Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Coxwell
Le Révolté de l'An 2000
Messages : 4026
Inscription : 24 févr. 05, 10:58

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Coxwell »

Demi-Lune a écrit :j'hallucine encore face au dernier tiers, totalement démissionnaire.
Absolument jouissif me concernant que ce soit en termes de maîtrise technique qu'en termes de construction cynique et moqueur. Les uns et les autres détruits - avec effroi - pour retomber dans une indifférence presque totale - de la société et du spectateur. Les riches disparaissent, les pauvres ne peuvent exister sans essayer de devenir ces neo riches-parvenus les conduisant très probablement à chuter à nouveau. Riches et pauvres (désirant ne plus lm'être) sont malmenés dans cet esprit de lucre, cet arrivisme qui ronge la société coréenne (et plus encore chinoise d'ailleurs) tournée en dérision, tantôt froide et morbide, tantôt cruelle et réjouissante.
Je loue au réal la capacité de jouer de l’oppression à partir d'espaces à échelles différentes, qu'ils soient vastes comme exigus. Le dining room ou la cave, avec une continuité oppressive assez remarquable alors que l'espace est fondamentalement différent. Une promiscuité très malsaine qui est brillamment exécutée dans cette scène érotique particulièrement effroyable sur le plan de la violence sociale, servie par une construction sonore adéquate.
Avatar de l’utilisateur
Vic Vega
Roi du BITE
Messages : 3706
Inscription : 15 avr. 03, 10:20
Localisation : South Bay

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Vic Vega »

Demi-Lune a écrit :Je dois être un cas irrécupérable, car j'ai moi aussi beaucoup de mal à comprendre ce qui peut séduire à ce point dans cette tragicomédie certes solidement exécutée sur le plan technique, mais à mon sens anodine, sinon grossière, dans ses tenants et aboutissants - j'hallucine encore face au dernier tiers, totalement démissionnaire. Pour tout dire, le dernier Bong me fait surtout penser aux exercices de style racés mais inconséquents, lorsqu'ils ne sont pas problématiques, de son comparse Park Chan-wook (ou, plus lointainement, à un film tout nul comme The housemaid de Im Sang-soo) :
Pendant la projo, j'étais conscient que le scénario ne faisait pas dans la dentelle mais mes zygomatiques ont été conquis (et s'agissant du minimum d'attachement à ce que je voyais il y avait Song Kang-ho). Quant à la comparaison avec PCW, je ne peux qu'être en désaccord: dans un Oldboy, la multiplication des twists m'a donné un sentiment de trop plein (de sadisme, de dolorisme) que je n'ai jamais eu ici. Il y a bien sûr une part de calcul comme dans tout film jouant sur les twists mais c'était suffisamment bien mené pour ne pas m'agacer. C'est aussi plus équilibré, moins bancal dans sa gestion des ruptures de tons (d'une scène à l'autre, à l'intérieur d'une scène) que le film cité. Et là où la virtuosité baroque de PCW flirte souvent avec le clinquant et le procédé gadget, zéro faute de goût chez Bong (et gestion de l'espace en huis clos digne d'un RD). Dans son exécution, c'est un film parfait au sens où peut dire ça d'un A toute épreuve par exemple. Et du coup me concernant tout ceci m'a fait apprécier le film en dépit de certaines choses subtiles comme un tank ou enfonçant des portes ouvertes.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Les twists qui racontent que lorsqu'il en a l'opportunité un pauvre peut être aussi fourbe qu'un riche, qu'évidemment pour grimper un pauvre doit marcher sur d'autres pauvres et que ce n'est bien sûr pas sans conséquences, que les piétinés par leurs "frères de condition" peuvent se venger. Les symboles gros comme une maison du sous-sol, du chef indien incarnant l'américanisation des nouveaux riches. Avec en plus ce truc de la fête bourgeoise qui dégénère et où les impostures se démasquent, usé depuis au moins Festen.
Demi-Lune a écrit :il me paraît quand même offrir bien peu de matière à penser sur le rapport entre nantis et prolétaires qui se veut au cœur du film :
Impression que ton avis est biaisé par l'aura attachée à une Palme d'or: c'est juste une comédie gilets jaunes vs riches, Über vs nouvelle bourgeoisie efficace et virtuose dans son exécution, celle qu'Hollywood aurait pu et dû produire si l'usine à rêves californienne n'était pas obnubilée par Metoo et les super-héros, pas l'équivalent pour notre époque des chefs d'oeuvre de Lubitsch et Wilder. Parasite est pour moi le meilleur représentant des forces et des limites de la vague des cinéastes cinéphiles coréens apparue au début des années 2000 (PCW, Kim Jee-woon, Bong, Na Hong-jin) : direction artistique n'ayant parfois rien à envier aux meilleurs cinéastes hollywoodiens en activité mais écriture scénaristique rarement totalement à la hauteur de cette DA (des films s'emmêlant souvent les pinceaux quand la conclusion approche). Seules exceptions selon moi: Memories of murder et dans une moindre mesure Mother (selon moi nettement meilleur dans sa dernière demi-heure que dans ce qui précède, chose rare dans la Nouvelle Vague coréenne).
ImageImageImageImage
Avatar de l’utilisateur
Coxwell
Le Révolté de l'An 2000
Messages : 4026
Inscription : 24 févr. 05, 10:58

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Coxwell »

Vic Vega a écrit :dans un Oldboy, la multiplication des twists m'a donné un sentiment de trop plein (de sadisme, de dolorisme) que je n'ai jamais eu ici. Il y a bien sûr une part de calcul comme dans tout film jouant sur les twists mais c'était suffisamment bien mené pour ne pas m'agacer.
Je ne suis pas choqué par cet excès et le manque d'équilibre d'autant plus que c'est un manga assez bariolé et baroque.
zéro faute de goût chez Bong (et gestion de l'espace en huis clos digne d'un RD)
Parfaitement d'accord.
c'est juste une comédie gilets jaunes vs riches, Über vs nouvelle bourgeoisie


Je ne vois pas vraiment le rapport. C'est surtout beaucoup plus simple, n'ayons pas peur des termes marxistes ; un conflit/violence de classes tout ce qui a de plus ancien et opératoire.


Celle qu'Hollywood aurait pu et dû produire si l'usine à rêves californienne n'était pas obnubilée par Metoo et les super-héros, pas l'équivalent pour notre époque des chefs d'oeuvre de Lubitsch et Wilder.


Bien d'accord, à nouveau.

Parasite est pour moi le meilleur représentant des forces et des limites de la vague des cinéastes cinéphiles coréens apparue au début des années 2000 (PCW, Kim Jee-woon, Bong, Na Hong-jin) : direction artistique n'ayant parfois rien à envier aux meilleurs cinéastes hollywoodiens en activité mais écriture scénaristique rarement totalement à la hauteur de cette DA (des films s'emmêlant souvent les pinceaux quand la conclusion approche).


Jugement assez sévère considérant que beaucoup de scripts sont brillants et exécutés avec cohérence, ce qui n'est plus le cas dans bien nombre de films US. Je suis plus emballé par la fraîcheur et l'esprit de conquête de ces pionniers du cinéma KR d'export que bien des propositions de films US actuelles.
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22223
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Supfiction »

Il est étonnant de retrouver dans cette palme d’or de nombreux éléments de la palme d’or de l’an dernier ainsi que de la palme d’or des critiques, à savoir Burning. L’autre référence évidente est bien entendu La cérémonie de Chabrol, le malaise en moins car malgré les sales coups des uns et l'égoïsme des autres, on ne ressent jamais une misanthropie trop appuyée et aucun personnage n’est vraiment haïssable. Jamais la Corée n’a semblé si proche de nous spectateurs européens. On pourrait même se demander si on assiste pas à un renversement culturel : alors que les films hollywoodiens nous semblent de plus en plus distants et déconnectés de nos préoccupations, ce cinéma coréen est peut-être aujourd’hui le meilleur témoin de nos comédies et drames français et italiens d’il y a quelques décennies. Quel contraste quand en sortant de la salle je suis tombé sur les affiches des nouveaux films de Balasko, Clavier et Bourdon.
Entre Parasite et Burning, je suis curieux d’en savoir plus sur la situation économique et sociale de ce pays qu’on imagine radicalement différente de la notre pourtant.



Jack Griffin a écrit :Le bouche à oreille va être bon...encore faut il que le spectateur lambda français aille voir un film de genre corréen
J’ai bien regardé le public sortant de la salle (pleine), c’est clairement le public de Cannes, 30-60 ans, pas le public familial habituel du week-end.
Spoiler (cliquez pour afficher)
J’ai une question pour qui veut : je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle le père/chauffeur tue le père bourgeois car ça va très vite à ce moment là. Est-ce par colère en le voyant partir à l'hôpital avec son fils simplement évanoui alors que sa fille est par terre avec un couteau dans la poitrine ?
Avatar de l’utilisateur
Vic Vega
Roi du BITE
Messages : 3706
Inscription : 15 avr. 03, 10:20
Localisation : South Bay

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Vic Vega »

Supfiction a écrit :Il est étonnant de retrouver dans cette palme d’or de nombreux éléments de la palme d’or de l’an dernier
En quoi c'est étonnant? Le Japon a connu sa dérégulation du contrat de travail, ses jobs à 3 yens et son modernisateur autoproclamé (Koizumi). Et le dumping social chinois a tiré toute l'Asie socialement vers le bas.
Supfiction a écrit : Entre Parasite et Burning, je suis curieux d’en savoir plus sur la situation économique et sociale de ce pays qu’on imagine radicalement différente de la notre pourtant.
Je vois pas ce qui te permettrait de croire ça. La nation divisée en deux, la présence militaire ricaine sont effectivement des problèmes que la France ne connaît pas. En revanche, il n'y a aucune raison que la pénétration de la business culture anglo-saxonne dans la population et les élites politiques n'ait pas eu les mêmes conséquences qu'en France (en dépit dans le cas coréen du souvenir vivace des luttes d'extrême-gauche contre la dictature).
Coxwell a écrit :
Vic Vega a écrit :dans un Oldboy, la multiplication des twists m'a donné un sentiment de trop plein (de sadisme, de dolorisme) que je n'ai jamais eu ici.
Je ne suis pas choqué par cet excès et le manque d'équilibre d'autant plus que c'est un manga assez bariolé et baroque.
Manga ou pas manga, le scénario en fait trop dans la surenchère du malheur. Mais bon c'est pas le sujet.
Coxwell a écrit :
Vic Vega a écrit :c'est juste une comédie gilets jaunes vs riches, Über vs nouvelle bourgeoisie
Je ne vois pas vraiment le rapport. C'est surtout beaucoup plus simple, n'ayons pas peur des termes marxistes ; un conflit/violence de classes tout ce qui a de plus ancien et opératoire.

Sauf que ce n'est plus grande bourgeoisie vs prolétariat mais nouveaux riches américanisés vs prolos übérisés.
Coxwell a écrit :
Vic Vega a écrit :Parasite est pour moi le meilleur représentant des forces et des limites de la vague des cinéastes cinéphiles coréens apparue au début des années 2000 (PCW, Kim Jee-woon, Bong, Na Hong-jin) : direction artistique n'ayant parfois rien à envier aux meilleurs cinéastes hollywoodiens en activité mais écriture scénaristique rarement totalement à la hauteur de cette DA (des films s'emmêlant souvent les pinceaux quand la conclusion approche).
Jugement assez sévère considérant que beaucoup de scripts sont brillants et exécutés avec cohérence, ce qui n'est plus le cas dans bien nombre de films US. Je suis plus emballé par la fraîcheur et l'esprit de conquête de ces pionniers du cinéma KR d'export que bien des propositions de films US actuelles.
Evidemment qu'en prenant un point d'évaluation très bas (le film hollywoodien de base) ces scénarii font figure de proue. Mais parmi toute la vague de cinéastes dont je parle j'ai rarement vu un scénario au même degré d'accomplissement que par exemple Millers Crossing. C'est cependant le cas pour Memories of murder.
ImageImageImageImage
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22223
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Supfiction »

@ Vic Vega, tu as coupé la seconde partie de ma phrase citée. Après Burning l’an dernier, Parasite enfonce le clou. Pour qui ne connait rien de la situation sociale de la Corée, comme ça doit être le cas de la grande majorité des français il me semble, cela interpelle. On ne s’imagine pas forcément à priori qu’il peut y avoir autant de précaires et de jalousie qu’ici.

C’est quoi DA ?
Avatar de l’utilisateur
Vic Vega
Roi du BITE
Messages : 3706
Inscription : 15 avr. 03, 10:20
Localisation : South Bay

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Vic Vega »

Supfiction a écrit :@ Vic Vega, tu as coupé la seconde partie de ma phrase citée. Après Burning l’an dernier, Parasite enfonce le clou. Pour qui ne connait rien de la situation sociale de la Corée, comme ça doit être le cas de la grande majorité des français il me semble, cela interpelle. On ne s’imagine pas forcément à priori qu’il peut y avoir autant de précaires et de jalousie qu’ici.

C’est quoi DA ?
Ben moi au contraire j'ai toujours imaginé les sociétés asiatiques encore plus dures et inégalitaires qu'en France. Ne serait-ce que parce que la plupart des reportages style Zone Interdite/Capital sur l'Asie que j'ai vus se focalisent souvent sur le caractère très compétitif de leurs systèmes scolaires, l'importance du fric pour choisir le bon lycée et les bons cours de soutien privés. Quand tu vois ça c'est du coup facile d'imaginer le type de société que ça implique. Par DA, j'entendais direction artistique (mise en scène, photographie, choix des décors et des costumes...).
ImageImageImageImage
Avatar de l’utilisateur
Coxwell
Le Révolté de l'An 2000
Messages : 4026
Inscription : 24 févr. 05, 10:58

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Coxwell »

Vic Vega a écrit : En revanche, il n'y a aucune raison que la pénétration de la business culture anglo-saxonne dans la population et les élites politiques n'ait pas eu les mêmes conséquences qu'en France (en dépit dans le cas coréen du souvenir vivace des luttes d'extrême-gauche contre la dictature).
Il a raison. Le substrat culturel est néanmoins différent. La Corée est sans doute le pays où le confucianisme a eu les retentissements les plus profonds dans le logique de l'accomplissement de soi par le travail, l'étude, l'abnégation. De ce fait, le capitalisme s'est particulièrement bien fondu sur ce substrat bien différent de celui de pays latins comme la France, histoire des revendications et mouvements sociaux bien différents, notamment au XIXe. Les effets sont différents car les populations ont un sens de l'abéngation, d'une sorte d'atavisme qui conditionne bien différemment la pénétration de cette idéologie économique.
Manga ou pas manga, le scénario en fait trop dans la surenchère du malheur. Mais bon c'est pas le sujet.
L'as tu lu ? Cette surenchère est nativement présente. Alors je sais parfaitement qu'adapter cinématographiquement ne signifie pas de singer la même grammaire à l'oeuvre d'un support écrit, cela dit, je n'ai pas été choqué par les outrances du film de PCW.
Sauf que ce n'est plus grande bourgeoisie vs prolétariat mais nouveaux riches américanisés vs prolos übérisés.
En quoi les gilets jaunes seraient les représentants du prolétariat ? Ce serait se méprendre. La plupart sont des petites classes moyennes qui se considèrent paupérisées, auxquelles on a vendu des rêves de pavillons, de voitures et de géographie périurbaine (la France des rond-points) dans les années 70-2000 et qui sont confrontées au déclassement social et idéologique valorisant la métropole mondialisée et verdie. C'est une sorte de contestation d'un monde qui se voit disparaître, souffrant d'une marginalisation économique notamment.
Par ailleurs, le marxisme ne résume pas non plus le combat entre grande bourgeoisie et prolétariat. Il y a une stratification chez MArx, et ce même depuis le XIXe (lumpen proletariat).
J'ai bien du mal à résumer ce couple aisé à une famille riche "influencée par l'américanisme" comme si c'était son code de définition sociologique. C'est un facteur presque anodin en soi. La question des indiens d'Amérique renvoie moins à la culture de définition de cette famille par l'appropriation culturelle américaine qu'à une référence de conflit de classes sociales presque universelle en mode dominant / dominé. Bong lui-même parle d’universalisme comme élément déterminant de son cinéma.
Evidemment qu'en prenant un point d'évaluation très bas (le film hollywoodien de base) ces scénarii font figure de proue. Mais parmi toute la vague de cinéastes dont je parle j'ai rarement vu un scénario au même degré d'accomplissement que par exemple Millers Crossing. C'est cependant le cas pour Memories of murder.
Je ne vois pas vraiment en quoi le scénario de Millers Crossing (que j'aime beaucoup) présenterait un degré d'accomplissement supérieur à certains films coréens - non inscrit dans ce genre ? D'une certaine façon, il y a des éléments plus intéressants dans l'imbrication des genres des films de BJW (et même en dehors de MoM) qui rendent l'écriture presque aussi fine que celle à base d'ironie juive moqueuse des Coen.
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22223
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Supfiction »

Vic Vega a écrit :
Supfiction a écrit :@ Vic Vega, tu as coupé la seconde partie de ma phrase citée. Après Burning l’an dernier, Parasite enfonce le clou. Pour qui ne connait rien de la situation sociale de la Corée, comme ça doit être le cas de la grande majorité des français il me semble, cela interpelle. On ne s’imagine pas forcément à priori qu’il peut y avoir autant de précaires et de jalousie qu’ici.

C’est quoi DA ?
Ben moi au contraire j'ai toujours imaginé les sociétés asiatiques encore plus dures et inégalitaires qu'en France. Ne serait-ce que parce que la plupart des reportages style Zone Interdite/Capital sur l'Asie que j'ai vus se focalisent souvent sur le caractère très compétitif de leurs systèmes scolaires, l'importance du fric pour choisir le bon lycée et les bons cours de soutien privés. Quand tu vois ça c'est du coup facile d'imaginer le type de société que ça implique. Par DA, j'entendais direction artistique (mise en scène, photographie, choix des décors et des costumes...).
Ce qui est étonnant dans le film c’est que ce ne sont pas des “Groseille” (on est très loin également de Yudai le quincailler de Kore-Eda), les enfants en particulier sont instruits et pourraient très bien se faire une situation rapidement.
Avatar de l’utilisateur
Coxwell
Le Révolté de l'An 2000
Messages : 4026
Inscription : 24 févr. 05, 10:58

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Coxwell »

Vic Vega a écrit :
Supfiction a écrit :@ Vic Vega, tu as coupé la seconde partie de ma phrase citée. Après Burning l’an dernier, Parasite enfonce le clou. Pour qui ne connait rien de la situation sociale de la Corée, comme ça doit être le cas de la grande majorité des français il me semble, cela interpelle. On ne s’imagine pas forcément à priori qu’il peut y avoir autant de précaires et de jalousie qu’ici.

C’est quoi DA ?
Ben moi au contraire j'ai toujours imaginé les sociétés asiatiques encore plus dures et inégalitaires qu'en France. Ne serait-ce que parce que la plupart des reportages style Zone Interdite/Capital sur l'Asie que j'ai vus se focalisent souvent sur le caractère très compétitif de leurs systèmes scolaires, l'importance du fric pour choisir le bon lycée et les bons cours de soutien privés. Quand tu vois ça c'est du coup facile d'imaginer le type de société que ça implique. Par DA, j'entendais direction artistique (mise en scène, photographie, choix des décors et des costumes...).
Je suis en partie d'accord. Les paramètres choisis sont intéressants, mais il faut prendre d'autres marqueurs pour analyser le tableau social dans son ensemble (solidarité horizontale, emploi, etc.). De ce fait, attention quand même à l'angle choisi par certains reportages pour analyser le bilan positif ou non du fonctionnement social. Il est commun de définir un bon épouvantail (en forçant le trait) pour justifier une politique et son modèle. En l’occurrence ici, l'acceptation par défaut du modèle français - en panne - fondé sur l'Etat providence et la redistribution jacobine. "Regardez comme c'est horrible ailleurs, le modèle social français n'est pas si mal" : Gardons le tel quel (qu'il donne pas assez ou trop selon sa position politique).
Avatar de l’utilisateur
Coxwell
Le Révolté de l'An 2000
Messages : 4026
Inscription : 24 févr. 05, 10:58

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Coxwell »

Supfiction a écrit :
Vic Vega a écrit : Ben moi au contraire j'ai toujours imaginé les sociétés asiatiques encore plus dures et inégalitaires qu'en France. Ne serait-ce que parce que la plupart des reportages style Zone Interdite/Capital sur l'Asie que j'ai vus se focalisent souvent sur le caractère très compétitif de leurs systèmes scolaires, l'importance du fric pour choisir le bon lycée et les bons cours de soutien privés. Quand tu vois ça c'est du coup facile d'imaginer le type de société que ça implique. Par DA, j'entendais direction artistique (mise en scène, photographie, choix des décors et des costumes...).
Ce qui est étonnant dans le film c’est que ce ne sont pas des “Groseille” (on est très loin également de Yudai le quincailler de Kore-Eda), les enfants en particulier sont instruits et pourraient très bien se faire une situation rapidement.
Le recrutement scolaire - et même professionnel - est fortement corrélé à la qualification de l'école et au type d'Hagwon (établissement privé type "academy") dans lequel l'élève a choisi de se rendre en fin de journée. De plus, le recrutement peut être conditionné par l'apparence physique. Il n'est pas rare pour un coréen d'avoir recours à la chirurgie plastique (même très réduite) pour optimiser son apparence afin d'être recruté en sortie d'école. Cela a un coût. Ce n'est pas anodin que l'école et la chirurgie soient les secteurs les plus rentables en Corée.
Avatar de l’utilisateur
Vic Vega
Roi du BITE
Messages : 3706
Inscription : 15 avr. 03, 10:20
Localisation : South Bay

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Vic Vega »

Coxwell a écrit : L'as tu lu ?
Oui et pour moi c'est loin d'être un classique du manga.
Supfiction a écrit : Ce qui est étonnant dans le film c’est que ce ne sont pas des “Groseille” (on est très loin également de Yudai le quincailler de Kore-Eda), les enfants en particulier sont instruits et pourraient très bien se faire une situation rapidement.
Job mal payé plus bon niveau d'études, c'est quand même une situation de plus en plus courante en France. En particulier en région parisienne. Parce que la majorité des emplois créés en France aujourd'hui sont des contrats précaires. Il n'y aucune raison que la mondialisation ne produise pas des effets proches en Asie.
Coxwell a écrit : En quoi les gilets jaunes seraient les représentants du prolétariat ? Ce serait se méprendre. La plupart sont des petites classes moyennes qui se considèrent paupérisées, auxquelles on a vendu des rêves de pavillons, de voitures et de géographie périurbaine (la France des rond-points) dans les années 70-2000 et qui sont confrontées au déclassement social et idéologique valorisant la métropole mondialisée et verdie. C'est une sorte de contestation d'un monde qui se voit disparaître, souffrant d'une marginalisation économique notamment.
Certes, mais comme être GJ implique nolens volens d'être dans une culture de la démerde, cela rend Parasite particulièrement synchrone de la France de 2019.
Coxwell a écrit : J'ai bien du mal à résumer ce couple aisé à une famille riche "influencée par l'américanisme" comme si c'était son code de définition sociologique.
Sauf que leur goût des références culturelles anglo-saxonnes, le fait qu'il s'expriment dans un équivalent coréen du franglais dit quelque chose de leur envie d'imiter l'American way of life.
Coxwell a écrit : Je ne vois pas vraiment en quoi le scénario de Millers Crossing (que j'aime beaucoup) présenterait un degré d'accomplissement supérieur à certains films coréens - non inscrit dans ce genre ? D'une certaine façon, il y a des éléments plus intéressants dans l'imbrication des genres des films de BJW (et même en dehors de MoM) qui rendent l'écriture presque aussi fine que celle à base d'ironie juive moqueuse des Coen.
Parce que leur structure est souvent bancale, loin de l'équilibre parfait que je peux voir dans certains Scorsese, certains Coen (ou en Asie celui de The Killer). Par exemple je trouve le dernier Na Hong-jin bien écrit... jusqu'au dernier tiers où j'ai l'impression qu'il ne sait pas comment finir son film. A l'inverse, le sentiment de gâchis, de tristesse sur la durée qui se déploie sur la fin de Memories of murder n'a rien à envier au Fincher de Zodiac. Sinon, je sais bien que Lee Chang-dong n'a rien à voir avec la vague de cinéastes cinéphiles dont je parle, que c'est un ancien écrivain à succès devenu depuis brièvement ministre mais pour moi le scénario de Peppermint Candy est l'exemple d'une maîtrise d'écriture quasi-parfaite que j'ai plus de peine à trouver dans la Nouvelle Vague coréenne.
ImageImageImageImage
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22223
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Supfiction »

Sur la famille riche, je suis d’accord avec Vincent, on trouve la même ici. La range et la mercedes dans le garage, les meubles Roche et Bobois dans le salon, les gosses n’enlevant même pas leur casque pour passer de la voiture à la chambre, c’est dingue, j’ai vu exactement la même chose ici. La femme super sympa et parlant coré-glais, on dirait Elsa Zylberstein dans Gemma Bovery.
Avatar de l’utilisateur
Coxwell
Le Révolté de l'An 2000
Messages : 4026
Inscription : 24 févr. 05, 10:58

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Coxwell »

Oui et pour moi c'est loin d'être un classique du manga.
Je ne l'ai jamais considéré comme un classique du manga ceci étant dit. (Et le film me convient très bien tel quel).
Certes, mais comme être GJ implique nolens volens d'être dans une culture de la démerde, cela rend Parasite particulièrement synchrone de la France de 2019.
Certes, mais dans des ressorts de structuration/contestation sociale bien différents. Je rebondissais notamment sur ta classdification et les symptomes similaires Corée/France. Même si effectivement le real cherche l'universalité.
Sauf que leur goût des références culturelles anglo-saxonnes, le fait qu'il s'expriment dans un équivalent coréen du franglais dit quelque chose de leur envie d'imiter l'American way of life.
Ce n'est pas parce qu'il y a trop/quatre répliques US que la famille peut être définie sociologiquement comme famille aisée cherchant les codes de la famille US. C'est chercher absolument à voir de l'américanisme partout, et très honnêtement, c'est loin d'être aussi évident qu'on veut le bien le croire (notamment en Asie, et pour des raisons de traditions, politiques nationales, etc.) D'ailleurs, y a rien de plus différent qu'une famille vis à vis d'une autre, qui plus est si on cherche à définir ce que serait le modèle de la famille américaine notamment, et la comparer avec celle de Corée. Le consumérisme à l'américaine ne définit pas tout.
Parce que leur structure est souvent bancale, loin de l'équilibre parfait que je peux voir dans certains Scorsese, certains Coen (ou en Asie celui de The Killer). Par exemple je trouve le dernier Na Hong-jin bien écrit... jusqu'au dernier tiers où j'ai l'impression qu'il ne sait pas comment finir son film. A l'inverse, le sentiment de gâchis, de tristesse sur la durée qui se déploie sur la fin de Memories of murder n'a rien à envier au Fincher de Zodiac. Sinon, je sais bien que Lee Chang-dong n'a rien à voir avec la vague de cinéastes cinéphiles dont je parle, que c'est un ancien écrivain à succès devenu depuis brièvement ministre mais pour moi le scénario de Peppermint Candy est l'exemple d'une maîtrise d'écriture quasi-parfaite que j'ai plus de peine à trouver dans la Nouvelle Vague coréenne.
Qu'est ce que entends par structure bancale ? Bancale par rapport à la résolution de la trame principale d'une intrigue ? La mise en perspective de l'arc narratif avec celui d'un autre ? Le jeu de l'inter-texte et des propositions méta ?
Dans le cas de The Killers, c'est un accomplissement au sens où le film n'a pas une ambition plus grande que la résolution aboutie et propre d'une intrigue relativement classieuse/classique.
Avatar de l’utilisateur
Vic Vega
Roi du BITE
Messages : 3706
Inscription : 15 avr. 03, 10:20
Localisation : South Bay

Re: Parasite (Bong Joon-ho - 2019)

Message par Vic Vega »

Coxwell a écrit : Certes, mais dans des ressorts de structuration/contestation sociale bien différents. Je rebondissais notamment sur ta classdification et les symptomes similaires Corée/France. Même si effectivement le real cherche l'universalité.
C'est rare qu'un artiste cherche consciemment l'universalité. Bong fait une comédie à partir d'une situation de son pays et il se trouve qu'elle n'est pas sans point commun avec ce qui se passe ailleurs.
Coxwell a écrit : Ce n'est pas parce qu'il y a trop/quatre répliques US que la famille peut être définie sociologiquement comme famille aisée cherchant les codes de la famille US. C'est chercher absolument à voir de l'américanisme partout, et très honnêtement, c'est loin d'être aussi évident qu'on veut le bien le croire (notamment en Asie, et pour des raisons de traditions, politiques nationales, etc.) D'ailleurs, y a rien de plus différent qu'une famille vis à vis d'une autre, qui plus est si on cherche à définir ce que serait le modèle de la famille américaine notamment, et la comparer avec celle de Corée. Le consumérisme à l'américaine ne définit pas tout.
Bien sûr qu'il ne définit pas tout mais la présence militaire ricaine a quand même un peu d'impact sur une société, sans effacer totalement les particularismes nationaux.
Qu'est ce que entends par structure bancale ? Bancale par rapport à la résolution de la trame principale d'une intrigue ? La mise en perspective de l'arc narratif avec celui d'un autre ? Le jeu de l'inter-texte et des propositions méta ?
Dans le cas de The Killer, c'est un accomplissement au sens où le film n'a pas une ambition plus grande que la résolution aboutie et propre d'une intrigue relativement classieuse/classique.
En fait je crois que ce qui m'empêche d'adorer beaucoup de films de genre coréens autant que les meilleurs films de genre HK ou nippons est peut être que cette vague de cinéastes n'en a rien à cirer du classicisme. A l'inverse d'un Woo qui s'est formé avec le cinéma ricain classique ou d'un Kitano qui est un peu l'héritier par accident du cinéma japonais classique (son statisme de la caméra vient du fait qu'il a remplacé sur le tas Fukasaku sur Violent cop et que sur le tournage il avait peur que des éléments imprévus arrivent par accident dans le cadre). Si je considère Memories of murder comme le meilleur film de la Nouvelle Vague coréenne, c'est peut être qu'il contient à la fois une trame en ligne droite basée sur un faits divers réel au cours de laquelle une certaine tristesse s'installe sur la durée du film et à l'intérieur de cette trame des ruptures de tons, des mélanges de genre dans une scène typiques du cinéma populaire coréen actuel. En somme qu'il serait le Bong Joon-ho le plus classique.

PS: Demi-Lune toujours absent du débat.;)
ImageImageImageImage
Répondre