Les Sept chemins du couchant (Seven Ways from Sundown - 1960) de Harry Keller
UNIVERSAL
Avec Audie Murphy, Barry Sullivan, John McIntire, Kenneth Tobey, Venetia Stevenson
Scénario : Clayr Huffaker
Musique : Irving Gertz & William Lava
Photographie : Ellis W. Carter (Eastmancolor 1.37)
Un film produit par Gordon Kay pour la Universal
Sortie USA : 25 septembre 1960
Jim Flood (Barry Sullivan) sort d’un saloon une arme à la main : il vient de tuer ses partenaires au poker et s’enfuit à vive allure après avoir mis le feu à l’établissement. Le lendemain, les habitants s’en prennent au jeune Seven Jones (Audie Murphy) qui passait par là, nouvellement engagé dans les Texas Rangers ; il lui font porter le chapeau quant à l’absence d’hommes de loi lorsqu'on a le plus urgemment besoin d’eux. Jones réussit néanmoins à se tirer de cette fâcheuse posture et à se rendre à Buckley où il vient prendre son affectation. Le Lieutenant Herly (Kenneth Tobey), chef des Texas Rangers de la région, lui confie sa première mission : appréhender Jim Flood avec l’aide du plus expérimenté Sergent Hennessey (John McIntire). Ce que Herly ne révèle pas à Jones de peur qu’il en fasse une vengeance personnelle, c’est que Flood est l’assassin de son frère qui l’avait précédé à ce même poste. Avant de se lancer à la poursuite du hors-la-loi, la jeune recrue fait la connaissance de la jolie Joy Karrington (Venetia Stevenson) dont il n’est pas insensible au charme. La traque débute et Jones se rend compte au fur et à mesure qu’il s’en approche que le bandit est très populaire, grandement apprécié par la plupart de ceux dont il croise la route. Jones et son associé réussissent à le rejoindre et à le capturer mais Hennessey y laisse la vie. Jones doit désormais seul ramener Flood à Buckley où l'on prépare sa pendaison. En cours de route, affrontant ensemble plusieurs dangers (indiens, chasseurs de prime…), une estime réciproque va se faire jour entre l’homme de loi et son prisonnier…
Avant toute chose, il est bon de savoir que le titre français assez poétique du film, même s’il semble être une traduction littérale du titre original, opère un gros contresens par le simple fait d’avoir ajouté l’article défini ‘Les’. En effet, ‘Seven Ways from Sundown’, aussi étrange que cela puisse paraître, est en fait le prénom du personnage joué par Audie Murphy. Son père n’ayant pas eu envie de chercher des patronymes à ses enfants a préféré les nommer par des chiffres en fonction de leur ordre de venue au monde, la mère ayant néanmoins souhaité tout aussi incongrument apposer une touche de poésie (ou non : ‘One for the Money’ pour l’aîné, ‘Two for the Road’ pour le suivant…) à ces prénoms chiffrés. Idée assez saugrenue mais qui correspond finalement assez bien à ce western au ton insolite, sorte de mélange pittoresque entre deux précédents westerns avec Audie Murphy, Chevauchée avec le diable (Ride Clear of Diablo) de Jesse Hibbs et Qui est le traître ? (Tumbleweed) de Nathan Juran, le scénariste Clayr Huffaker et le cinéaste Harry Keller reprenant la situation principale du premier et le ton du second. Le résultat, s’il n’atteint pas le niveau de ses deux ‘modèles’, ne s'avère pas moins plutôt distrayant. Après avoir été un monteur prolifique durant les années 40 (notamment sur le très beau L'Ange et le mauvais garçon - Angel and the Badman avec John Wayne), Harry Keller travailla à de nombreuses reprises pour le genre, mettant en scène une dizaine d’obscurs westerns de série B (voire Z) pour la Républic, qui ne sont d’ailleurs jamais sortis dans notre contrée. Quantez fut le premier d’une série de quatre westerns à budgets plus importants réalisés pour la Universal ; les deux derniers, les plus connus, ont tous deux Audie Murphy pour acteur principal, le premier étant ce Seven Ways from Sundown, le second Six chevaux dans la plaine (Six Black Horses) en 1962. Fred MacMurray joue en revanche dans les deux autres, Quantez ainsi que La Journée des violents (Day of the Badman).
De Chevauchée avec le diable, le western d’Harry Keller reprend la situation principale qui est celle de faire se côtoyer pendant une bonne moitié du film un prisonnier et l’homme de loi venu l’appréhender, les deux apprenant à s’estimer au fur et à mesure de leur périple et des dangers qu’ils doivent affronter ensemble, et malgré le fait que la destination finale pour le hors-la-loi soit fort probablement la potence. Dans le premier film signé Jesse Hibbs, le bandit était interprété par un Dan Duryea qui s’en donnait à cœur joie (et pour notre plus grand plaisir) dans le cabotinage éhonté. Ici, c’est Barry Sullivan (l’acteur principal du 40 tueurs – Forty Guns de Samuel Fuller) qui incarne le ‘Bad Guy’ recherché par les Texas Rangers ; l’acteur a trouvé ici, comme bien souvent, le parfait équilibre entre sobriété et exubérance. Flood est un dandy épicurien et insouciant qui ne tue que par nécessité et qui préfèrerait être pendu plutôt que d’être privé des plaisirs simples de la vie que sont avant tout pour lui un cigare, une tasse de café, des femmes, du whisky ou encore un bon steak. Un homme qui clame haut et fort son désir de liberté et qui s’avère au final éminemment attachant et sympathique, capable, sans se forcer (et à vrai dire sans même chercher à le faire), de charmer aussi bien les enfants (très jolie séquence au bord d’une rivière, hommage bienvenue à la futilité et à l’insouciance, avec un jeune garçon dont l’interprète n’est autre que le fils de Mickey Rooney) que les adultes : Seven Jones, malgré sa droiture, va vite lui porter une très grande estime ; estime qui deviendra rapidement réciproque, Flood étant de son côté impressionné par la ténacité inébranlable de son geôlier ainsi que par son immense probité, n’acceptant par exemple d’être ‘acheté’ à aucun prix et refusant sans avoir eu à réfléchir sa proposition d’association pour écumer la région. Paradoxalement, toute cette deuxième moitié du film dépeignant les relations qui s’instaurent entre les deux hommes, sur le papier la partie la plus intéressante, s’avère finalement la moins réussie à l’écran, faute à un budget minime qui fait se dérouler toutes les séquences de nuit au sein de décors de studio trop étriqués et au manque de génie du réalisateur qui se contente de filmer le tout assez platement sans arriver à se mettre au niveau de son scénario.
Attention, rien de rédhibitoire non plus : le film reste presque constamment plaisant d’autant que les dialogues sont très bien écrits et les situations parfaitement mises en place et agencées par Clair Huffaker qui signait à l’occasion son premier scénario avant d’être au générique de beaucoup d’autres films durant les vingt années suivantes (dans le domaine du western il écrira pour Michael Curtiz, Gordon Douglas, Andrew V. McLaglen pour ne citer que les plus connus). Avant donc d’en arriver à la partie qui décrit le retour au Texas des deux hommes, nous avons eu le temps durant une bonne demi-heure de faire connaissance avec les différents personnages de l'intrigue, d’une manière très nonchalante et légère apportant ce ton si particulier au film. Après un pré-générique détonant qui voyait Barry Sullivan sortir du saloon l’arme à la main après avoir tué ses partenaires aux cartes, la séquence suivante faisait immédiatement entrer en scène son futur rival, la nouvelle recrue des Texas Rangers interprétée par un Audie Murphy dont on dirait qu’il n’a pas vieilli depuis le début de sa carrière. Alors que cette même année 1960 il semblait très fatigué dans Le Diable dans la peau (Hell Bent for Leather) de George Sherman (réalisateur qui avait d’ailleurs été pressenti pour tourner Seven Ways from Sundown) ou beaucoup plus âgé avec sa moustache dans Le Vent de la plaine (The Unforgiven) de John Huston, le comédien revient pour une troisième fois dans un western, étonnement rajeuni en comparaison de ses prestations dans les deux titres précédents. Il s’avère très convaincant dans le rôle de ce jeune Texas Ranger gauche, crédule, inexpérimenté mais d’une honnêteté à toute épreuve, protagoniste auquel il n’est pas difficile de s’identifier, le comédien n’en faisant jamais trop dans l’héroïsme. Avant que la traque ne se mette en place, les auteurs prennent donc leur temps pour nous décrire la petite ville dans laquelle vient officier Seven Jones avec aussi la peinture d'autres protagonistes très intéressants comme ceux interprétés par le toujours aussi talentueux John McIntire, le très bon Kenneth Tobey ou la jeune et jolie Venetia Stevenson, fille du cinéaste Robert Stevenson qui tombera amoureuse de son partenaire au cours du tournage, raison probable pour laquelle les rares scènes qu’ils partagent sont aussi irrésistibles, Audie Murphy n’étant de plus presque jamais meilleur que lorsqu’il doit jouer la maladresse et la timidité auprès des femmes.
C’est également durant cette première partie que l’on apprend d’emblée tous les enjeux du film, les secrets de famille comme celui de la provenance de ces patronymes aussi pittoresques que ceux de la famille Jones, ou encore le fait que le ranger novice va devoir sans le savoir poursuivre l’assassin de son frère. Une partie qui dans son style visuel (décors, maquillages, costumes et photographie), par le ton adopté et les personnages du petit garçon et de la jeune femme, fait parfois plus penser à une comédie familiale qu'à un western sans que ce ne soit gênant, tout au contraire, le film ne devenant en revanche jamais ni lourd de menaces ni tendu comme l’intrigue nous le faisait envisager. Ceci est à la fois la force et la faiblesse de ce western : un ton insolite qui perdure durant la partie censée être plus dramatique et qui par ce fait empêche le film d’être plus émouvant, ce qu’était en revanche arrivé à mener à bien Nathan Juran au travers de son excellent Qui est le traître ? (Tumbleweed). S’ensuit donc après une charmante première partie le début de la traque se déroulant au milieux de paysages divers et variés, tous filmés avec professionnalisme à défaut d’ampleur. Une portion du film très courte surtout destinée à nous faire entrapercevoir le côté équivoque du bandit : s’il semble impitoyable et dangereux aux yeux de la justice et de la loi, il s’avère d’une grande générosité aux yeux de la plupart de ceux dont il croise la route. Étant donné que nous ne l’avons pour l’instant vu que quelques secondes en début de film, on ne sait plus trop à quoi s’attendre de sa part et l’impatience se fait grandissante de pouvoir enfin faire sa connaissance. Puis arrive la troisième partie du film consacrée au retour de l’homme de loi avec son prisonnier, succession de scènes dialoguées et de scènes d’action (dont l’excellente séquence des chasseurs de primes, la plus sombre du film). Et c’est là que le duo Murphy/Sullivan fait montre de tout son talent même si on aurait préféré un autre metteur en scène derrière la caméra pour réhausser le tout. Comme nous le disions ci-avant, le film parait alors vouloir être plus dramatique sans réellement y parvenir, la belle séquence finale (qui n'est pas surprenante puisque le conflit semble inévitable depuis le début) n’arrivant pas à nous toucher autant que nous l'aurions souhaité. C’est donc bien là le principal défaut du film ; le cinéaste est bien trop sage pour arriver à faire plus que plaisamment nous divertir : ce qui n’est certes déjà pas si mal.
Des situations classiques légèrement modernisées par la manière qu’a le scénariste de les prendre à la légère (un peu trop parfois ; voire l’attaque indienne qui pour nos deux héros ressemble un peu trop à du tir aux pigeons) mais une mise en scène qui manque de rythme et n’arrive pas à tirer partie de toutes les possibilités du scénario, de superbes paysages naturels (notamment Red Rock Canyon dans le Nevada) mais des décors de studio parfois très cheap, une agréable bande originale mais une photographie assez quelconque, des comédiens parfaitement dirigés pour un western plaisant mais sans assez de tension lors des moments dramatiques. Cependant au final, un film tout aussi sympathique qu’insolite, laissant un arrière goût amer dans la bouche tout comme dans celle du personnage joué par Audie Murphy lorsqu’il se rend compte que de ne pas dévier de sa ligne de conduite et de son sens de l’éthique, et donc dans son cas appliquer la justice à la lettre, n’est pas toujours très agréable ; on imagine ce qu'aurait pu tirer de cette thématique un cinéaste plus chevronné. Mais somme toute, néanmoins une bonne série B !
Les Cavaliers de l'enfer (Posse from Hell - 1961) de Herbert Coleman
UNIVERSAL
Avec Audie Murphy, John Saxon, Zohra Lampert, Vic Morrow, Robert Keith
Scénario : Clay Huffaker d'après son roman
Musique : sous la direction de Joseph Gershenson
Photographie : Clifford Stine (Eastmancolor 1.85)
Un film produit par Gordon Kay pour la Universal
Sortie USA : 01 mai 1961
Quatre hors-la-loi évadés de prison arrivent de nuit dans la tranquille petite bourgade de Paradise, Arizona. Ils sont commandés par l’impitoyable Crip (Vic Morrow) qui n’hésite pas à assassiner les habitants de sang froid afin d’instaurer la terreur, espérant ainsi se faire obéir au doigt et à l’oeil. Après quatre assassinats dont celui du shérif, les dangereux bandits prennent la fuite non sans avoir dévalisé la banque et pris en otage Helen Caldwell (Zohra Lampert), jeune femme qu’ils violent et laissent pour morte dans un coin désertique. Les notables de la ville font appel à un ex-associé de l’homme de loi décédé, le tireur d’élite Banner Cole (Audie Murphy), pour organiser une expédition punitive et récupérer la jeune femme ainsi que l’argent de la banque. Mais la cruauté inaccoutumée des hors-la-loi fait que peu sont prêts à prendre de tels risques. Banner ne trouvera que six citoyens pour le suivre dont Seymour Kern (John Saxon), jeune employé de banque qui ne supporte pas la violence de l’Ouest, l’ex-soldat Jeremiah Brown (Robert Keith), la tête brûlée Jock Wiley (Paul Carr) ou l’honnête indien Johnny Caddo (Rodolfo Acosta). Ils retrouvent rapidement Helen, traumatisée par le viol ; mais le chemin est encore long et semé d’embûche. Peu en sortiront indemnes…
Avec ce premier film signé Herbert Coleman, voici déjà quatre westerns au compteur pour Audie Murphy depuis le début de la décennie, dont Les Sept chemins du couchant (Seven Ways from Sundown) réalisé par Harry Keller. Comme pour ce dernier, c’est le scénariste Clair Huffaker qui adapte une fois encore son propre roman et le résultat s’avère à nouveau tout à fait honorable à défaut d’être mémorable. Après avoir signé le script de Les Rôdeurs de la plaine (Flaming Star) de Don Siegel, le romancier-scénariste travaillera encore par la suite pour de grands noms tels Michael Curtiz (Les Comancheros) ou Gordon Douglas (Rio Conchos). Quant à Herbert Coleman, il ne réitèrera qu’une seule autre fois l'expérience de se trouver derrière la caméra : ce sera un film de guerre tourné la même année avec toujours avec Audie Murphy en tête d’affiche, Battle at Bloody Beach, tout aussi méconnu que le western précédent. Avant de mettre en scène ces deux uniques films, Coleman aura surtout été un assistant-réalisateur de premier ordre aux côtés de John Farrow (Terre damnée – Copper Canyon), William Wyler (Vacances romaines – Roman Holiday) et surtout Alfred Hitchcock sur la plupart de ses meilleurs film de la deuxième moitié des années 50 pour lesquels il fut dans le même temps producteur associé (Mais qui a tué Harry, Sueurs froides, L’Homme qui en savait trop…) Pour son premier essai en tant que réalisateur, sans rien transcender, il fournit néanmoins le travail d’un bon professionnel.
Le film narre la traque de quatre dangereux malfrats par un ‘posse’ qui, au fur et à mesure de son avancée, va connaitre des départs, des morts, des hommes se révélant des héros, d'autres des couards... On a auparavant vu ça des dizaines et des dizaines de fois (même déjà dans certains films avec Audie Murphy), mais la nouveauté du western d’Herbert Coleman est qu’il est bien ancré dans son époque, ce début des sixties où l’on constate la montée d’un cran de la violence à l’écran et une manière plus crue et plus franche d’aborder des sujets tabous (ici le viol), y compris, la preuve en est, dans la production de série B. A ce propos, les dix premières minutes de Posse from Hell sont magistrales (le reste, en comparaison, ne pourra que décevoir d’où probablement la réputation assez moyenne du film) ! Le film débute de nuit avec l’arrivé de quatre cavaliers sur une musique syncopée dont la mélodie est principalement rythmique et qui met immédiatement mal à l’aise, instaurant une tension assez forte et une atmosphère très lourde grâce notamment à des percussions inquiétantes. Les hommes, des brutes sanguinaires, pénètrent dans le saloon et sèment immédiatement la terreur, tuant de sang froid sans s’enfuir pour autant mais restant au contraire en terrain conquis : "We own this town" dira d’emblée le chef de bande interprété par Vic Morrow (l’inoubliable adolescent chahuteur dans le superbe Graine de violence – Blackboard Jungle de Richard Brooks). On peut affirmer sans grande crainte de se tromper, qu’à cette date, Crip était alors peut-être le 'Bad Guy' le plus sadique vu jusqu’à présent dans un western ; un salaud intégral que le comédien interprète avec conviction. La principale erreur du scénariste aura été de nous faire côtoyer les bandits uniquement durant ces dix premières minutes ; pensant probablement (à juste titre) que de les avoir présentés de la sorte nous aura fait comprendre à quel point leur poursuite allait s’avérer dangereuse, il a néanmoins oublié qu’il allait ainsi créer un effet d’attente chez le spectateur qui au final n’allait pas être récompensé, ne croisant plus ensuite les hors-la-loi que quelques secondes en ombres chinoises ou derrière des fenêtres, rochers ou autres cachettes naturelles. Créer d’aussi ahurissants méchants pour ne plus nous les montrer par la suite peut très clairement faire naitre une cruelle déception ; la preuve !
En plus des surprenants éclairs de violence dues en grande partie à ces malfrats plus durs qu'à l'accoutumée (le meurtre du shérif ou des otages, toujours durant ce fabuleux prologue), l'époque permet également à ce que la jeune femme dise clairement et sans détours qu’elle a été violée par quatre hommes à tour de rôle, ce qui n’était évidemment encore pas courant au sein de la production hollywoodienne. Non seulement on le dit mais on discute crûment de la manière de pouvoir s’en sortir psychologiquement après un tel traumatisme ; la victime tentera d’ailleurs de se suicider avant bien plus tard de vouloir se donner bestialement à son sauveur, estimant qu’elle n’a désormais plus rien à attendre de beau de la vie !! L’actrice Zohra Lampert, à l’instar de Vic Morrow, est sortie de l’Actors Studio et, ainsi que son partenaire, s’avère tout à fait convaincante malgré son faible temps de présence à l’écran. Une autre curiosité de ce western est son épilogue d’au moins dix minutes après la mort du dernier bandit (là où habituellement le film se serait terminé) ; sauf que pour le coup, c’est pour finir le film sur un ton moralisateur et sirupeux qui ne cadre pas très bien avec tout ce qui a précédé. Enfin, pour en terminer avec les ‘originalités’ destinées à montrer un plus grand vérisme, repensons à cette séquence au cours de laquelle Audie Murphy demande à John Saxon de se déculotter afin qu’il lui applique de la pommade sur les fesses ‘abîmées’ par des ampoules dues à son manque d’habitude à chevaucher. John Saxon (le Johnny Portugal de The Unforgiven – le Vent de la plaine de John Huston) interprète avec talent le Tenderfoot (pied-tendre) de l’expédition punitive, un homme qui ne cache pas détester l’Ouest américain et sa violence, ne rêvant que de revenir à New York pour participer aux cocktails organisés au sein de la maison-mère de la plus modeste agence bancaire située à Paradise où il a atterri malgré lui. Il s’agit du personnage le plus intéressant du film, un homme qui s’avèrera le plus digne de confiance de tous, sans la moindre forfanterie, assumant ses goûts et mode de vie, ses limites en tant que cavalier, sans se soucier de ce qu’on pourrait en penser.
Parmi les autres membres du groupe de poursuivants, un indien foncièrement honnête qui décide d’apporter son aide par pur altruisme, "because it's the right thing to do" (Rodolfo Acosta dans un de ses rares rôles sympathique), un vieux soldat va-t-en-guerre qui n’en a cure de faire échouer l’expédition si c'est pour prouver son courage et retrouver l’ivresse du combat (Robert Keith), ou encore un jeune fou de la gâchette qui perdra tous ses moyens au moment de devoir réellement se défendre (Paul Carr). L’homme qui a été choisi pour les diriger, c’est Audie Murphy une fois de plus très convaincant dans un rôle plutôt complexe, celui d’un ex-homme de loi qui semblerait avoir eu des problèmes à cause de son comportement un peu trop violent et qui serait entre temps devenu, probablement blessé moralement, un aventurier pas forcément recommandable mais surtout amer et désabusé. Quant le shérif mourant le sollicite pour rattraper les coupables, il lui demande bien de ne pas s'en occuper par vengeance mais pour faire revenir la paix à sa ville dont les citoyens ont souffert suite au passage des violents hors-la-loi : "Ne le fais pas pour moi, pas par vengeance, mais pour aider les gens de cette ville". Le moribond espère ainsi que cette mission redonnera à son ami pistolero l’estime de lui-même qu’il semble avoir perdu ainsi qu'une meilleure impression sur la nature humaine. Et en effet, on le verra s’humaniser au fur et à mesure de son parcours, et même retrouver un certain optimisme quant à ses semblables (même si ceci n'ira pas sans lourdeurs, naïvetés et mièvrerie dans le discours durant ce final peu gratifiant). Du côté des 'Bad Guys', outre un Vic Morrow mémorable, on note la présence de Lee Van Cleef qui déclarera très injustement dans une interview que ce fut le plus mauvais film de sa carrière. Enfin, parmi les citoyens de Paradise, on reconnait aussi l’excellent Ray Teal dans le rôle du banquier ou encore Royal Dano dans celui de l’oncle d’Helen. Une bien belle brochette de comédiens habitués du genre et que l'on prend plaisir à rencontrer de nouveau.
Un western de série B assez fauché (les décors des intérieurs sont minimalistes et toutes les séquences de nuit ont été tournées en studio), non dépourvu de stéréotypes et à la mise en scène ultra-classique mais sinon plutôt efficace (malgré une impression de déjà-vu dominante) et attachant notamment par le fait de nous rendre témoins de la naissance d'une amitié entre deux personnages aux caractères antagonistes (ceux joués par Audie Murphy et John saxon) et de leur intéressante évolution au fur et à mesure de leur parcours. Hormis un final au ton moralisateur assez pénible, un film à la tonalité plutôt sombre, agréable à suivre pour sa belle brochette de comédiens, ses superbes décors naturels de Lone Pine et des Alabama Hills et sa très belle photographie. Un western de série B assez conventionnel mais loin d'être désagréable ; un de plus dans la filmographie de très belle tenue du comédien Audie Murphy.