Alain Jessua (1932-2017)
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Re: Alain Jessua (1932-2017)
En accord avec cette chronique.
Beaucoup aimé le film, son ton, son ambiance peri-urbaine angoissante et tout à fait propice à l'idéologie qui y est dénoncé. Il y a de très belles scènes, que ce soit celle de flashback autour du feu devant le foyer d'immigrés (avec sa surprenante colorimétrie violette), ou des séquences de chasse à l'homme, avec les aboiements des chiens qui font penser à de la chasse à courre.
Le duel Depardieu / Lanoux est convainquant, tout comme Nicole Calfan partagé entre les deux camps.
J'aurais peut être aimé en voir un peu plus sur les jeunes.
En tout cas encore une belle découverte dans la sélection de Thoret (même si je l'ai vu ici via cine+).
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Re: Alain Jessua
Un film en avance sur son temps. Il y a presque déjà quelque chose proche de Taxi driver je trouve. Charles Denner pourrait à tout moment se raser la tête ou buter sa femme sans raison que ça ne dénoterait pas. Mais comme on est encore dans les années 60, le film reste sage en apparence.Addis-Abeba a écrit : ↑24 sept. 11, 18:18Oui c'est exactement ça, et c'est aussi le sujet du film la vie à l'envers. Beau film, intelligent, plein de finesse, qui narre les aventures de Jacques Valin (Charles Denner formidable) petit agent immobilier de Montmartre qui s’ennuie. Et qui se pose plein de questions, et si le bonheur ne passait pas par son travail, par sa femme ? Toutes ses "obligations" qu'on peut s'imposer, ces faux miroirs de nos vies actives.Roy Neary a écrit :Alain Jessua est une personnalité à part dans le cinéma français ; c'est un peu le cinéaste du dérèglement, chez qui nos comportements sociaux sortent des rails que la société leur a alloués
Allain Jessua questionne, on peut ne pas adhérer à ce personnage un peu lunaire, ou s'y retrouver même infimement (car le personnage est très radical dans son refus de toute vie sociale) mais en tout cas c'est fait avec tact, pudeur, et ce sujet me semble assez rare au cinéma pour ne pas l'évoquer.
Quelque part on peut un peu le rapprocher du phénomène Hikikomori au Japon.
Le film n'est certes pas parfait, il pâtit d'un rythme un peu trop lénifiant par moment, mais Alain Jessua est vraiment un réalisateur à redécouvrir, un cinéaste qui bouscule les conventions, avec un cinéma qui mine de rien va loin dans ses interrogations.
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Re: Alain Jessua (1932-2017)
Deux ans après mon très décevant visionnage des Chiens, je n'ai toujours pas maté En toute innocence. Par contre, la découverte rapprochée de Traitement de choc et Armaguedon me redonne confiance.
Traitement de choc est roublard. Il délaie longuement les révélations, joue sur l'étrangeté, appuie ses atmosphères, enrobe le tout d'un esprit libertaire et hédoniste, comme une lecture dévoyée au capitalisme exacerbé des idéaux des années soixante. La BO de Koering en total décalage apporte aussi beaucoup.
Armaguedon pourrait quant à lui paraître presque convenu, s'il ne subvertissait pas autant les genres et les tons, en usant de contre-emplois bien trouvés. On y sent l'amour de Jessua pour le thriller paranoïaque alors en vogue aux USA, auquel il ajoute une très bien vue touche d'européanité avant l'heure. Sur ce point, le film est une radiographie passionnante d'un monde qui change, déjà interconnecté et en proie à de nouvelles terreurs troubles et encore indéfinies, où les actes terroristes et revendications politiques se heurtent au caractère intime du psycho/sociopathe qui prendra bientôt la forme du tueur en série. Seul le giallo s'était déjà réellement emparé de la figure, et Armaguedon comporte une scène qui pourrait d'ailleurs totalement faire partie du genre. Yanne et Salvatori sont très bons, Delon le difficile est judicieusement gardé en retrait. La BO d'Astor Piazzolla est encore une fois d'une singularité rafraichissante, allant régulièrement piocher chez Morricone une tonalité renvoyant aux ténèbres de la psyché défaillante du perso de Yanne. Quelque part, ce mélange aurait facilement pu ne pas marcher, mais il trouve sa place grâce à utilisation intelligente du silence et des bruits d'ambiance. Un film rythmé comme une balade, par monts et par vaux, qui offre aussi quelques belles images d'un Paris aujourd'hui disparu.
À ce stade, j'ai définitivement l'impression que Jessua cherchait le film concept fort, un peu à l'américaine, avec chaque film. Il le trouvera définitivement avec Les Chiens, mais en y perdant malheureusement la psychologie et l'incarnation qui font la force des deux œuvres précédentes. Prochain sur la liste : Paradis pour tous.
Traitement de choc est roublard. Il délaie longuement les révélations, joue sur l'étrangeté, appuie ses atmosphères, enrobe le tout d'un esprit libertaire et hédoniste, comme une lecture dévoyée au capitalisme exacerbé des idéaux des années soixante. La BO de Koering en total décalage apporte aussi beaucoup.
Armaguedon pourrait quant à lui paraître presque convenu, s'il ne subvertissait pas autant les genres et les tons, en usant de contre-emplois bien trouvés. On y sent l'amour de Jessua pour le thriller paranoïaque alors en vogue aux USA, auquel il ajoute une très bien vue touche d'européanité avant l'heure. Sur ce point, le film est une radiographie passionnante d'un monde qui change, déjà interconnecté et en proie à de nouvelles terreurs troubles et encore indéfinies, où les actes terroristes et revendications politiques se heurtent au caractère intime du psycho/sociopathe qui prendra bientôt la forme du tueur en série. Seul le giallo s'était déjà réellement emparé de la figure, et Armaguedon comporte une scène qui pourrait d'ailleurs totalement faire partie du genre. Yanne et Salvatori sont très bons, Delon le difficile est judicieusement gardé en retrait. La BO d'Astor Piazzolla est encore une fois d'une singularité rafraichissante, allant régulièrement piocher chez Morricone une tonalité renvoyant aux ténèbres de la psyché défaillante du perso de Yanne. Quelque part, ce mélange aurait facilement pu ne pas marcher, mais il trouve sa place grâce à utilisation intelligente du silence et des bruits d'ambiance. Un film rythmé comme une balade, par monts et par vaux, qui offre aussi quelques belles images d'un Paris aujourd'hui disparu.
À ce stade, j'ai définitivement l'impression que Jessua cherchait le film concept fort, un peu à l'américaine, avec chaque film. Il le trouvera définitivement avec Les Chiens, mais en y perdant malheureusement la psychologie et l'incarnation qui font la force des deux œuvres précédentes. Prochain sur la liste : Paradis pour tous.
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Re: Alain Jessua (1932-2017)
Celui que je préfère, Dewaere oblige.