certain temps pour accrocher au style assez déstabilisant fait de changement brutaux de valeurs de plans, d'une absence de continuité dans les scènes, d'éclairage tantôt naturaliste, tantôt baroque ( les teintes rouges ) sans parler d'un jeu d'acteurs très "slaves" et surtout des enjeux dramatiques dont on ne parvient pas à saisir tout de suite, le réalisateur laissant planer le mystère sur les relations qu'on sent tendues entres les deux frères.
Puis les parts d'ombres tombent et on comprend que le jeune frère est un tuberculeux qui vient vivre ses derniers instants chez son frère. On devine uassi qu''il s'est passé quelque chose avec la femme défunte de celui-ci. Tandis qu'il est ainsi au bord de la mort, il retrouve une certaine joie à vivre à la campagne, à retrouver sa nièce, à reconnaître l'amour etc... A l'inverse son frère lui parait de plus en plus sombre et torturé...
Le film semble fonctionne sur un état de transfert entre les frères ; même la paysanne semble un miroir de l'épouse décédée.

Si on comprend un peu mieux l'histoire et les rapports, les sous-entendus demeurent nombreux et le film semble du coup beaucoup plus riche qu'on ne peut le percevoir à la première vision étant bloqué ( rebuté ? ) par la complexité de sa réalisation. Il y a beaucoup de chose à analyser ou décrypter mais on peut aussi choisir de le prendre comme une sorte de "Spleen", un poème torturé, surréaliste et fascinant. Car même si le film n'est pas facile d'accès, on ne peut nier sa qualité plastique avec une photographie très soignée et des travelling majestueux dans la forêt de bouleaux.

C'est vraiment un film exigeant qui n'est pas à conseiller à tout le monde. Il y a surement aussi une dimension culturelle qui ne doit pas être évidente à saisir. Pour ma part, malgré un début fort peu engageant, j'ai réussi régulièrement à me faire porter par le rythme des images, la mélancolie lumineuse et la résignation apaisé du personnage central.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Un amour en Allemagne ( Eine Liebe in Deutschland - 1983 )

Dans les années 80, un homme retourne dans le village de son enfance en compagnie son fils de 17 ans. Il tente avec lui de comprendre ce qu'il s'est passé 40 ans avant, durant la seconde guerre mondiale, pour qu'un homme soit pendu.

Wajda prend en contre-pied 95 % des films sur le nazisme en choisissant une approche tragi-comique qui tourne en cauchemar absurde l'administration nazie. Le portrait pathétique qu'il fait des officiers allemands trouve une résonance inédite. Il faut les voir complétement largués et dépassés par la situation et se réfugier derrière une lâcheté hiérarchique pour faire ce que la bureaucratie leur dicte.
Certaine scènes sont d'autant plus fortes qu'elles prêtent à rire sur des choses très très noires d'une façon preque surréaliste mais qui semblent pourtant authentique : l'examen médical pour savoir si le polonais peut-être germanisé, les 3 cigarettes offertes à un polonais détenu s'il pend un de ses compatriotes ou la discussion autour de la manière de mettre une corde à un cou.

Même si tous les officiers n'étaient surement pas aussi trouillards, j'imagine que le film est assez juste pour ce qui se passait dans les régions plus reculés de l'Allemagne où les prisonniers n'étaient pas envoyés dans des camps mais placés dans des familles de paysans pour y faire divers travaux. Le comportement des quelques hommes m'a paru tout à fait plausibke avec ce militaire en permission qui se moque de savoir si l'épouse d'un soldat le trompe puisque tous les militaires font pareil de leurs côtés. Les femmes à l'inverse sont dépeinte avec moins de compassion ( on peut parler de machisme ) : pleurnicheuse, délatrice, opportuniste, égoïste. Elles sont dans l'ensemble beaucoup moins philanthrope.

Car Un amour en Allemagne n'est évidement pas qu'une comédie décalée, c'est aussi comme son titre l'indique une histoire d'amour forcément torturée et tragique. Elle fonctionne dans l'ensemble très bien même si son déroulement est assez classique. Elle est en tout cas dépeinte avec une évidente sensibilité et bénéficie de la présence lumineuse de Hanna Schygulla ( dans un rôle finalement proche de ceux qu'elle pouvait tenir chez Fassbinder ). il y a cependant des moments où elle en fait un peu trop dans l'amour fou et aveugle qu'elle éprouve pour son amant : gros yeux, attitude théâtrale, comportement exagérée. Ca fait sortir à quelque moments de l'histoire et ça rend son personnage un peu trop idiot et trop coupé du danger de la situation.

Ce qui fait fonctionner avant tout l'histoire d'amour est la mise en scène de Wajda qui filme chaque scène en se plaçant presque à chaque fois d'un point de vue extérieur à la scène ou aux sentiments qu'on devrait ressentir à ce moment-là. Cette distanciation qui n'apporte aucunement de la froideur provoque justement cette vision décalée et ce sentiment de voyeurisme qui traduit les suspicions de la population sur cette liaison qui est connue de tout le monde. La photographie (magnifique) est également en osmose avec cette idée de regards espions où une lumière très artificielle s'introduit régulièrement par les fenêtres. Ca donne un climat la aussi un peu imaginaire, un peu suspendu du temps.
Après, ce traitement narratif n'est pas du tout cohérent avec l'enquête que mènent le père et le fils dans la partie contemporaine mais ce n'est pas ça qui intéresse Wajda. Plus la recherche de la vérité et la transmission de la mémoire. On pourra regretter à ce titre que la figure du fils ne soit pas plus développé que ça.

Malgré ces quelques reproches, Un amour en Allemagne est un très beau film, raconté avec une intelligence évidente et dont la dimension comique ( dans son sens grotesque ) apporte un regard tout aussi neuf que pertinent sur cette période qui a tant inspiré Wajda.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

L'anneau de Crin ( Pierscionek z orlem w koronie - 1992 )

Ouh, pinaise... Après la réussite du précédent celui-là fait vraiment pitié... C'est mauvais comme un cochon.

Le principal défaut vient du fait que la reconstitution n'est jamais, mais jamais crédible. On dirait que les mecs sont allés chercher des acteurs en leur disant de jouer avec leur fringue et leur coiffure des années 90... Ca la fout mal pour un film sur 39-45. Et en parlant des acteurs ils sont eux aussi sacrément mauvais.
Et ça ca il faut rajouter à ça une photo de téléfilm et un scénario qui manque de clarté et de limpidité. On a du mal à saisir les tenants et les aboutissements de l'intrigue. Pour un polonais, cette période trouble est surement plus facilement compréhensible mais à mon niveau, j'ai été un peu largué.
Dommage car la façon dont l'URSS avait saboté la faction communiste polonaise pour imposer leurs propres responsables aurait mérité un traitement plus passionné et passionnant que cette démonstration très maladroite qui sonne très fausse et manichéenne ( voir comment sont utiliser les ralentis !! ) .

A sauver tout de même la scène où l'on apprend les résultats de la conférence de Yalta. C'est un peu le seul moment où la réalisation offre un travail digne de ce nom. Pour le coup c'est une scène admirable au niveau du découpage et de la gestion de l'espace.
Sinon, détail amusant et curieux, Wajda fait une référence à son Cendres et diamants ( un chef d'œuvre celui-là ) où l'on retrouve le temps d'une scène le duo des deux tueurs. N'ayant pas vu celui-là depuis 8 ans, je serai bien incapable de savoir si cette référence est pertinente ou si elle ne constitue qu'un simple clin d'œil.


La chasse aux mouches ( Polowanie na muchy - 1969 )

Wlodek est un médiocre fonctionnaire vivant avec sa femme et son fils chez ses beaux-parents dans un minuscule appartement. Sans personnalité et étant écrasé par sa famille, il commence à s'émanciper aux contact d'une jeune étudiante qui veut le pousser à être plus ambitieux.

La par contre, on renoue avec les sommets de Wajda et cette comédie fantaisiste semble être une réjouissante parenthèse pop dans la carrière du cinéaste très loin de ses chroniques historiques.
On est en 1969 et cela se ressent dans l'ambiance libertaire et son aspect nouvelle vague ( celle plus issue de la comédie italienne que du néo-réalisme ) : musique électrique, liberté des mœurs, jeunesses étudiantes, référence culturelle et littéraire, critique d'une certaine société de consommation avec l'omniprésence de la télévision ou satyre d'une bureaucratie absurde...

La mise en scène n'est pourtant que rarement délirante, elle est au contraire très étouffante où Wajda décline une nouvelle fois sa réalisation tout en longue focale et plan serré pour un sentiment d'enfermement traduisant avec virtuosité l'aliénation de son anti-héros. Ce travail sur la caméra est éclatant à plus d'une reprise passant avec précision d'un personnage à un autre dans des lieux très confinés. Toutes les scènes dans l'appartement de la belle-famille ou lors de la fête sont éclatantes de brio technique sans être jamais gratuites donc.
Wajda ne s'écarte jamais ce parti pris ou alors pour quelques plans plus larges qui évoque les rares moments où Wlodek prend confiance en lui.

Ce procédé donne déjà un climat assez étrange et il est amplifié par des détails décalés et absurdes que n'aurait pas renié les surréalistes. Les situations sont parfois tout autant surprenantes pour un humour jubilatoire même si on ne rit pas forcément. Mais on s'amuse beaucoup du cadeau des policiers pour être intervenu lors d'une agression, de la scène avec le sculpteur, de la fête mondaine avec les musiciens pleurant, du délire du beau-père avec ses mouches, des documentaires animalier qui passent à la télé etc... On peut d'avoir voir ces documentaire récurrents comme un parallèle avec l'intrigue où la vie de Wlodek est décrite avec un coté voyeur et clinique.
Le parabole avec les animaux est en tout évidente dans l'épilogue pour le coup très dérangeant et violent psychologiquement où l'humour décontracté se fait plus kafkaien et misogyne : les femmes sont clairement identifiés comme des mouches ( les lunettes ) mais aussi comme leurs prédateurs ( les attrapes-mouches font offices de toile d'araignées ).

En fait le film entier peut-être assimilés à une parabole sur l'identité, le film croulant sous les métaphores, les sous-entendus et une psychologie particulièrement bien écrite ( le fait que le Wlodek n'arrive à choisir entre plusieurs expressions pour ses traductions renvoie très bien à sa situation sentimentale ). Du début à la fin, c'est d'un richesse visuelle et thématique impressionnante. Il est juste regrettable que le rythme s'essouffle dans le dernier tiers avant que la conclusion brillante ne vienne tout rattraper.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

La ligne d'ombre ( Smuga cienia - 1976 )

Il suffit parfois de trois fois rien pour qu'un film honnête mais pas exceptionnel deviennent d'un coup passionnant en gagnant une dimension nouvelle. Dans le cas de la ligne d'ombre, il suffit d'une simple phrase, d'un court dialogue à quelque minutes de la fin pour que le film trouve une résonance qui fait de cette adaptation d'un roman autobiographique de Jospeh Conrad une œuvre profondément politique et engagée.
Cette relecture tardive et inespérée fait oublier un début qui n'était guère prenant avec ses acteurs moyens, ses dialogues en anglais qui sonnent atrocement faux ( on s'y fait petit à petit ), ses longues d'exposition qui s'éternisent inutilement ou encore sa photo datée.
Il fallait vraiment attendre le début de la deuxième heure pour que le film démarre enfin quand Conrad tout jeune commande son premier navire tandis qu'une épidémie frappe son équipage et qu'un temps désespérément calme immobilise le bateau au milieu de l'océan indien loin de tout secours médical. Cette partie fonctionnait beaucoup mieux pour son excellent travail de mise en scène sur l'attente où comme l'équipage on guette et espère le moindre souffle de vent qui ferait avancer le bateau. Ce climat déjà oppressant tirait en plus presque dans le fantastique avec une photographie irréelle et des maquillages appuyées assez expressionnistes mais qui ne gênent en rien... Tout celà pour quelque chose comme 45 minutes excellentes qu'on croit être la fin du film... Il reste pourtant encore un 1/4 d'heure qui inquiète une nouvelle fois en faisant croire à une conclusion qui s'éterniserait inutilement. C'est tout le contraire : dans un court dialogue le responsable du navire explique à Conrad qui ce passait en mer n'est pas si grave car il fait apprendre qu'il ne faut jamais baisser les bras mais bien garder espoirs dans l'avenir et qu'il lui atteindra à lui à son tour de transmettre ce message aux génération futures... Le ton est un peu différent que le reste du film avec un appuie évident sur les mots et les tournures de phrases.

Et puis on se rappelle que le film date de 1976, que la Pologne est toujours sous l'occupation russe qui continue de mater violemment chaque début de révoltes... La ligne d'ombre apparait ainsi comme un film profondément subversif et intelligent dans sa façon de critiquer le pouvoir communiste et d'en faire un appel à la résistance : "on est peut-être bloqué ici et maintenant mais la tempête viendra un jour tout balayer pour permettre enfin une réelle progression. Il faut juste garder patience."

Le film devient alors l'un des plus belles et puissantes allégories qui existe et reste durablement "ancrer" en mémoire.


Malheureusement, comme la chasse aux mouches ce film est l'un des seul qu'on ne trouve nulle part en import que ce soit en DVDs américains ou polonais - qui ont des sous-titres français
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Sans anesthésie ( Bez znieczulenia - 1978 )

Un très beau drame où un journaliste approchant la cinquantaine voit sa vie sentimentale et professionnelle quand sa femme part avec leur fille.
L'art de la mise en scène de Wajda est de crée le malaise en ayant recourt une nouvelle fois par l'alternance de point de vue dans la même scène oscillant entre le mari abandonné et la personne qui lui parle. On saisit alors toute la détresse et tout le décalage de ce journaliste professionnel et trop sur de lui pour parvenir à comprendre ce qui lui arrive.
Comme à son habitude, la réalisation privilégie aussi les plans rapprochés et es longues focales qui aplatissent la profondeur de champ et accentue ce sentiment d'incompréhension entre les personnages.
Loin d'être mélodramatique, lourd ou démonstratif, sans anesthésie trouve un joli dosage entre les dialogues, les non-dits ( intrigante figure de la maitresse ), les scènes intimistes ( très belle scène de repas entre les époux séparé ) et les passages expérimentales ou surréalistes ( toute la longue présentation qui jongle entre l'émission où est interviewé le journaliste et la réaction de ses proches devant la télévision est brillante ) avec une unité visuelle parfaitement maitrisée.
En accentuant sa démarche dans l'opposition des points de vue, Wajda arrive à rendre particulièrement cruelle et intense la scène avec les avocats pour le délibéré du divorce. Les plans large disparaissent totalement pour ne laisser place qu'à une suite de regard entre le mari et la femme où l'on perçoit juste une silhouette des différents témoins. Cette abstraction de l'environnement de fait que ressortir les doutes des 2 protagonistes... Doutes qu'on devine et comprend mais qui ne seront jamais dévoilées clairement... Tant mieux, c'est ce qui fait de ce film, un drame si prenant et juste.
La dernière séquence continue de glisser sur ce doute car les 2 explications sont tout à fait crédible et cohérente.

Les acteurs sont dans l'ensemble excellents et savent toujours exprimer ce sentiment de gêne devant un Zbigniew Zapasiewicz qui est fabuleux dans son rôle et auquel je me suis beaucoup identifié ( et qui fait que ce film m'a particulièrement touché ). Il parvient à rendre palpable la densité, le désarroi, la détresse, l'incompréhension, la colère, les faiblesses de son personnage.
Même en dehors de ses films historiques, le regard est la composante majeur du cinéma de Wajda.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Pan Tadeusz - Quand Napoléon traversa le Niemen ( 1999 )

Au début de 1810, les polonais vivant en Lituanie ( qui faisait partie de l'empire Russe ) espère que la progression de Napoléon sera l'occasion pour eux de retrouver leur indépendance.
Wajda adapte un poème célèbre de Adam Mickiewicz et livre donc un film très littéraire et qui sonne très littéraire. Pour ma part, je n'ai pas vraiment accroché au procédé car Pan Tadeusz fait partie des films les plus identitaires de l'âme polonaise cher à son auteur. Le phrasé, l'intonation, l'interprétation très "slaves", les personnages doivent surement beaucoup parler aux polonais mais ça m'a laissé totalement sur le bas côté. Je dirais même que le jeu d'acteur m'a plus agacé qu'autre chose avec ces acteurs qui sont toujours dans l'exagération, le solennel et le geste théâtral.

Heureusement tout de même, l'approche littéral se retrouve dans la facture visuel du film qui est un régal avec un photographie somptueuse et des couleurs resplendissantes, c'est véritablement un régal pour les yeux et certains plans décrochent la mâchoire. Ce n'est pas toujours suffisant pour me maintenir concentré du début à la fin et j'aime totalement décroché à un moment à la fin de la première bataille. Il faudra une sorte de mini bataille entre polonais et l'armée russes pour me faire rattraper le train. Une scène très réalisée avec un sens de l'espace et de la géométrie réjouissante. d'ailleurs une des autres qualité du film est ce mélange des tons entre le drame, le film historique, le film romanesque et la comédie ( on est parfois dans la farce, voire le pastiche ).

Celà dit, le film a aussi sa valeur "pédagogique" avec une période méconnue de la Pologne et sur les répercussions inattendues de l'avancée Napoléon sur le front Est.

Pour les curieux, un DVD existe ( ou a existé ) en zone 1 avec sous-titres anglais
Image
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Le chef d'orchestre ( Dyrygent - 1980 )

Une bonne pioche celui-là.
Une polonaise rencontre à New-york un célèbre chef d'orchestre qui fut l'amant de sa mère avant sa naissance.
Cette rencontre le décide à revenir en Pologne jouer un concert. Celle qui aurait pu être sa fille est justement dans l'orchestre qu'il s'apprête à diriger et qui est normalement mené d'une main de fer par son mari.

Encore un drame intimiste sur Wajda toujours aussi porté sur le passé, les rapports entre les individus et les choix qui conditionnent une vie. Le ton ici qui prend essentiellement le point de vue du chef d'orchestre ( John Gielgud très bon ) pour une approche apaisé et sereine qui s'oppose à la tyrannie de l'époux de l'héroïne. On peut une nouvelle fois fois y voire une métaphore politique entre un pouvoir qui brime et étrangle une population ou un gouvernement plus sensible qui déciderait de faire avancer son pays en rassurant ses sujets.

Mais ce n'est qu'une piste de lecture d'un film qui repose avant tout sur un trio qui dépeint avec justesse les liens qui les unie ou les sépare. C'est complexe et écrit sans lourdeur avec ce sens des non-dits et des suppositions que Wajda maitrise depuis quelque années. Marta cherche-t-elle une nouvelle figure de père ? Cherche-t-elle à s'identifier à sa mère ? Désire t-elle trouver une alternative à son mari ? Le chef d'orchestre revient-il en Pologne par nostalgie ? parce qu'il sent sa mort proche ? par culpabilité de l'avoir oublié durant tant d'année ?
La aussi, Wajda parle une nouvelle fois l'identité polonaise : dans le film John Gielgud met du temps à comprendre qu'on lui parle en polonais mais demeure profondément polonais ce qui lui offre le respect et la reconnaissance de ses musiciens.

Sa mise en scène qui privilégie toujours autant les plans rapprochés trouve une belle résonance dans les scènes symphoniques où la musique n'intéresse pas forcément le réalisateur ( les variations sont presque inexistantes ) mais beaucoup plus à l'élan, la passion, la colère ou la révolte.
Il fait répondre la vision musicale du mari à celle de son couple où trop mécanique et déshumanisé de ses répétition se répercute dans les scènes de couples ( étonnante scène où le couple se dispute tout en se déshabille pour faire l'amour plus par habitude que par envie ou passion ).

Un beau film qui était l'un des préféré d'Ingmar Bergman. Je serai un peu moins enthousiasme ( la photo est pour une mois assez médiocre, le rythme n'évite pas quelques répétitions, Andrzej Seweryn en fait un peu trop etc... ) mais l'émotion et les personnages sont bien là et comme d'hab' c'est le principal.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

La croisade maudite ( gate to paradise - 1968 )

Un étonnant et curieux film historique qui suit un groupe d'enfants français qui décide de partir en croisades pour libérer la terre sainte par leur innocence, guidés par un jeune adolescent à qui Dieu aurait confié cette mission. Ils sont accompagnés par un ancien guerrier des croisades devenus prêtre.

La force du récit est de décrypter la foi religieuse en prenant une figure de messie quasi christique et d'analyser d'où vient son pouvoir de ralliement : fascination ? Assurance et aisance à communiquer ? Attirance sexuelle ? Angélisme du visage ? Manque de repère dans une période trouble ?
En adoptant une Structure narrative à la Rashomon, Wajda multiplie les points de vue sur le catalyseur de l'histoire où tour à tour "témoignent" plusieurs enfants ou encore un seigneur. La sexualité est au cœur de chaque histoire avec ce sentiment un peu malsain dû à l'âge des jeunes acteurs, de l'ambiguïté sexuelle du héros et les sous-entendus pédophiles. Tout n'est pas clairement dit mais on n'est pas dupe et la critique de Wajda est assez cinglante tant envers les faux prophètes que les moutons qui les suivent aveuglement. La fin est d'ailleurs très violentes tant sa manière d'amener les informations sur l'issu dramatique de cette croisade. Cependant Wajda se garde bien d'attaquer la religion même puisque la figure du prêtre apporte un regard morale et "juste" sur ces événements.

Cette structure par flash-backs qui s'opposent, se complètent ou se répondent donne un film passionnant qui ne souffre d'aucune longueur. L'épuration de la mise en scène réduite à sa pure narration ( les personnages passent leur temps à marcher dans des plaines vides ) compensent intelligemment une reconstitution historique délicate par un sentiment intimiste et abstrait.

Il est tout de même regrettable qu'un film aussi riche et complexe fut projeté dans une copie vidéo issu d'une diffusion TV allemande, non seulement recadré mais également plus courte de 10 minutes que le montage d'origine dont je suis bien curieux de savoir ce qu'elle rajoute ou développe.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Lady Macbeth Siberienne ( Sibirska Ledi Magbet - 1961 )

Intéressante transposition de Macbeth qui se débarrasse de tous les éléments fantastiques ( adieux sorcières ) et tragique ( la malédiction du destin ) pour se centrer sur une intrigue finalement plus proche de Richard III où le couple maudit se débarrasse de leurs ennemis pour assoir leurs positions sociales. On devine la aussi une dimension politique évidente, comme une métaphore de l'occupation russe. Celà dit, la transposition est intelligente et peut se lire de diverses manières principalement par l'ajout d'une fin radicalement différente de celle de pièce et du fait qu'on est centré comme le titre l'indique sur Lady Macbeth et non sur son mari. On peut du coup trouver ça un peu misogyne, Serguei apparaissant de la sorte presque comme une victime de l'amour de sa maitresse. Mais les personnages sont bien travaillés et on sent bien le piège qu'ils ont installé eux-mêmes se refermer sur eux. Et puis on ne peut s'empêcher de les prendre en pitié et donc de s'attacher malgré tout à ses âmes damnés.

La mise en scène, comme la photographie ou le scope sont très soignées et bien exploités mais Wajda préfère une distanciation et une froideur à l'approche plus viscérale de Kurosawa ou Welles. Je trouve du coup que la version de Wajda est moins forte que les autres et qu'on manque parfois d'implication émotionnelle qui n'est là que de façon épisodique. Mais c'est moment sont assez marquant tout de même à l'instar des scènes d'assassinat ( ou tentatives ) ou quand les bourrasques de vent viennent noyer l'écran dans des nuages de poussières angoissants. On est ainsi à plusieurs moments proche du fantastiques sans y tomber tout en étant dans l'univers du western ( certains thèmes y sont d'ailleurs ).

Wajda a réalisé pour la télévision polonaise une autre adaptation - très fidèle - de la pièce de Shakespeare que la cinémathèque à également diffusé. C'est sans grand intérêt du à un budget ridicule qui ne permet à aucun moment à l'histoire ou la reconstitution d'être crédible. La réalisation de Wajda ( surement imposé pour les contraintes télévisuelles ) filme 95% des scènes en très gros plan... C'est très lassant et fatiguant à la longue d'autant que rien ou presque ne justifie une telle utilisation des valeurs de cadre. il ne s'en sert en tout cas que très rarement pour traduire le destin étouffant qui vient étrangler son couple des Macbeth. C'est donc très brouillons et difficile lisible avec un sens de l'espace malmené et des scènes de batailles ridicules ( il faut voir la fameuse avancée de la forêt à la fin :| ). Et puis les acteurs sont pas fameux et passent leur temps à brailler le texte sans nuance. Bref, Niveau apport de mise en scène, c'est zéro, ça serait pour la radio polonaise que ça ne changerait pas grand chose. :mrgreen:

Mieux vaut donc préférer Lady Macbeth siberienne qui est une bonne variation d'une excellente histoire avec un sous-texte pertinent et bien intégré à l'ensemble et qui bénéficie d'une vraie mise en scène.
ca tombe bien c'est disponible en zone 1 chez Kino ( VOST-anglais )
Image
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Les demoiselles de Wilko ( Panny z Wilka - 1979 )
Image


Après plus de 20 ans d'absence, un homme revient dans son village natal. Sur place, il renoue avec une famille voisine où les 5 filles étaient amoureuses de lui... et qui le sont toujours un peu

Un drame assez ironique sur un hommes tellement indécis qu'il en devient un monstre de cruauté, de lâcheté et d'égoïsme. Ne sachant jamais quelle sœur choisir, il les séduit toute pour mieux les abandonner et les laisser à leur désarroi, leurs frustrations et leurs isolement.
Autant dire que le héros est une sacrée tête à claque qu'on a envie de secouer tellement il s'avère incapable d'évoluer, de comprendre et de murir, répétant inlassablement les mêmes erreurs pour ne jamais prendre de risque.
Pourtant le personnage n'a rien d'exagéré dans le portrait que Wajda en fait : la description psychologique est tout à fait crédible et tiens bien la route. C'est aussi le cas des différentes sœur qui ont chacune leur spécificité et leurs caractère ( la vieille fille qui s'occupe de la maison, l'insouciante qui multiplie les conquêtes, la bonne épouse et mère au foyer, la jeune rêveuse ou celle qui préfère observer en silence ) sans tomber dans le cliché ou le stéréotype.
C'est ce qui fait la force du récit : gratter le vernis d'une famille apparemment unis et soudé mais qui s'effrite quand arrive un intrus. Le schéma m'a beaucoup fait penser à Théorème de Pasolini pour le principe de l'étranger qui vient perturber l'équilibre sensuelle et sexuelle d'une famille.
Wajda est heureusement beaucoup moins froid, mystique et provocateur que Pasolini. Mais Wajda demeure tout de même Wajda et il ne faut donc pas s'attendre à un mélo à la Douglas Sirk mais les demoiselles de Wilko demeure tout de même un joli drame tout en retenu, non dit et pudeur. On dit que les plus grandes douleurs sont muettes et c'est le cas ici. D'où un film finalement assez peu bavard qui s'attarde longuement sur les visages et les regards. Toutefois ce n'est pas la réalisation de Wajda la plus marquante sur le point de vue alors que ça s'y prêté beaucoup ( via l'opposition entre les sœurs ou la peur du héros )... Je n'y est peut-être pas fait attention cela dit. :P

Par contre, visuellement c'est assez splendide avec une photographie, des cadrages et une lumière directement issue de la peinture. C'est un régal pour les yeux pratiquement du début à la fin pour un résultat dans celui des plus aboutis de sa carrière... L'un de ses plus mélancoliques aussi.

Disponible donc en zone 1 mais on dirait qu'on n'y trouve que la piste anglaise ( et des sous-titres espagnol ) :(
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11658
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Andrzej Wajda

Message par bruce randylan »

Paysages après la bataille ( Krajobraz po bitwie - 1970 )
Image

Encore un film inégal qui peine une nouvelle fois par la volonté du cinéaste de parler trop lourdement de l'identité polonaise via le personnage central. Un ancien détenu d'un camp de concentration qui songe à s'exiler en France avec une jeune femme mais qui hésite "parce que l'eau des rivières ne serait pas polonaise" :shock:

Un personnage qu'il m'a été pratiquement impossible de comprendre et donc à m'identifier. Je dirais même qu'il m'a plus agacer qu'autre chose avec son interprétation bien lourde. En face de lui, le rôle féminin m'a beaucoup plus toucher ( bon, m'a touché tout court ) avec son mélange de fragilité et de force.
Toute la longue partie où ils partent tous les deux dans une escapade champêtre est assez jolie et inspirée si ce n'est donc quelques laïus de notre ami sur l'âme polonaise. :roll:

Le reste du film m'a beaucoup moins passionné avec surtout une fin à la dramaturgie trop forcée et artificiel pour que j'y adhère. Si on rajoute à ça les acteurs jouant les américains sonnent faux dans l'ensemble et que de nombreuses pistes scénaristiques ou thématiques sont soient mal exploités soient trop flou.

Dommage car l'ouverture laissait augurer du tout bon avec la libération d'un camp sur fond de musique classique sans aucun dialogue. Dommage aussi pour la mise en scène inspirée de Wajda qui utilise une nouvelle fois les très longues focales et les choix de cadrages pour questionner le point de vue et donc le témoignage et la mémoire.

Disponible en zone 1 avec sous-titres anglais.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Répondre