Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
Scénario
Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles
Compositeur
Mateus Alves
Tomaz Alves Souza
Directeur de la photographie
Pedro Sotero
Distribution
Barbara Colen : Teresa
Sônia Braga : Domingas
Udo Kier : Michael
Thomas Aquino : Pacote/Acacio
Silvero Pereira : Lunga
Jonny Mars : Terry
Chris Doubek : Willy
Alli Willow : Kate
Brian Townes : Joshua
D’ici quelques années… Bacurau est un petit village au nord du Brésil, coincé entre un préfet qui retient l’accès à l’eau et des rebelles locaux qui ont pris le maquis. Alors que l’on enterre une ancienne du village, la violence va monter d’un cran.
Bon, je ne suis pas bon en résumé… et je crains de n’être meilleur en avis… mais bon, hop, je fais comme les vrais cow boy : j’enfourche mon cheval sans selle et je pars au galop (oui… j’vais m’casser la gueule dans… 0,1 m).
Mon interrogation première face à ce type de film revient toujours à la question du genre et l’infini tarte à la crème qui se cache derrière. Nous dirons donc qu’il s’agit d’un « film de genre qui cache un pamphlet politique » ou « un pamphlet politique qui tord le cou aux règles du genre pour porter son propos ». Vous l’aurez compris, si nous avons une situation type, un trope des familles comme Manchette (entre autres) a pu s’en saisir, le spectacle ne s’arrêtera pas à cela puisqu’il vous faudra réfléchir… mais je reviendrai sur ce point.
Je ne connais rien au cinéma brésilien mais quand on sait que le projet date d’avant les dernières élections on peut se dire que les réalisateurs n’ont pas gentiment attendu que le monde des médias occidentaux s’inquiète de la situation pour envisager leur scénario. Même si on a la mémoire courte ou apolitique on peut se souvenir que la coupe du monde de foot et que l’organisation des J.O ont eu un impact délétère sur le pays et que la situation des peuples autochtones ou des plus démunis n’est pas des plus reluisantes. De fait, rien d’étonnant à ce que les riches guignols en campagne et les gringos tout puissant s’en prennent plein la tête dans cette variation des chasses du comte Zaroff.
Malgré une mise en place assez rapide, le film prend son temps. En effet, après un plan spatiale nous permettant d’observer le pays mais aussi la démarcation entre la nuit et le jour (manichéisme quand tu nous tiens), arrive une scène aussi macabre que grinçante qui donne le thème et le ton du film (un camion de cercueils s’est renversé sur la route et la camion-citerne que l’on suit est obligé d’en écraser quelques-uns au passage), puis le lieu et les opposants en place sont précisés à la scène suivante et nous pouvons rentrer dans le vif du sujet. Mais, alors que la scène des funérailles pourrait tout à la fois nous permettre de connaître les personnalités importantes du cru et de comprendre quels sont les enjeux et motivations de la personnage principale que nous suivons depuis quelques minutes… le propos se dilue dans la population.
C’est sans doute le point fort du film, et aussi le parti pris qui fera que des spectateurs auront du mal à entrer dedans. Si quelques figures sortent du lot, c’est la population toute entière qui est l’héroïne du film. Bien sûr c’est un « film de genre » et il nous faut les « gueules de l’emploi habituelles » mais au-delà de ça, on fera connaissance avec nombres d’habitant et la narration assez lente nous laisse le temps de profiter d’un mode de vie aussi atypique qu’attachant. Nous ne sommes ni dans cent ans de solitude ni dans un de ces reportages où un artiste visite « le vrai » monde, mais dans un univers où la pauvreté et le manque d’eau n’empêche pas d’avoir une tablette et de faire cours avec. La scène où le professeur cherche son village sur internet puis, ne le trouvant pas, sur google map avant de se replier sur une carte locale dessinée par des enfants est symptomatique de cet univers où les contraires vivent ensemble.
Forcément (enfin, je dis forcément… c’est évident quand on voit le film et son argument de départ), parce qu’ il y a des étrangers, que l’on convoite des terres, que l’on monnaie des femmes, que la tension va monter au soleil, qu’il y a quelques gros plans, nous sommes dans un western et, à ce titre, la gestion de la tension est bonne. Toutes les scènes et rebondissements autour du couple de motard en tenue bariolées sont très bien menées, c’est lent, on attend l’explosion de violence, quand elle vient elle est annoncée ce qui la désamorce mais permet de rebondir sur autre chose un peu loin… bref ça tire en longueur de manière intelligente (et la scène nous permet de passer d’un camp à un autre, ce qui est assez malin scénaristiquement).
Les nombreux plans sur la végétation, les coutumes locales (entre plantes sympas et jardinage à poil), la musique, se mêlent à des images plus contemporaines comme un personnage sans doute homosexuel ou aux nouvelles technologies… encore une fois, cela donne sa singularité au métrage qui pioche dans le western, les « gueules », la tension mais sans tomber dans le cliché. Les personnages sont écrits et ont « quelque chose à dire ». Si on ajoute à cela quelques scènes superbes (je pense à cette scène de nuit éclairée par un seul lampadaire et où les enfants jouent à se faire peur… l’ambiance est au rendez-vous).
Mais (j’avais dit que j’y reviendrai), donc… il faut réfléchir. Alors, je n’ai rien du tout contre la réflexion, contre les parallèles ou les métaphores, parfois un peu guidées parfois plus lourdes mais avec complexité ou subtilité. Malheureusement, c’est sur ce point que le film m’a déplu.
- Spoiler (cliquez pour afficher)